Sixième Commission: les délégations demandent de la clarté et de l’équilibre dans les études de la Commission du droit international
La Sixième Commission reporte à la prochaine session de l’Assemblée générale sa décision sur l’octroi du statut d’observateur à deux organisations
Clarté dans les définitions et concepts, équilibre dans les travaux: qu’il s’agisse de la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État » ou même de l’« Application provisoire des traités », les conseillers juridiques et représentants à la Sixième Commission ont souvent présenté ces deux exigences, ce matin, alors que se poursuivait l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI).
Ainsi la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés ». Pour Cuba, ce devrait être une bataille permanente du point de vue pratique mais aussi juridique et la Grèce estime qu’il est grand temps de considérer l’applicabilité des principes du droit international de l’environnement dans les conflits armés. Mais la terminologie des projets de principes a été souvent critiquée. La Grèce a ainsi demandé plus de clarté dans le libellé de certains termes dans les projets de principes, comme ceux faisant référence aux « mesures préventives », aux « mesures correctives » ou aux « dégâts à l’environnement ». Pour le Liban et El Salvador, c’est l’usage de deux expressions différentes, « environnement » et « environnement naturel », qui présente des difficultés. En outre, plusieurs intervenants ont jugé peu claire la notion de « zone d’importance écologique majeure » qui serait à déclarer zone démilitarisée en début de conflit.
Le sens même de l’étude fait difficulté. La Croatie a demandé une distinction claire entre protection de l’environnement et protection de l’héritage culturel et rejette, par ailleurs, la qualification de « bien civil » pour l’environnement, que le Bélarus trouve au contraire appropriée. Le Bélarus demande en revanche qu’on ne vienne pas compliquer les choses en injectant la notion de droits de l’homme dans le droit des conflits armés, rejoint en cela par l’Autriche, qui estime qu’établir un lien entre droits de l’homme et droit humanitaire irait au-delà des enjeux de l’étude. Pour l’Autriche, ce qu’il faut, c’est apporter des éclaircissements sur le droit international existant. À cet égard, le Portugal a rappelé qu’il existe une étude datant de 2005 du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur la question. Le CICR y réaffirme l’application de principes généraux sur la conduite des hostilités envers l’environnement naturel, c’est-à-dire les principes de distinction entre la nécessité militaire et la proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser voir éviter les dommages à l’environnement, ainsi que l’interdiction de méthodes qui ont pour but de créer des dommages à long terme.
La précision et la clarté ont été réclamées aussi dans le contexte de l’étude de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. La définition de l’« acte commis à titre officiel » continue de faire l’objet de discussions. Pour le Chili, elle est simple: il s’agit d’actes commis par un fonctionnaire de l’État dans l’exercice de son autorité officielle. Mais, pour l’Autriche, l’acte officiel doit englober tous les actes commis par l’État et non pas seulement ceux commis sous l’exercice de l’autorité de l’État. Et pour la Grèce, que des actes de représentants officiels soient considérés comme « accomplis à titre officiel » ne dépend pas de leur légalité en droit national ou international mais des raisons pour lesquelles ils ont été commis et par quels moyens.
À cet égard, la Roumanie s’est dite consciente de la difficulté puisque l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est avant tout une manifestation du principe d’égalité souveraine des États et qu’il faut trouver un juste équilibre entre lutte contre l’impunité et stabilité des relations interétatiques. Pour sa part, l’Allemagne s’est félicitée de la décision de la Commission de clarifier dans son commentaire le fait que la nature criminelle d’un acte n’est pas incompatible avec le fait d’être un acte accompli à titre officiel. L’Allemagne estime que les affaires examinées par les cours internationales, et en particulier la Cour pénale internationale, montrent clairement la portée de l’immunité en droit international, y compris les dérogations. Dans le même sens, la Slovénie a noté que, si l’immunité des représentants de l’État repose bien sur les principes d’égalité souveraine des États, de non-intervention et de l’intérêt de maintenir de bonnes relations interétatiques, elle devrait aussi reposer sur la lutte contre l’impunité, en particulier par le prisme du développement progressif du droit international. Il s’agit donc, comme l’a noté la Grèce, d’une question politiquement sensible.
