la Quatrième Commission examine le nouveau plan d’action pour renforcer le maintien de la paix
« Le maintien de la paix reste avant tout un instrument politique », a affirmé ce matin M. Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, qui a par ailleurs salué le soutien renouvelé des États Membres et leur « coup d’accélérateur » aux efforts de son Département pour disposer du personnel le plus qualifié et le mieux équipé. En effet, lors de la réunion « historique » des leaders du maintien de la paix de septembre dernier, 53 pays se sont engagés à lui fournir des effectifs de plus de 40 000 policiers et militaires, ainsi que des hélicoptères, des unités de transport et logistiques, des hôpitaux et du personnel spécialisé.
M. Ladsous partageait pour la première fois la tribune de la Quatrième Commission avec le Président de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft; le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson; le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman; et le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, M. Atul Khare; à l’occasion de l’examen global de toute la problématique des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales.
Avec 169 000 personnes déployées dans 36 missions dans 30 pays, les missions de maintien de la paix et les missions politiques spéciales des Nations Unies ont pris une ampleur sans précédent. De plus, comme l’a souligné le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, son Département (DAM) se heurte aux problèmes les plus complexes en termes de logistique et d’administration, 60% des populations soutenues étant situées dans des zones difficiles d’accès et 42% dans des zones très dangereuses.
Face à la complexité croissante des conflits, l’ONU doit se donner les moyens d’y répondre, ce qui a donné lieu à un triple processus d’examen, amorcé par le Secrétaire général l’an dernier, que le Département de maintien de la paix et celui de l’appui aux missions prennent en considération pour définir les nouvelles orientations de leurs activités. Ce triple processus d’examen a été entrepris dans le cadre du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix, de l’examen de revue de l’application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur la participation des femmes au maintien de la paix, et du bilan de l’architecture de la consolidation de la paix, conformément aux vœux du Secrétaire général.
Le plan d’action, issu des recommandations du Groupe indépendant, qui a été présenté par M. Jan Eliasson, s’articule autour de trois piliers qui sont le recentrage sur la prévention et la médiation, la constitution de partenariats plus solides entre acteurs régionaux et mondiaux et une meilleure planification des OMP afin de les rendre plus efficaces et plus rapides. De l’avis du Vice-Secrétaire général, « nous devons être très sérieux et vigilants au sujet des causes de conflit et des signes avant-coureurs et agir ». Il a appelé les États Membres à fournir un appui politique et à s’engager dans la prévention, soulignant que les réactions aux crises ne sont pas suffisantes.
Pour sa part, le Président de l’Assemblée générale a annoncé qu’il organiserait un débat thématique en mai 2016 pour permettre aux États Membres d’identifier les synergies entre ces trois processus d’examen dans le but de renforcer la cohérence du système des Nations Unies en matière de paix et de sécurité.
Face aux groupes armés qui prolifèrent, aux acteurs non étatiques peu disposés à s’engager dans un processus politique et à des États souvent perçus comme partiaux ou faibles, la vocation des OMP consiste toujours à apporter une aide aux acteurs principaux pour progresser vers une solution politique, a rappelé M. Ladsous. À son avis, le succès du processus de maintien de la paix passe par un personnel qualifié et bien formé et la mise à disposition de moyens techniques et logistiques adaptés à la réalité du terrain. L’autre volet du succès repose sur la définition d’une stratégie politique viable. La portée de toute mission est d’autant plus grande qu’elle s’accompagne d’une feuille de route politique qui bénéficie d’un large soutien international et est doté d’un mandat clair qui définit une stratégie de sortie, a-t-il précisé.
Le Secrétaire général adjoint s’est par ailleurs prononcé pour une utilisation plus adaptée de la technologie, notamment de drones, rappelant que son Département et le DAM sont sur le point d’élaborer une stratégie reposant sur des recommandations du Groupe d'experts sur la technologie et l’innovation. « Nous avons une responsabilité éthique d’utiliser des technologies qui pourraient sauver des vies », a-t-il indiqué, ajoutant qu’il fallait simultanément veiller à utiliser ces technologies de manière éthique.
