Quatrième Commission: la question des mandats robustes avec possibilité de recours à la force soulève toujours des réserves
« Certaines interventions robustes confiées aux forces de l’ONU risquent de transformer ces forces, et la Mission tout entière, en partie au conflit », a prévenu, cet après-midi, le représentant du CICR qui participait au débat sur l’examen de l’ensemble des opérations de maintien de la paix à la Quatrième Commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation.
Les opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations Unies ne sauraient se transformer en opérations d’imposition de la paix, ont souligné certaines délégations, dont celles de l’Inde et du Pakistan. Si certains ont invoqué la validité des principes fondamentaux du maintien de la paix, notamment l’impartialité, le consentement des parties et le non-recours à la force à l’exception des cas de légitime défense, pour justifier leurs réticences vis-à-vis du concept des mandats robustes, d’autres ont exigé que le cadre juridique qui régit ce type d’interventions musclées soit clarifié. Comme l’a expliqué la représentante du Pakistan qui s’est prononcée en faveur d’une approche « prudente » et « mesurée » vis-à-vis du concept d’« imposition de la paix », ces délégations se refusent à considérer les Casques bleus comme les agents d’une « sorte d’intervention extérieure » dans des conflits internes ou régionaux.
Construire une paix durable nécessite un renforcement de la coopération à l’échelle des Nations Unies et la constitution de partenariats entre l’ONU et les organisations régionales et sous régionales, ont souligné certains intervenants pour lesquels une approche compartimentée ne reflète pas la réalité du terrain. Au plan régional, le représentant du Mali, à l’instar d’autres délégations africaines, a salué le partenariat stratégique entre l’ONU et l’Union africaine, qui devrait permettre d’instituer un mécanisme souple, prévisible et durable reposant sur l’utilisation des contributions au budget des Nations Unies mises à recouvrement, en vue d’appuyer les opérations de soutien à la paix dirigées par l’UA avec le consentement du Conseil de sécurité.
Notant que le terme « opérations de paix » est utilisé par les experts pour nommer toute opération relative à la paix et à la sécurité sur le terrain, qu’il s’agisse de missions politiques mandatées par le Conseil de sécurité et/ou l’Assemblée générale, d’opérations de maintien de la paix ou de missions politiques spéciales, la délégation des Philippines a demandé une approche plus cohérente et globale des missions afin de lier effectivement paix, sécurité, droits de l’homme et développement.
Par ailleurs, de nombreuses délégations ont réaffirmé l’importance de la coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, les pays fournisseurs de contingents et le Secrétariat. Les pays fournisseurs de contingents ont à nouveau demandé à être associés à toutes les étapes de prise de décisions et de modification des mandats en matière de maintien de la paix.
La Quatrième Commission poursuivra son débat sur cette question, demain, jeudi 5 novembre, à partir de 15 heures.
ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS (A/70/95 ET A/70/357)
Suite du débat général
M. RAHUL KASWAN (Inde) a estimé que la question la plus pressante du maintien de la paix était la manière dont les mandats de la paix étaient formulés par le Conseil de sécurité, « en l’absence de toute responsabilisation ou de transparence ». Il a par conséquent appelé à des consultations « plus directes et formelles » entre les pays contributeurs de troupes et le Conseil lors de la phase d’élaboration des mandats, dans l’esprit de l’article 44 de la Charte des Nations Unies. Le représentant a ensuite exhorté les Nations Unies, et en particulier le Conseil de sécurité, à veiller à l’inclusion obligatoire, dans tous les mandats de maintien de la paix, de dispositions juridiquement contraignantes relatives aux poursuites judiciaires, à la pénalisation et à la neutralisation de tous les groupes armés non étatiques qui s’en prennent aux opérations de maintien de la paix. Après avoir reconnu que les opérations n’étaient pas adaptées à des activités de « contreterrorisme militaire », le représentant a estimé que les principes fondamentaux que sont le consentement du pays hôte, l’impartialité et le non-usage de la force sauf dans ces circonstances très précises, demeuraient « complètement pertinents » aujourd’hui.
