Quatrième Commission: le recours à la force, la sécurité des Casques bleus et les partenariats avec les organisations régionales au cœur des débats sur le maintien de la paix
Les délégations de la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) ont conclu, aujourd’hui, leur débat de quatre jours sur les questions relatives au maintien de la paix, en mettant l’accent sur la sécurité des Casques bleus et la protection des populations civiles dans le contexte du maintien de la paix.
Les attaques délibérées et ciblées de plus en plus nombreuses qui visent le personnel de maintien de la paix sont la preuve du problème posé par des environnements de plus en plus dangereux et hostiles dans lesquels évoluent les soldats de la paix. C’est ce qui a amené, cet après-midi, les délégations à placer le problème de la sécurité des troupes et des autres personnels de maintien de la paix au cœur de leurs préoccupations. Comme l’a rappelé le représentant du Tchad, son pays en a payé le plus lourd tribut, notamment au Mali. Lui faisant écho, son homologue jamaïcain a indiqué que les attaques ciblées à l’arme légère et les embuscades avaient plus que doublé chaque année sur les trois dernières années, notamment au Mali, en République centrafricaine et en République démocratique du Congo. Apportant encore plus de précisions, le représentant des États-Unis a avancé le chiffre de 85 morts enregistré cette année au cours des opérations de maintien de la paix, dont 23 suite à des actes malveillants.
Cela ne signifie pas pour autant que toutes les délégations partagent le même point de vue sur l’utilisation de la force par les brigades d’intervention de l’ONU, comme celles de la MONUSCO et de l’AMISOM. Si un certain nombre de pays africains semblent favorables à des mandats de maintien de la paix robustes, voire offensifs, pour permettre aux Casques bleus de lutter contre les groupes armés et terroristes, d’autres États Membres restent en revanche réticents à autoriser le recours à la force de manière plus systématique. À leur avis, il ne faut pas que les Casques bleus soient perçus comme partie au conflit; à cette fin, certaines délégations ont demandé à clarifier le cadre juridique qui régit l’usage de la force. Pour ces délégations, la solution serait plutôt de donner une meilleure formation au personnel de maintien de la paix, de les doter de règles et de lignes de conduite précises, et de donner aux missions des mandats clairs et réalisables et des moyens techniques et opérationnels plus performants et adéquats, dont des nouveaux outils technologiques comme les drones.
Par ailleurs, les délégations ont été unanimes à recommander un plus grand engagement des organisations régionales comme l’Union africaine dans le maintien de la paix. Accompagnée d’un renforcement de leurs capacités, une participation plus active permettrait à ces organisations d’assumer un rôle plus déterminant en matière de stabilité régionale, ont souligné les représentants du Burkina Faso, du Gabon et de la République-Unie de Tanzanie. Lorsqu’elle en a les moyens, l’Union africaine est efficace, comme l’ont montré les expériences en Somalie et au Mali, a rappelé le représentant gabonais qui préconise un cadre commun d’engagement ONU/Union africaine. Les délégations africaines estiment de ce fait important que les initiatives régionales puissent bénéficier de l’accompagnement politique, financier et matériel de l’ONU.
La délégation des États-Unis a, pour sa part, mis l’accent sur la composante de police des missions de paix et son rôle croissant. Elle a préconisé d’inclure la planification de cette composante dès le départ des opérations, tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de chevauchements entre les fonctions militaires et de police.
La prochaine réunion de la Quatrième Commission aura lieu vendredi 6 novembre, à 15 heures. Elle entamera l’examen du point de son ordre du jour relatif aux missions politiques spéciales.
ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS (A/70/95 et A/70/357)
Fin du débat général
Notant que les opérations de maintien de la paix étaient déployées sur le terrain de conflits de plus en plus complexes, M. RAFAEL HÉCTOR DALO (Argentine) a souligné qu’il fallait continuer à réfléchir sur leur évolution. Il a également exprimé son accord avec la recommandation d’accorder davantage d’importance à la prévention et la médiation, jugeant essentiel d’approfondir la coopération triangulaire et de redéfinir l’assignation des tâches incombant aux opérations de maintien de la paix. Elles ne sont en effet pas conçues pour avoir recours à la force mais seulement pour assurer la protection des civils quand les droits de l’homme sont menacés et que les autres recours ont échoué, a-t-il souligné. La délicate question de la protection des civils nécessite par ailleurs un entraînement spécial, avec les ressources financières adéquates, a-t-il poursuivi, exprimant son accord sur l’intégration de la protection des droits de l’homme dans les missions. Les opérations de maintien de la paix seront amenées à exécuter des tâches de plus en plus complexes dans des situations de plus en plus difficiles, et il faudra assumer le coût financier qui en résulte, a-t-il conclu, comptant sur la bonne volonté et l’esprit de compromis des États Membres.
M. LIU JIEYI (Chine) a salué les engagements pris lors du Sommet des leaders du maintien de la paix en septembre dernier, affirmant que son pays s’attendait à ce que les États Membres conjuguent leurs efforts pour réaliser les objectifs du document final de ce Sommet. Mon pays espère en outre que les États Membres sauront tirer parti des recommandations du Groupe de haut niveau sur les opérations de paix pour renforcer l’architecture du maintien de la paix de l’ONU, a-t-il indiqué.
Le représentant a insisté sur le respect inconditionnel des trois principes fondamentaux du maintien de la paix, qui sont l’impartialité, le consentement des parties et le non-recours à la force hormis en cas de légitime défense, qui sont « la pièce maîtresse de ces opérations » et a estimé qu’il fallait pleinement respecter la souveraineté des États dans le contexte des opérations de maintien de la paix. Enfin il faut renforcer la communication avec les PCC et leur donner davantage de voix au chapitre, a demandé le représentant chinois. Préconisant que les opérations de maintien de la paix soient gérées de façon dynamique, il a expliqué que cela supposait une amélioration du système logistique et la réalisation de résultats tangibles. Il a également insisté sur le fait que les mandats des missions doivent être clairs et réalistes et qu’il fallait mettre en place des synergies entre les opérations de paix. En outre, il a estimé que le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) devrait tirer parti des rôles et avantages comparatifs de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes dans le cadre de partenariats renforcés.
Le représentant a, par ailleurs, salué le nouveau système de disponibilité opérationnelle, notamment les forces en attente de 8 000 hommes, et s’est dit disposée à répondre aux demandes du DOMP, notamment dans le domaine du déminage. Le représentant a également annoncé que son pays s’apprêtait à contribuer 1 milliard de dollars d’aide militaire sur quatre ans à l’Union africaine pour mettre en place sa force en attente.
M. GONZALO KONCKE (Uruguay) a rappelé que son pays était engagé dans les opérations de maintien de la paix depuis 1951, avec un minimum de 2 000 Casques bleus envoyés chaque année depuis 2004, ce qui le place dans la liste des 20 principaux fournisseurs de troupes aux opérations de maintien de la paix et le premier par rapport à sa population. Actuellement, les troupes uruguayennes sont particulièrement présentes dans la MONUSCO en République démocratique du Congo et dans la MINUSTAH en Haïti. Le chiffre sans précédent de 123 729 militaires et policiers déployés dans les différentes missions, dont le mandat est de plus en plus complexe, montre que la tâche de maintien de la paix reste immense, a-t-il constaté. Aussi, à son avis, les discussions sur les révisions de la résolution 1325 doivent être menées dans une approche holistique, et on doit envisager des synergies entre les processus. Le représentant a par ailleurs souligné la nécessité d’augmenter le rôle du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34), organe ouvert et inclusif. Sur le terrain, la protection des civils est une question prioritaire et la prévention de la violence sexuelle dans les conflits est essentielle pour mon pays, a poursuivi le représentant, insistant sur la nécessité de lutter contre l’impunité. Évoquant le cas de la MONUSCO, il a souhaité que la création d’une Brigade d’intervention avec un mandat offensif pour neutraliser les groupes armés soit analysée en fonction de l’impact sur les principes de maintien de la paix, en particulier sur celui de l’impartialité.