La précision est nécessaire aussi en ce qui concerne l’application provisoire des traités. L’Australie a rappelé qu’au cœur du thème est la distinction entre un traité qui est appliqué provisoirement et celui qui est entré en vigueur dans un État particulier. La Grèce estime que la précision doit permettre d’éviter que certains États prennent prétexte de l’application provisoire d’un traité pour ne pas se soumettre à ses obligations. Les Pays-Bas ont précisé que l’application provisoire des traités devait être également distinguée de l’obligation de ne pas nuire à un traité signé et non encore ratifié. L’application provisoire des traités a des effets juridiques qui ne peuvent être sous-estimés, ont ajouté les Pays-Bas, qui ont rappelé que, même lorsqu’un État qui l’avait acceptée retire son acceptation, les effets peuvent perdurer, notamment si ce retrait affecte de manière négative des tiers de bonne foi. Pour plusieurs délégations, l’étude de la pratique des États en la matière est extrêmement pertinente et il serait donc utile que les États apportent leur contribution à l’étude en faisant état de leur pratique, pour permettre à la CDI de les analyser.
La Sixième Commission a décidé de reporter à sa soixante et onzième session –en 2015-2016- l’examen de deux projets de résolutions tendant à l’octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à la Communauté des démocraties et à la Conférence internationale des partis politiques asiatiques, respectivement. La Sixième Commission avait débattu de ces demandes le 19 octobre.
La Sixième Commission se réunira de nouveau demain mercredi 11 octobre à 10 heures. Elle devrait achever l’examen du rapport de la Commission du droit international et se prononcer sur plusieurs projets de résolution.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-SEPTIÈME SESSION (A/70/10)
Octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à la Communauté des démocraties
Octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à la Conférence internationale des partis politiques asiatiques
Déclarations
Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a estimé qu’il était grand temps de considérer l’applicabilité des principes du droit international de l’environnement dans les conflits armés. Les projets de principes font référence aux « mesures préventives » et aux « mesures correctives » et la représentante a demandé une définition plus claire de ces termes, de même que de celui de « dégâts à l’environnement ». Concernant les « mesures préventives », il s’agit de savoir si l’on se réfère à des mesures en temps de paix ou en temps de guerre, et l’objectif de ces mesures ne devrait en outre pas se limiter à minimiser les dégâts, tel que le projet les définit, mais plutôt à les éviter.
Sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a souhaité que les caractéristiques des actes « commis à titre officiel » soient définies. Quant à la question complexe et politiquement sensible des crimes tombant sous le coup du droit international, elle a exprimé son accord avec la position de la Rapporteuse spéciale pour laquelle la torture, les disparitions forcées, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont dénués de toute référence à une fonction officielle. Que des actes de représentants officiels soient considérés comme « accomplis à titre officiel » ne dépend pas de leur légalité en droit national ou international mais des raisons pour lesquelles ils ont été commis et par quels moyens, a-t-elle précisé.
Quant à l’« Application provisoire des traités », la représentante a indiqué qu’elle touchait les questions sensibles de doctrine et de pratique. Elle a estimé qu’il serait préférable d’être précis afin d’éviter que certains États prennent prétexte de l’application provisoire d’un traité pour ne pas se soumettre à ses obligations et pour reporter sa traduction dans la législation nationale. Pour autant, les projets concis de directives ont le mérite de fournir un outil pratique aux États et aux organisations internationales.
M. JOSÉ MARIA VIVES PÉREZ (Cuba) a rappelé que la protection de l’environnement devait être une bataille permanente non seulement du point de vue pratique mais aussi juridique. Il s’est donc félicité que la Commission du droit international s’implique dans la recherche de cadres normatifs pour sa protection en situation de conflit. Sur la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », Cuba estime qu’il existe une claire différence entre l’application de l’immunité pénale et l’impunité et que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques pourrait être prise comme référence sur cette définition. En outre, le représentant a indiqué que la Commission devrait éviter l’inclusion d’exceptions à l’immunité qui ne figurent pas dans le droit international de même que les exceptions figurant dans les législations nationales. Il a estimé que l’on ne doit pas appliquer le principe de compétence universelle ni l’obligation d’extrader ou de juger les fonctionnaires jouissant de l’immunité.
