En cours au Siège de l'ONU

7401e séance – après-midi
CS/11810

Le Conseil de sécurité condamne avec la plus grande fermeté l’utilisation en Syrie de produits chimiques toxiques

e Conseil de sécurité a, cet après-midi, condamné « avec la plus grande fermeté toute utilisation comme arme en République arabe syrienne de quelque produit chimique toxique que ce soit, tel que le chlore ».

Par la résolution 2209 (2015), adoptée par 14 voix et une abstention (Venezuela), le Conseil de sécurité « constate avec une profonde inquiétude que des produits chimiques ont été utilisés en République arabe syrienne, ainsi qu’en a conclu avec un degré de certitude élevé la Mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ».

Le Conseil a également rappelé qu’il avait déjà décidé que la Syrie devait « s’abstenir d’employer, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir d’aucune manière, de stocker et de détenir des armes chimiques ou d’en transférer, directement ou indirectement, à d’autres États ou à des acteurs non étatiques ».

Les États-Unis ont rappelé que le Conseil de sécurité avait, il y a un an et demi, avait voté la résolution contraignante 2118 (2013) exigeant de la Syrie qu’elle s’abstienne d’utiliser, de fabriquer, de stocker et de détenir des armes chimiques.

Pour la France, la résolution d’aujourd’hui, votée 100 ans après la bataille d’Ypres de la Première Guerre mondiale, où furent utilisées pour la première fois des armes chimiques, adresse un « message clair et ferme de condamnation de tout emploi de produits chimiques toxiques en tant qu’armes de guerre en Syrie, par qui que ce soit ».

Le Venezuela a expliqué son abstention en estimant que ce texte préjugeait du résultat de l’enquête menée par OIAC.  « Nous pensons qu’il est nécessaire que l’enquête soit conclue avant l’adoption d’une telle résolution afin de déterminer les responsabilités quant à ces actes abominables », a dit son représentant.

La Fédération de Russie a, quant à elle, souligné que la mission d’établissement des faits de l’OIAC devait se fonder sur des critères de professionnalisme et d’objectivité complète. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Lettre datée du 25 février 2015, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2015/138)

Texte du projet de résolution S/2015/161

Le Conseil de sécurité,

Rappelant le Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (CIAC) et ses résolutions 1540 (2004) et 2118 (2013),

Rappelant qu’il a décidé dans sa résolution 2118 (2013) que la République arabe syrienne doit s’abstenir d’employer, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir d’aucune manière, de stocker et de détenir des armes chimiques ou d’en transférer, directement ou indirectement, à d’autres États ou à des acteurs non étatiques, et souligné qu’aucune des parties syriennes ne doit employer, mettre au point, fabriquer, acquérir, stocker, détenir ou transférer des armes chimiques,

Rappelant également que la République arabe syrienne a adhéré à la CIAC, faisant observer que l’utilisation comme arme chimique en République arabe syrienne de tout produit chimique toxique, tel que le chlore, constitue une violation de la résolution 2118 (2013), et faisant observer également que toute utilisation de tels produits constituerait une violation de la CIAC,

Notant que le chlore est le premier produit chimique à avoir été utilisé à grande échelle comme arme chimique durant la bataille d’Ypres, en avril 1915,

Prenant note des premier, deuxième et troisième rapports de la Mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui a été chargée de faire la lumière sur les allégations d’emploi de produits chimiques toxiques à des fins hostiles en République arabe syrienne,

Prenant note également de la décision du Conseil exécutif de l’OIAC en date du 4 février 2015, dans laquelle ce dernier, tout en formulant diverses observations sur les rapports susmentionnés, a exprimé sa vive préoccupation face aux conclusions que la Mission a établies, avec un degré de certitude élevé, selon lesquelles il a été fait usage de chlore à maintes reprises et de manière systématique en tant qu’arme en République arabe syrienne,

Notant qu’il s’agit là du premier cas jamais avéré d’utilisation de produits chimiques toxiques comme armes à l’intérieur du territoire d’un État partie à la CIAC,

