Le financement et les questions de politique générale des missions politiques spéciales au cœur des débats à la Quatrième Commission
La Quatrième Commission s’est penchée, cet après-midi, sur le rôle et le financement des missions politiques spéciales, ses envoyés spéciaux, groupes de surveillance des sanctions et groupes de contrôle, bureaux régionaux ou missions affectés à un pays donné qui, ont rappelé les délégations, jouent un rôle essentiel dans l’architecture du maintien de la paix des Nations Unies.
Les missions politiques spéciales restent l’un des mécanismes les plus flexibles utilisés par le Conseil de sécurité pour faire face aux crises de plus en plus complexes marquées par des cadres politiques fragiles et des conditions de sécurité précaires.
Comme l’a rappelé, devant la Commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, M. Atul Khare, sur les 4 200 personnes déployées dans les missions politiques spéciales, 90% vivent dans des pays qui connaissent des conflits de forte intensité.
Le recentrage sur la prévention et la médiation, que propose le Secrétaire général dans son rapport, qui a été présenté par le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, a été fortement soutenu par les délégations.
Selon M. Feltman, cela passerait notamment par un renforcement des capacités de base de l’ONU en matière de prévention et de médiation, l’élargissement du réseau de bureaux régionaux, la mise en place de moyens techniques de déploiement rapide et l’appui à l’action des équipes de pays des Nations Unies.
Pour être menées à bien, nombre de ces propositions nécessiteront l’appui des États Membres ainsi que des investissements judicieusement ciblés, a souligné le Secrétaire général adjoint, qui compte sur un appui politique des États Membres en vue de consolider l’engagement collectif et le partenariat requis par la tâche de prévention, un point de vue partagé par le représentant de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
« Même la mission la mieux équipée risque d’échouer si elle ne peut pas compter sur le soutien régional et international requis », a ainsi observé le représentant de l’Indonésie.
En vue d’obtenir cet appui de la part des États Membres, les représentants du Mouvement des non-alignés et du Mexique ont mis l’accent sur les exigences en termes de transparence et de reddition de comptes.
À l’instar d’autres délégations, ils ont également demandé qu’il y ait des dialogues périodiques réguliers sur les questions de politique générale relatives aux activités des missions politiques spéciales.
Pour le Brésil, le Guatemala ou le Mouvement des pays non alignés, ce sont plutôt les mécanismes actuels de financement des missions politiques spéciales qui représentent un frein au potentiel, aux performances et à l’efficacité des mandats confiés à ces missions.
Si la délégation américaine a insisté sur le fait que la question du financement des missions politiques spéciales relevait exclusivement de la Cinquième Commission, le Brésil n’en a pas moins souligné le fait que les missions politiques spéciales, pour la plupart établies par le Conseil de sécurité, sont financées par le budget ordinaire de l’Organisation dont elles représentent aujourd’hui 20% du total. Il s’agit pour lui de « la plus grande distorsion » du processus budgétaire de l’ONU.
Plusieurs délégations ont ainsi défendu l’idée que ces missions soient financées selon les mêmes critères et la même méthodologie que les opérations de maintien de la paix et que soit créé à leur intention un nouveau compte spécial distinct.
Allant dans le même sens, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions a regretté que le programme budgétaire biennal des missions politiques spéciales ne soit pas le meilleur outil pour les financer dans la mesure où il ne permet pas toujours de tenir compte des réalités programmatiques.
La Quatrième Commission entamera l’examen des questions liées à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), lundi 9 novembre, à partir de 15 heures.
ÉTUDE D’ENSEMBLE DES MISSIONS POLITIQUES SPÉCIALES (A/70/400, A/70/95 ET A/70/357)
Déclaration liminaires
M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, qui a présenté le rapport du Secrétaire général sur les missions politiques spéciales, a affirmé que « nous sommes à la croisée des chemins » et que « le paysage de paix et de sécurité n’a cessé de s’assombrir en 2015 ».
Il a rappelé les besoins humanitaires record de cette année et le nombre sans précédent de réfugiés dans le monde. « Si nous voulons éviter le fléau de la guerre, il faut prévenir l’émergence et la réémergence des conflits » et pour cela les missions politiques spéciales sont à l’avant-garde de la réponse des Nations Unies et un instrument incontournable de la prévention des conflits, a affirmé M. Feltman.