MM. Ladsous et Khare ont également déploré la tendance confirmée de prendre pour cible le personnel de maintien de la paix par des groupes armés et terroristes. Pour donner une mesure de la gravité du problème, M. Ladsous a indiqué que ce type d’attaques avait plus que doublé chaque année au cours des trois dernières années, rendant hommage, avec son collègue de l’appui aux missions, aux hommes et aux femmes qui ont perdu leur vie cette année, dans l’exercice de leurs fonctions.
Les deux responsables ont par ailleurs condamné avec la plus grande vigueur les cas d’exploitation et d’abus sexuels commis par le personnel en uniforme des Nations Unies et ont réaffirmé leur tolérance zéro. « Lorsque des Casques bleus ou des troupes soutenues par l’ONU violent les droits fondamentaux d’autrui, ils ternissent la légitimité qui est essentielle à l’efficacité de l’Organisation et pour laquelle d’autres ont perdu la vie », a noté M. Khare.
La Quatrième Commission se réunira à nouveau, mardi 3 novembre, à 15 heures, pour poursuivre son débat général sur l’étude d’ensemble de la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects.
ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS (A/70/95 ET A/70/357)
Déclaration liminaire
M. MOGENS LYKKETOFT, Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, est revenu sur le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de maintien de la paix (OMP) et le rapport du Secrétaire général qui demandait un examen global des OMP. Ces deux rapports recensent plusieurs recommandations concrètes, et M. Lykketoft a l’intention de présenter une brève résolution à l’Assemblée générale qui soulignerait l’engagement des États Membres à étudier ces recommandations sur le maintien de la paix.
Les OMP ont largement concouru à la paix et à la sécurité en 70 ans, mais il importe toutefois que les Nations Unies s’adaptent aux nouvelles menaces comme la crise syrienne, les guerres asymétriques, les épidémies comme Ebola et autres. Dans ce monde de plus en plus complexe, les OMP doivent être peaufinées, ce qui suppose des capacités analytiques et opérationnelles, a souligné le Président de l’Assemblée générale, qui a également plaidé en faveur d’une plus grande souplesse dans les questions budgétaires et de la diplomatie préventive et des processus politiques, tout en envisageant les relations entre les OMP et les missions politiques spéciales, leurs dimensions communes et la manière de parvenir à une approche plus holistique. Une telle approche nécessiterait à son avis l’examen conjoint entamé aujourd’hui, qui s’inscrit dans les processus d’examen de l’architecture du maintien de la paix sur les 10 dernières années; l’étude mondiale de la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité. Ces processus sont la preuve d’un sentiment d’urgence et de la volonté de renforcer le rôle, les capacités et l’efficacité des Nations Unies, a affirmé M. Lykketoft. Il a annoncé, à ce sujet, la prochaine organisation d’un débat thématique à l’Assemblée générale, les 10 et 11 mai 2016, qui permettrait aux États Membres de disposer d’une tribune pour identifier les thèmes communs et les synergies entre ces processus d’examen en vue de renforcer la cohérence du système des Nations Unies dans le domaine de la paix et la sécurité.
Étude d’ensemble des missions politiques spéciales
Déclaration liminaire
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a présenté le rapport du Secrétaire général sur les opérations de maintien de la paix, soulignant qu’il reflétait les consultations avec les États Membres que le Secrétaire général avait demandées au Groupe indépendant de haut niveau et qu’il constituait la feuille de route pour l’application des recommandations du Groupe. Ces recommandations couvrent un champ très large mais comportent des actions prioritaires, a indiqué M. Eliasson. Le principal message est que les conflits d’aujourd’hui dépassent les efforts des Nations Unies et qu’il faut apporter des changements importants et adapter les outils pour réagir efficacement, le défi le plus redoutable étant de parvenir à un consensus sur la marche à suivre. Le règlement des crises dépend de la mission de prévention des opérations de maintien de la paix (OMP) et il faut travailler de façon horizontale entre tous les piliers de l’Organisation et tous les acteurs, précise le rapport. Le Groupe indépendant de haut niveau a souligné l’importance des solutions politiques, qui permettront de renforcer les OMP et de prendre les mesures qui s’imposent, le règlement politique négocié restant le principal objectif des OMP. Le Secrétaire général a également mis en exergue dans son rapport les liens entre la poursuite des règlements négociés et la protection des civils, ces derniers devant faire partie intégrante du maintien de la paix. Dans son rapport, le Secrétaire général a proposé un plan d’actions en trois points: la prévention, la planification et les partenariats.
