En cours au Siège de l'ONU

7443e séance – matin
CS/11892

La Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et le Chef de la MANUI appellent la communauté internationale à maintenir son appui à l’Iraq

Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), M. Ján Kubiš, et la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, Mme Valerie Amos, ont tous deux présenté, ce matin devant le Conseil de sécurité, des exposés sur la situation sécuritaire, politique et humanitaire prévalant dans le pays, exhortant la communauté internationale à maintenir son soutien et son aide à l’Iraq.

« Un appui politique, financier et matériel continu et à long terme à l’Iraq, à son gouvernement et à son peuple de la part de la communauté internationale, et en particulier des pays de la région, est nécessaire pour leur permettre de transformer leurs chances en réalités, pour le bénéfice de l’Iraq, de la région et au-delà », a déclaré M. Kubiš, qui présentait le « troisième rapport du Secrétaire général en application du paragraphe 6 de la résolution 2169 (2014) »*. 

« Nous devons faire plus pour protéger les civils iraquiens contre la violence croissante » et « nous devons élargir l’assistance fournie aux personnes affectées dans toutes les régions du pays », a insisté, de son côté, Mme Amos.

Dans son rapport*, qui fait le point de la situation en Iraq et sur les activités menées par les organismes des Nations Unies dans le pays au cours des trois derniers mois, le Secrétaire général souligne que « si la situation en matière de sécurité et sur le plan humanitaire reste complexe, volatile et difficile à gérer, les Iraquiens et leurs partenaires régionaux et internationaux ont ensemble accompli des progrès dans la lutte contre l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ».

L’ONU, écrit-il, « est résolue à continuer d’aider le peuple et le Gouvernement iraquiens à relever les énormes défis qui se présentent à eux et à mener une « évaluation stratégique des Nations Unies pour étudier la manière dont les organismes du système de l’ONU peuvent au mieux aider l’Iraq dans un avenir proche ».  Les résultats de cette évaluation seront présentés dans le prochain rapport sur la MANUI.

M. Kubiš a indiqué que depuis son arrivée à Bagdad à la fin du mois de mars, il s’était efforcé de rencontrer un éventail aussi large que possible de responsables politiques, communautaires et religieux afin d’« entendre leurs points de vue sur la façon dont l’Iraq et ses différentes composantes peuvent surmonter les défis et les menaces que le pays affronte » pour « mettre le cap vers l’unité, la coopération, la réconciliation, la stabilité et le développement ».

En dépit de grandes différences d’opinions et d’approches, il y a, a-t-il dit, un « consensus général » selon lequel pour vaincre l’« ennemi commun de l’Iraq », à savoir l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), « l’unité et la coopération entre toutes les composantes de la société iraquienne sont nécessaires », et que la façon d’y parvenir est d’« accélérer » les efforts en ce sens.

Le Chef de la MANUI a déclaré que les forces de sécurité iraquiennes, avec le concours des peshmerga kurdes, des forces de mobilisation populaire, de volontaires de tribus sunnites alliées, soutenus par la coalition internationale et les pays de la région, réalisaient des progrès en vue de libérer le territoire contrôlé par l’EIIL.

« Ils sont les sauveurs de l’Iraq », a-t-il déclaré, précisant néanmoins que l’EIIL était « loin d’être vaincu » et que les succès du Gouvernement restaient relativement « fragiles ».  « Une capacité de libérer une ville, un territoire, ne signifie pas nécessairement une capacité à les tenir durablement », a-t-il observé.

Le Représentant spécial a souligné que « de vastes régions de l’Iraq et des millions d’Iraquiens restent sous le contrôle et l’influence de l’EIIL, qui continue à commettre des crimes horribles et des violations des droits de l’homme contre le peuple iraquien, y compris les femmes, les enfants et les minorités ».

« L’EIIL a récemment ajouté à ses crimes la destruction barbare du patrimoine culturel et historique de l’Iraq dans une autre tentative de détruire son identité nationale », a indiqué le Représentant spécial.

Pour M. Kubiš, « les efforts menés par le Gouvernement pour fournir l’appui financier et matériel nécessaire aux tribus et aux autorités locales doivent être accélérés ».  Il s’est félicité, à cet égard, de la création récente d’un comité gouvernemental chargé de superviser la répartition et la mise en œuvre de l’aide.  

Il a également salué la détermination du Gouvernement iraquien à exercer un « contrôle ferme sur tous les éléments participant à des opérations de libération à travers l’Iraq » et à « demander des comptes à ceux qui ont commis des crimes », tels des « éléments opportunistes et criminels qui continuent de se livrer à des atrocités, à des meurtres par vengeance, à des pillages, à des expropriations et à la destruction des biens de la population locale et des personnes déplacées ».