Mme ZEENA MOHAMED DIDI (Maldives) a mis l’accent sur les conditions difficiles et dangereuses dans lesquelles sont déployés les Casques bleus, qui sont souvent victimes d’attaques ciblées. Elle a remarqué la complexité de leurs mandats qui, de nos jours, vont bien au-delà de la séparation entre belligérants et couvrent désormais l’aide humanitaire, l’assistance électorale, le suivi de l’application des sanctions, la protection des civils et la démobilisation des combattants. Rappelant que les petits États insulaires sont parmi les plus grands fournisseurs de contingents par rapport à la taille de leur population, la déléguée a souligné les obstacles institutionnels et physiques que ces pays connaissent en termes de capacités, de savoir-faire ainsi et de formation des hommes. Les Maldives sont en train de préparer le premier contingent à déployer sous la bannière de l’ONU, mais n’ont pas réussi à respecter les délais impartis pour sa préparation, a-t-elle précisé.
M. MICHAEL MAVROS (Chypre) a rappelé que son pays avait bénéficié, depuis 1960, de deux formes d’engagement de l’ONU dans le but de parvenir à la paix et à la réunification de l’île. La première a été la Force de maintien de la paix des Nations Unies à Chypre, créée en 1964 par le Conseil de sécurité, la deuxième étant la mission de bons offices du Secrétaire général que lui a confiée le Conseil de sécurité. Il a souligné l’importance de l’objectivité et de l’impartialité des Nations Unies dans ce domaine, qui lui garantit la crédibilité nécessaire pour traiter de situations sur le terrain, rappelant à ce sujet que les décisions et mesures prises par l’ONU devaient être conformes à la Charte et aux résolutions de de l’Organisation, ainsi qu’à la jurisprudence et au droit international. M. Mavros a également souhaité que les droits de l’homme, l’égalité entre les sexes et le rôle humanitaire du maintien de la paix soient placés au cœur de ces opérations. Enfin, il a mentionné le Comité technique sur l’égalité des genres mis sur pied par son pays dans le cadre des négociations sur la question de Chypre.
M. HOLOPATIUK (Ukraine) a déclaré que les Nations Unies devraient s’atteler au déficit sécuritaire avec la réforme de ses capacités de maintien de la paix, ce qui est prioritaire pour l’Ukraine qui a obtenu un siège au Conseil de sécurité. Mon pays souhaite davantage de règlement pacifique des conflits, plus de souplesse, des partenariats régionaux renforcés et des mandats plus ciblés sur le terrain, a-t-il déclaré, estimant nécessaire de resserrer la coopération entre le Conseil de sécurité et les pays fournisseurs de contingents. La sécurité des Casques bleus du début jusqu’à la fin de leurs mandats devrait être une des priorités de la réforme, a-t-il précisé. Le représentant a par ailleurs dénoncé l’agression de la Russie contre l’Ukraine, et a déclaré compter sur l’aide de l’ONU dans ce domaine. En mars, l’Ukraine a invité le Conseil de sécurité et le Secrétaire général à déployer une opération de maintien de la paix dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, et s’est engagée à faire respecter l’esprit et la lettre des Accords de Minsk, a-t-il rappelé.
M. BARIŞ CEYHUN ERCIYES (Turquie) a salué l’adoption mardi dernier par l’Assemblée générale de la résolution sur les opérations de maintien de la paix. En tant que Coprésidente du Groupe des amis de la médiation, la Turquie estime que la médiation et la diplomatie préventive sont des outils essentiels pour la résolution des conflits, les périodes de transition et de sortie de crises. Avec une approche holistique et des stratégies intégrées, ces deux éléments peuvent contribuer à renforcer l’efficacité des opérations de maintien de la paix, à tous les niveaux, a estimé le représentant.
Il est également essentiel de disposer de processus d’élaboration de mandats clairs pour ces opérations, y intégrant notamment des stratégies de sortie, a estimé le représentant, ajoutant, à cet égard, que les préoccupations des pays contributeurs de troupes et de police devaient être prises en considération. La protection des civils doit également être un des axes des opérations de maintien de la paix et la Turquie, pays contributeur de troupes, plaide pour la politique de tolérance zéro en matière d’abus sexuels dont pourraient se rendre coupables les personnels de ces missions, a-t-il précisé.
M. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a rappelé que les attaques ciblées à l’arme légère et les embuscades contre les soldats de la paix ont plus que doublé chaque année sur les trois dernières années, notamment au Mali, en République centrafricaine et en RDC. Toutefois, la solution politique doit être le but ultime des opérations de maintien de la paix, qui doit passer par le dialogue avec toutes les parties concernées. Il a dit appuyer l’appel à ce que le Conseil de sécurité participe à la recherche de solutions politiques.
Par ailleurs, il a estimé que la capacité de l’ONU à réagir rapidement en situation de conflit était l’un des critères déterminants de l’efficacité des opérations de maintien de la paix, qui a en outre mis l’accent sur l’importance de la volonté politique des États Membres à fournir les effectifs et les capacités opérationnels pour combler le fossé actuel en termes de maintien de la paix internationale. Il a également estimé que l’utilisation des nouvelles technologies pouvait contribuer à la protection des civils en situation de conflit dans la mesure où celles-ci permettaient une meilleure prise de conscience situationnelle. Il a recommandé en outre le renforcement de la collaboration triangulaire entre pays contributeurs de contingents, Secrétariat et Conseil de sécurité, et a salué les mesures prises en ce sens pour augmenter la transparence et intensifier les consultations entre le Conseil et les pays contributeurs de contingents. Il faut toutefois que ces pays puissent contribuer davantage au processus de prise de décisions avant la formulation et les changements de mandats, a estimé le représentant.
M. MEHDI REMAOUN (Algérie) s’est félicité de l’approche ouverte et holistique adoptée par le Groupe indépendant de haut niveau, de même que de son appel à renforcer la coopération régionale et en particulier les partenariats entre les Nations Unies et l’Union africaine. Les opérations de maintien de la paix se heurtent à des situations de plus en plus complexes, avec des gouvernements affaiblis, des frontières poreuses et la présence d’organisations terroristes, a souligné le représentant. Il a par ailleurs exprimé sa préoccupation au sujet de la persistance de cas d’exploitation et d’abus sexuels, préjudiciables pour les victimes comme pour l’image et la crédibilité des Nations Unies. Aussi, il a apporté son soutien à l’engagement du Secrétaire général en faveur d’une politique de tolérance zéro envers le personnel de l’ONU et le personnel lié à l’Organisation. En conclusion, il s’est déclaré favorable à l’inclusion de la surveillance de la situation des droits de l’homme dans les mandats des missions et a rendu hommage aux nombreux soldats de la paix qui ont perdu la vie cette année. Les opérations de maintien de la paix doivent recevoir un mandat clair, y compris par rapport à leur retrait ou leur reconfiguration.
M. LAWALI AMANI MOUSSA (Niger) a rappelé que les opérations de maintien de la paix avaient été créées pour faire respecter des accords de paix ou de cessez-le-feu mais que, après la guerre froide, elles avaient pris un nouveau tournant en mêlant activités militaires et civiles. Elles sont de plus en plus multidimensionnelles, englobant la construction de l’état de droit, la protection des droits de l’homme, le soutien au processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, ainsi que la réforme des secteurs de la sécurité dans les zones de conflit. La majorité des opérations de maintien de la paix se déroulent aujourd’hui sur le continent africain, a également rappelé le représentant du Niger, estimant que la prise en charge progressive de la gestion de la paix sur le continent a amené les Africains à figurer actuellement parmi les principaux fournisseurs de troupes, avec 37 907 Casques bleus, dont 2 048 Nigériens. Affirmant que l’efficacité d’une mission dépendait largement du soutien logistique, en personnel, en matériels, en financement et en ressources, le représentant a indiqué que cette responsabilité incombait à l’ensemble des États Membres de l’ONU. Mon pays est favorable à l’amélioration et à l’efficacité des opérations, de même qu’au respect du principe d’égalité hommes-femmes et à la répartition géographique dans le recrutement, a-t-il souligné, plaidant en outre pour la négociation et la médiation comme mode de résolution des conflits et de consolidation de la paix.
