Conseil de sécurité: des élections présidentielles fiables en Côte d’ivoire dépendront des progrès réalisés dans plusieurs domaines, dont la justice, la sécurité et la fin de l’impunité
Optimiste, la Représentante spéciale du Secrétaire général évoque les progrès réalisés en Côte d’Ivoire et exhorte le Gouvernement et toutes les parties à faire plus et aller de l’avant.
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour la Côte d’Ivoire, Mme Aïchatou Mindaoudou, a indiqué, ce matin, au cours de la présentation qu’elle a faite au Conseil de sécurité sur la situation en Côte d’Ivoire, que le bon déroulement des élections présidentielles ivoiriennes prévues en octobres 2015 dépendra des avancées réalisées dans le domaine des réformes électorales, du dialogue politique, du désarmement et de la réinsertion des anciens combattants, ainsi qu’en matière de réforme du secteur de sécurité et de la justice.
Au cours de la réunion tenue ce matin par le Conseil de sécurité, ses 15 membres ont également entendu M. Youssoufou Bamba, Représentant permanent de la Côte d’Ivoire auprès des Nations, qui leur a assuré que le Gouvernement ivoirien s’était engagé à travailler pour que les prochaines élections présidentielles soient « transparentes, inclusives et apaisées ». Les membres du Conseil ont également entendu le Président du Conseil de sécurité pour le mois de janvier 2015, le Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies, M. Cristían Barros Melet, qui intervenait en sa capacité de Président du Comité 1572 sur les sanctions concernant la Côte d’Ivoire, leur faire un compte-rendu de la visite qu’il a effectuée sur le terrain au mois de novembre 2014.
Venue présenter le dernier rapport du Secrétaire général portant sur les opérations des Nations Unies en Côte d’Ivoire*, la Représentante spéciale du Secrétaire général, Mme Aïchatou Mindaoudou, a indiqué, dans un premier temps, qu’au cours des six derniers mois, la Côte d’Ivoire avait continué de faire d’importants progrès vers l’instauration d’une paix et d’un redressement économique durables.
Elle a notamment évoqué les mesures prises pour libérer un certain nombre de personnes détenues après la crise postélectorale, la reprise, le 29 décembre, du dialogue politique entre le Gouvernement et le Front populaire ivoirien (FPI), parti de l’ancien Président Laurent Gbagbo, ainsi que la mise en place, le 11 août, d’une nouvelle Commission électorale indépendante.
« Cependant », a néanmoins tempéré Mme Mindaoudou, « s’il y a lieu de se féliciter, il reste néanmoins des progrès à réaliser dans plusieurs domaines ». Elle a, à cet égard, notamment pointé du doigt la lenteur des progrès dans le domaine de la lutte contre l’impunité ainsi que la nécessité d’accentuer les efforts pour s’assurer que les auteurs d’actes de violations des droits de l’homme soient poursuivis et jugés. Elle s’est toutefois félicitée de la mise en place, le 21 juillet 2014, du Comité national d’experts sur les violences sexuelles dans les conflits.
Mme Mindaoudou a ensuite parlé de la grève de la faim entamée le 1er décembre par 150 détenus proches de l’ancien Président Laurent Gbagbo, qui dénoncent les conditions de leur détention et le fait qu’ils sont gardés en prison sans qu’aucun jugement ou acte d’accusation ne soit porté contre eux. La Représentante spéciale a souligné « l’impérieuse nécessité » d’accélérer les processus et procédures de jugement de l’ensemble des personnes détenues pour des crimes qui auraient été commis durant la crise postélectorale. La Représentante spéciale a aussi insisté sur la nécessité de parachever une réforme « efficace et intégrée » du secteur de la sécurité pour que les institutions de sécurité de la Côte d’Ivoire soient non seulement une « force constructive » pour assurer la stabilité et la sécurité du pays, mais également un instrument pour préserver les avancées démocratiques.