Il a rappelé le rôle des missions politiques spéciales en Libye, en Somalie et en Syrie, ainsi que celui des bureaux régionaux qui travaillent à accroître les capacités de prévention et combattre les problèmes transnationaux.
Les missions politiques spéciales peuvent prendre des formes très différentes dans leurs mandats, structure et taille. Elles sont conçues « sur mesure » pour fournir la meilleure réponse des Nations Unies à tel ou tel problème. Leur flexibilité est l’un de leurs plus grands atouts selon M. Feltman, qui a toutefois insisté sur le fait que dans tous les cas de figure, leur objectif est de régler les conflits en essayant de trouver des solutions négociées. Elles sont déployées sur la base du consentement national et se fondent sur la médiation et la facilitation.
Cette année a été l’occasion de faire le bilan en matière de maintien de la paix et le Département des affaires politiques salue le fait que l’Assemblée générale ait donné une telle importance aux trois rapports relatifs à l’examen de l’architecture du maintien de la paix de l’Organisation, rappelant que ces rapports sont à la phase intergouvernementale pour la mise en œuvre de ces rapports.
Parmi les recommandations de ce processus d’examen figure en bonne place un appel au recentrage sur la prévention et la médiation. À cette fin, ont été renforcés des partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales ainsi que la coopération au sein des Nations Unies et les capacités de déploiement rapide. Le Secrétaire général adjoint a également souligné le rôle important des bureaux régionaux du Département des affaires politiques.
Pour M. Feltman, il faut investir dans ces outils, mais il compte également sur l’appui politique des États Membres en faveur de la prévention.
Il a ensuite mis en avant le rôle des missions politiques spéciales dans la consolidation de la paix qui est de plus en plus reconnu, comme le prouvent les cas de la Guinée-Bissau et de la Sierra Leone. Les missions politiques spéciales peuvent être conçues pour appuyer les autorités nationales et d’autres parties prenantes, a expliqué le Secrétaire général adjoint, qui a ensuite évoqué d’autres mesures visant à augmenter la participation des femmes dans les missions politiques spéciales, tout en reconnaissant qu’il reste beaucoup à faire.
Dans son rapport, le Secrétaire général a également proposé un certain nombre de recommandations pour « autonomiser le terrain ». M. Feltman a, en outre, fait part de la volonté du Secrétaire général de poursuivre les dialogues interactifs avec les États Membres sur les questions de politique générale de ces missions.
Pour M. ATUL KHARE, Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, les missions politiques spéciales ont été un instrument efficace et flexible au service de la paix et la sécurité dans le monde. Il a indiqué en quoi son Département assistait ces missions, notamment dans le contexte du Burundi, de la région des Grands Lacs et en Syrie.
Même si le nombre de missions politiques spéciales est plus ou moins constant, leur complexité n’a cessé d’augmenter, de même que les risques auxquels elles sont confrontées dans des environnements volatiles. Sur les 4 200 personnes déployées sous les missions politiques spéciales, 90% vivent dans des pays qui connaissent des conflits de forte intensité, a-t-il précisé.
Le Département de l’appui aux missions soutient 36 missions sur le terrain dont la moitié est des missions politiques spéciales qui ne représentent toutefois que 3% du personnel et 5% des ressources financières gérées par le Département d’appui aux missions.
Pour lui, un appui administratif et logistique doit être fourni par le biais des bureaux régionaux ou du Siège. Les missions politiques spéciales exigent un niveau beaucoup plus élevé de déploiement rapide et sur mesure, a—t-il ajouté.
Par ailleurs, l’appui aux missions politiques spéciales doit pouvoir compter sur des économies d’échelle, être rapide, souple et correspondre aux besoins du terrain. « Trouver le bon équilibre n’est pas toujours facile », a dit M. Khare, qui est toutefois fier des progrès qui ont été faits.
Au niveau mondial, le personnel des missions politiques spéciales affecté à l’appui aux missions est passé de 39% en 2013 à 29% en 2015. UMOJA est un autre outil qui contribuera à renforcer l’efficacité du Département d’appui aux missions, a assuré M. Khare, qui a expliqué qu’il apportera de nouvelles fonctionnalités sur le terrain.
Être efficace au niveau mondial et au niveau local dans l’appui à apporter aux missions politiques spéciales représente, pour M. Khare, un effort concerté global. À cet égard, il a mis l’accent sur cinq facteurs clefs qui sont la coopération, un accent mis sur la performance, un alignement entre autorité et responsabilité, l’établissement de partenariats plus forts et la poursuite des exigences de soutien immédiates.