M. CHABEL WEHBI (Liban) a salué le fait que le Sommet des leaders du maintien de la paix, qui a eu lieu en septembre 2015, ait permis de réaffirmer la volonté politique collective pour faire en sorte que les missions pluridimensionnelles de paix soient plus souples, adaptables et réactives aux priorités nationales. Pour sa délégation, le Comité des 34 reste le Forum idoine pour examiner des politiques et stratégies de maintien de la paix, qui doit reposer sur une plus forte coopération régionale et triangulaire, sans oublier le renforcement de partenariats entre différents départements au Siège, ou entre le Siège et le terrain. Le succès de ces partenariats dépend, de l’avis du représentant, d’une relation forte avec le pays hôte et les populations locales. Il a par conséquent invité les Départements des opérations de maintien de la paix (DOMP) et de l’appui aux missions (DAM) à augmenter la participation accrue des femmes aux opérations de paix à tous les niveaux de la prise de décisions. Pour le Liban, les opérations de maintien de la paix (OMP) ne sont pas l’objectif final, mais plutôt un moyen pour faciliter une transition en douceur vers des solutions politiques durables et l’appropriation nationale.
S’agissant de l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) et de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), le représentant a souligné l’excellente relation entre les forces armées libanaises et ces opérations de la paix de l’ONU, et, en termes de coopération, il a mentionné le plan quinquennal de renforcement des capacités des forces libanaises. Il a lancé un mot de précaution contre les tentatives d’Israël de saper cette coopération, en affirmant que la FINUL peut éviter toute action de nature à entraîner une escalade des tensions. Il a également souligné la nécessité de veiller à la sécurité des Casques bleus et appelé au plein respect de la résolution 1701 (2006), appelant la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il respecte ses obligations conformes à cette résolution.
Mme TIN MARLAR MYINT (Myanmar) a salué les travaux du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies, souhaitant que ces recommandations puissent servir de base aux délibérations des États Membres. Elle a rappelé que les gouvernements accueillant des opérations de l’ONU avaient l’obligation de protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants dans des situations de conflit. Pour la représentante, il est ainsi capital que les missions de la paix jouent un rôle d’appui aux autorités nationales, leur mandat dans ce domaine devant être réaliste et respectueux des principes de la Charte des Nations Unies. Elle a par ailleurs indiqué que son pays, après avoir signé un cessez-le-feu historique avec huit groupes ethniques armés et récupéré son statut de pays contributeur de troupes, était prêt à participer activement au succès des opérations de maintien de la paix de l’ONU.
Mme DULCE SANCHEZ (Honduras) a rappelé que son pays fournit à l’heure actuelle des effectifs à plusieurs opérations de maintien de la paix des Nations Unies, notamment la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), où servent 12 de ses observateurs militaires, et la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), qui compte 37 de ses ressortissants. Elle a ensuite plaidé en faveur de la mise en œuvre intégrale de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité relative aux femmes, à la paix et à la sécurité, afin d’accroître le nombre de celles qui peuvent jouer un rôle dans le maintien et la consolidation de la paix au lendemain des conflits. La représentante a également appuyé la mise en œuvre de la résolution 69/287 de l’Assemblée générale, qui prie le Comité spécial de se livrer à une étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects, en gardant à l’esprit la nécessité d’accroitre l’efficacité de ces mêmes opérations. Soulignant enfin la primauté de la diplomatie préventive dans le règlement pacifique des conflits, Mme Sanchez a rappelé les liens étroits qui existent entre maintien de la paix et réalisation du développement durable.
Mme NGUYEN PHUONG NGA (Vietnam) a souligné l’importance de la sécurité du personnel de maintien de la paix, et a préconisé une meilleure formation précédant le déploiement ainsi que le recours responsables aux technologies « rentables ». Sa délégation a salué les priorités fixées par le Secrétaire général, en particulier un recentrage sur la médiation et la prévention des conflits. À cet égard, elle a recommandé de renforcer les partenariats de l’ONU avec les organisations régionales et inter-régionales.
Par ailleurs, la représentante a insisté sur le fait que les buts et principes de la Charte restaient applicables aux OMP, notamment l’impartialité, le non-recours à la force hormis en cas de légitime défense et le consentement des parties. Par ailleurs, elle a recommandé une plus forte consultation avec les pays contributeurs de contingents et le plein respect de ces principes lors de la définition des mandats des opérations de paix. Le Vietnam fait partie des pays contributeurs de troupes et s’engage à fournir un hôpital de niveau deux et un soutien en engineering au DOMP, a-t-elle indiqué.