Réaffirmant que l’emploi d’armes chimiques constitue une violation grave du droit international et réitérant que ceux qui y ont recouru de quelque manière que ce soit,

1.    Condamne avec la plus grande fermeté toute utilisation comme arme en République arabe syrienne de quelque produit chimique toxique que ce soit, tel que le chlore;

2.    Constate avec une profonde inquiétude que des produits chimiques toxiques ont été utilisés comme arme en République arabe syrienne, ainsi qu’en a conclu avec un degré de certitude élevé la Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC et note qu’un tel usage de produits chimiques toxiques comme arme constituerait une violation de la résolution 2118 (2013) et de la CIAC;

3.    Rappelle qu’il a décidé que la République arabe syrienne doit s’abstenir d’employer, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir d’aucune manière, de stocker et de détenir des armes chimiques ou d’en transférer, directement ou indirectement, à d’autres États ou à des acteurs non étatiques;

4.    Réitère qu’aucune des parties syriennes ne doit employer, mettre au point, fabriquer, acquérir, stocker, détenir ou transférer des armes chimiques;

5.    Exprime son soutien à la décision du Conseil exécutif de l’OIAC en date du 4 février 2015 tendant à ce que la Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC poursuive ses travaux, et en particulier étudie toutes les informations disponibles concernant les allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie, et se félicite que le Directeur général de l’OIAC ait l’intention d’inclure de nouveaux rapports de la Mission parmi les rapports mensuels qu’il lui présente;

6.    Souligne que les individus responsables d’une quelconque utilisation de produits chimiques comme arme, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, doivent être tenus responsables, et engage toutes les parties en République arabe syrienne à apporter leur pleine coopération à la Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC;

7.    Rappelle les décisions qu’il a prises dans sa résolution 2118 (2013), et décide à cet égard, dans l’éventualité de nouveaux manquements à ladite résolution, d’imposer les mesures prévues au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies;

8.    Décide de rester activement saisi de la question.

Déclarations

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a expliqué son abstention en disant que ce texte préjugeait du résultat de l’enquête menée par l’Organisation internationale des armes chimiques (OIAC).  Il est nécessaire, a-t-il dit, que l’enquête soit conclue avant l’adoption d’une telle résolution afin de déterminer les responsabilités liées à ces actes abominables.  La Syrie est victime de groupes terroristes qui disposent d’une forte capacité militaire, a-t-il fait remarquer, avant de condamner fermement l’utilisation des armes chimiques dans toutes les parties du monde.  Les informations communiquées par l’OIAC sont pertinentes, a-t-il estimé, en notant le retrait des armes chimiques du territoire de la Syrie.  Il apparaît ainsi clairement que la Syrie s’est acquittée de ses obligations en application de la résolution 2118, a-t-il déclaré.  Le représentant du Venezuela a ensuite réaffirmé l’appui de sa délégation aux efforts diplomatiques de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Staffan de Mistura.  Avant de conclure, il a cependant prévenu que la résolution adoptée aujourd’hui ouvrait une voie dangereuse vers le recours à l’usage de la force.

M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a affirmé que son pays s’était prononcé en faveur de cette résolution, guidée par son opposition de principe à l’utilisation de quelque produit chimique toxique que ce soit.  La mission de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) doit se fonder sur des critères de professionnalisme et d’objectivité complète. 

Toute tentative d’établir des faits sans preuves est inacceptable et ne devrait pas donner lieu à l’application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

M. WANG MIN (Chine) a réaffirmé la position claire et cohérente de son pays qui condamne l’utilisation des armes chimiques en toute circonstance.  Le Conseil de sécurité doit rester uni pour faire avancer le processus en cours par l’OIAC, a-t-il estimé, en disant avoir promu le consensus sur cette résolution.  Toute résolution future doit être traitée séparément, a-t-il souhaité.  La Chine, a-t-il assuré, continuera à jouer un rôle actif et constructif pour la résolution de la crise syrienne.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a rappelé que ce vote intervenait un an et demi après l’adoption de la résolution contraignante 2118 (2013).  Le régime syrien doit respecter la résolution 2118 (2013), a-t-elle déclaré. 

