Conseil de sécurité: le Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest présente la situation politique dans les pays de la région, qu’il qualifie de « fragile »
C’est une situation politique et sécuritaire fragile qu’a décrite, cet après-midi, le Représentant spécial et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), M. Mohammed Ibn Chambas, dans l’exposé qu’il a fait aux membres du Conseil de sécurité concernant la situation qui prévaut dans les pays de cette région. Il a aussi exprimé un certain nombre d’inquiétudes face aux conséquences que pourraient avoir les tensions et l’insécurité liées notamment à la menace terroriste, à l’épidémie d’Ebola, à la situation économique difficile que traversent ces pays.
Alors que des élections présidentielles et législatives sont prévues dans plusieurs États ouest-africains en 2015 et 2016, M. Chambas a remarqué que, dans certains, les tensions politiques sont liées à l’attitude de dirigeants qui font face à une certaine résistance dans leurs tentatives de rester au pouvoir en se livrant à des révisions constitutionnelles.
Abordant le cas de la Gambie, M. Chambas a rappelé que des combats avaient eu lieu le 30 décembre dans la capitale, Banjul, au cours d’une tentative de renversement du Président Yahya Jammeh, qui y est au pouvoir depuis 20 ans. Cette attaque, qui est la troisième tentative de coup d’État menée en Gambie en 8 ans, a été repoussée par les forces loyales au Président, a précisé M. Chambas. Le Chef du Bureau de l’UNOWA a indiqué au Conseil que lorsqu’il se rendra à Banjul les 14 et 15 janvier prochain, il réitèrera sa condamnation ferme de toute tentative de prise de pouvoir par des moyens anticonstitutionnels et invitera les autorités gambiennes à travailler avec les partenaires internationaux pour garantir la crédibilité des procédures judiciaires et le respect des droits de l’homme dans le pays.
Parlant ensuite du Burkina Faso, M. Chambas est revenu sur le soulèvement populaire qui, au mois d’octobre 2014, a forcé le Président Blaise Compaoré à démissionner après 27 années passées au pouvoir. La Mission de l’ONU, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont aidé la recherche d’un accord qui a finalement vu le jour avec la participation de toutes les parties qui sont parvenues à s’entendre sur la mise en place du cadre d’une transition menée par les civils. S’en est suivie la création d’un « groupe international de suivi et de soutien pour la transition au Burkina Faso » qui se réunira pour la première fois le 13 janvier à Ouagadougou, a indiqué M. Chambas.
En 2015, a poursuivi le Représentant spécial, en dehors du Burkina Faso, cinq autres pays d’Afrique de l’Ouest tiendront des élections présidentielles, à savoir le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Nigéria et le Togo. Concernant le Togo, où le parti du Président actuel, M. Faure Gnassingbé, est au pouvoir depuis 1967, M. Chambas a indiqué au Conseil que des manifestations de l’opposition ont eu lieu en novembre et en décembre à Lomé. Il a appelé le Gouvernement togolais à traiter de manière prioritaire les questions litigieuses, notamment la réforme du mode de scrutin.
Pour ce qui concerne le Bénin, le Représentant spécial du Secrétaire général a recommandé aux parties de rechercher un consensus sur la mise en œuvre d’un système d’inscription électronique pour la constitution des listes électorales, afin que l’organisation des élections locales et législatives prévues respectivement en 2015 et 2016 ne soit pas retardée. L’UNOWA veillera à ce que de meilleures conditions soient réunies pour la tenue d’élections crédibles au Togo et au Bénin, a assuré M. Chambas.
Décrivant ensuite l’état de la situation au Niger, le Représentant spécial et Chef de l’UNOWA a parlé des frictions qui se sont poursuivies entre le Gouvernement et les partis de l’opposition, dans un contexte sécuritaire fragilisé par la violence et l’instabilité dans les pays voisins, notamment en Libye, au Mali et au Nigéria. Il a aussi signalé les tensions qui persistent en Côte d’Ivoire et les risques de violence autour des élections prévues en octobre 2015 dans ce pays.
Les Nigérians se rendront aux urnes dans un mois pour exprimer leurs suffrages dans le cadre des élections présidentielles et législatives, qui vont se tenir dans un contexte marqué par l’insurrection menée par le groupe Boko Haram dans le nord-est du pays et par des conflits sectaires dans le centre-nord et le nord-ouest du pays, a ensuite déclaré M. Chambas. Prédisant des difficultés, en particulier dans les États de Borno, Yobe et Adamawa, il a demandé à la communauté internationale de renforcer le soutien et les actions menées avec le Nigéria pour pouvoir relever ces défis.