Mme IRENE SUSAN NATIVIDAD (Philippines) a rappelé que depuis 1963 son pays compte parmi les importants contributeurs financiers et de troupes aux opérations de paix des Nations Unies. Leur première participation remonte à leur déploiement au Congo et depuis, des milliers d’hommes et de femmes des Philippines ont servi au sein de 23 missions dans 15 pays. Aussi, le Conseil national pour les opérations de paix de l’ONU continue-t-il de conduire des analyses minutieuses des développements sur le terrain en fonction de nos engagements et de notre participation, a-t-elle souligné. Comme le souligne le rapport, le nombre d’actes hostiles visant les Casques bleus a plus que doublé chaque année sur les trois dernières années, le nombre de tués a augmenté de 50% en un an et celui des blessés a triplé, a-t-il indiqué, estimant que ces statistiques dramatiques imposaient une étude approfondie des mandats opérationnels et des règles d’engagement des troupes de l’ONU, sans parler de la place de mesures de sûreté et de sécurité. Sur ce point, la représentante a réitéré son appel à de nouvelles consultations pour envisager des moyens de protéger les Casques bleus.
S’agissant de la représentation féminine au sein des opérations de paix de l’ONU, sur 161 soldats et policiers philippins déployés au sein de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en Haïti, 15 sont des femmes, a-t-elle précisé. À ce sujet, a souligné la représentante, mon pays soutient totalement la politique de tolérance zéro du Secrétaire général sur les abus sexuels qui ternissent l’image de l’Organisation et desservent celle des Casques bleus. Par ailleurs, le Groupe d’experts remarque que les États n’ont pas assez investi dans la médiation et la prévention des conflits et que l’ONU doit encore se doter d’une « culture de la prévention », a poursuivi la représentante. Notant que le terme « opérations de paix » est utilisé par les experts pour nommer toute opération relative à la paix et à la sécurité sur le terrain, qu’il s’agisse de missions politiques mandatées par le Conseil de sécurité et/ou l’Assemblée générale ou d’opérations de maintien de la paix ou de missions politiques spéciales, elle a demandé une approche plus cohérente et globale des missions afin de lier effectivement paix, sécurité, droits de l’homme et développement.
M. ALI AL-HASHMI (Qatar) a exprimé son attachement au principe selon lequel les opérations de maintien de la paix doivent respecter les mandats que le Conseil de sécurité leur a confiés. Il a en outre réitéré l’importance de la coordination des efforts déployés dans le maintien de la paix, et de toutes les activités y afférentes. Par ailleurs, il a recommandé que, lors du déploiement, les missions aient à l’esprit les spécificités culturelles et linguistiques de chaque pays et théâtre de conflit. Sa délégation a salué les nouvelles activités de partenariat envisagées dans le cadre de l’étude d’ensemble des opérations de maintien de la paix, comme de l’élaboration de nouvelles procédures. M. Al-Hashmi a en outre apporté son soutien à l’application de la politique de tolérance zéro du Secrétaire général vis-à-vis des abus et de l’exploitation sexuels commis par des Casques bleus et personnels de l’ONU.
M. DIANGUINA DIT AYAYA DOUCOURE (Mali) a estimé que si les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont contribué au règlement de nombreux conflits dans le monde, force est de constater qu’il existe un décalage entre les défis sécuritaires émergeants et la doctrine des Nations Unies en matière de maintien de la paix, vieille de plusieurs décennies qui mérite d’être adaptée au contexte actuel. Le représentant a rappelé un passage du rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies indiquant que les mandats et les missions sont trop souvent élaborés sur la base de modèles standards, au lieu d’être spécialement conçus pour appuyer les stratégies politiques adaptées à chaque situation. Il en est ainsi pour la Mission de l’ONU au Mali, qui fait régulièrement l’objet d’attaques asymétriques perpétrées par des forces hostiles.