Le Secrétaire général adjoint est revenu sur le programme budgétaire biennal qui, à ses yeux, n’est pas le meilleur outil pour financer les missions politiques spéciales dans la mesure où il ne permet pas toujours de tenir compte des réalités programmatiques.
Dialogue interactif
La République islamique d’Iran a attiré l’attention sur la section du rapport du Secrétaire général (A/70/400) traitant de la nécessité d’améliorer la répartition géographique et la représentation des femmes dans les missions politiques spéciales. « Nous avons besoin de chiffres pour savoir comment a évolué la représentation géographique », a dit le délégué.
La Norvège a appuyé les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau, notamment celles relatives à l’accroissement des ressources financières, en espérant que les fonds pour ces missions, bloqués par la Cinquième Commission, puissent être débloqués. Que faire pour aider le Département des affaires politiques et le Département de l’appui aux missions? a demandé la déléguée.
L’Indonésie a évoqué le paragraphe 29 du même rapport sur les mandats spécifiques liés aux droits de l’homme, en se demandant comment éviter les doublons en la matière et prendre en considération les activités et mécanismes du Conseil des droits de l’homme, y compris les procédures spéciales.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a répondu à la République islamique d’Iran que le Secrétaire général accordait une grande importance à l’équilibre dans la répartition géographique. Il ne fait aucun doute qu’il reste beaucoup à faire dans ce cadre. Il y a des fluctuations considérables compte tenu du roulement limité, a-t-il admis. L’idée ne change pas: il faut avoir une répartition plus vaste, notamment au sujet des postes supérieurs.
S’agissant de la question de la Norvège, il a souligné que la question des missions politiques spéciales ne concernait pas uniquement le Département des affaires politiques ou celui de l’appui aux missions. Les discussions sont en cours avec la Cinquième Commission, l’objectif étant que le Département des affaires politiques puisse jouer son rôle efficacement dans l’appui aux missions.
M. Feltman a signalé à l’Indonésie que l’aspect « droits de l’homme » relève d’un mandat conféré par le Conseil de sécurité. Les objectifs majeurs sont la prise en considération de ces droits, conformément à la Charte des Nations Unies, mais surtout la dimension préventive des missions. L’un des avantages des missions politiques spéciales est que des fonctionnaires des Nations Unies peuvent se rendre sur le terrain et nouer des partenariats loin du Siège.
Le travail sur le terrain confère beaucoup plus de crédibilité et une meilleure approche en termes d’analyse. La coordination est aussi importante et les équipes du Département des affaires politiques travaillent étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, même s’il n’existe pas de mécanisme formel de travail.
Le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions a réagi, de son côté, en notant qu’il y avait 20% de femmes à des postes clefs des deux Départements. Il a affirmé que les États Membres avaient été sollicités pour proposer des candidates et quatre femmes ont été retenues, dont l’une a déjà été nommée. Il a vivement encouragé tous les États à soumettre la candidature de femmes.
S’agissant de l’appui financier aux missions de politiques spéciales, il a mis l’accent sur la transparence. Il a dit que 50% de son temps était consacré aux missions politiques spéciales mais que cela n’était pas reflété dans le financement.
Débat général
M. OMAR HILALE (Maroc), a déclaré, au nom du Mouvement des pays non alignés, qu’il était prêt à œuvrer avec les partenaires sur les recommandations relatives aux missions politiques et que le Mouvement attachait une grande importance au consensus entre les États Membres sur de nouvelles idées et approches à ce propos.
Il a par ailleurs insisté sur la nécessité que le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale élaborent des mandats clairs et viables des missions sur le terrain, sur la base d’une évaluation objective. Il a recommandé, à cet égard, des approches de planification qui soient intégrées et soutenues établissant une corrélation entre la formulation et l’exécution des politiques sur le terrain.
Le Mouvement a en outre exhorté le Secrétaire général à la transparence, à une représentation géographique équilibrée et à une bonne représentation des femmes lors de la nomination aux postes de haut rang. Il a également mis l’accent sur le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les États.