En ce qui concerne le premier point, le rapport recommande plus d’action sur la prévention et d’élargir les bureaux régionaux des Nations Unies en ayant recours au Chapitre 8 de la Charte. Les acteurs locaux et régionaux doivent jouer leur rôle dans cette prévention, afin de renforcer les capacités des Nations Unies à agir précocement et à prévenir des conflits. Le Secrétaire général a appelé les États Membres à fournir un appui politique et à s’engager dans la prévention, soulignant que les réactions aux crises ne sont pas suffisantes.
En ce qui concerne le deuxième point, le rapport recommande de modifier la planification et la conduite des OMP et de renforcer les capacités des pays qui y contribuent. L’objectif est de rendre les OMP plus efficaces, avec des mandats progressifs pour faire face aux conditions locales, et de les rendre plus rapides aussi, notamment au niveau de la logistique: le déploiement rapide sur le terrain donne plus de chance d’enrayer la violence, a précisé M. Eliasson. Il a recommandé d’inclure davantage les populations locales dans les stratégies d’OMP, le bien-être des populations étant essentiel à leur succès. Pour autant, les changements ne doivent pas modifier les principes des OMP, qui reposent sur le consentement, l’impartialité et la prise de conscience et que les solutions politiques ne sauraient être imposées, a souligné le Vice-Secrétaire général, ajoutant que les opérations devaient être à la hauteur du mandat de protéger les civils.
Enfin, le troisième point du plan d’action viserait à renforcer les partenariats avec les organisations régionales. Le Secrétaire général a appelé à coopérer notamment avec l’Union africaine, un partenaire stratégique, et réaffirmé que l’ONU était disposée à travailler avec cette organisation régionale pour planifier et conduire les OMP en Afrique, qui est le théâtre de 80% de toutes les opérations de paix de l’ONU.
En conclusion de sa présentation, M. Eliasson a rappelé que les enjeux étaient énormes, notamment les vies de milliers de personnes et que si l’ONU échouait à régler les conflits, la confiance de l’opinion politique dans les organisations multilatérales serait mise à mal. Il a demandé aux États Membres de prendre conscience de cette urgence et d’agir de façon globale.
Dialogue interactif
Le représentant de l’Iran a remarqué que l’ONU a connu des succès et des échecs dans ses OMP et dans la réalisation des objectifs de paix et de sécurité énoncés dans la Charte. Il en a imputé la responsabilité en partie aux États Membres « qui ont des intérêts divergents », et en partie aux problèmes de gestion interne, de manque d’efficacité et d’un budget « opaque et peu transparent ». Il a demandé au Vice-Secrétaire général quelle a été sa réponse aux critiques qui ont été formulées dans ce domaine dans un article de presse.
Le représentant de l’Égypte a axé son intervention sur la notion de prévention des conflits et a demandé quels sont les éléments de la prévention dont il est question dans les rapports du Secrétaire général et du Groupe indépendant. Certaines parties pourraient profiter de l’attention internationale pour marquer des points politiques, a-t-il averti, avant d’expliquer que la prévention passe par les causes profondes des conflits, en particulier la pauvreté et les armes légères qui alimentent les conflits.
Le Vice-Secrétaire général a répondu au représentant de l’Iran qu’il est conscient du fait qu’il y a du travail à faire et que rien n’est parfait. C’est dans cet esprit que le Groupe indépendant a été mis en place et ces recommandations portent en partie sur les critiques que l’Iran a soulevées. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la complexité des conflits actuels, notamment les menaces asymétriques comme les groupes terroristes font qu’il est souvent difficile de « cartographier » les parties dans les conflits, a expliqué M. Eliasson. À son avis, il faudrait élaborer une stratégie politique parallèle aux opérations de la paix et éviter que ces opérations ne s’éternisent. Il s’est dit disposé à entamer des réformes afin que les OMP soient adaptées au monde actuel.
S’agissant de la question relative au concept de la prévention, le Vice-Secrétaire général a reconnu qu’il fallait étoffer ce mot « bateau », notamment en élargissant le débat à la notion de la durée des conflits, en expliquant que les OMP n’interviennent généralement qu’une fois la phase de prévention est passée. « Nous devons être très sérieux et vigilants au sujet des causes de conflit et des signes avant-coureurs et agir » a affirmé M. Eliasson, qui est convaincu qu’il faut intégrer la prévention dans la gestion des conflits, y compris en période postconflit.