La région de l’Afrique de l’Ouest et autour du Nigéria reste vulnérable à cause de l’insécurité et de la menace terroriste, s’est inquiété le Représentant spécial. Il a déploré le manque de progrès en matière de sécurité dans le Nord du Nigéria, où la population subit des attaques et des violations systématiques de ses droits fondamentaux depuis six mois. Faisant référence aux victimes de la violence de Boko Haram, il a noté qu’à ce jour, les mesures antiterroristes mises en place par le Gouvernement ont échoué, malgré l’aide apportée par la communauté internationale depuis l’enlèvement de 200 écolières par les terroristes. M. Chambas a indiqué que l’Équipe des Nations Unies de lutte contre le terrorisme organiserait fin janvier des ateliers destinés aux forces de l’ordre nigérianes.
M. Chambas a aussi parlé de la visite qu’il a effectuée au Nigéria, en novembre et décembre 2014, qui avait pour objectif de trouver un consensus sur la réponse à apporter à la menace posée par Boko Haram et évaluer les violences potentielles liées aux élections. Constatant que les activités de Boko Haram débordent du territoire nigérian et affectent désormais les pays voisins et que plus de 300 000 Nigérians se sont réfugiés au Cameroun et au Niger, il a prévenu le Conseil des risques que courent les économies locales de ces pays, qui subissent une pression causée par le grand nombre de réfugiés, pression qui pourrait entrainer la déstabilisation de la situation sécuritaire. C’est pour faire face à cette menace que les missions de l’ONU travaillent, en lien avec les pays de la Commission du bassin du lac Tchad, pour chercher des solutions à ce problème, a dit M. Chambas.
Le Chef de l’UNOWA a aussi déploré le fait que l’insécurité prévalant dans le nord-est du Nigéria entrave les activités de la Commission mixte Cameroun-Nigéria, créée pour faciliter l’application de l’arrêt de la Cour internationale de Justice sur le règlement du litige territorial concernant la péninsule de Bakassi et la démarcation de la frontière entre les deux États. Les travaux de démarcation de la frontière entre le Cameroun et le Nigéria se poursuivent, a cependant précisé M. Chambas: il reste 767 bornes à poser et à financer.
La piraterie au large du Golfe de Guinée a été un autre sujet de préoccupation du Représentant spécial en ce qui concerne ses effets sur l’économie et le commerce. M. Chambas a cependant noté les progrès réalisés par les pays de la région pour faire fonctionner l’infrastructure de sécurité maritime. L’UNOWA et le BRENUAC (Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale) continueront à soutenir les institutions chargées d’appliquer le cadre stratégique adopté lors du Sommet de Yaoundé, tenu le 15 juin 2013, a-t-il annoncé.
Enfin, M. Chambas a souligné les difficultés liées à l’épidémie de la maladie à virus Ebola. Les trois pays touchés –Guinée, Sierra Leone et Libéria– en souffrent énormément sur plusieurs plans et il en est de même pour l’ensemble de la région, a-t-il averti. Alors que se poursuit l’intervention humanitaire internationale, il a appelé les membres du Conseil à faire en sorte que ces trois pays fragiles ne sortent pas trop affaiblis de cette épidémie, après les efforts de consolidation de la paix qui y ont été menés ces dernières années.
CONSOLIDATION DE LA PAIX EN AFRIQUE DE L’OUEST
Rapport du Secrétaire général sur les activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (S/2014/945)
Dans ce rapport, le Secrétaire général exprime sa profonde inquiétude au sujet des violences liées à Boko Haram perpétrées dans le nord du Nigéria, dans le nord du Cameroun et le sud du Niger, et des répercussions qu’elles ont sur la région. Il se réjouit des efforts faits pour renforcer les mécanismes de sécurité régionale et accélérer le déploiement d’une force multinationale chargée de sécuriser les zones frontalières. Il apprécie également les initiatives prises par la Commission du bassin du lac Tchad pour juguler durablement le terrorisme, l’insurrection violente et l’extrémisme dans le cadre d’une stratégie commune. Il se félicite en particulier de l’élaboration d’une stratégie antiterroriste régionale par les États membres de la Commission et le Bénin. Il appelle à respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme dans l’action conjointe menée face à la menace que constitue Boko Haram.
Le Secrétaire général encourage par ailleurs le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Commission du bassin du lac Tchad à continuer d’intensifier leur coopération afin de faire face aux menaces qui pèsent sur la sécurité transfrontalière.
M. Ban reste également préoccupé par les tensions politiques et en matière de sécurité qui couvent dans certains pays d’Afrique de l’Ouest à l’approche des élections présidentielle et législatives prévues en 2015 et 2016 dans ces pays. Il exhorte les responsables politiques à dialoguer pour régler de manière consensuelle toutes les questions litigieuses. Il engage également les acteurs nationaux à créer les conditions propices à la tenue d’élections ouvertes, libres et crédibles.