En outre, il a prié le Secrétaire général de tenir des dialogues interactifs sur toutes les questions de politique générale intéressant les missions politiques spéciales, l’encourageant aussi à inclure les principaux points dégagés de ces dialogues dans son prochain rapport à ce sujet. Le Mouvement a, en conclusion, pris note de l’augmentation exponentielle des besoins financiers et de la complexité des missions politiques spéciales au cours de la décennie écoulée, en reconnaissant leurs caractéristiques uniques car elles ne suivent pas le cycle du budget ordinaire de l’ONU, alors même qu’elles sont financées au titre de ce budget.
En conséquence, il a demandé que ces missions soient financées selon les mêmes critères, méthodologies et mécanismes que pour les opérations de maintien de la paix. Il a enfin appuyé, dans ce cadre, les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix.
M. CHAYAPAN BAMRUNGPHONG (Thaïlande), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a réitéré l’importance de la transparence, de la responsabilisation, de la représentation géographique équilibrée, du savoir-faire et de l’efficacité pour la légitimité et la crédibilité des missions politiques spéciales. Il a estimé que toutes les missions devaient être planifiées, utilisées et évaluées de façon plus inclusive, responsable et transparente.
Dans le contexte du réexamen de l’architecture de l’ONU relative à la paix et la sécurité, l’ASEAN a reconnu que ces missions constituaient un outil précieux dans la réponse des Nations Unies aux défis complexes. Il a appuyé le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix, qui contient des recommandations utiles.
Rappelant l’adoption, la semaine dernière, par l’Assemblée générale, de la résolution 70/6 demandant à la Quatrième Commission d’examiner ces recommandations, il a souligné qu’il incombait aux États Membres de s’acquitter de « cette importante responsabilité ».
À l’instar du Groupe indépendant de haut niveau et du Secrétaire général, il a plaidé en faveur du renforcement de la capacité des Nations Unies dans le domaine de la prévention et de la médiation, qui doit être appuyé par un soutien politique des États Membres et des partenaires régionaux en vue de consolider l’engagement collectif et le partenariat requis par la tâche de prévention.
Il a insisté, par ailleurs, sur le rôle essentiel des pays d’accueil des missions. Il a mis en exergue le fait que les objectifs de toute mission politique spéciale consistaient à faciliter une appropriation réelle des parties nationales, dans la transparence et l’obligation redditionnelle.
La question « femmes, paix et sécurité » doit faire partie intégrante de toutes les missions politiques et de maintien de la paix, comme l’a confirmé récemment le Conseil de sécurité, a précisé le représentant. Il a appuyé l’appel du Groupe indépendant en vue de l’établissement d’un compte spécial séparé pour les missions politiques spéciales.
M. RATTAN LAL KATARIA (Inde) a estimé que le large éventail de questions couvertes par les missions politiques spéciales requérait responsabilité et transparence. Il a mentionné « le processus opaque » qui entourait la nomination des membres de l’Équipe de surveillance de l'application de la résolution 1267 (1999) concernant Al-Qaida et a dit qu’il n’existait pas de résolution du Conseil de sécurité stipulant qu’il fallait nommer cinq experts issus des cinq pays membres permanents du Conseil.
M. Kataria a souligné ensuite l’importance de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États où opèrent des missions politiques spéciales. Les mandats de telles missions doivent être clairement définis et correspondre à la réalité politique sur le terrain.
Il a exhorté le Conseil de sécurité à tenir davantage de consultations sur les questions liées aux missions. Il a souhaité une meilleure communication entre le Conseil, l’Assemblée générale et le Secrétariat. Notant l’augmentation du nombre de missions politiques spéciales, il a mis en garde contre des missions qui tomberaient dans le domaine des organes conventionnels ou le mandat d’autres institutions des Nations Unies.
Pour M. KAMAPRADIPTA ISNOMO (Indonésie), il faut mettre l’accent sur le règlement pacifique des conflits, ce qui suppose « que chacun d’entre nous joue son rôle » et soutienne de manière crédible les processus politiques inclusifs, sur la base du droit international. La médiation, le dialogue politique et la diplomatie sont à l’honneur dans les deux rapports sur l’examen de revue des opérations de paix, s’est-il félicité en expliquant que son pays avait directement connu les bienfaits d’un processus politique pacifique à Aceh.