M. YOUSSOUPH DIALLO (Sénégal) a rappelé que la nature changeante des conflits, les menaces asymétriques, le terrorisme, la piraterie et autres menaces avaient complexifié les opérations de maintien de la paix, dotées à leur création d’un mandat simplifié excluant tout recours à la force. Cette nouvelle donne demande une nouvelle politique et le Sénégal souscrit aux quatre principaux axes identifiés par le Secrétaire général, à savoir la protection des populations civiles, la prévention et la médiation, le renforcement des partenariats entre acteurs régionaux et internationaux, et la recherche de moyens adéquats, en particulier financiers, a-t-il indiqué. De plus, le représentant a recommandé au Conseil de sécurité de doter les opérations de mandats clairs. Sur la question de la prévention, il a indiqué que, même si la solution économique ne constituait pas une panacée, la prise en compte optimale des besoins spécifiques en termes de développement des pays concernés permettrait de régler, au moins en partie, certaines crises. En outre, parce qu’elles constituent, avec les enfants, les groupes les plus vulnérables en période de conflit, les femmes devraient être amenées à jouer un rôle central, non seulement dans la prévention mais également dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix. Concernant les cas d’abus sexuels, le représentant a réitéré le soutien du Sénégal à la politique de fermeté adoptée par le Secrétaire général à ce sujet et indiqué que les autorités de son pays avaient décidé de rapatrier tout homme qui ferait preuve d’indiscipline et de manquement à ses obligations professionnelles, sans préjudice des suites à donner par les instances administratives et judiciaires compétentes. En conclusion, il a indiqué qu’avec 3 762 hommes et une unité d’hélicoptères, son pays figurait à la septième place sur les 128 pays contributeurs de troupes, et a rendu hommage au travail remarquable et aux sacrifices consentis par les Casques bleus, au péril de leur vie.
M. FRANKLIN JOACHIM MAKANGA (Gabon) a souhaité que les bureaux régionaux des Nations Unies soient dotés de moyens financiers et humains conséquents en vue d’accroître leur efficacité sur le terrain, affirmant que les Bureaux des Nations Unies pour l’Afrique centrale et pour l’Afrique de l’Ouest, ainsi que les missions de bons offices du Secrétaire général dans ces régions avaient permis de désamorcer des tensions avant qu’elles ne dégénèrent et se transforment en conflit ouvert. Il a aussi plaidé pour le renforcement du partenariat entre les Nations Unies et les organisations régionales, car, a-t-il justifié, celles-ci ont l’avantage de mieux connaître le terrain de déploiement des opérations de maintien de la paix.
Le délégué s’est aussi félicité des discussions en cours visant la mise en place, en 2016, d’un cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et sécurité entre le Secrétariat des Nations Unies et la Commission de l’Union africaine. Il a souhaité que ce cadre permette un financement adéquat, stable et prévisible à l’appui des opérations de paix de l’Union africaine. Il a par ailleurs exprimé l’espoir que toutes les missions de maintien de la paix seraient dotées d’un mandat spécifique consacré à la protection des civils. Il a aussi plaidé pour la prise en compte du facteur linguistique dans les opérations de maintien de la paix, notamment dans le choix des gradés.
M. ANTHONY BOSAH (Nigéria) a salué l’examen des opérations de paix des Nations Unies et les recommandations qui en ont découlé. Il a appuyé le plan d’action du Secrétaire général pour donner suite à ces recommandations en mettant l’accent sur la médiation et la prévention ainsi que sur les partenariats régionaux. Abordant la coopération entre l’ONU et l’Union africaine, il a souligné les difficultés de financement de l’Union africaine et la nécessité pour les Nations Unies d’en assumer la responsabilité au premier chef, sans que cela soit perçu comme « un manque de volonté de la part de l’Union africaine à gérer ces missions », mais plutôt comme un partenariat vital.