En ce qui concerne l’« Application provisoire des traités », elle ne supplante pas l’entrée en vigueur des traités mais constitue un élément important que la Convention de Vienne sur le droit des traités a apporté au droit international, a déclaré M. Pérez. Enfin, le représentant a souligné qu’en matière d’interprétation des traités, il faudrait observer avec prudence l’interprétation des actes souverains des États dans la signature des accords internationaux et leur entrée en vigueur. Ce sont les parties, à travers la manifestation de leur consentement, qui assument les droits et obligations déterminés dans un accord, obligations associées à des contextes socio-politiques et économiques complexes.
M. ILYA ADAMOV (Bélarus) a estimé que, concernant la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », il était opportun d’examiner le droit de l’environnement applicable en période de conflit armé. En ce qui concerne la discussion de la Commission, le représentant a estimé qu’il est difficile d’accepter que soit accordé au droit de l’environnement le statut de lex specialis. De même, on ne devrait pas prendre en compte certains autres domaines du droit, comme les droits de l’homme. En revanche, il s’est dit s’accord avec la définition de la CDI sur la nature civile de l’environnement. Il a estimé que le projet de principe 2 devrait être mis en conformité avec le droit des conflits armés. Il a suggéré de travailler à la délimitation de zones environnementales à protéger, estimant que ce travail apporterait une contribution importante au développement du droit international.
Concernent la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », le représentant s’est déclaré convaincu de la nécessité de préciser la substance juridique des actes accomplis à titre officiel, ce qui représenterait une contribution majeure au développement et à la codification du droit international. Notant la relation étroite entre la responsabilité individuelle du représentant officiel et celle de l’État, il a estimé qu’en utilisant des responsables officiels pour mener des actes illicites, les États devaient assumer la responsabilité. En ce qui concerne le projet d’article 6 sur l’aspect temporel de la compétence ratione materiae, M. Adamov a estimé qu’il faudrait étudier la question plus avant, car elle est liée à la compétence ratione personae. Cette immunité ratione materiae devrait s’appliquer à toutes les personnes en service au moment de l’acte.
Concernant l’« Application provisoire des traités », le représentant a reconnu que la pratique n’était pas uniforme, tout en ajoutant qu’il ne fallait pas pour autant rejeter cette question. Il a ajouté qu’il était important d’étudier la pratique des États, ajoutant que les règles relatives à l’application provisoire des traités devrait s’appliquer dès l’entrée en application du traité en question et que le droit international autorisait à mettre fin à une telle application provisoire. Il faudrait également étudier plus avant les conséquences des traités multilatéraux qui contiennent des dispositions relatives à leur application provisoire avant leur entrée en vigueur, a estimé le représentant.
Mme SHERIN SHEFIK (Royaume-Uni) a estimé que la Commission ne devrait pas chercher à modifier le droit des conflits armés ni envisager de nouvelles dispositions contractuelles sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle s’est déclarée favorable à l’idée d’une approche excluant l’exploitation des ressources naturelles, la protection du patrimoine culturel et les effets de certaines armes.
Sur la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », la représentante a souligné qu’un document clair, précis et bien argumenté serait des plus utiles. Elle a en outre estimé que le travail de la Commission pourrait prendre la forme d’un traité dans la mesure où il contiendrait le développement progressif du droit dans ce domaine et avec le plus haut degré de consensus possible. S’agissant de l’immunité ratione personae, le Royaume-Uni a estimé que le droit international actuel ne permettait aucune exception et que la question concernait l’immunité de juridiction nationale.