Pour sa délégation, les discussions sur les recommandations faites dans le cadre du processus d’examen au sein du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, de la Cinquième Commission ainsi qu’ici seront vitales pour l’avenir du maintien de la paix. Il a demandé des précisions au Département des affaires politiques sur la composition géographique des missions politiques spéciales, en partant du principe que le personnel des pays en développement pourrait y apporter leur expertise du terrain. Sa délégation préconise en outre une plus forte interaction avec les organisations régionales comme l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
« Même la mission la mieux équipée risque d’échouer si elle ne peut pas compter sur le soutien régional et international requis », a poursuivi le représentant, qui a demandé à ce qu’il y ait un dialogue régulier, ouvert et interactif avec les États Membres, le Secrétariat et le Département des affaires politiques sur les différents aspects des missions politiques spéciales. Constatant par ailleurs que le coût des missions politiques spéciales ne cessait d’augmenter, sa délégation appuie la position qui consiste à demander un compte à part pour le financement de ces missions.
M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a affirmé, d’emblée, que le financement des missions politiques spéciales au titre du budget ordinaire constituait « une des plus importantes distorsions dans le budget des Nations Unies » puisque celles-ci absorbaient plus de 20% du budget ordinaire, empiétant ainsi sur d’autres activités. D’autre part, et comme ces missions sont tributaires de la structure de ce même budget, leur ajustement pour répondre aux exigences dynamiques et volatiles imposées par leurs mandat et climat opérationnel n’en devient que plus difficile, a ajouté le représentant.
Il a signalé qu’il était impossible de passer outre cette inconsistance de l’architecture actuelle sur cette question. D’une part, le Conseil de sécurité établit la plupart des missions de politiques spéciales et, de l’autre, à l’exception de la mission en Afghanistan, toutes les missions sont financées par le budget ordinaire.
Il a rappelé qu’en 2011, le secrétariat du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) avait recommandé des mesures tendant à une amélioration du financement de ces missions, en particulier, par la création d’un compte spécial pour les missions politiques spéciales, séparé du budget ordinaire.
Il a salué, dans ce contexte, les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau appuyant celles du CCQAB. Étant donné l’élan politique imprégné par ce Groupe présidé par M. Ramos-Herta, le délégué brésilien a insisté pour que les États apportent leur appui à la création d’un tel compte.
Une distinction claire incluant la transparence des missions politiques spéciales contribuera grandement à les aider à relever les sérieux défis auxquels elles font face aujourd’hui. L’appui des États Membres est un « ingrédient essentiel pour l’efficacité », a-t-il déclaré.
M. RICARDO ALDAY (Mexique) s’est dit préoccupé par la fréquence élevée avec laquelle le Conseil de sécurité avait recours aux missions politiques spéciales, dans des situations de plus en plus volatiles et en leur octroyant des mandats de plus en plus ambitieux sans toutefois les doter des ressources nécessaires. Aussi, il s’est félicité que le Groupe indépendant de haut niveau mette l’accent sur cet aspect financier, en particulier sur la création pour les missions politiques spéciales d’un compte spécial et séparé du budget régulier qui, selon la délégation mexicaine, permettrait non seulement de soulager d’autres secteurs clefs de l’ONU, comme le développement et les droits de l’homme, des pressions budgétaires mais aussi d’accroître l’efficacité des missions politiques spéciales.
Le représentant a toutefois regretté que le Secrétaire général n’ait pas porté une attention particulière à la création de ce compte spécial. Par ailleurs, il a indiqué qu’il fallait reconnaître le rôle croissant joué par les organisations régionales et sous-régionales dans la solution des conflits, ainsi que l’importance accordée par le Groupe indépendant et le Secrétaire général à la prévention, à la médiation et, surtout, à la primauté des solutions politiques sur les militaires.
Avec la Finlande, le Mexique promeut cette année un projet de résolution appelant le Secrétariat à organiser des dialogues interactifs pour discuter de tous les aspects des missions politiques spéciales et à présenter un rapport détaillé au cours de la prochaine session de la Quatrième Commission.
Mme ANA CRISTINA RODRIGUEZ (Guatemala) a regretté que le rapport sur les questions de politique générale intéressant les missions politiques spéciales ait été publié « avec tant de retard ». Elle a pris note des recommandations contenues dans le rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix et estimé qu’elles devraient contribuer à accroître les mécanismes de transparence et de reddition de comptes des missions politiques spéciales.