Face à ce drame, a continué le représentant, le Mali encourage les Nations Unies à œuvrer de concert avec les organisations régionales concernées et les pays contributeurs de troupes pour établir des mandats mieux ciblés et plus réalistes pour répondre à la spécificité des conflits, y compris dans le contexte d’attaques menées par des groupes terroristes. Il a plaidé pour que les contingents déployés soient dotés d’équipements et de compétences appropriés et utilisent tous les moyens mis à leur disposition pour prévenir et empêcher les menaces contre les populations civiles ainsi que les installations et le personnel des Nations Unies.
Au plan régional, a dit le représentant, le Mali se reconnaît dans la position africaine commune sur la revue des opérations de la paix des Nations Unies et salue le partenariat stratégique entre l’ONU et l’Union africaine, qui devrait
permettre à son avis d’instituer un mécanisme souple, prévisible et durable reposant sur l’utilisation des contributions au budget des Nations Unies mises à recouvrement, en vue d’appuyer les opérations de soutien à la paix conduites par l’Union africaine (UA) avec le consentement du Conseil de sécurité.
Mme LILA NADIA ANDRIANANTOANDRO (Madagascar) a affirmé que son pays était fier de participer activement aux opérations de maintien de la paix en envoyant des officiers au Mali (MINUSMA), en République centrafricaine (MINUSCA), en Côte d’Ivoire (ONUCI), au Darfour (UNAMID) et en Haïti (MINUSTAH). La représentante s’est félicitée de l’initiative sur l’examen des OPM et des efforts envisagés pour la réforme de l’architecture actuelle de ces opérations, qui permettrait de faire face à la nature changeante des conflits, auxquels s’ajoute notamment le terrorisme. À cet égard, elle a également salué les engagements pris par les États Membres étant donné que les OMP nécessitent non seulement des ressources humaines qualifiées mais aussi des ressources financières et logistiques. Rendant hommage à ceux qui ont perdu la vie sous la bannière de l’ONU, elle a indiqué que l’Organisation devait s’atteler au problème relatif à la sécurité du personnel des OMP face aux attaques multiples dont il est la cible. La protection des civils est également une priorité et, a poursuivi le représentant, Madagascar condamne fermement les actes d’abus sexuels commis par certains personnels de maintien de la paix contre des civils, qui entachent le travail exceptionnel de milliers de soldats de la paix. La représentante a ainsi apporté son soutien à la politique de tolérance zéro prônée par l’ONU et a réitéré l’importance de la coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, les pays fournisseurs de contingents et le Secrétariat, sans oublier les partenariats stratégiques avec les organismes régionaux.
M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a indiqué l’intention de son pays d’intensifier sa présence dans les missions de maintien de la paix de l’ONU. Compte tenu de la complexité croissante des OMP, a-t-il estimé, la réforme dans ce domaine doit veiller en premier lieu à leur durabilité. Pour assurer un soutien continu de la part des États Membres aux opérations de paix, il a préconisé d’une part, une plus grande cohérence entre mandats et ressources allouées aux missions; des mandats clairs et réalistes qui correspondent à la réalité changeante sur le terrain, ce qui suppose qu’ils soient définis en étroite consultation avec les pays contributeurs de troupes et les pays hôtes et, d’autre part, la mise en place d’institutions nationales, le renforcement des structures de sécurité nationale et de justice transitionnelle. De plus, il ne faut pas perdre de vue les causes profondes des conflits pour pouvoir disposer de renseignements fiables et veiller à la protection des civils, a poursuivi M. Perera.
En vue de parvenir à plus de cohérence entre le Siège des Nations Unies et le terrain, il a souligné les avantages à tirer d’une plus grande coopération avec les organismes régionaux et sous-régionaux de l’Organisation. Le Sri Lanka souhaite en outre que les OMP soient assorties de stratégies de sortie claires. Le représentant a en conclusion félicité le Secrétariat pour ses efforts en vue de renforcer et mettre à niveau les systèmes logistiques d’appui aux missions et les procédures opérationnelles pour permettre un déploiement plus rapide des missions.