Tout en saluant le recours aux technologies de pointe dans les opérations de maintien de la paix, le représentant a appelé à la prudence quant à leur utilisation de nature à saper les principes de souveraineté de l’État et d’intégrité territoriale, tel que stipulés dans la Charte des Nations Unies. S’agissant de la protection des civils, le Nigéria plaide en faveur de stratégies innovatrices et non violentes, y compris la proposition du Groupe de haut niveau d’avoir des protecteurs des civils non armés, a indiqué le représentant.
M. RAMADHAN MWINYI (République-Unie de Tanzanie) a indiqué que les opérations de maintien de la paix doivent garder leur caractère neutre et impartial, et n’user de la force qu’en cas de légitime défense, ou dans le cadre de leur mandat. Il a expliqué que le respect de ces principes s’avère crucial afin que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies puissent garder leur crédibilité et leur légitimité. Il a ensuite rappelé que l’obligation de protéger les civils, un principe au centre des activités de maintien de la paix dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, doit d’abord incomber au gouvernement concerné et insisté sur le fait que les missions de maintien de la paix doivent, dans ce contexte, travailler de concert avec le pays hôte dans l’optique de la recherche d’une paix durable et du développement économique. Le délégué a par ailleurs relevé que les interventions étrangères ne sont pas toujours les plus efficaces, plaidant pour une plus grande participation des organisations régionales et sous-régionales dans la recherche de la paix. Il a enfin déclaré que son pays soutenait la politique de tolérance zéro en cas d’abus ou d’exploitation sexuels dont se seraient rendus coupables les soldats de la paix.
Mme MARIAME FOFANA (Burkina Faso), dont le pays a participé aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, notamment en Haïti, en RDC, au Mali, en République centrafricaine, au Soudan du Sud et en Côte d’Ivoire, a noté, qu’à l’instar d’autres pays en développement, le Burkina Faso rencontrait des difficultés liées à l’insuffisance de matériels et d’infrastructures de formation et d’équipements adéquats de déploiement rapide. Elle a émis l’espoir que la réunion des leaders sur les opérations de maintien de la paix aura permis d’apporter un début de réponse à ces préoccupations.
Abordant la question de la sécurité du personnel de maintien de la paix, elle a demandé le renforcement des capacités des Casques bleus en matière d’autoprotection et de défense. Par ailleurs, la représentante a mis l’accent sur l’articulation entre le mécanisme universel de l’ONU et les mécanismes régionaux dans le cadre des opérations de maintien de la paix susceptibles de les rendre réactives et efficaces sur le terrain. Il est de ce fait important, selon elle, que les initiatives régionales puissent bénéficier de l’accompagnement politique, financier et matériel de l’ONU.
M. HOSSEIN MALEKI (République islamique d’Iran) a souligné le rôle premier que joue l’Assemblée générale au sein du système des Nations Unies pour formuler des concepts et des politiques, et pour débattre de questions liées aux opérations de maintien de la paix. Il a estimé que le Comité spécial chargé de ces questions, le Comité des 34, était le seul organe intergouvernemental mandaté pour examiner cette question de manière complète. Il a aussi précisé que les nouveaux concepts et idées destinés à répondre aux nouvelles exigences des opérations de maintien de la paix complexes et multidimensionnelles, devaient être cohérents avec les principes et la terminologie approuvés dans le cadre des négociations intergouvernementales. Reconnaissant la nécessité de créer un nouveau mécanisme pour traiter ces nouveaux défis, il a demandé le strict respect des objectifs et principes de la Charte, comme le consentement des parties, la non-utilisation de la force sauf en cas d’autodéfense, l’impartialité de tous les États et la non-intervention sur des questions qui relèvent de la juridiction nationale. Concernant les recommandations du rapport du Groupe indépendant de haut niveau, il a souhaité qu’elles ne soient pas mises en œuvre trop rapidement afin d’éviter un échec. Par ailleurs, le représentant a souligné la responsabilité première qui incombe au pays hôte en matière de protection des civils, en ajoutant que cette obligation ne doit pas servir de prétexte à une intervention militaire dans un pays en crise par les Nations Unies ou par toute puissance étrangère.