Le représentant de la Norvège s’est félicité de l’opportunité d’avoir une conversation globale sur le maintien de la paix. Il a demandé à M. Eliasson comment les synergies seront-elles créées dans la mise en œuvre des recommandations des trois processus d’examen en cours sur le maintien de la paix.
Le représentant du Venezuela a noté que le Groupe indépendant avait proposé que l’être humain soit placé au cœur des activités de paix de l’ONU « sortir des véhicules blindés et aller vers les locaux », alors même que 90% des OMP et des missions politiques spéciales se déploient dans des zones de conflit avec des risques sécuritaires graves. Comment peut-on alors concilier ces deux exigences?
Le représentant du Pakistan a dit ne pas partager l’opinion de M. Eliasson qui a abordé la question de la sécurité des contingents et affirmé qu’il n’y avait pas de dichotomie entre la sécurité et les principes et le mandat de protection des populations civiles.
En réponse le Vice-Secrétaire général a reconnu qu’il y a une tendance à l’ONU à adopter une approche globale. Si nous sommes fidèles à la formule adoptée « Pas de paix sans développement, et pas de développement sans droits de l’homme », il est clair que les trois processus d’examen en cours ne sont pas compartimentés. L’intention du Secrétariat consiste en une approche transversale des questions de maintien de la paix, a-t-il indiqué, affirmant que le rapport du Secrétaire général a essayé de tenir compte de cette exigence. Les opérations de maintien de la paix ont des liens étroits avec le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et l’ECOSOC a rappelé M. Eliasson, pour lequel l’ONU se trouvait à un tournant décisif en matière de multilatéralisme, avec la Conférence de Sendai, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la Conférence de Paris sur les changements climatiques. À son avis, une bonne approche multilatérale devrait répondre aux intérêts nationaux.
Répondant à l’intervention du Venezuela, M. Eliasson a reconnu que la question qu’il a posée le préoccupait. Comment demander aux Casques bleus de se rapprocher de la population locale compte tenu des dangers qui pèsent sur les missions? s’est-il demandé. Comment faire pour que les soldats de la paix soient perçus comme une force positive, tout en assurant leur sécurité?
S’agissant de la notion de défense des populations civiles, le Vice-Secrétaire général a évoqué le cas du Mali, en 2012, qui avait soulevé un certain nombre de problèmes à l’époque, de même que celui de la République démocratique du Congo (RDC). Sur la notion de défense préventive, M. Eliasson a affirmé qu’il y a eu des discussions franches sur la question, précisant que le cas du Soudan du Sud était complexe et qu’il n’était clair comment agir. En revanche, ce qui est évident à son avis est qu’il faut agir en toute transparence avec les pays contributeurs de troupes.
Le représentant du Rwanda a estimé que les principes régissant les opérations de maintien de la paix devaient être respectés mais ne devraient pas être une excuse pour ne pas agir. Ce qui importe est la mise en œuvre de ces recommandations, a-t-il souligné, invitant le Vice-Secrétaire général à bien vouloir préciser les problèmes auxquels le Département des opérations de maintien de la paix s’est heurtés et le type d’assistance que les États Membres pourraient fournir.
Le Vice-Secrétaire général a affirmé que des leçons avaient été tirées après les événements de 1994 au Rwanda, lorsque l’ONU avait finalement décidé de ne pas quitter le pays face au scénario catastrophe qui se profilait. Par ailleurs, l’opération de maintien de la paix en Somalie est la plus complexe de toutes les opérations de ce type et il faut s’assurer de pouvoir disposer des fonds nécessaires pour continuer, a-t-il précisé, indiquant que ce sont les soldats africains sur le terrain qui payent un lourd tribut à leur présence. M. Eliasson a affirmé, à ce propos, avoir plaidé en vain pour un élargissement de cette force et une formation de soldats somaliens, précisant que le renforcement des capacités nationales s’inscrivait dans le droit fil de la souveraineté. Nous sommes en train de discuter avec l’Union africaine sur différentes manières de poursuivre ces missions, mais il nous faut l’aval du Conseil de sécurité, a-t-il précisé.