Le Guatemala souhaite des dialogues réguliers et interactifs sur les thèmes de politique générale, comme la sécurité et la protection du personnel déployé et les mécanismes visant à éviter les cas d’exploitation et d'abus sexuels. Les États Membres, a insisté Mme Rodriguez, doivent être en mesure de « prendre des décisions politiques informées au moment d’analyser le futur des missions politiques spéciales ». À ce sujet, elle a déploré la manière « succincte » dont le rapport susmentionné présente les mesures prises par le Secrétariat pour améliorer ces missions, y compris la répartition géographique y la participation des femmes.
Pour Mme CASSANDRA Q. BUTTS (États-Unis), « il est difficile de chiffrer la contribution des missions politiques spéciales parce qu’on ne sait pas évaluer le coût d’un conflit évité ». Elle a salué le rôle constructif joué par ces missions dans différentes parties du monde. Pour sa délégation, le modèle des missions régionales a également fait ses preuves.
Elle encourage tout effort allant dans le sens de l’amélioration de l’efficacité des missions politiques spéciales qui sont, pour elle, un élément central de l’architecture de paix et de sécurité. Elle partage l’opinion avancée dans le contexte du processus d’examen des opérations de paix selon laquelle il faut améliorer les efforts de médiation et de prévention des conflits.
Il convient également de faire en sorte que les missions politiques spéciales sont à même de faire face à la violence faite aux civils. Insistant sur les prérogatives propres de chaque commission des Nations Unies, la représentante a insisté sur le fait que seule la Cinquième Commission était chargée des questions budgétaires et financières.
Pour M. ANTHONY ANDANJE (Kenya), les missions politiques spéciales ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention de conflits ainsi que pour la consolidation et le maintien de la paix. Sa délégation partage le point de vue selon lequel la recherche d’une solution politique doit être au cœur des arrangements de paix et de sécurité des Nations Unies. À ce titre, le représentant a salué la priorité renouvelée dont bénéficient la prévention et la médiation dans les recommandations des experts du Groupe de haut niveau sur les opérations de paix.
Il a tenu à mettre l’accent sur l’importance d’un partenariat fort entre les missions politiques spéciales et les organisations régionales et sous régionales. Il a salué la proposition de renforcer le Bureau d’appui de l’ONU pour la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) ainsi que celle de redéfinir qui seraient les clients de ce Bureau d’appui en y incluant l’AMISOM et la Mission d'assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM).
M. MAHLATSE MMINELE (Afrique du Sud) s’est félicité de la volonté de changement de cap à partir des propositions du Groupe indépendant de haut niveau, de même que de l’examen 2015 de l’architecture de consolidation de la paix et de celui, de haut niveau, de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité ». Il a rappelé que son pays avait systématiquement attiré l’attention sur la consolidation de la paix et la prévention des conflits, ajoutant que ce n’est que par une solution politique que l’on arrivera à une paix durable.
Il a souligné que les missions politiques spéciales étaient devenues indispensables dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, appuyant les propositions figurant dans le rapport (A/70/363) du Secrétaire général s’agissant de la prévention des conflits et de la médiation.
Il a salué les progrès observés dans la coopération entre les missions de politiques spéciales et celles de maintien de la paix, notamment avec les acteurs régionaux et sous-régionaux. Étant donné la multiplication des conflits à la fois complexes et violents, il a encouragé à un partenariat plus étroit entre le Conseil de sécurité et les missions politiques spéciales afin d’incorporer un aspect médiation plus solide et une utilisation accrue des technologies nouvelles.
M. Mminele a aussi appelé à la fourniture de ressources adéquates aux missions politiques spéciales et à la poursuite des bons offices du Secrétaire général à cet effet. Enfin, il a encouragé à la lutte contre l’impunité des violations des droits des femmes et des enfants, conformément au cadre normatif de la résolution 1325 (2000).
M. DAVID FORÉS RODRÍGUEZ (Cuba) a rappelé que les missions politiques spéciales devaient se conformer strictement aux principes de la Charte des Nations Unies, en particulier le respect de la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique des États, ainsi que la non-ingérence dans leurs affaires internes.
Aussi, l’ONU a le devoir de leur attribuer des mandats précis et réalistes, avec des objectifs concrets, et les ressources matérielles et financières adéquates. Les nouvelles missions ne doivent pas rogner le budget régulier, a déclaré le représentant, qui a invité l’Assemblée générale à un débat transparent et démocratique pour trouver un mécanisme différencié de financement, qui pourrait être calqué sur le modèle de celui des opérations de maintien de la paix, comme l’a proposé le Mouvement des pays non alignés.