Sur la question de l’« Application provisoire des traités », Mme Shefik s’est félicitée que la Commission ait cherché à analyser la pratique des États et s’est déclarée favorable à des lignes directrices assorties de commentaires plutôt qu’à des clauses types, la souplesse étant importante sur cette question. Elle a affirmé que les effets juridiques de l’application provisoire étaient l’élément clef, et qu’ils avaient des conséquences sur le manquement aux obligations découlant de l’application provisoire. Il est important de respecter l’article 46 de la Convention de Vienne sur le droit des traités et d’éviter que des termes de droit national soient utilisés pour se soustraire à ses obligations internationales, a-t-elle conclu.
M. MARCELLINUS VAN DEN BOGAARD (Pays-Bas) a estimé que la question de la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » soulevait de nombreuses questions. Plutôt que de « projet d’articles », le représentant a dit préférer parler de « projet de principes », notion qui reflète de façon adéquate l’intention de ne pas mettre au point de convention. Il a estimé qu’il n’y avait pas besoin d’incorporer de définition du conflit armé dans l’étude. Cela compliquerait le travail de la Commission et pourrait même nuire à l’environnement en fixant la définition d’un conflit armé et, en conséquence, limiter l’application du droit international humanitaire., De même, le représentant a estimé que la portée de l’expression « règle de nécessité militaire » n’est pas claire. La nécessité militaire renvoie à la nécessité d’atteindre un objectif donné, a-t-il déclaré, avant d’estimer qu’il serait utile d’apporter des précisions sur la notion de « principes de proportionnalité ». Il a partagé les préoccupations de certains membres de la CDI sur le fait de considérer l’environnement comme un objet unique, ce qui risquerait d’avoir des conséquences importantes lors de l’application.
Le thème de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État » soulève des questions, a noté M. van den Bogaard. La législation intérieure fait partie de la pratique de l’État et donc de l’opinio juris. Les approches des tribunaux nationaux sur cette question sont diverses. Un acte ultra vires est imputable à un État indépendamment de la nature de l’acte. Ce qui est important pour nous est de savoir ce que cet acte ultra vires est réellement et ce qu’est un acte accompli à titre privé, ou encore si un acte ultra vires est essentiellement un acte réalisé dans la capacité privée mais apparaissant comme étant un acte officiel et commis par un organe étatique.
Concernant l’« Application provisoire des traités », le représentant a estimé qu’il fallait bien maintenir la distinction conceptuelle entre les moyens d’exprimer son consentement à être lié par un traité, c’est-à-dire à devenir partie à ce traité, et son application temporaire, qui oblige l’État qui accepte cette dernière à donner effets aux dispositions du traité jusqu’à ce qu’il entre pleinement en vigueur, ou jusqu’à ce que l’État ait indiqué qu’il ne souhaitait finalement pas devenir partie. L’application provisoire des traités doit également être distinguée de l’obligation de ne pas réduire un traité à néant. Concernant la relation entre l’application provisoire d’un traité et l’entrée en vigueur de celui-ci, il a estimé que le projet de directive 5 devait être ajusté car il est possible qu’un État particulier qui n’a pas achevé son propre processus de ratification continue, en ce qui le concerne, à appliquer à titre temporaire un traité international qui est entré en vigueur après avoir reçu le nombre de ratifications nécessaire à cette fin. L’application provisoire des traités a des effets juridiques qui ne peuvent être sous-estimés, a encore insisté M. van den Bogaard. Ainsi, même lorsque l’application provisoire d’un traité est retirée par un État, ses effets peuvent perdurer, notamment si ce retrait affecte de manière négative des tiers de bonne foi.
M. ANDREJ LOGAR (Slovénie) a apporté son soutien à la recherche de principes pour la protection de l’environnement avant, pendant et après les conflits armés, se disant conscient de l’importance d’examiner l’adéquation avec les règles existantes sur les conflits armés et le droit international de l’environnement. Il a estimé que le travail devrait porter à la fois sur les conflits internationaux et non internationaux. Il s’est félicité de l’inclusion des aspects préventifs dans les projets de principes.
