Rendre la justice en Libye pour les crimes les plus graves nécessite la participation d’acteurs locaux et d’experts internationaux, estime la Procureure de la Cour pénale internationale
Faisant le point devant le Conseil de sécurité des travaux de la Cour pénale internationale (CPI) concernant la Libye, la Procureure, Mme Fatou Bensouda, a plaidé aujourd’hui en faveur de l’inclusion d’acteurs locaux dans le processus et de la création d’un groupe de contact international sur les questions judiciaires pour aider le pays en matière de justice transitionnelle. Les autorités libyennes sont conscientes de leur responsabilité de rendre la justice sur le territoire libyen et de la complémentarité du système de justice de la CPI, a affirmé le représentant de ce pays, après que les 15 membres du Conseil aient pris la parole.
La Procureure s’est tout d’abord dite préoccupée par la situation en matière de sécurité qui continue de se détériorer en Libye, inquiétude partagée par les 15 membres du Conseil de sécurité. Elle a dénoncé les assassinats brutaux, les attentats terroristes, les menaces visant le personnel des médias, les défenseurs des droits de l’homme et, en particulier, les femmes.
Comme les membres du Conseil, Mme Bensouda a souhaité que la recherche d’une solution politique aboutisse au plus vite, qu’elle a considérée comme étant le seul moyen de rétablir la stabilité dans le pays et de rendre la justice pour les crimes relevant du Statut de Rome.
La Procureure a indiqué que son Bureau avait encouragé la création d’un groupe de contact judiciaire. Elle a ainsi invité tout pays doté d’une bonne expérience en matière de justice transitionnelle à aider la Libye à mettre en place un tel groupe. Plusieurs délégations, comme l’Espagne, ont soutenu cette proposition, tandis que celle du Chili a annoncé que son pays apporterait son aide à ce groupe. Le représentant de la Libye, M. Ibrahim Dabbashi, a apprécié cette proposition et a assuré qu’il consulterait les parties concernées sur la question.
Convaincue qu’il est crucial d’inclure les acteurs locaux dans ce processus, la Procureure s’est félicitée des efforts menés en ce sens par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et la Mission permanente de la Libye auprès des Nations Unies. Elle a réitéré sa demande aux autorités libyennes pour qu’elles permettent la visite de représentants des conseils locaux de Misrata et de Tawergha à New York. À cette demande, le représentant libyen a répondu que la Libye le fera « à condition que le Conseil de sécurité le juge nécessaire ».
La compétence de la CPI s’étend aux crimes commis par les groupes extrémistes, a également déclaré la Procureure, avant de rappeler en même temps aux États leur obligation d’enquêter et de poursuivre en justice leurs ressortissants qui ont rejoint les forces d’EIIL/Daech et qui auraient commis des crimes relevant de la compétence de la Cour.
Mme Bensouda a de nouveau lancé un appel aux parties pour qu’elles s’abstiennent de prendre pour cibles les civils ou des biens civils, et de commettre tout autre crime relevant de la compétence de la CPI. Son Bureau, a-t-elle averti, envisage d’enquêter sur d’autres affaires et de traduire en justice les auteurs de crimes graves.
Tout en soulignant la coopération effective du Bureau du Procureur général de la Libye avec la Cour, la Procureure a souligné à nouveau l’absence d’application de certaines ordonnances de la CPI par le Gouvernement libyen, notamment celle qui demandait de déférer devant la Cour M. Saif Al-Islam Kadhafi.
Pour ce qui est de l’affaire Abdullah Al-Senussi, la Procureure a indiqué que son Bureau n’était pas en possession de faits nouveaux qui permettraient d’infirmer la décision d’irrecevabilité. Le Bureau continue toutefois à suivre de près les procédures engagées contre l’intéressé devant les juridictions nationales.
Le représentant de la Libye a souligné l’insécurité dans laquelle travaille le Bureau du Procureur, ce qui explique, a-t-il dit, que les deux affaires dont sont saisies les juridictions nationales n’aient pas encore pu être menées à leur terme. Les autorités libyennes ont cependant prouvé qu’elles pouvaient traduire en justice les principaux responsables des crimes de 2011, a-t-il fait remarquer.