M. SUKHBOLD SUKHEE (Mongolie) est revenu sur l’une des conclusions les plus saillantes du rapport du Secrétaire général et du Groupe indépendant de haut niveau, à savoir que « les opérations de paix des Nations Unies ne sont pas conçues ni équipées pour imposer des solutions politiques par un emploi continu de la force », pas plus qu’elles ne sont « l’instrument approprié pour les opérations militaires de lutte antiterroriste ». Sa délégation estime par ailleurs qu’il est indispensable de respecter les principaux piliers du maintien de la paix des Nations Unies, à savoir le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force à l’exception des situations d’autodéfense ou de « défense du mandat ». En tant que pays contributeur de troupes, la Mongolie a assuré qu’elle continuerait à prendre une part active à l’examen des rapports de la Quatrième Commission au Comité spécial des opérations de maintien de la paix, exhortant tous les États Membres à veiller à l’inclusion des recommandations dans les documents stratégiques et politiques pertinents. M. Sukhee a en conclusion évoqué l’expérience de son pays dans la formation, conforme aux normes exigées par les Nations Unies, de Casques bleus de plusieurs nationalités, au sein du « Centre de soutien à la paix » que son gouvernement a ouvert près de la capitale mongole d’Oulan-Bator.
M. RIADH BEN SLIMAN (Tunisie) a souhaité que tous les aspects des opérations de maintien de la paix incluent une perspective sexo-spécifique, avant de demander un renforcement des efforts de prévention des violences sexuelles commises dans le cadre de ces opérations. L’efficacité des opérations de maintien de la paix exige un partenariat robuste et efficace avec les pays contributeurs de troupes, a-t-il précisé. Le représentant a par ailleurs souligné la nécessité d’associer étroitement ces pays à l’élaboration de toutes les modalités de ces opérations, en les faisant participer notamment au processus de prise de décisions et de modification des mandats. Le représentant s’est également prononcé pour une interaction accrue entre ces pays et le Conseil de sécurité, invitant ce dernier à tirer profit de l’expérience de ceux-ci dans ce domaine. Enfin, le représentant de la Tunisie a appelé de ses vœux une coopération accrue entre l’ONU et l’Union africaine dans le cadre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a salué les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix, qu’il a qualifié d’équilibrées avant d’encourager leur mise en œuvre. Il a expliqué que l’Afrique accordait un intérêt particulier au processus d’examen des opérations de paix compte tenu du nombre de missions qui sont y déployées. Sa délégation encourage une plus forte coopération ONU-Union africaine et un soutien, au cas par cas, aux OMP de l’UA autorisées par le Conseil de sécurité. Cette recommandation du Groupe de haut niveau devrait contribuer à remédier considérablement, selon lui, aux contraintes financières de ces opérations.
En tant que l’un des plus importants pays contributeurs de troupes, l’Éthiopie est déterminée à jouer un rôle encore plus actif, comme l’a affirmé son Président lors du Sommet des leaders du maintien de la paix, a précisé le représentant. Il s’est engagé à fournir deux bataillons supplémentaires, en plus des 8 000 Casques bleus éthiopiens déjà déployés et des 4 000 hommes déployés sous la bannière de l’Union africaine en Somalie. En outre, l’Éthiopie a mis en place un Centre de formation pour le personnel de maintien de la paix qui a une vocation régionale, a indiqué le représentant.
Citant le vingt-et-unième rapport semestriel du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur l’application de la résolution 1559 (2004), M. BENJAMIN SHARONI (Israël) a jugé trompeur le « calme relatif » qui semble régner au Sud-Liban. « Le fait que le Hezbollah continue de disposer d’importants moyens militaires de pointe échappant au contrôle de l’État libanais demeure une préoccupation extrême, car cela crée un climat d’intimidation, compromet la sécurité des civils libanais et remet en question la prérogative de l’État pour ce qui est du recours légitime à la force », a-t-il dit. Le Hezbollah, a-t-il indiqué, continue de former une armée équipée de dizaines de milliers de missiles, « davantage que les arsenaux dont disposent plusieurs membres de l’OTAN », et dispose aussi de missiles sol-sol et de drones militaires. Le représentant a estimé que la responsabilité de ce qui se passe sur le territoire libanais incombe au Gouvernement libanais lui-même, qui est également tenu de mettre en œuvre la résolution 1701. Israël, a affirmé M. Sharoni, soutient les forces des Nations Unies déployées à ses frontières. « Toutefois, a-t-il prévenu, l’histoire a montré que nous ne pouvons tout simplement pas compter sur les autres pour assurer notre sécurité. Dès les premiers jours de notre nation, nous avons dû nous défendre contre ceux qui ont cherché à nous annihiler. Nous avons toujours su que, lors de périodes difficiles, notre pays devrait assurer sa propre défense, très possiblement seul », a-t-il conclu.