Étude d’ensemble de la question du maintien de la paix
Déclarations liminaires
M. HERVE LADSOUS, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a mis l’accent sur les perspectives d’avenir du maintien de la paix à la lumière des trois initiatives d’examen lancées cette année. Il a rappelé que les examens de tous les aspects du maintien de la paix, demandés par le Secrétaire général l’année dernière, ont débouché sur un certain nombre de recommandations et que le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP), ainsi que celui de l’appui aux missions, ont accueilli avec beaucoup de satisfaction l’agenda d’action du Secrétaire général et le rapport du Groupe indépendant, ainsi que le rapport sur la mise en œuvre de la résolution 1325 qui ont été pris en compte.
En mars dernier, les chefs d’états-majors de 105 États Membres ont assisté à une « réunion historique » pour faire le point sur les défis du maintien de la paix. Sur la base de cette réunion et des quatre conférences préparatoires régionales, le Secrétaire général a pu co-présider, pour la première fois, la réunion des leaders du maintien de la paix en septembre dernier, qui a vu un nombre d’engagements sans précédent de la part de 53 pays géographiquement diverses. Pour M. Ladsous, il s’agit aujourd’hui de faire en sorte que tous ces efforts de revitalisation soient traduits en actions concrètes à travers l’agenda « ambitieux vers le changement » qui vise à renforcer et moderniser les opérations de maintien de la paix. Cette attention renouvelée pour le maintien de la paix intervient à un moment crucial marqué par des environnements de maintien de la paix de plus en plus complexes.
À cet égard, M. Ladsous a tenu à préciser que s’il est vrai que le nombre total de décès de Casques bleus rapporté à l’ensemble des effectifs a baissé au cours des 15 dernières années, il faut garder à l’esprit que le nombre de décès résultant d’actes d’hostilité qui visent les Casques bleus a considérablement augmenté. Ces actes ont plus que doublé chaque année au cours des trois dernières et, au cours des derniers 12 mois, leur nombre a augmenté de plus de 50%, alors que celui des blessés a plus que triplé. Par conséquent, le Secrétaire général adjoint estime qu’il est urgent de mettre en place des mesures pour protéger le personnel en uniforme de l’ONU.
Tous ces chiffres sont le reflet d’une réalité très préoccupante de déploiement des OMP dans des théâtres d’opération où des groupes armés prolifèrent, où des acteurs non étatiques ne sont souvent pas prêts à s’engager dans un processus politique, où l’État lui-même est souvent perçu comme une entité partiale ou faible, alors que la vocation des OMP est d’aider les acteurs principaux à progresser vers une solution politique en dépit d’un environnement complexe, a rappelé M. Ladsous.
Dans cet esprit, et sur la base des recommandations faites par les processus d’examens du maintien de la paix, son Département est en train de développer un cadre unifié de capacités et de performances pour le personnel en uniforme qui sera lié à celui du développement des capacités et à l’approche stratégique de l’évaluation des performances de ce personnel. Le but ultime est de mieux soutenir les contributeurs de troupes et de police et de leur permettre de bien s’acquitter de leurs fonctions, a expliqué le Secrétaire général adjoint. Pour cela « il faut que nous soyons clairs en définissant nos attentes » et il faut soutenir les contributeurs pour qu’ils puissent se conformer aux normes du DOMP en termes de principes militaires et de procédures opératoires de police. Comme l’a rappelé M. Ladsous, le but est de mieux définir la responsabilité collective entre Secrétariat, contributeurs de troupes et missions sur le terrain en vue d’une approche systématique transparente fondée sur l’évaluation.
Dans ce contexte, M. Ladsous a réaffirmé sa ferme volonté d’éliminer les cas d’abus sexuels commis par le personnel en uniforme des Nations Unies en faisant un élément clef de la formation. « Un seul cas suffit pour compromettre tous les efforts de l’Organisation », a affirmé le Secrétaire général adjoint, qui a demandé à tous les contributeurs de personnel à s’engager fermement avec lui envers la politique de tolérance zéro et à entamer des procédures judiciaires sur le plan national contre les responsables d’abus sexuels.