La Libye est déterminée à respecter les lois nationales et les instruments juridiques internationaux, à reprendre les procès en cours, à remettre en place les institutions de l’État à Tripoli et au centre de détention actuellement contrôlé par les milices, à assurer réparation aux victimes, ainsi que le retour des personnes déplacées, a assuré M. Dabbashi.
LA SITUATION EN LIBYE
Déclarations
Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale, a indiqué que la situation en matière de sécurité en Libye continuait de se détériorer, en s’inquiétant notamment du sort des civils innocents. Elle a dénoncé les assassinats brutaux, les attentats terroristes, les menaces visant le personnel des médias, les défenseurs des droits de l’homme et, en particulier, les femmes. La Libye, a-t-elle ajouté, continue d’avoir deux gouvernements qui se disent tous deux légitimes. C’est pourquoi, elle a invité la communauté internationale à se montrer proactive dans la recherche de solutions, en vue d’aider la Libye à rétablir la stabilité et à renforcer le principe de responsabilité au vu des crimes relevant du Statut de Rome. Elle a indiqué que son Bureau avait encouragé la mise sur pied d’un groupe de contact sur les questions judiciaires. Un État qui aurait une expérience en matière de justice transitionnelle pourrait devenir partenaire de la Libye pour trouver les moyens de mettre en place un tel groupe, a-t-elle proposé.
La Procureure a jugé crucial d’inclure les acteurs locaux dans ce processus et s’est félicitée des efforts menés en ce sens par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et la Mission permanente de la Libye auprès des Nations Unies. Elle a réitéré sa demande aux autorités libyennes pour qu’elles facilitent la visite de représentants des conseils locaux de Misrata et de Tawergha à New York et rencontrent ainsi les membres du Conseil de sécurité. Pour elle, trouver une solution à la question de Tawergha serait une étape symbolique pour la Libye.
Mme Bensouda a déploré la violence accrue en Libye et son impact sur la population civile et les institutions. Il est essentiel, a-t-elle soutenu, de traduire en justice les auteurs de violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire. Rappelant l’appel du Conseil de sécurité de juger les auteurs de ces actes qui se réclament de l’EIIL ou Daech, elle a estimé que la compétence de la CPI s’étendait aux crimes commis par ces groupes extrémistes. Elle a cependant rappelé qu’il incombait en premier lieu aux États de lancer des enquêtes et de poursuivre en justice leurs ressortissants qui ont rejoint les forces d’EIIL/Daech et qui auraient commis des crimes relevant de la compétence de la CPI.
Mme Bensouda s’est également dite préoccupée par les attaques aveugles lancées dans des zones très peuplées par les forces à la fois de Libya Dawn et de Operation Dignity, qui font des morts parmi les civils, en particulier à Benghazi, Tripoli, Warshefana et dans les monts Nafusa. Elle a de nouveau lancé un appel aux parties pour qu’elles s’abstiennent de prendre pour cibles les civils ou des biens civils, et de commettre tout autre crime relevant de la compétence de la CPI. Les parties doivent en outre prendre les mesures nécessaires pour prévenir de tels crimes. Son Bureau, a-t-elle averti, envisage d’enquêter sur d’autres affaires et de traduire en justice les auteurs de crimes graves.
Malgré la coopération du Bureau du Procureur général de la Libye avec la Cour, la Procureure a souligné à nouveau l’absence d’application des ordonnances de la CPI par le Gouvernement libyen, notamment celle qui demandait de déférer devant la Cour M. Saif Al-Islam Kadhafi et de restituer à la Cour des documents originaux saisis par les autorités libyennes. Le Conseil de sécurité a été saisi de ce problème, a-t-elle rappelé, en assurant que son Bureau continuait de demander aux autorités libyennes de se conformer aux décisions de la Cour. Elle a souligné, à cet égard, l’importance des consultations constructives menées avec le Bureau du Procureur général libyen pour régler tout problème qui fasse obstacle à l’exécution de ces requêtes.
Passant à l’affaire Abdullah Al-Senussi, la Procureure a rappelé qu’aucune décision n’avait encore été prise concernant une éventuelle demande de réexamen au titre de l’article 19 (10) du Statut de Rome. Son Bureau a cependant demandé des informations sur les procédures lancées par les juridictions nationales contre l’intéressé et a entamé des démarches pour obtenir des données et des analyses auprès d’observateurs indépendants de ce procès. Le Bureau du Procureur de la CPI a reçu des informations de la MANUL sur les procédures nationales, ainsi que du Procureur général et de membres de la société civile, a indiqué Mme Bensouda. Son Bureau, a-t-elle dit, a conclu qu’il n’était pas en possession de faits nouveaux infirmant les raisons pour lesquelles l’affaire avait été jugée irrecevable. Le Bureau continuera à suivre de près la situation en Libye et les procédures engagées devant les juridictions nationales contre M. Al-Senussi, a assuré la Procureure en conclusion.