Sur la question de l’« Immunité de juridiction pénale internationale des représentants de l’État », M. Logar s’est félicité du travail sur la portée matérielle et la portée temporelle des actes. Il a demandé une modification de la définition d’« actes accomplis à titre officiel » afin d’éviter que tout acte accompli à titre officiel puisse être considéré comme un crime. En ce qui concerne les dérogations, il a estimé que si l’immunité des représentants de l’État reposait sur les principes d’égalité souveraine des États, de non-intervention et de l’intérêt de maintenir de bonnes relations interétatiques, elle devrait aussi reposer sur la lutte contre l’impunité, en particulier par le prisme du développement progressif du droit international.
Sur la question de l’« Application provisoire des traités », M. Logar a indiqué qu’il pourrait être utile d’envisager l’applicabilité de la Convention de Vienne sur le droit des traités par rapport à l’extinction de l’application provisoire. En conclusion, il s’est félicité de l’inclusion de projets de directives dans le rapport mais a dit réserver ses commentaires pour l’instant.
Mme PETRA BENEŠOVÁ (République tchèque) a déclaré qu’il n’y avait ni législation ni jurisprudence dans son pays concernant la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés ». Les obligations relevant de ce sujet sont pourtant directement applicables aux forces armées sur la base de la Constitution tchèque. La représentante a noté que les informations sur les vues et pratiques des États sur cette question étaient hétérogènes, apparemment en raison, en partie, du manque de clarté des orientations et objectifs généraux de la Commission. Avant de poursuivre plus avant, la Commission doit se poser la question des besoins actuels de la communauté internationale dans ce domaine.
Passant au thème de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », Mme Benešová a noté que la Commission avait concentré son attention sur la portée temporelle de l’immunité ratione materiae. Concernant le projet d’article 2, alinéa f), et le projet d’article 6, provisoirement adopté par le Comité de rédaction, elle a estimé que la relation entre les critères d’attribution de la responsabilité étatique de la portée de l’immunité ratione materiae requiert une analyse plus poussée. Elle a exprimé son accord sur le fait que tous les critères de l’attribution de la responsabilité des États tels que contenus dans les articles 4 à 11 sur la responsabilité des États ne sont pas pertinents, du fait que la portée de l’immunité ratione materiae, qui couvre uniquement les actes accomplis dans la capacité officielle, est plus étroite que la portée matérielle des articles sur l’attribution aux fins d’établissement de la responsabilité des États. Cependant, les critères d’attribution concernant la conduite des représentants de l’État doivent être pris en compte. La question des représentants de l’État de facto exige de même une analyse approfondie.
Concernant la question de l’« Application provisoire des traités », la représentante a réservé ses commentaires à l’écrit. Elle a estimé que le travail de la Commission devait rester ciblé sur les aspects de l’application provisoire des traités qui sont communs avec d’autres traités. La clarification de nombreuses questions en rapport avec l’application sera matière à interprétation dans le traité, en accord avec la Convention de Vienne sur le droit des traités. L’application provisoire des traités en tant que tel est un engagement juridique ferme qui implique une responsabilité internationale, a rappelé Mme Benešová.
Mme CORINA-MONICA BADEA (Roumanie) est revenue sur la question de la « Protection de l’atmosphère » et s’est félicitée de la claire définition du terme « atmosphère ». Elle a toutefois souhaité que soit donnée une énumération des ressources écologiques que la pollution atmosphérique menace, en plus de la vie humaine et de l’environnement.
Sur la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », Mme Badea s’est dite consciente de la difficulté à trouver un juste équilibre entre lutte contre l’impunité et stabilité des relations interétatiques. Elle a ajouté qu’il conviendrait de faire attention dans la définition des dérogations car les pratiques des États ne sont pas uniformes. La relation entre la loi de la responsabilité de l’État et l’immunité devrait être mieux établie. Mme Badea s’est, par ailleurs, félicitée de l’élimination de la référence à la nature pénale de l’acte, soulignant qu’il fallait éviter toute interprétation qui permettrait de considérer que tout acte accompli à titre officiel était susceptible de constituer un crime.