M. AHMAT ABSAKINE YERIMA (Tchad) a remarqué qu’avec l’intensification et l’augmentation du nombre des conflits marqués par des menaces nouvelles comme le terrorisme et la prolifération des armes légères et de petit calibre, les opérations de maintien de la paix (OMP) étaient devenues à la fois plus coûteuses et surtout plus dangereuses comme l’attestent les pertes importantes en vies humaines. Son pays a payé l’un des plus lourds tributs, a-t-il indiqué, notamment au Mali, où il a perdu des dizaines de soldats dans le cadre de la MISMA et de la MINUSMA. Pour sa délégation, l’ONU ne peut pas à elle seule relever les nombreux défis en matière de paix et de sécurité, notamment en Afrique. Il est par conséquent indispensable que l’Organisation renforce son partenariat stratégique avec l’Union africaine « qui mérite d’être appuyée dans ses efforts », a-t-il dit, énumérant les avantages comparatifs de l’Union africaine, tels que la proximité géographique, la légitimité, la connaissance des causes profondes des conflits et l’aptitude d’intervenir rapidement en situation de crise.
Le représentant a par ailleurs affirmé que son pays estimait qu’en Afrique, notamment en Somalie, en RDC et au Mali, l’expérience a montré que l’imposition de la paix répondait parfois mieux à certaines circonstances, comme cela a été le cas pour la Brigade d’intervention de la MONUSCO et de l’AMISOM en Somalie contre le groupe Al-Chabab. Il a appelé l’ONU à appuyer l’Union africaine, en particulier en finançant ses opérations de maintien de la paix autorisées par le Conseil de sécurité.
Concernant l’utilisation des technologies, il ne fait pas de doute pour sa délégation qu’elles apportent un avantage en termes de sécurité et sûreté. Cependant, il convient d’engager les pays hôtes des opérations et leurs voisins immédiats afin d’obtenir leur consentement, notamment en ce qui concerne l’usage des drones qui pose toujours problème en matière juridique.
M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a indiqué que les priorités des OMP étaient de prévenir des massacres et de protéger les civils, de répondre rapidement et avec souplesse aux situations changeantes, d’établir l’état de droit et d’empêcher ou, le cas échéant, de sanctionner ceux qui font preuve de mauvaise conduite, en particulier les auteurs d’exploitation et d’abus sexuels. Il a souligné le travail remarquable des conseillers de protection spéciaux dans la protection des civils, en particulier pour les enfants et les personnes vulnérables. Le représentant a souligné le travail des policiers, souhaitant une norme commune pour la police de l’ONU afin d’en garantir la cohérence et soulignant que ces opérations étaient essentielles pour jeter les bases d’une paix durable et qu’il était nécessaire d’établir une distinction entre responsabilités politiques et militaires. Il a estimé les cas d’abus de personnes vulnérables, notamment les abus sexuels contre des enfants, comme particulièrement alarmants. Affirmant que l’ONU éprouvait de graves difficultés pour faire respecter les interdictions, il a déclaré que le mépris du bien-être des populations locales par une poignée d’individus était en totale contradiction avec les principes de base de la Charte des Nations Unies, et accordé son plein soutien à la politique de fermeté du Secrétaire général pour empêcher et répondre à toute mauvaise conduite à l’avenir. Rappelant que les opérations de maintien de la paix avaient enregistré 85 décès cette année, il a souligné la responsabilité collective pour garantir que les opérations de maintien de la paix fonctionnent pleinement, en particulier par la planification et l’analyse, et qu’elles disposent des ressources nécessaires.
M. RADISA GRUJIC (Serbie) a plaidé pour le renforcement de la collaboration entre le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, le Secrétariat des Nations Unies, les pays hôtes, les pays contributeurs de troupes et d’autres acteurs de première importance, notamment les organisations régionales. Il a appelé au renforcement des opérations de maintien de la paix, afin de les rendre plus efficaces en y incorporant par exemple les technologies modernes. Il a aussi proposé que les initiatives en matière de sécurité et de développement soient liées, appelant en outre à une plus grande protection des soldats de la paix, ainsi qu’à une plus grande participation des femmes dans tous les processus de paix. M. Grujic a par ailleurs indiqué que la Serbie était le huitième pays contributeur de troupes d’Europe avec près de 350 hommes et femmes engagés dans des missions de la paix à travers le monde, et il s’est engagé à ce que ce nombre soit revu à la hausse.