Mme DINA KAWAR (Jordanie) a souligné que le succès de la Cour dépendait essentiellement des consultations et de la mise en place d’une coopération mutuelle, en invitant le Gouvernement libyen à coopérer pleinement avec la Cour. Tout en reconnaissant les difficultés rencontrées par la Libye aujourd’hui, elle l’a invitée à œuvrer en vue de renforcer l’état de droit.
La déléguée jordanienne a souligné l’importance d’établir une justice pénale comme pilier essentiel de la stabilité du pays. Elle a appelé la communauté internationale à apporter un plein appui aux institutions légitimes de l’État libyen et à mettre un terme à toutes les hostilités sur le territoire libyen.
M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a estimé que tant que la paix et la stabilité ne seront pas assurées en Libye, il ne sera pas possible de faire fonctionner les institutions judiciaires et de poursuivre les auteurs de crimes et de violations du droit international. Le délégué de l’Angola a invité les parties concernées à résoudre la crise par la voie d’un dialogue inclusif et à faire cesser immédiatement les affrontements.
M. YONG ZHAO (Chine) s’est dit préoccupé par la détérioration de la situation en Libye. Il a émis l’espoir que le processus politique inclusif pourrait quand même se poursuivre. Il faut parvenir à un règlement politique qui prenne en compte les intérêts de toutes les parties, a-t-il insisté car, a-t-il rappelé, c’est le seul moyen de rendre la justice dans le pays. La position de la Chine est cohérente et reste inchangée sur ce dossier, a-t-il ajouté.
M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a regretté la détérioration de l’état de droit en Libye. Il a noté le mépris exprimé pour les droits de l’homme par des groupes armés différents, y compris contre des journalistes, des militantes et des défenseurs des droits de l’homme. Le conflit en cours a ravagé le système de justice qui, a-t-il fait remarquer, est pourtant essentiel à la promotion des droits de l’homme. Le représentant des États-Unis s’est dit très préoccupé par cette violence et par les intimidations, en soulignant qu’il était urgent de mettre sur pied des institutions fortes en Libye. La nécessité de rétablir l’état de droit et de protéger les droits de l’homme passe par la constitution d’un gouvernement d’unité nationale, et non une solution militaire, a-t-il soutenu. Sa délégation, a-t-il assuré, apprécie les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général en Libye pour unir les parties. Le système judiciaire doit être renforcé et, en particulier, le transfert des détenus, a ajouté le représentant. Avant de conclure, il s’est joint à l’appel lancé par la Procureure de la Cour pénale internationale de ne plus prendre pour cible les civils. Les autorités libyennes doivent, quant à elles, honorer leurs obligations et coopérer pleinement avec la Cour.
Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) s’est dite préoccupée par la situation qui prévaut en Libye, en condamnant les violences commises. Il ne peut y avoir de solution militaire en Libye, a-t-elle dit. Elle a indiqué que son pays partageait les préoccupations de la Procureure de la Cour pénale internationale au sujet des crimes graves commis par les milices et groupes armés en Libye, dénonçant en particulier les attaques de Daech.
Les civils de part et d’autre du conflit ont été délibérément pris pour cibles, a-t-elle dit. Le Royaume-Uni, a-t-elle assuré, se joint à l’appel lancé par la Procureure demandant à toutes les parties de ne pas prendre pour cibles des civils.
La représentante a souligné l’importance de la poursuite de la coopération judiciaire entre le Bureau de la Procureure et des autorités libyennes afin de mieux lutter contre l’impunité. Elle a en particulier demandé à la Libye de transférer Saif Al-Islam Qadhafi à La Haye.
M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne) a affirmé que la paix et la sécurité internationales reposaient sur le respect de l’état de droit et de la loi, en précisant que le Conseil de sécurité avait été à la hauteur de ce défi. Il a exprimé par ailleurs la préoccupation de son pays à l’égard de la détérioration de la situation en Libye, qui est en proie à des violations des droits de l’homme. Il a en particulier condamné les actes de barbarie commis par Daech qui, a-t-il dit, peuvent relever de la compétence de la CPI.
