Conférence en vue de faciliter l’entrée en vigueur du TICE,
matin & après-midi
CD/3585

Désarmement nucléaire: les États Membres réitèrent leur appel à l’universalisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE)

« Près de 20 ans après son ouverture à la signature, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) n’est toujours pas entré en vigueur.  Une percée est attendue car le monde ne peut plus vivre dans l’ombre des armes nucléaires. »  C’est avec ces paroles que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a ouvert ce matin, la neuvième Conférence visant à faciliter l’entrée en vigueur du TICE.

« À la veille du vingtième anniversaire du Traité, nous devons passer de l’abstrait au concret », a exhorté de son côté M. Lassina Zerbo, Secrétaire exécutif de la Commission préparatoire du TICE.

Tenue en marge de la soixante-dixième Assemblée générale de l’ONU, cette Conférence de haut niveau a réuni une cinquantaine de ministres qui ont unanimement salué l’utilité du TICE; son entrée en vigueur, a-t-il été souligné, renforcerait la confiance du régime de non-prolifération entamé par l’échec de la dernière conférence d’examen du Traité de non-prolifération (TNP).

À ce jour, a-t-il été rappelé à maintes reprises, 164 États sont parties au TICE.  Toutefois, la ratification du Traité par huit États repris dans son annexe 2, -à savoir les États-Unis, la Chine, l’Égypte, l’Iran, Israël, la République populaire démocratique de Corée (RPDC), l’Inde et le Pakistan- est nécessaire pour son entrée en vigueur effective.

Dans une déclaration1 adoptée en début de séance, la Conférence du TICE a réaffirmé sa détermination à prendre des mesures concrètes en vue d’achever l’universalisation du Traité.  À cet égard, le Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, M. Erlan Idrissov, qui préside la Conférence, a affirmé vouloir « imposer une approche plus agressive ».  « Je le dis amicalement à mes amis ici présents, y compris les représentants des pays de l’annexe 2: pour les amener à ratifier le Traité, notre diplomatie sera plus volontaire et sérieuse », a-t-il indiqué. 

Rappelant que l’entrée en vigueur du TICE constituerait une avancée fondamentale vers la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires, M. Idrissov a précisé que son pays avait pris, pendant le débat général de l’ONU, une initiative destinée à faire du centenaire de l’Organisation, le premier anniversaire célébrant la création d’un monde sans armes atomiques.  « Trente ans, cela peut paraître long, mais les points de divergence sont encore nombreux.  Fixons-nous 2025 comme date d’entrée effective en vigueur du Traité! » a-t-il lancé.

La contribution du système de surveillance international mis au point par l’Organisation du TICE, capable de détecter toute explosion atomique sur la planète et de lancer des alertes au tsunami dans l’océan Indien, a également été soulignée dans la déclaration.

M. Antony Blinken, Secrétaire d’État adjoint américain, a rappelé que son pays a été le premier à signer le TICE en 1996.  « En 1999, le consentement à la ratification a été rejeté par le Congrès, qui estimait à l’époque que le TICE compromettrait notre capacité à maintenir en l’état notre système de dissuasion », a-t-il déclaré.  Désormais capables de mener à bien leur programme de dissuasion sans effectuer d’essais nucléaires ni développer de nouvelles armes de cet type: les États-Unis, « conscients du fait que le TICE est bon pour la sécurité du pays et la sécurité internationale », allaient « présenter progressivement ce Traité au peuple américain », a-t-il dit. 

M. Blinken a en outre attiré l’attention sur la nécessité d’appuyer financièrement et techniquement les travaux du Comité préparatoire du TICE afin de renforcer l’opérationnalisation du régime de vérification du Traité. 

Pour sa part, Mme Frederica Mogherini, Haut-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a appelé les États, en cette année de célébration du soixante-dixième anniversaire des bombardements « atroces » sur Hiroshima et Nagasaki, à œuvrer ensemble au désarmement nucléaire et à la non-prolifération « sous tous leurs aspects ».  Elle a salué les récentes ratifications du Congo, de l’Angola et de Niue et noté avec satisfaction la participation, pour la première fois, de Cuba aux travaux de la session de juin 2015 du Comité préparatoire.  « L’Union européenne voit dans cette participation, la première étape de Cuba vers une signature et une ratification rapide au TICE », a déclaré la Haut-Représentante.  

Le Ministre japonais des affaires étrangères, M. Fumio Kishida, Coprésident de la Conférence, a rappelé que quelque 2 000 essais nucléaires ont été menés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la destruction de sa ville natale, Hiroshima.  « Le TICE, qui a mis fin à la course aux armements nucléaires qui a marqué toute la période de la Guerre froide, doit être le catalyseur du désarmement nucléaire complet irréversible », a-t-il estimé.  Il a demandé le maintien du moratoire sur les essais nucléaires jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité et souligné que chaque nouvelle ratification renforcerait le système de sécurité internationale.