Il a estimé que les missions politiques spéciales étaient du ressort de la politique générale de l’Assemblée générale et a demandé au Secrétaire général de présenter un rapport annuel sur les missions politiques spéciales garantissant la transparence et la reddition de comptes.
M. AHMED MAHDI (Iraq) a souligné la spécificité du mandat de chaque mission politique spéciale et l’importance du respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’appropriation nationale et, pour les missions, de ne pas outrepasser leur mandat.
L’Iraq, qui accueille la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a une politique de coopération solide avec celle-ci pour l’appui à la réconciliation nationale et aux réformes, et pour offrir un soutien humanitaire aux réfugiés iraquiens et syriens. Il a rappelé que la résolution 2233 (2015) du Conseil de sécurité avait prorogé le mandat de cette mission et amélioré ses priorités et ses tâches.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a reconnu que le déploiement d’opérations de maintien de la paix pour répondre aux défis complexes qui se posent aujourd’hui n’était plus politiquement ni financièrement viable. Selon lui, il faut absolument s’attaquer aux causes profondes des conflits et renforcer tous les mécanismes à notre disposition en termes d’alerte rapide, de prévention et de médiation.
M. Alemu a estimé que l’ensemble des États Membres des Nations Unies avaient leur mot à dire dans l’établissement de missions politiques spéciales. Il a salué les recommandations du Groupe Horta pour ce qui est de renforcer la capacité du Département des affaires politiques à mieux analyser et planifier de telles missions avant leur déploiement.
Un Département affaibli par le manque de ressources risquerait de mal analyser les situations de conflit et de formuler des recommandations contreproductives. Par ailleurs, l’Éthiopie est favorable au renforcement du partenariat stratégique entre les Nations Unies et l’Union africaine.
Mme ELSA HAILE (Érythrée) a réitéré le rôle crucial de l’Assemblée générale dans le maintien de la paix et la sécurité mondiales, y compris pour ce qui est de donner des lignes de conduite au Secrétariat sur les questions de politique générale des missions politiques spéciales. Elle a demandé à ce qu’il y ait des dialogues réguliers sur ces questions entre ces deux entités.
Elle a affirmé que la compréhension et le soutien aux missions politiques spéciales par les États Membres étaient essentiels à leur succès, et a regretté que l’expérience des deux dernières années dans ce domaine laissât à désirer. En vue d’y remédier, Mme Haile a préconisé des débats interactifs réguliers.
M. ISMAIL RAUSHAN ZAHIR (Maldives) a rappelé que le mandat des missions politiques spéciales consistait à s’attaquer aux racines des conflits, en facilitant la prévention, ainsi que le maintien ou la consolidation de la paix. Il a reconnu qu’elles jouaient aussi un rôle dans la consolidation de la démocratie, le renforcement des institutions et la mise en œuvre de l’état de droit, avant de réitérer le soutien de son pays à ce mécanisme.
Il a toutefois demandé que ces missions politiques spéciales obéissent à « une méthodologie définie, transparente et objective », afin qu’elles n’agissent pas de manière inconsistante, voire contraire aux objectifs pour lesquelles elles ont été déployées.
« Ces missions ne devraient pas être utilisées pour propager un quelconque ordre du jour politique, ni pour exercer une quelconque pression de la part d’une partie de la communauté internationale, ni d’une manière qui serait contraire aux principes de la Charte des Nations Unies », a-t-il expliqué, avant de réclamer la mise en place d’un mécanisme « robuste, consistant et transparent » pour encadrer ces opérations, conformément aux recommandations du Secrétaire général.
Il a estimé que ces missions devraient commencer par des consultations avec l’État hôte et toutes les parties prenantes et être menées de manière « transparente et inclusive », avec un mandat « clair, approuvé au préalable ». Il a ensuite souligné qu’étant sous l’autorité du Secrétaire général, le personnel déployé dans le cadre de ces missions devait faire preuve « d’une objectivité et d’une impartialité absolue » pour ne pas miner la crédibilité de la Mission et de l’ensemble du système des Nations Unies.