M. DANIJEL MEDAN (Croatie) a souhaité que les mandats des missions des Nations Unies soient clairs et réalistes. Ils doivent être élaborés en fonction des circonstances spécifiques de chaque situation, a-t-il précisé, ajoutant que la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants, devait être au cœur de ces mandats et que l’ONU devait méditer les leçons du passé. « Ce qui s’est passé à Srebrenica il y a 20 ans ne doit jamais se répéter », a-t-il lancé. Il a ensuite souligné l’importance d’une participation renforcée des femmes aux phases de prévention et de résolution des conflits, ainsi qu’aux processus de paix. L’une de nos priorités doit être la prévention de la violence sexuelle, a continué M. Medan, avant d’exprimer sa préoccupation devant les allégations de violence sexuelle visant les soldats de la paix. Il a souhaité que ces allégations fassent l’objet d’une enquête approfondie. Enfin, le délégué de la Croatie a souligné le lien fort qui existe entre sécurité et développement.
M. RUBEN IGNACIO ZAMORA RIVAS (El Salvador) a indiqué que son pays avait franchi une nouvelle étape dans sa participation aux OMP avec l’envoi de son premier contingent à la MINUSMA du Mali, et continuait à participer aux missions en Haïti, au Soudan et au Soudan du Sud, en Côte d’Ivoire, au Liban et au Sahara occidental. Il a souligné que les opérations de maintien de la paix avaient besoin de soutien politique de la part des États Membres, d’une part pour les nécessaires ressources humaines, financières et logistiques, d’autre part pour obtenir un mandat clairement défini et viable de la part du Conseil de sécurité. Les opérations de maintien de la paix ne sont pas l’objectif final mais une mesure temporaire permettant de créer un cadre de sécurité favorable à une stratégie à long terme, a-t-il affirmé. Le représentant a estimé que la protection des civils devait être la priorité de chaque mission, et que les mandats devaient clairement le mentionner. El Salvador soutient également toutes les initiatives assurant la participation des femmes dans les contingents et souhaite qu’elles participent davantage aux prises de décision, a dit le représentant, qui a par ailleurs demandé que les responsables d’abus sexuels fassent l’objet de poursuites judiciaires, et salué l’établissement du comité indépendant créé par le Secrétaire général, dont il attend les conclusions. Quant à l’utilisation des technologies, et en particulier des drones, El Salvador y est favorable étant donné qu’elles permettent d’améliorer l’efficacité des missions, a dit le représentant, tout en demandant que leur utilisation soit encadrée.
En conclusion, le représentant a lancé un appel au renforcement de l’interaction entre pays hôtes et opérations de maintien de la paix, à une participation active des pays contributeurs à la prise de décision, au remboursement des sommes dues aux pays contributeurs, à la nécessité de séparer le budget des missions politiques spéciales du budget régulier en créant un compte spécial et à l’établissement de mécanismes efficaces et autonomes pour les enquêtes sur les violations des droits de l’homme de la part du personnel de l’ONU.
Droits de réponse
Le représentant du Maroc est revenu sur la déclaration de l’Algérie selon laquelle la MINURSO est la seule mission dépourvue de mandat de surveillance des droits de l’homme, alors que c’est le cas de six missions. Le représentant a reproché à l’Algérie de se poser en donneuse de leçons en matière de droits de l’homme alors que les principales organisations des droits de l’homme y sont interdites, demandant à l’ONU de se pencher sur les violations des droits de l’homme en Algérie. L’Algérie n’a jamais participé à une opération de maintien de la paix ni aux missions de l’Union africaine, a-t-il dit.
Le représentant de l’Algérie a interrompu pour que l’ordre du jour soit respecté: il porte sur le maintien de la paix et non pas sur l’Algérie, a-t-il affirmé.
Le représentant du Maroc a repris en exprimant son étonnement que l’Algérie se félicite de la hausse de la contribution de l’Union européenne aux opérations de maintien de la paix, alors qu’elle n’y a elle-même jamais participé.