Plusieurs intervenants ont déploré l’intention affichée par la République populaire démocratique de Corée de procéder à un quatrième essai nucléaire.  Le représentant de la République de Corée, notamment, qui, rappelant que le moratoire instauré par le TICE était devenu « une norme de fait », a exhorté la RPDC à renoncer à la totalité de ses programmes nucléaires.  M. Shin Dong-ik, le Ministre adjoint des affaires étrangères de la République de Corée, a relevé qu’après l’accord sur le nucléaire iranien, « la RPDC était le dernier défi majeur à la viabilité du régime de non-prolifération ».  « La communauté internationale doit concentrer ses efforts sur un retour de la RPDC à des pourparlers sérieux sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne », a-t-il déclaré. 

L’Égypte, autre pays repris à l’annexe 2 du TICE, a fustigé « le comportement irresponsable des trois États » ayant fait échouer, à son avis, la dernière Conférence d’examen du TNP, lors de laquelle aurait dû être avalisé le projet d’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Proche-Orient.  « Un consensus existait », a déploré M. Hisham Badr, le Ministre adjoint des affaires étrangères de l’Égypte, qui a estimé que cet échec avait contribué à compromettre davantage la crédibilité du régime de non-prolifération.  Ses propos ont été appuyés par le Maroc et l’Algérie, le Ministre algérien des affaires étrangères, M. Ramtane Lamamra, ajoutant que l’établissement d’une zone de ce type contribuerait grandement à apaiser les tensions dans la région.

Pour sa part, M. Wang Qung, Ambassadeur de la Chine, l’un des huit pays de l’annexe 2, a expliqué que son pays demeurait engagé à faciliter de manière responsable la ratification du TICE.  « Le Gouvernement chinois déploie des efforts constructifs et positifs pour faire avancer le processus au niveau national », a-t-il assuré, soulignant par ailleurs l’importance du renforcement des capacités du système de surveillance du TICE et du strict respect du moratoire par les cinq États dotés de l’arme nucléaire.

Par ailleurs, le représentant de la Suisse s’est félicité de ce que l’aspect des conséquences humanitaires ait été introduit dans la déclaration de la présente Conférence, indiquant que ces conséquences, non seulement suite aux drames d’Hiroshima et de Nagasaki, mais aussi « de Semipalatinsk, au Nevada », étaient suffisamment connues pour ne laisser aucun doute quant aux effets catastrophiques sur la santé et l’environnement de l’utilisation de l’arme nucléaire.

« Les mentions figurant dans la déclaration quant aux conséquences humanitaires de l’utilisation des armes nucléaires nous préoccupent », a déclaré pour sa part, M. Vladimir Smirnov, représentant du Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, affirmant que l’importance accordée aux considérations humanitaires risquait de détourner l’attention des éléments centraux de l’ordre du jour du désarmement: « Cela pourrait saper les bases du système stratégique international et obscurcir nos objectifs », a-t-il prévenu.

Assurant que la Fédération de Russie considérait le TICE comme un élément essentiel de la sécurité internationale, il a déploré le comportement des États-Unis à son égard.  « Les États-Unis avaient fait miroiter la possibilité d’une ratification imminente, provoquant par la suite une grande déception et cassant une dynamique qui aurait dû être positive », a déclaré M. Smirnov.  Il a appelé à la poursuite des « efforts collectifs et individuels » vers l’universalisation du Traité et à la création de mécanismes de vérification sur le terrain « qui conduiraient les huit pays de l’annexe 2 à réviser leur position ». 

De son côté, le représentant de la France, M. Philippe Bertoux, a tenu à rappeler l’engagement de son pays en faveur des objectifs du TICE, lequel, a-t-il fait observer, a démantelé, en 1998, un site d’expérimentations nucléaires dans le Pacifique, réduit de façon importante son arsenal nucléaire et arrêté définitivement la production de plutonium et d’uranium à des fins militaires.  Il a indiqué que son pays mettait à la disposition de l’Organisation du TICE sa compétence et des moyens scientifiques en matière de surveillance.  S’agissant de l’accord sur le nucléaire iranien conclu à Vienne le 14 juillet dernier, il a souhaité que, « pleinement mis en œuvre », il contribue à créer le climat propice à la ratification du TICE par tous les pays de la région, « à commencer par l’Iran ».

Au nom de la société civile, l’organisation « Arms Control Association », qui représentait 44 associations, a notamment invité le Japon et le Kazakhstan, deux pays ayant subi les ravages causés par l’explosion d’armes nucléaires, à redoubler d’efforts diplomatiques pour créer les conditions propices à la ratification d’au moins un pays de l’annexe 2 d’ici à la fin de 2016.

En fin de séance, la Conférence a procédé à l’adoption de son rapport, à l’annexe duquel sera portée la déclaration finale.

1CTBT-art.XIV/2015/WP.1

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