Elle a aussi indiqué que nonobstant les « progrès satisfaisants » enregistrés en matière de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), il restera encore, après la date butoir de juin 2015 qui avait été fixée pour l’achèvement du processus de DDR, un reliquat d’environ 14 000 ex-combattants qui devront être socialement réinsérés. Mme Mindaoudou s’est inquiétée du fait que les vols à main armée, le banditisme et autres activités criminelles continuent d’être un défi sécuritaire à travers le pays. Elle s’est toutefois félicitée qu’une légère baisse ait été relevée dans les conflits impliquant des éléments indisciplinés des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), des ex-combattants, et des « dozos » (chasseurs traditionnels).
La Représentante spéciale s’est aussi inquiétée du fait qu’après plus de six mois de calme dans les zones frontalières avec le Libéria, le 10 janvier 2015, deux attaques avaient été menées contre des postes des Forces de sécurité ivoiriennes dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, provoquant la mort de deux soldats des FRCI et le déplacement de 1 600 personnes. Ces attaques, a-t-elle indiqué, relèvent d’une part de l’importance d’avancer sur le processus politique, et d’autre part, de l’importance pour la Côte d’Ivoire de mettre en place une force de sécurité professionnelle, apte à protéger sa population.
« Au plan de la justice, le Président Alassane Ouattara est déterminé à bâtir une société d’équité, fondée sur une justice impartiale et accessible à tous », a déclaré M. Youssoufou Bamba, Représentant permanent de la Côte d’Ivoire auprès des Nations Unies, qui a aussi assuré que son pays était capable « de garantir à tous une justice équitable et de respecter les exigences de la justice internationale en matière de procédure judiciaire et de jugement ».
En matière de sécurité, M. Bamba a reconnu la nécessité de mener à bien la Réforme des services de sécurité (RSS) et a donné des détails concernant cette réforme qui se décline en 108 décisions opérationnelles. Il a aussi fait savoir qu’un projet de loi portant sur l’organisation des Forces armées de Côte d’Ivoire sera présenté au Parlement dans les meilleurs délais en vue de moderniser ce secteur. Le représentant ivoirien a jugé satisfaisant l’état d’avancement du processus de DDR, signalant que 62%, soit 46 000 ex-combattants, avaient été insérés dans le tissu économique et social ivoirien.
M. Bamba a aussi abordé la question du secteur diamantifère et a indiqué que suite à l’adoption de la résolution 2153 (2014) du Conseil de sécurité, qui a levé l’embargo imposé aux diamants produits en Côte d’Ivoire, le Gouvernement avait élaboré une stratégie postembargo dans le cadre de la mise en œuvre du Processus de Kimberley, dont l’objectif est de compléter le système de traçabilité par la chaîne d’exportation. Il a précisé qu’une mission d’examen de ce processus se déroulera du 10 au 20 mars, et que son pays s’était en outre engagé, depuis 2012, dans la mise en place d’une filière diamantifère transparente et respectueuse des standards minimums du Processus de Kimberley, le tout dans le cadre d’un dialogue « ouvert et franc » avec le Comité 1572 et son groupe d’experts.
Passant à la relance économique du pays, M. Bamba a expliqué que l’action du Gouvernement se concentre sur les secteurs sociaux et le renforcement de la stabilité, notamment par la mise en œuvre de la couverture maladie universelle, du programme « École pour tous » et de la livraison de logements sociaux. Le taux de croissance économique prévu pour la fin 2014 est de 9%, « ce qui confirme le dynamisme retrouvé de l’économie ivoirienne », a indiqué M. Bamba en précisant que « le Président Ouattara entendait faire bénéficier tous les Ivoiriens des fruits de cette croissance qu’il veut inclusive ».
Le représentant ivoirien a par ailleurs salué le « travail remarquable » abattu par la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation pendant ses trois années d’activités. Les auditions conduites par cette commission, a-t-il indiqué, ont permis de recueillir les dépositions de 72 483 personnes et de faire des recommandations en vue des réparations. Précisant qu’un fonds pour l’indemnisation des victimes serait mis en place dès 2015, avec une enveloppe de 20 millions de dollars prévue par le Gouvernement ivoirien, il a demandé aux partenaires internationaux d’accompagner ces efforts en y apportant une contribution.