Le DOMP est satisfait du « coup d’accélérateur » donné à ses efforts pour disposer du personnel le plus qualifié et le mieux équipé, grâce à la réunion des leaders du maintien de la paix de septembre dernier qui a débouchée sur des promesses de fourniture de plus de 40 000 personnels de police et militaire, ainsi que d’hélicoptères, d’unités de transport et logistiques, d’hôpitaux de personnel spécialisé. Ces annonces de contribution permettraient de combler les lacunes du Département dans ce domaine, a indiqué M. Ladsous, lui offrant la possibilité de développer et d’améliorer les capacités du Département à agir et à se déployer rapidement et à assurer la formation et la bonne conduite du personnel en uniforme. Le DOMP sera présent pour accompagner les contributeurs de troupes de manière transparente dans la formation de leurs personnels, a affirmé le Secrétaire général adjoint, indiquant qu’une cellule de planification des capacités et des forces stratégiques avait été créée pour optimiser cette relation et le Système de préparation des capacités de maintien de la paix (peacekeeping capability readiness system), qui est une plateforme globale de collaboration avec les contributeurs de contingents. M. Ladsous a également annoncé la prochaine tenue du Sommet des chefs de police qui vise à renforcer la prise de conscience sur les opportunités et les défis rencontrés par les unités de police et à élargir la base des contributeurs. Il y aura également une réunion de suivi du Sommet des leaders du maintien de la paix et de la mise en œuvre des engagements pris en septembre 2015, a-t-il dit.
M. Ladsous a par ailleurs abordé la question de l’importance de la technologie au service du maintien de la paix, qu’il a décrite comme un outil transversal capable de simplifier les procédures et mieux faire comprendre les environnements dans lesquels les OMP évoluent. Face aux défis posés par la criminalité transnationale et l’extrémisme violent, les technologies nouvelles peuvent apporter les renseignements nécessaires à une analyse et à des actions efficaces, a-t-il souligné, citant l’utilisation de drones au Mali. Pour autant, la fourniture de nouvelles technologies aux Casques bleus s’accompagne d’une responsabilité éthique et il serait souhaitable d’y associer les États Membres qui participent à la réflexion du Département dans ce domaine.
Au-delà du renforcement des capacités des OMP, le succès des missions dépend en grande partie du fait qu’elles s’accompagnent d’une feuille de route politique, a poursuivi M. Ladsous. À son avis, le maintien de la paix est avant tout « un instrument politique » et les missions de consolidation de la paix ont des tâches qui ne s’arrêtent pas à la signature des accords de paix. Il a également souligné le rôle que doit jouer le Conseil de sécurité pour s’assurer que les OMP reçoivent un soutien politique ferme et des mandats clairs. L’examen de revue a livré quelques indications en ce sens, comme le séquençage des mandats, et mon Département travaille également sur des propositions, a-t-il dit.
M. Ladsous a également indiqué que le rapport du Groupe d’expert attachait une grande importance à la conclusion de pactes avec les gouvernements des pays d’accueil avec pour objectif de les encourager à tenir leurs engagements en matière de consolidation de la paix, ce qui serait de nature à renforcer le sentiment d’appropriation du gouvernement respectif et à avoir une influence positive sur le Conseil de sécurité. Le DOMP a envisagé cette possibilité dans le cas de la République centrafricaine, a précisé M. Ladsous, qui a également évoqué les partenariats. Il a mis l’accent sur la nécessité d’un dialogue plus approfondi avec le Conseil de sécurité et les pays fournisseurs de contingents parce que le maintien de la paix est avant tout une « entreprise conjointe ». Pour M. Ladsous, les clivages entre pays finançant le maintien de la paix et pays fournisseurs de contingents se sont estompés, ce qui est ressorti lors du Sommet des leaders, et il espère que cet élan se poursuivra dans l’intérêt des populations du monde.
M. ATUL KHARE, Secrétaire général adjoint chargé de l’appui aux missions, a indiqué que son Département avait apporté son appui à 36 missions de la paix en un an, à des missions politiques et autres dans 30 pays, englobant une équipe de 15 200 personnes et des ressources de 9 milliards de dollars. Au jour le jour, le Département de l’appui aux missions (DAM) se heurte aux problèmes les plus complexes en termes de logistique et d’administration, 60% des populations soutenues étant situées dans des zones difficiles d’accès et 42% dans des zones très dangereuses. Il a rendu hommage aux équipes de terrain qui prennent des risques pour approvisionner les missions en carburant, en eau, en installations d’assainissement. Soulignant les effets positifs des réformes de la stratégie globale d’appui aux missions, il a indiqué que plus d’efforts étaient nécessaires et que le DAM travaillait à trouver les moyens de mener des opérations d’appui plus mobiles, plus efficaces et plus flexibles avec d’autres départements de l’ONU ainsi qu’avec des États Membres.