M. BORIS CYHUN ERCIYES (Turquie), notant les besoins humanitaires de 60 millions de personnes déplacées dans le monde, estimés à 20 milliards de dollars pour 2015, a engagé les États à assumer leurs responsabilités collectives pour mobiliser davantage de ressources. Les missions politiques spéciales se trouvent à la croisée des efforts de l’ONU dans les domaines de la paix et de la sécurité, de l’humanitaire et du développement, a-t-il constaté.
Les missions de terrain et les équipes de pays de l’ONU travaillant dans des environnements à risque de plus en plus élevé, il est important de définir des mandats clairs et réalisables et de renforcer la coopération avec les opérations de maintien de la paix.
L’efficacité des missions politiques spéciales dépend de leur capacité d’intervention rapide, a poursuivi le représentant. Pour cela, elles doivent disposer de ressources prévisibles et suffisantes. Il a également mis l’accent sur le rôle de la médiation comme outil de prévention, de gestion et de résolution des conflits.
M. YOSHIMITSU MORIHIRO (Japon) a souligné que le recours aux missions politiques spéciales faisait face à de nombreux défis en raison de l’augmentation de leur nombre et de leur taille ainsi que de la complexité de leurs mandats. Le représentant a rappelé que plusieurs instruments permettaient d’assurer la paix et la sécurité, à savoir les opérations de maintien de la paix, les missions politiques spéciales et les équipes pays des Nations Unies, et qu’il fallait prendre en considération les forces et les faiblesses de chacun de ces instruments pour choisir le mieux adapté à chaque situation.
Ensuite, il est nécessaire d’apporter plus de transparence dans la prise de décisions, actuellement réservée à un processus interne au Conseil de sécurité, et manquant souvent de clarté pour les États Membres qui ne font pas partie du Conseil. Le représentant du Japon a également noté que, puisque le Conseil de sécurité avait autorité pour décider d’une mission politique spéciale et définir son mandat, il devait également en assurer la responsabilité et rendre des comptes sur les mandats des missions, leur réalisation et leur échéancier.
M. JOAKIM VAVERKA (Suède) a affirmé que son pays avait accueilli pour cette seule semaine quelque 10 000 demandeurs d’asile. Beaucoup de mesures différentes doivent être prises, collectivement, pour relever l’« incroyable défi » posé par les nombreux conflits qui ravagent le monde, a déclaré le représentant, qui a insisté sur « la prévention d’abord ».
Il a invité à ne ménager aucun effort dans le soutien à la diplomatie, aux bons offices et aux solutions politiques. Les missions politiques spéciales sont un outil indispensable, qu’il faut améliorer en appuyant tant les recommandations du Secrétaire général que celles du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix. Il a formé le vœu que l’appui aux missions se concrétisera par l’adoption du projet de résolution sur cette question.
Mme KAISA-REETTA KARHU (Finlande) a souhaité qu’à l’avenir, le rapport du Secrétaire fasse une analyse encore plus approfondie des forces et faiblesses des missions politiques spéciales et des tendances actuelles. Elle s’est félicitée de la souplesse de ces missions et a encouragé à ce qu’elles deviennent « aussi efficaces que possible ».
À l’instar d’autres pays, la Finlande a exprimé le vœu de poursuivre les dialogues interactifs et a salué la nomination d’un plus grand nombre de femmes aux postes de haut rang au sein de ces missions. Elle a mis l’accent sur la nécessité de rechercher des solutions politiques dans les efforts de paix et de sécurité, ainsi que sur la prévention et la médiation, de même que sur des activités centrées sur les besoins divers des pays où elles sont conduites.
M. MOHAMED HOSNI ELMODIR (Libye) a affirmé que les missions politiques spéciales étaient des instruments indispensables qui aidaient à la non-répétition des conflits. Il reste que leur travail est chaque fois plus complexe même si leur objectif est toujours le même. M. Elmodir a rappelé leur responsabilité de protection des populations civiles et de non-ingérence dans les affaires internes du pays où elles opèrent.
La Libye est en phase de transition et reçoit une mission d’appui (MANUL) qui lui a apporté un appui remarquable. Il a estimé que, malheureusement, l’émergence de groupes armés, l’accroissement de la violence et de l’insécurité avaient obligé à l’évacuation de son personnel et à l’établissement de son centre d’opération depuis la Tunisie. Il a dit toute sa gratitude à M. Bernardino León, ancien Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Libye, et souhaité plein succès à son successeur, M. Martin Kobler.