Dans la majorité de ses rencontres avec les représentants politiques de l’Iraq, le Chef de la MANUI a dit qu’il avait entendu un seul message: « une solution militaire à elle seule ne suffira pas pour vaincre l’EIIL ».  « Pour que les gains militaires puissent être durables, le Gouvernement iraquien doit aussi restaurer la confiance des communautés touchées dans le fait qu’elles assumeront une part de la gouvernance pour les questions qui les concernent, ainsi que celle que ces groupes doivent avoir dans la capacité de l’État à assurer leur protection contre la violence, à rendre la justice et à créer des conditions pour leur participation équitable dans la société. »

Le Représentant spécial a demandé « instamment aux membres du Conseil de sécurité et à l’ensemble de la communauté internationale de soutenir les efforts du Gouvernement iraquien et de fournir un financement des multiples besoins ».  « En dépit d’être un pays à revenu intermédiaire, l’Iraq est momentanément dans l’incapacité de faire face seul aux défis sécuritaire, humanitaire, de stabilisation et de réhabilitation qui se posent à lui », a-t-il déclaré, notant que « la réponse de la communauté internationale est tout à fait insuffisante ».

Le manque de soutien est susceptible de « gâcher les opportunités existantes qui pourraient permettre à l’Iraq de réussir dans sa lutte contre le terrorisme, pour en faire un exemple pour les autres parties de la région et au-delà ».  « Sans un tel soutien, cette chance fragile pourrait disparaître. »

De même, M. Kubiš a estimé que les processus politiques et les efforts de réconciliation nationale sont essentiels pour surmonter les défis sous-jacents auxquels est confronté l’Iraq.  Il a prié « instamment » les dirigeants politiques iraquiens de « travailler ensemble pour trouver un consensus », alors que le Gouvernement et le Parlement de l’Iraq s’efforcent de trouver les mesures nécessaires pour accélérer l’adoption et la promulgation de lois.  « Ces efforts vers le dialogue politique doivent également être accompagnés par des efforts pour promouvoir la réconciliation au niveau communautaire », a-t-il jugé.

Concernant le Kurdistan iraquien, il a encouragé les deux parties à « continuer à travailler ensemble en vue de résoudre les questions en suspens et de promulguer la législation nécessaire pour assurer la gestion durable et la distribution équitable des ressources naturelles de l’Iraq ».

Le Représentant spécial s’est aussi penché sur le volet humanitaire, développé ensuite par Mme Amos, affirmant que plus de 8,2 millions de personnes en Iraq avaient besoin d’aide, y compris les 2,8 millions de personnes qui ont été déplacées au cours de cette dernière année et sont désormais dispersées dans 3 000 lieux différents.  

« La situation est susceptible d’empirer dans les prochains mois », a-t-il dit.  « Traiter l’actuel Niveau Trois d’urgence humanitaire et préparer suffisamment ce qui nous attend, nécessite un financement international massif », a-t-il ajouté, indiquant que plus de 60% de toutes les opérations humanitaires étaient exposées à une réduction ou à une cessation d’activités dans les prochains mois faute de financement.

« Les répercussions de cette situation sont énormes », a dit M. Kubiš qui a souligné que les évaluations récentes montraient un doublement du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire en Iraq, soit 4,4 millions.  

Un nouveau plan d’intervention humanitaire prioritaire est en cours d’élaboration par l’équipe humanitaire de pays, avec le soutien d’experts du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), et il sera présenté aux partenaires à Bruxelles au début du mois prochain, a-t-il dit, avant de lancer un appel aux donateurs pour qu’ils appuient « généreusement ces efforts cruciaux ».  

M. Kubiš a également présenté aux membres du Conseil de sécurité le « sixième rapport** établi par le Secrétaire général en application du paragraphe 4 de la résolution 2107 (2013) du Conseil de sécurité ».

Ce rapport porte sur les faits nouveaux intervenus depuis le 30 janvier dernier concernant la « question des nationaux du Koweït et d’États tiers portés disparus ainsi que des biens koweïtiens disparus, notamment les archives nationales ».

De son côté, la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence a déclaré que les attaques ciblées contre des civils et les intimidations se poursuivaient dans le pays, en particulier dans les régions d’Anbar, de Diyala, de Kirkouk, de Ninive et dans le gouvernorat de Salah al Din.  Les déplacements ont lieu « sans relâche », a-t-elle dit, relatant par exemple celui d’environ 120 000 personnes de Ramadi à Anbar, qui a eu lieu le mois dernier, témoignant ainsi de la « situation fragile en Iraq ».