M. WILLY LOUIS (Haïti) a estimé que le rapport du Secrétaire général définissait de façon remarquable la manière dont les opérations de maintien de la paix pouvaient contribuer à l’effort mondial quand elles sont bien ciblées, conçues et exécutées fondamentalement en fonction des besoins des populations, et qu’il présentait un programme d’action fondé sur la promotion des mesures de prévention et de règlement des conflits plus rapides, plus efficaces et mieux adaptées aux besoins, de même qu’un ensemble équilibré et hiérarchisé de réformes pour s’attaquer aux problèmes les plus urgents auxquels les OMP doivent faire face. En ce sens, le représentant s’est félicité de la proposition du Groupe indépendant de haut niveau de mettre en œuvre des mécanismes de maintien de la paix selon une approche holistique qui tienne compte des défis visant l’efficacité opérationnelle des OMP. Il a jugé encourageant que les OMP reçoivent désormais de façon plus rapide les autorisations d’engagement, les stocks nécessaires pour des déploiements stratégiques et une force de police permanente, et que l’accent soit mis sur le renforcement des capacités des États hôtes, l’élaboration des orientations, le développement des partenariats, la protection des civils, la médiation et l’appui au processus électoral. Il a déploré que, malgré la mise en place d’un cadre intégré de déontologie et de discipline en 2012, plusieurs cas d’exploitation et d’agressions sexuelles aient été signalés au sein d’un certain nombre de missions ces cinq dernières années, notamment en Haïti. Aussi, la délégation a exhorté les autorités onusiennes à prendre des mesures strictes d’application des normes en vigueur en vue de prévenir ces déviances qui sont de nature à ternir l’image de l’Organisation.
En ce qui concerne la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), établie en 2004 et en cours de reconfiguration, le représentant s’est dit convaincu que le transfert de ses responsabilités aux autorités nationales devait se faire graduellement et de façon ordonnée, en tenant compte des progrès accomplis et des vulnérabilités. Soulignant que la réussite des OMP dépendait d’un véritable partenariat mondial et d’un soutien politique unifié, il a remercié les nombreux pays qui lui ont apporté soutien et contributions financières.
M. AMA AKYAA POBEE (Ghana) a estimé que la réussite du maintien de la paix allait au-delà du déploiement des Casques bleus et que d’importantes conditions préalables devaient être remplies, notamment les formations des Casques bleus, l’élaboration de mandats réalisables qui traitent des causes réelles de chaque conflit, la nomination de dirigeants capables des missions et des mécanismes de consolidation de la paix appropriés. Le représentant a jugé que le maintien de la paix a considérablement changé en réponse à des conflits de nature complexe et qu’en Afrique, ces conflits se caractérisaient par la multiplicité des acteurs qui ont différentes raisons sous-jacentes, des méthodes de combat non conventionnelles, y compris le terrorisme, les enlèvements, le ciblage délibéré des civils et des graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Les missions de maintien de la paix et les missions politiques doivent faire face à ces défis ou perdre leur utilité et leur impact, a-t-il dit.
Le représentant a par ailleurs souligné la nécessité de bâtir des partenariats efficaces avec les organisations régionales, en particulier l’Union africaine, dans leurs efforts de médiation et de maintien de la paix. La Force africaine en attente qui permet le déploiement rapide de troupes pour la résolution efficace de conflit sur le continent, est ainsi d’une importance stratégique, a soutenu le représentant, qui a indiqué que les efforts de l’Union africaine à cet égard devaient être soutenus pour permettre que le concept devienne opérationnel et durable avec des mécanismes de financements flexibles et prévisibles. Il a souligné que ce serait hautement bénéfique pour les Nations Unies de prendre le rôle principal et assurer le financement et le transfert des pratiques modernes de maintien de la paix à l’Union africaine pour construire la capacité nécessaire à la réalisation de cet objectif louable.