Au cours de son intervention, la Représentante spéciale du Secrétaire général, Mme Mindaoudou, a abordé la question de l’épidémie à virus Ebola, indiquant qu’alors qu’aucun cas n’avait été confirmé en Côte d’Ivoire, l’épidémie avait toutefois affecté le retour des réfugiés et empêché les Forces de sécurité ivoiriennes et libériennes de poursuivre les activités conjointes qu’elles mènent aux frontières.
Elle a estimé que bien que la lutte contre l’épidémie à virus Ebola demeure une priorité, il importe de mettre en œuvre une stratégie humanitaire pour 2014-2015. Les ressources internes doivent davantage être mobilisées pour prendre en charge les besoins humanitaires résiduels, le recasement des personnes déplacées du Mont-Péko et la mise à jour de la Stratégie nationale de réduction des risques naturels, a-t-elle précisé.
À cet égard, M. Youssoufa Bamba a indiqué au cours de son intervention que son gouvernement avait fourni un million de dollars au Fonds de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la réponse à la propagation de l’Ebola et déployé un personnel médical dans les pays voisins touchés.
Dans son exposé au Conseil, Mme Mindaoudou a également auparavant fait le point sur la diminution du nombre de troupes de la Force de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), qui a débuté le 1er décembre en vertu de la résolution 2162. Elle a précisé que l’effectif de la Force actuelle, constitué de 6 300 soldats, serait ramené à 5 347 hommes en armes en juin 2015. En outre, suite à une restructuration et une revue exhaustive des concepts des opérations à mener, la Force et la Police de l’ONUCI sont aujourd’hui beaucoup plus mobiles et aptes à répondre aux besoins de la population. La flexibilité opérationnelle de l’ONUCI sera également accrue avec le déploiement de la Force de réaction rapide qui, a précisé la Représentante spéciale, sera opérationnelle en mai 2015.
Mme Mindaoudou a d’autre part indiqué qu’elle avait présidé, les 18 et 19 décembre dernier, une plateforme consultative organisée dans le but de renforcer le dialogue entre un large éventail d’acteurs politiques, ceci afin d’assurer la réussite des élections en adoptant une série de mesures destinées à éviter les faiblesses constatées dans la conduite des élections de 2010.
Le Président du Conseil de sécurité, Président du Comité 1572 sur les sanctions concernant la Côte d’Ivoire, et Représentant permanent du Chili, M. Cristián Barros Melet, a pour sa part déclaré qu’au cours de la visite sur le terrain qu’il a effectuée en novembre 2014, ses interlocuteurs avaient tous demandé la levée des sanctions, et qu’il avait expliqué aux autorités ivoiriennes que tout changement ou modification concernant les sanctions serait décidé en fonction des progrès réalisés dans les quatre domaines clefs suivants: désarmement, démobilisation et réintégration (DDR); réforme du secteur de la sécurité; réconciliation nationale et lutte contre l’impunité.
Notant l’importance de la levée de l’embargo pour les communautés locales, M. Barros Melet a expliqué qu’il fallait prévoir du temps pour mettre en place un système national et opérationnel de traçabilité des ventes de diamants. L’examen de l’application du Processus de Kimberley en Côte d’Ivoire, qui aura lieu en mars prochain, permettra de vérifier les progrès importants enregistrés dans ce domaine, a-t-il indiqué.
M. Barros Melet a aussi fait savoir que pendant sa visite, il avait exprimé à ses interlocuteurs les inquiétudes que ressent le Conseil de sécurité en ce qui concerne le manque de progrès dans la réintégration sociale des anciens combattants et la nécessité d’établir des forces de sécurité nationales inclusives et responsables pouvant être chargées de garantir la stabilité du pays.
Le Président du Comité 1572 a par ailleurs noté l’engagement des autorités ivoiriennes à améliorer la coopération avec le groupe d’experts, dont plusieurs questions n’ont pas encore reçu de réponse, et à mettre en place un cadre de communication fiable avec le Comité des sanctions.