Le représentant de l’Espagne a mis l’accent sur la nécessité de parvenir à un accord le plus vite possible sur la constitution d’un gouvernement d’unité nationale. La Libye doit respecter ses obligations à l’égard de la CPI et du Conseil, a—t-il déclaré, en précisant que les résolutions de ce dernier étaient contraignantes.
Sa délégation soutient la proposition de la Procureure de la CPI d’établir un groupe de contact qui fournirait un appui aux autorités et au système judicaire libyens, a-t-il ajouté, en demandant à Mme Bensouda de fournir des précisions sur la mission de ce groupe de contact.
M. TANGUY STEHELIN (France) a invité les autorités libyennes à continuer de coopérer avec la CPI, précisant que cette coopération était cruciale pour mettre un terme à une longue période d’impunité en Libye et pour permettre à la Cour de s’acquitter efficacement du mandat qui lui a été confié par le Statut de Rome et par le Conseil de sécurité. Ces échanges, a-t-il dit, contribueront à l’édification d’un système judiciaire respectueux de l’état de droit en Libye.
Le représentant a également encouragé à ne pas laisser impunis les multiples crimes commis depuis le 15 février 2011, en notant à cet égard le passage du rapport de la Procureure de la Cour, Mme Bensouda, qui souligne que les crimes imputables aux membres de Daech relèvent, prima facie, de la compétence de la CPI sur la base de la résolution 1970 (2011).
Enfin, M. Stehelin a appelé à soutenir concrètement les autorités libyennes, en particulier dans le domaine de la justice et de la reconstruction de l’état de droit. Le Conseil de sécurité reste persuadé, a-t-il assuré, que la solution à la crise libyenne ne peut être que politique. Il est essentiel que le Conseil de sécurité continue d’apporter son soutien à la médiation des Nations Unies et notamment à la mise en place rapide d’un gouvernement d’unité nationale, a-t-il souligné avant de conclure.
M. RAFAEL DARIO RAMIREZ CARREÑO (Venezuela), dont le pays est partie au Statut de Rome depuis 2002, a assuré que le Venezuela défendait le rôle de cette institution judiciaire internationale et encourageait l’exécution de ses décisions. Les États devraient s’abstenir de signer des accords d’immunité avec ceux qui ne sont pas parties à la CPI, a-t-il insisté, en dénonçant cette pratique qui est contraire à l’esprit du Statut de Rome. Il a émis la crainte de voir l’autonomie et l’indépendance de la CPI menacées par la politisation dont elle fait l’objet. Il a donc appelé à régler les affaires dont la Cour est saisie au sein même de cette juridiction et non pas dans un autre cadre.
Le représentant a ensuite dénoncé les attaques visant les civils et les violations des droits de l’homme en Libye, qui ont une incidence sur les activités des militants et sur le travail des magistrats. Il s’est dit inquiet du maintien en détention de M. Saif Al-Islam Qadhafi par la tribu de Zintan, depuis sa capture. Les autorités libyennes, a-t-il souhaité, doivent coopérer avec la Cour pour assurer son transfert devant cette juridiction. Le représentant s’est également élevé contre les attaques perpétrées par les groupes terroristes d’Al-Qaida, de l’EIIL et des groupes qui leur sont associés, avant de demander de tout faire pour mettre fin à l’impunité qui sévit dans le pays. Il a aussi plaidé pour la mise en place d’institutions judiciaires solides.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a affirmé que la situation en Libye continuait d’être une source de préoccupations multiples. La Libye est devenue un point chaud qui clignote constamment sur la carte géopolitique, a-t-il dit, en émettant l’espoir qu’une formule de règlement politique soit trouvée pour mettre fin à la violence et assurer la stabilité du pays.
Le représentant russe a estimé que les rapports de la Procureure de la Cour présentaient un caractère de plus en plus descriptif et ne disaient presque plus rien sur les procédures en cours.