À ce propos, M. Khare a identifié cinq éléments clefs pour atteindre cet objectif. Tout d’abord, une meilleure collaboration entre les équipes au sein de l’ONU, afin d’assurer la cohérence de la planification des missions et leur déploiement, et avec les partenaires, afin d’assurer un partage des responsabilités. Deuxièmement, il est nécessaire de se concentrer sur la performance et la responsabilisation, comme l’indique l’une des recommandations du rapport, a affirmé le Secrétaire général adjoint. En troisième lieu, il a mentionné la nécessité d’harmoniser autorité, responsabilité et ressources pour faire réellement face aux besoins sur le terrain. En ce sens, les services du personnel et du budget du DAM se sont réorganisés et le service logistique est en train de le faire, a-t-il indiqué. Quatrième élément clef: la constitution de partenariats plus solides, que ce soit au sein de l’Organisation ou à l’extérieur. Le DAM encourage les partenariats trilatéraux, et M. Khare a cité en exemple le récent accord engageant le Japon qui entraîne et équipe des unités de contributeurs de troupes en Afrique avec le concours d’experts du DAM. Enfin, le Secrétaire général adjoint a estimé qu’il fallait maintenir les priorités afin d’améliorer rapidement les méthodes sur le terrain, qui comprennent la gestion de la chaîne d’approvisionnement, la promotion de la bonne conduite et de la discipline, la réduction de l’impact environnemental et la mise en place de réformes dans l’Organisation, comme Umoja.
Le Secrétaire général adjoint a relevé quelques éléments transversaux qui permettraient de soutenir les efforts envisagés par le DAM. Tout d’abord, l’utilisation de tous les potentiels des technologies serait susceptible d’accroître l’efficacité des missions et la sécurité des Casques bleus et, à ce propos, le Département des OMP et le DAM sont en train d’élaborer une stratégie pour renforcer la technologie et l’innovation dans les missions de maintien de la paix. La responsabilité collective pour remplir un mandat de façon responsable, sans aucune tolérance pour les abus sexuels et autres abus, est une autre priorité, a souligné M. Khare, estimant qu’il était essentiel de s’assurer que le personnel de l’ONU, comme celui des forces de sécurité soutenues par l’ONU, se conforment aux exigences d’intégrité, de bonne conduite et de respect des droits de l’homme. Lorsque des Casques bleus ou des troupes soutenues par l’ONU violent les droits fondamentaux d’autrui, ils ternissent la légitimité qui est essentielle à l’efficacité de l’ONU et pour laquelle d’autres ont perdu la vie, a déclaré M. Khare. Il a précisé que, depuis deux ans, des règlements établissant clairement les seuils à ne pas dépasser dans la conduite personnelle avaient été établis pour ces personnels, et que l’Organisation avait besoin de l’engagement des gouvernements, en particulier des pays contributeurs de troupes, pour mettre en place et renforcer ces règles et à décharger l’ONU des responsabilités à l’égard des victimes. À cet égard, le Secrétariat s’efforce de mettre en place le programme d’action sur les mesures spéciales pour la protection contre l’exploitation et les abus sexuels, voté par l’Assemblée générale dans sa résolution 69/307.
En conclusion, le Secrétaire général adjoint a estimé nécessaire de réduire l’impact écologique des missions de terrain, non seulement pour la protection de l’environnement, mais aussi pour réduire les risques sécuritaires du personnel des missions et des populations.
Débat général
Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. OMAR HILALE (Maroc) a remercié et salué les efforts des Secrétaires généraux adjoints aux opérations de maintien de la paix et à l’appui aux missions pour renforcer le rôle des OMP dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que dans le soutien aux populations sortant de conflits. Il a souligné que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix était le seul forum des Nations Unies chargé d’évaluer la question des OMP sous tous leurs aspects, et a espéré que sa prochaine session s’engagerait en faveur des recommandations du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix et du rapport du Secrétaire général.