Mme Valerie Amos s’est dite également « extrêmement préoccupée » par la situation des « millions d’Iraquiens qui vivent dans les zones échappant au contrôle du Gouvernement, y compris sous le contrôle de l’EIIL ».  

« Les femmes et les filles continuent de subir d’horribles actes de violence sexuelle, de violence physique et l’esclavage », a expliqué la Secrétaire générale adjointe.  Les quelques femmes et filles qui ont réussi à s’échapper au cours des derniers mois racontent des histoires épouvantables de viols systématiques, de violence physique, de mariages forcés et de traite des personnes.  Les communautés ont accueilli ces femmes et ces filles à leur retour, mais ont du mal à faire face à l’ampleur de la souffrance que leurs mères, leurs sœurs et leurs filles ont endurée.

Selon Mme Amos, « une génération entière d’enfants iraquiens a été mise en péril par le conflit ».  « Ils ont été recrutés de force dans des groupes armés, utilisés comme kamikazes et exposés à des niveaux profonds de violence qui les affecteront pour le reste de leur vie. »

La crise en Iraq a également eu un impact significatif sur l’accès aux services de base, aux biens alimentaires et à des abris.  « Près de sept millions de personnes, soit 20% de la population, sont incapables d’accéder aux services de santé essentiels, à l’eau et à l’assainissement, en raison du conflit », tandis que « l’insécurité alimentaire a augmenté de 60% en six mois ».

La Coordonnatrice des secours d’urgence du système de l’ONU a affirmé que les perspectives humanitaires en Iraq demeuraient « profondément préoccupantes ».  « Le nombre de personnes ayant besoin d’aide a été multiplié par sept depuis l’attaque de Mossoul, il y a près d’un an », a-t-elle dit, estimant que ce chiffre pourrait croître avant la fin de l’année, « alors que le conflit se poursuit et que la crainte des représailles sectaires se propagent à travers les zones nouvellement accessibles ».

« Nous devons faire davantage pour protéger les civils iraquiens », a demandé Mme Amos.  Répondre aux besoins humanitaires en Iraq « nécessite une action collective », a-t-elle ajouté, observant toutefois que « l’assistance humanitaire à elle seule ne constituera pas une solution à la crise en Iraq ».  « Les conflits politiques et de sécurité en cours doivent être résolus, afin de mettre fin au déplacement et à la souffrance d’un quart de la population du pays. »

Le représentant de l’Iraq, M. Mohamed Ali Alhakim, a, quant lui, déclaré que son pays faisait face à des défis inédits, en particulier les crimes terroristes, qui requièrent de la communauté internationale un « travail collectif et sérieux » et une « coordination accélérée ». 

M. Alhakim a fait état d’un « terrorisme mondialisé ».  Les terroristes présents sur le territoire iraquien sont issus de 62 pays, a-t-il expliqué, ajoutant qu’en dépit des efforts déployés par l’Iraq et ses partenaires internationaux, « le flux de combattants terroristes étrangers continue ».

Le délégué iraquien a demandé à tous les États Membres de respecter les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2178 (2014), et de prendre les mesures nationales adéquates « pour empêcher les combattants étrangers de rejoindre Daech ou les groupes associés à cette organisation ».

Cette lutte nécessite une « approche compréhensive, régulière, sérieuse » de la part de tous les États Membres, en particulier les pays voisins de l’Iraq, a souligné M. Alhakim, qui a également mis l’accent sur la nécessité de parvenir à une solution pacifique en Syrie.

Le représentant de l’Iraq a, d’autre part, longuement insisté sur la catastrophe humanitaire dans son pays « du fait du contrôle de villes par des organisations terroristes ».  « Deux millions de déplacés souffrent immensément aujourd’hui », a-t-il dit, précisant que cette crise « qui ne fait que de se détériorer » était un « fardeau lourd pour le Gouvernement iraquien et les Nations Unies.

La seule solution à cette tragédie humaine est la libération des villes contrôlées par Daech, a estimé M. Alhakim, qui a demandé à la communauté internationale de mobiliser les ressources et de renforcer les efforts nécessaires pour venir à bout du terrorisme.

Il a par ailleurs rappelé que l’EIIL cherchait à détruire le patrimoine culturel et historique de l’Iraq, et par conséquent sa diversité et son identité.  M. Alhakim a ainsi demandé aux États Membres d’adopter un projet de résolution à l’Assemblée générale réitérant la nécessité de préserver le patrimoine iraquien.

Le représentant a également fait état des efforts entrepris par le Gouvernement iraquien dans le domaine du renforcement de la démocratie et de la promotion des relations avec les États voisins.

 

* S/2015/305
** S/2015/298

 

 

 

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