M. CARLOS OLGUÍN CIGARROA (Chili) a demandé au Gouvernement libyen de mettre en place des stratégies de coopération efficace pour faire face aux crimes atroces et au problème des déplacés. Il a appuyé les efforts visant à trouver une solution politique inclusive en Libye basée sur le respect des droits de l’homme, notamment pour les parties les plus vulnérables. Saluant le travail accompli par le Bureau du Procureur de la CPI, il l’a invité à poursuivre dans cette voie. Il a aussi salué la coopération et l’assistance qui ont été établies entre le Bureau du Procureur de la Cour et la Libye. Il a apprécié l’idée de créer un groupe de contact international comme l’a proposé la Procureure, en assurant que son pays était disposé à coopérer activement à cette initiative, compte tenu de l’expérience du Chili en matière de justice transitionnelle.
Le Conseil de sécurité doit suivre de près les dossiers en cours devant la CPI, a-t-il aussi demandé, avant de soulever le problème de ressources de la Cour.
M. PHILIP TAULA (Nouvelle-Zélande) s’est dit préoccupé par la poursuite des violences et de la crise politique en Libye, ainsi que par les répercussions de la crise sur les pays voisins, les États de la région du Sahel-Unis et, plus largement, ceux de l’Union africaine. La délégation néo-zélandaise, a-t-il ajouté, partage également la profonde préoccupation exprimée par la Procureure en ce qui concerne les crimes graves contre des civils en Libye commis au nom de Daech.
La violence en cours et l’absence de contrôle de l’État en Libye rendent la poursuite de la justice particulièrement difficile, a-t-il estimé, en appelant la Mission de l’ONU et le Conseil de sécurité à œuvrer pour soutenir les efforts des autorités libyennes.
Le représentant a également salué la proposition de la Procureure de la Cour d’établir un groupe de contact judiciaire afin de mieux coordonner la fourniture de matériel et de soutien juridique aux autorités libyennes.
M. MARTIN SENKOM ADAMU (Nigéria) s’est félicité des efforts entrepris pour renforcer la coopération entre la CPI et les autorités libyennes. En ce qui concerne l’affaire contre M. Saif Al-Islam Qadhafi, il a estimé que sur la base de la décision de la Cour confirmant la recevabilité de l’affaire et conformément aux dispositions du Statut de Rome, la Libye devrait remettre l’intéressé à la Cour. Pour ce qui est de l’affaire concernant M. Abdullah Al-Senussi, le représentant du Nigéria a noté qu’il n’y avait pas de fait nouveau. Il s’est cependant félicité de la décision de la Cour de continuer à suivre les procédures engagées contre l’intéressé.
Le représentant s’est dit par ailleurs préoccupé par le manque de ressources et les obstacles liés à la violence en Libye qui rendent difficile le travail du Bureau du Procureur et de la Cour elle-même. Il a invité les autorités libyennes à travailler de concert pour arriver à une solution politique et mettre un terme à l’impunité dont bénéficient les milices et les groupes armés. Enfin, il a condamné les attaques perpétrées par l’EIIL et autres groupes terroristes, notamment les crimes commis contre des civils, avant d’appeler à en traduire en justice les auteurs.
M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a estimé que la situation politique et sécuritaire en Libye n’a fait que se détériorer, créant ainsi un terrain fertile à d’autres crimes pour des milices ou des groupes armés.
Il a également exprimé la préoccupation de son pays à l’égard du nombre record de personnes déplacées, un nombre huit fois plus élevé que pendant la crise de 2014. Le délégué malaisien s’est en outre déclaré préoccupé par le nombre de migrants morts en mer Méditerranée en tentant d’échapper à la crise dans leur pays.
M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) s’est dit préoccupé par la situation actuelle en Libye. Il a déploré en outre la lenteur des procédures judiciaires. Il a donc encouragé les autorités du pays à répondre aux demandes de la Cour pénale internationale et à respecter ses engagements dans le cadre du Protocole d’accord de 2013.
Le délégué tchadien a condamné les violences et violations commises sur le territoire libyen à l’encontre des membres de la société civile, des médias, des migrants. La communauté internationale doit de se mobiliser pour aider les autorités libyennes à mettre un terme aux violations massives des droits de
l’homme, du droit international humanitaire et à l’impunité, a-t-il dit. M. Cherif a mis l’accent sur l’importance du processus visant à trouver un accord final sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale susceptible de mettre fin aux hostilités.