Réitérant son appui aux efforts visant à renforcer l’efficacité des OMP, le Mouvement des pays non alignés a cependant affirmé que ces missions ne devraient jamais être utilisées comme alternative à la gestion de conflit et être au contraire fondées sur une vision globale et cohérente afin de parvenir à une transition sans heurt vers la paix. Le représentant a souligné que la création ou la prolongation d’une OMP devraient respecter scrupuleusement les buts et principes de la Charte des Nations Unies, à savoir le consentement des parties, l’impartialité et le non-usage de la force, sauf en cas de légitime défense, de même que les principes d’égalité, d’indépendance politique, d’intégrité territoriale et de non- ingérence.
Soulignant l’importance de parvenir à un consensus entre les États Membres, le Mouvement des pays non alignés a lancé un appel au Secrétariat à s’abstenir de travailler sur des domaines politiques qui n’ont pas reçu l’agrément issu d’un processus intergouvernemental. Il a relevé la nécessité de ressources humaines et financières pour assurer les OMP, tout en respectant le pays hôte, ses lois et réglementations. Il a encouragé le Conseil de sécurité à rédiger des mandats clairs et réalisables, en consultant les pays susceptibles de fournir des troupes, et en s’assurant qu’ils disposent d’un fondement politique et des ressources nécessaires. De même il a déconseillé de modifier le mandat d’une mission sans consulter les pays fournisseurs de troupes, rappelant que ce sont les hommes sur le terrain qui sont les garants du succès d’une opération. À ce propos, M. Hilale s’est inquiété de l’augmentation du nombre de morts et de blessés dans les effectifs du maintien de la paix et a demandé de plus amples discussions avec les États Membres sur les moyens d’améliorer la sécurité des missions.
Enfin, le Mouvement des pays non alignés a fermement condamné toutes les formes d’exploitations et d’abus sexuels commis par du personnel de l’ONU dans les OMP et a soutenu la politique du Secrétaire général de tolérance zéro à cet égard.
M. ORGROB AMARACHGUL (Thaïlande), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a réaffirmé le soutien de l’Association au travail du Groupe indépendants d’experts de haut niveau sur les opérations de paix et à ses recommandations. Pour l’ASEAN, les OMP doivent respecter les principes et objectifs de la Charte des Nations Unies. L’ASEAN insiste en outre sur le fait qu’une intervention militaire en elle-même ne saurait mener à une paix durable. Les solutions politiques doivent être au cœur de la préparation et de la décision de déployer une mission de la paix et, à cette fin, la diplomatie préventive et la médiation doivent être renforcées, a estimé son représentant. Il a également dénoncé l’augmentation préoccupante du nombre d’incidents hostiles délibérés à l’encontre du personnel en uniforme de l’ONU sur le terrain et a mis l’accent sur la nécessité de tout faire pour assurer leur sécurité, notamment par le biais de la prise de conscience situationnelle, de matériels adéquats et des capacités de réponse des Casques bleus suite à une formation adéquate précédant le déploiement. Dans ce contexte, il a fait sienne la recommandation du Groupe d’experts selon laquelle le personnel de l’ONU ne devrait pas être engagé dans des activités de contre-espionnage. Abordant également la question des abus sexuels commis par le personnel de l’ONU, le représentant de l’ASEAN s’est associé à la priorité fixée par le Secrétaire général pour appliquer une politique de tolérance zéro. Enfin, il a rappelé la nature « collective » du maintien de la paix, et a mis l’accent sur la valeur des partenariats entre l’ONU, les États Membres et les organisations régionales et sous régionales qu’il faut, selon lui renforcer à la fois aux plans stratégique et opérationnel. Avec environ 5 000 Casques bleus déployés, les pays de l’ASEAN réaffirment leur engagement ferme à travailler en étroite collaboration avec le DOMP, a-t-il affirmé.
S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, le représentant a indiqué que son pays a contribué 20 000 militaires aux OMP depuis 1950 et continuera à le faire. Lors du récent Sommet des leaders du maintien de la paix, la Thaïlande a pris des engagements fermes, notamment pour fournir deux hôpitaux de niveau 2, des officiers ainsi que des ingénieurs et des équipes de construction de puits. Son gouvernement encourage par ailleurs une plus forte participation des femmes aux efforts de maintien de la paix, notamment dans des positions de haut niveau, À cette fin, les États Membres doivent s’aligner sur les efforts de l’ONU en ce sens, a-t-il conclu.