L’utilisation d’armes chimiques constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales et est interdite par le Conseil de sécurité, a-t-elle rappelé, en précisant que cette adoption avait lieu 100 ans après l’utilisation d’armes chimiques à Ypres, pendant la Première Guerre mondiale.

M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a salué les mesures prises pour détruire les armes chimiques du régime syrien.  Il a rappelé que, selon les conclusions de la mission d’établissement des faits, le gaz de chlore a été utilisé de manière systématique comme arme et déversé par des hélicoptères donc par le régime syrien.  Cela est inacceptable au XXIe siècle, a-t-il dit.  Le représentant a souligné que la résolution 2209 stipule que l’utilisation du gaz de chlore constitue une violation de la Convention sur les armes chimiques.  Cette résolution, a-t-il expliqué, avertit le régime syrien que le Conseil prendrait des mesures s’il était saisi d’autres informations sur l’utilisation de chlore contre la population.

M. MAHMOUD DAIFALLAH MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a affirmé que le Conseil de sécurité devait se pencher sur cette question, conformément au mandat qui lui est conféré par la Charte des Nations Unies.  La Jordanie, a-t-il dit, condamne toute utilisation d’armes chimiques en Syrie, ses auteurs devant être traduits en justice.  En outre, la Jordanie appuie pleinement les activités de la mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a affirmé que son pays avait voté en faveur de la résolution 2209 (2015) car, un an et demi après l’adoption de la résolution 2118 (2013), le Conseil de sécurité ne pouvait plus demeurer silencieux face à l’horreur des attaques à l’arme chimique qui se sont poursuivies en Syrie en 2014.  La présente résolution adresse un message clair et ferme de condamnation de tout emploi de produits chimiques toxiques en tant qu’armes de guerre en Syrie, par qui que ce soit, a-t-il souligné.

En outre, par cette résolution, le Conseil apporte tout son soutien aux travaux importants qui sont en train d’être menés à La Haye par les experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques pour mettre en lumière toutes les allégations sur l’emploi de produits chimiques toxiques en Syrie.  Il a enfin espéré que ce texte envoie un message clair de dissuasion sur le terrain à toutes les parties au conflit syrien.

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a répondu à la délégation américaine en critiquant sa présentation des faits.  Selon lui, la délégation des États-Unis a fait comme si la résolution avait été écrite pour qu’on n’oblige que le Gouvernement de la Syrie à fournir des preuves.  En fait, a-t-il expliqué, ce texte s’adresse à toutes les parties syriennes.  Il a fait référence à deux cas d’utilisation d’armes chimiques qui, selon lui, ne sont pas le fait du Gouvernement syrien.  Ainsi, en 2013, il y a eu un cas à Ghouta, en mars, pour lequel le Gouvernement syrien a exigé une enquête de l’ONU, puis un autre le 21 août où il est prouvé que le Gouvernement syrien n’était pas en mesure d’utiliser du gaz sarin à cette époque.  Pour ce qui est du gaz de chlore, il a estimé que toutes les enquêtes menées par l’OIAC se basent sur les indications subjectives de certains témoins.  En outre, la mission a prélevé des échantillons de lieux où des barils d’explosifs auraient été utilisés, mais la fiabilité de ces preuves n’a pas été prouvée, a-t-il estimé en expliquant notamment que des symptômes identiques ont été constatés pour l’utilisation d’autres armes chimiques.  Soit on approche ce problème de manière experte et professionnelle, soit on se tourne vers le public en pointant du doigt le Gouvernement syrien.  Il a regretté que les détails techniques n’entraînent pas de réaction suffisante de la part de ses collègues.

Reprenant la parole, la représentante des États-Unis a demandé aux membres du Conseil de ne pas se contenter de consulter seulement les rapports présentés par la Mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Son collègue de la Fédération de Russie a fait remarquer que l’échec des États-Unis d’agir contre la Syrie après qu’elle a semble-t-il franchi la « ligne rouge » établie par le Président Barack Obama montre bien que le régime de Bashar Al-Assad n’a pas, depuis l’an dernier, utilisé d’armes chimiques.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.