Mme ELSA HAILE (Érythrée) a estimé que les missions de maintien de la paix n’étaient pas supposées être permanentes ou se substituer au règlement des causes profondes des conflits. À son avis, la paix durable ne saurait être réalisée par des engagements militaires et techniques mais plutôt par des solutions politiques. Le maintien de la paix n’est pas la seule option pour la communauté internationale qui devrait faire un recentrage sur la prévention des conflits, a-t-elle estimé. La représentante a également insisté sur la nécessité de respecter les buts et principes du maintien de la paix. Face à la tendance marquée d’assumer plus de responsabilités de maintien de la paix au niveau régional, elle a prévenu contre toute tentative de contourner l’ONU.
Mme JEANNE D’ARC BYAJE (Rwanda) a estimé que les questions abordées aujourd’hui n’étaient pas nouvelles car il s’agit des mêmes défis qui continuent d’imprégner nos efforts de maintien de la paix. L’objectif reste le même, à savoir combler les lacunes qui caractérisent les opérations dans ce domaine, a dit la représentante, soulignant que ce but pouvait être atteint en changeant les vieux modèles et en affinant les mécanismes qui marchent. La représentante a par ailleurs estimé que la priorité accordée aux solutions politiques des conflits permettrait aux pays de ne plus en être victimes et aux Nations Unies de se tourner vers la prévention et la médiation. Pour réussir, a-t-elle ajouté, il faudrait également développer une compréhension commune des efforts à faire et une définition claire des mandats à remplir.
Les succès reposent aussi largement sur le Conseil de sécurité et le Secrétariat qui doivent être reformés, a-t-elle indiqué, mettant en outre l’accent sur une série de mesures pratiques à envisager, notamment l’amélioration des capacités de déploiement rapide, le renforcement des partenariats régionaux, une présence plus active sur le terrain et centrée sur les personnes, et une augmentation du nombre et du rôle des femmes dans les opérations de paix des Nations Unies. Elle a aussi indiqué que dans les types de partenariats opérationnels, les efforts régionaux devraient être soutenus par des contributions permettant un financement cohérent et adéquat.
Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a estimé que les pays contributeurs de troupes devaient être pleinement associés à l’élaboration des mandats des opérations de paix des Nations Unies, jugeant « inacceptable » leur absence au processus de prise de décisions. Après avoir rappelé la nécessité de respecter les principes fondamentaux de maintien de la paix, la représentante a préconisé une distinction très claire des notions de « maintien » et d’« imposition » de la paix. Plaidant pour que des ressources suffisantes soient mises à la disposition des missions des Nations Unies, Mme Lodhi a estimé que le maintien de la paix devait aller de pair avec des processus politiques et de médiation, et la gestion de ces processus doit être confiée au Secrétariat de l’ONU. S’il a fourni 150 000 personnels à 41 missions déployées dans 23 pays depuis 1960, le Pakistan, a rappelé la délégation, accueille lui-même une mission, le Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies en Inde et au Pakistan, qui continue de surveiller le cessez-le-feu entre les deux pays dans l’État de Jammu et Cachemire. La représentante s’est en conclusion prononcée en faveur d’une approche « prudente » et « mesurée » vis-à-vis du concept d’« imposition de la paix », se refusant à considérer les Casques bleus comme les agents d’une « sorte d’intervention extérieure » dans des conflits internes ou régionaux. Les précédents en ce domaine, a-t-il assuré, ont été « désastreux ».