En ce qui concerne le Nigéria, des informations particulièrement préoccupantes font état de milliers de tués et de centaines de milliers de déplacés et de réfugiés au cours de l’année écoulée, indique le Secrétaire général. Notant que ces personnes ont été victimes d’attaques barbares de Boko Haram, il s’inquiète aussi des allégations de violations des droits de l’homme par les forces de sécurité nigérianes. Il demande aux autorités nigérianes de faire scrupuleusement respecter les normes des droits de l’homme en ce qui concerne les opérations de combat et les conditions de détention des prisonniers, et de veiller à atténuer les conséquences humanitaires du conflit. À propos des élections fédérales et des élections de gouverneurs prévues en février 2015 au Nigéria, il prévient du risque élevé de violences soit du fait d’attaques perpétrées par Boko Haram, soit du fait de troubles liés à la contestation du résultat des élections. Il exhorte les acteurs nigérians à inlassablement lancer des appels publics en faveur de la paix et de la démocratie. Au Conseil de sécurité, il demande de se tenir aux côtés du Nigéria durant cette phase critique et de lui fournir l’appui dont il a besoin pour empêcher toute aggravation des troubles et des violences, en particulier dans les États du nord-est du pays qui sont déjà durement touchés.
Pour ce qui est du Burkina Faso, le Secrétaire général salue les mesures diligentes prises par son Représentant spécial, en coordination étroite avec l’Union africaine et la CEDEAO, pour aider ce pays à trouver une solution à la crise dont il est le théâtre. Il félicite le peuple burkinabé qui a fait preuve de responsabilité pour parvenir à un consensus sur les accords de transition. Il demande à tous les dirigeants nommés dans le cadre de la transition de collaborer dans l’harmonie pour répondre aux aspirations du peuple burkinabé, veiller à ce que l’intégrité physique et les droits de l’homme de tous les citoyens soient respectés, et régler les éventuels litiges par le dialogue afin que la transition se déroule sans heurt jusqu’à la tenue des élections en novembre 2015. Quant à la communauté internationale, elle doit continuer d’accompagner les efforts du Burkina Faso durant cette période critique.
Par ailleurs, M. Ban Ki-moon salue l’action menée par les organisations et les gouvernements de la sous-région pour contrer la menace de la criminalité organisée, du terrorisme, de l’extrémisme violent, de la piraterie et des vols à main armée en mer. Il salue l’inauguration et de la mise en service du Centre interrégional de coordination pour la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, qui coordonnera et mettra en œuvre la stratégie maritime régionale conjointe afférente à cette zone. Il demande aux partenaires régionaux et internationaux de continuer à aider le Centre et de redoubler d’efforts pour créer les deux centres de coordination des opérations maritimes prévus en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale afin de compléter le dispositif d’échange d’informations. Le Secrétaire général exhorte les gouvernements et les organisations sous-régionales du golfe de Guinée à faire encore davantage pour donner effet aux décisions prises au sommet tenu le 25 juin 2013 à Yaoundé au Cameroun. L’UNOWA, en collaboration avec le BRENUAC, continuera d’aider la région et de mobiliser le soutien nécessaire pour atteindre ces objectifs. De leur côté, les États membres de l’Initiative côtes de l’Afrique de l’Ouest doivent accélérer la mise en place des cellules de lutte contre la criminalité transnationale, préconise M. Ban.
Le Secrétaire général note également que la maladie à virus Ebola a fragilisé une paix et une stabilité durement acquises dans les trois pays les plus touchés qui sont la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, ce qui exige l’aide de la communauté internationale, non seulement pour arrêter la propagation de la maladie, mais aussi pour surmonter les difficultés politiques et socioéconomiques causées par l’épidémie. Il sera également capital que les partenaires régionaux et internationaux soutiennent les efforts engagés pour accélérer la mise en œuvre de la Stratégie relative à la sécurité des frontières de l’Union du fleuve Mano (UFM), une stratégie globale qui a pour but de remédier aux causes profondes de l’insécurité dans les pays de l’UFM, note M. Ban.
S’agissant du Mali, le Secrétaire général rappelle que les pourparlers de paix inter-maliens se poursuivent à Alger sous les auspices de l’équipe de médiation conduite par l’Algérie. Il appelle l’ensemble des parties à négocier de bonne foi pour parvenir à un accord de paix global, applicable, et durable, qui prenne en considération les causes profondes du conflit. Il les appelle également à respecter leurs engagements relatifs au cessez-le-feu et à s’abstenir de toute mesure susceptible de compromettre le succès des pourparlers de paix.
M. Ban Ki-moon salue par ailleurs les efforts déployés par la Commission mixte Cameroun-Nigéria pour exécuter l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) le 10 octobre 2002, y compris les mesures novatrices que la Commission utilise pour achever la démarcation de la frontière. Il encourage les Gouvernements camerounais et nigérian à maintenir un climat propice à l’achèvement de cette démarcation. Il exhorte les gouvernements et les acteurs nationaux d’Afrique de l’Ouest à prendre des mesures concrètes pour promouvoir la participation des femmes à tous les niveaux de l’administration des affaires publiques, ainsi qu’aux processus électoraux et politiques. Il se félicite des procédures législatives en cours dans certains pays en vue d’autonomiser les femmes, et demande aux gouvernements de s’employer plus diligemment à honorer leurs engagements au titre de la résolution 1325 (2000) et des résolutions ultérieures du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, condition sine qua non d’un développement équitable.