Mme NIDA JAKUBONĖ (Lituanie) a exprimé la préoccupation de son pays concernant la forte détérioration de la sécurité en Libye, en faisant état des attaques sans discrimination dans des zones densément peuplées, des enlèvements de civils, de la torture, des exécutions illégales et des exécutions arbitraires avec des décapitations massives. L’impact croissant des groupes terroristes en Libye, en particulier ceux qui sont affiliés à Daech, est terrifiant, a-t-elle dit.
La Lituanie note avec préoccupation la lenteur des progrès qui ont été réalisés sur la question des détenus en Libye, a-t-elle par ailleurs souligné, en estimant que le Gouvernement libyen devrait redoubler d’efforts pour mettre fin à cette situation, libérer les détenus contre lesquels il n’y a pas de preuves et référer les cas où il existe des preuves devant les tribunaux nationaux, conformément à la législation nationale.
Pour la représentante de la Lituanie, la coopération internationale est essentielle pour parvenir à une paix véritable en Libye, à l’établissement d’un système judiciaire solide et efficace et respecter les droits de l’homme des citoyens libyens. Elle a soutenu la création du groupe de contact judiciaire, comme l’avait suggéré la Procureure, en notant que ce groupe pourrait fournir un soutien particulier dans la lutte contre l’impunité au niveau national.
M. IBRAHIM DABBASHI (Libye) a assuré que les autorités libyennes étaient conscientes de leur responsabilité de rendre la justice sur le territoire libyen et de la complémentarité du système de justice de la CPI. Il a salué les échanges productifs qui ont eu lieu entre le Bureau du Procureur général de la Libye et le Bureau du Procureur de la CPI. Il a apprécié la proposition de mettre en place un groupe de contact judiciaire pour aider les autorités judiciaires libyennes, assurant qu’il consulterait les parties concernées sur cette question. Il a également assuré que la Libye était prête à faciliter le déplacement de représentants officiels de Mistara à New York si le Conseil de sécurité le jugeait utile.
Le représentant a souligné l’insécurité dans laquelle travaille le Bureau du Procureur, ce qui explique que l’examen des deux affaires dont la justice libyenne est saisie qui n’ont pas encore pu être menées à leur terme. Les autorités libyennes ont cependant prouvé qu’elles pouvaient traduire en justice les principaux responsables des crimes commis en 2011, a-t-il dit. Il a assuré que les garanties contenues dans les lois nationales et les instruments internationaux avaient été respectées dans ces processus. Le Gouvernement libyen espère que les autorités légitimes pourront reprendre les procès, a-t-il ajouté. Le Gouvernement et le Parlement provisoires de la Libye sont déterminés à remettre en place les institutions de l’État à Tripoli ainsi qu’au centre de détention actuellement contrôlé par les milices, a souligné M. Dabbashi. Des mesures seront également prises pour mener à bien les procès en cours. La Libye, a-t-il déclaré, est déterminée à assurer réparation aux victimes, ainsi que le retour des personnes déplacées.
M. Dabbashi s’est félicité des mesures prises par la CPI pour lutter contre l’impunité des auteurs de crimes graves. Pour sa part, la Libye engagera en parallèle des procédures devant les juridictions nationales, a-t-il indiqué. Depuis 2011, les autorités libyennes s’efforcent de renforcer leur coopération avec la Cour, par le biais de réunions conjointes. M. Dabbashi a émis l’espoir que cette coopération positive se poursuivra avec la CPI pour qu’une justice pénale soit appliquée dans le respect de la souveraineté libyenne. « Nous espérons également que le dialogue qui se déroule actuellement au Maroc permettra de constituer un gouvernement d’unité nationale », a-t-il dit avant de conclure.
La Procureure de la Cour pénale internationale a repris la parole pour se féliciter de l’intérêt manifesté par l’Espagne et d’autres pays sur sa suggestion d’établir un groupe de contact judiciaire. Elle a, à cet égard, fourni quelques détails supplémentaires que lui avait demandés l’Espagne.
Ainsi, a-t-elle dit, un échange a déjà été initié entre la Libye et plusieurs États parties au Statut de Rome. La Libye doit s’imprégner de ce processus si l’on veut qu’il aboutisse, a souligné Mme Bensouda. Le groupe de contact, a-t-elle précisé, se penchera systématiquement sur les défis et les besoins du Gouvernement libyen pour faire progresser la cause de la justice dans le pays.