Notant que les opérations de maintien de la paix doivent s’adapter à de nouvelles réalités, y compris les menaces asymétriques, M. MAMOUDOU MANA (Cameroun) a regretté qu’un consensus soit de plus en plus difficile à obtenir sur les pistes de réforme de ces missions. Par ailleurs, a indiqué le représentant, le Cameroun compte à ce jour près de 1 400 femmes et hommes déployés dans différentes missions, dont un officier commandant la Mission intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine. Le Cameroun a aussi créé en 2008 l’École internationale des forces de sécurité, qui a pour objectif de former aux OMP et a déjà organisé des stages pour des personnels originaires de 16 pays d’Afrique, et qui est en train d’harmoniser ses programmes d’enseignement avec le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, a-t-il précisé. En vue d’un maintien de la paix durable, sa délégation souhaiterait qu’un accent soit mis sur la prévention et la médiation; sur la recherche des solutions adéquates aux crises en adaptant les missions au contexte et à l’environnement; sur la nécessité de la mise en place de partenariats efficaces avec de nombreux autres acteurs œuvrant pour la paix, en particulier l’Union africaine; sur l’adhésion des États Membres à l’adoption de mesures de veille permanente par la mise en place de contingents hautement qualifiés et de capacités en attente à la disposition de l’ONU. En conclusion, le représentant a rappelé la nécessité d’aboutir à une réforme de consensus fondée sur les principes de neutralité, de respect de la souveraineté, d’appropriation, de coordination et de cohérence d’ensemble, et de partenariats aux niveaux régional et sous-régional.
M. AHMED ABDELRAHMAN AHMED ALMAHMOUD (Émirats arabes unis) a déclaré qu’il est important de renforcer la cohésion entre le maintien de la paix et le renforcement de la paix. Il a expliqué que les efforts de maintien de la paix doivent être accompagnés de mesures de reprise économique et de renforcement de capacités nationales, tout en tenant compte du principe d’appropriation nationale. Il a fait mention de la participation de son pays aux activités onusiennes de maintien de la paix au Liban, en Somalie, au Kosovo et en Afghanistan, soulignant en outre que les Émirats arabes unis avaient organisés des débats portant sur la participation égale des genres dans toutes les initiatives de maintien de la paix. Le délégué a aussi dit que son pays soutient la politique de tolérance zéro dans les cas d’abus ou d’exploitation sexuels par les soldats de la paix.
M. PHILIP SPOERRI, au nom du Comité international de la Croix Rouge (CICR), a remarqué que le CICR était souvent présent dans les mêmes zones de conflit que l’ONU, et même si leurs mandats diffèrent, les opérations humanitaires se heurtent à des défis similaires. S’agissant de l’usage de la force dans le cadre des OMP, il a noté que cette tendance était à la hausse depuis quelques années et qu’elle risquait de transformer ces interventions « robustes » confiées aux forces des Nations Unies et la Mission tout entière, en parties au conflit armé. Le CICR estime qu’il faut clarifier et bien comprendre le cadre juridique qui régit l’usage de la force dans les OMP, quel que soit le contexte dans lequel elles sont menées, a-t-il déclaré. Il faut en particulier déterminer quand et comment le droit international humanitaire s’applique à une mission onusienne, surtout quand celle-ci a reçu un mandat « robuste », a-t-il ajouté, précisant que pour le CICR, la nature du conflit armé ou les causes défendues par les parties ne changent rien au fait que le droit international, quand il est applicable, devra régir la participation de ces parties au conflit pendant toute la durée de cette participation.
Le représentant du CICR a en outre attiré l’attention sur une question non abordée dans le rapport du Groupe indépendant de haut niveau, à savoir que les missions des Nations Unies sont de plus en plus souvent amenées à procéder à la détention de personnes, qu’il s’agisse de criminels de droit commun ou de personnes à déférer devant la Cour pénale internationale. Le CICR insiste sur le fait que les lieux de détention fonctionnent dans le respect des règles et des normes du droit international applicable. À ce propos, le CICR salue les efforts déployés par les Nations Unies pour élaborer en 2010 un cadre juridique régissant « les procédures opérationnelles provisoires relatives à la détention dans le cadre des OMP ».
S’agissant du personnel de maintien de la paix, le représentant du CICR a souligné que c’est aux États Membres qu’incombe en premier lieu de veiller à ce qu’une formation adéquate soit dispensée en vue des OMP, et affirmé que le CICR continuerait à apporter son soutien dans ce domaine avant comme après déploiement sur le terrain.
Tout en reconnaissant la responsabilité morale des Nations Unies à protéger les civils et à faire respecter le droit international humanitaire, le représentant a souligné que les organisations humanitaires jouent un rôle, certes complémentaire, mais néanmoins essentiel dans la protection des civils, et que dans certaines situations, une coordination rapide entre ces organisations et les forces de paix était indispensable.