La représentante a fait remarquer que la Roumanie considérait l’« Application provisoire des traités » comme exceptionnelle, donc limitée. Elle a estimé qu’un examen plus approfondi était nécessaire pour savoir si l’application provisoire s’étendait à tout le traité ou seulement à certaines dispositions sélectionnées et s’est demandée si l’application provisoire d’un traité avait exactement les mêmes effets que son entrée en vigueur. Sur l’extinction de l’application provisoire, elle a suggéré d’étudier les possibilités d’extinction ou de suspension unilatérale, au-delà des cas limités, prévues par la Convention de Vienne sur le droit des traités. Enfin, elle s’est dite favorable à un examen plus approfondi de la question des accords dits de siège qui doivent être mis en œuvre immédiatement.
M. YOUSSEF HITTI (Liban) a déclaré que le bombardement par les forces armées israéliennes de la centrale électrique de Jiyeh, au cours de l’agression israélienne contre son pays en 2006, avait entraîné le déversement de 10 000 à 15 000 tonnes de pétrole le long des côtes libanaises et méditerranéennes. C’est pourquoi la délégation apprécie le travail entamé, l’an dernier, par la CDI sur la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » et souscrit à l’approche adoptée, qui consiste à prendre en compte trois phases temporelles, à savoir la période précédant le conflit, le conflit lui-même et la période post-conflit.
M. Hitti a toutefois jugé important de préciser que les projets de principes doivent s’appliquer aussi bien aux conflits armés internationaux qu’aux conflits armés non internationaux, car le droit international humanitaire actuel ne contient pas de dispositions concernant la protection de l’environnement pour les conflits armés non internationaux. Le Liban juge également essentiel la mention « par le biais de mesures réparatrices » dans l’introduction du texte de projets de principes. Il estime aussi qu’il serait judicieux de se référer à une seule et unique terminologie plutôt que les termes « environnement » et « environnement naturel ». Il faudrait, par ailleurs, définir avec plus de clarté ce que constitue « une zone d’importance environnementale et culturelle majeure », a conclu le représentant.
Mme JULIA O’BRIEN (Australie) a concentré son intervention sur le thème de l’« Application provisoire des traités ». Au cœur de ce thème est la distinction, au niveau du droit international, entre un traité qui est appliqué provisoirement et celui qui est entré en vigueur dans un État particulier, a-t-elle déclaré. Elle a noté que, tel qu’indiqué au paragraphe 264 du rapport de la Commission du droit international, il serait utile de recenser les types de traités qui font souvent l’objet d’une application provisoire et les raisons de cette application provisoire. Elle a appuyé la décision de la Commission de supprimer la notion de droit interne dans le projet de directive 1. La Commission devrait, à cet égard, se concentrer sur les obligations de l’État au niveau international plutôt que sur les lois internes des États. Toutefois, le distinguo complexe entre les règles différentes des États ne doit pas distraire de la quête centrale des obligations internationales des États, a-t-elle déclaré.
M. KAI HENNIG (Allemagne), traitant de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », s’est félicité de la décision de la Commission de clarifier dans le commentaire le fait que la nature criminelle d’un acte ne soit pas incompatible avec le fait d’être un acte accompli à titre officiel. Il a souligné que les affaires examinées par les cours internationales, et en particulier la Cour pénale internationale, montraient clairement la portée de l’immunité en droit international, y compris les dérogations. Il a demandé de ne pas s’engager dans le développement du droit international sur cette question délicate sans examiner la pratique des États et l’opinio juris. Les questions d’immunité sont politiquement très sensibles, dans la mesure où elles se réfèrent à la délimitation et au respect mutuel du pouvoir souverain des États, a-t-il rappelé.
M. AUGUST REINISCH (Autriche) a déclaré, à propos de la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », que son pays n’est pas convaincu de la nécessité d’une nouvelle définition de ce qu’est un conflit armé. Il ne l’est pas non plus en ce qui concerne la nécessité d’établir un lien entre droits de l’homme et droit humanitaire, car cela irait au-delà des enjeux de l’étude. Ce qu’il faut, c’est apporter des éclaircissements sur le droit international existant. L’Autriche observe aussi qu’il n’y a pas de définition de la notion de « zone protégée » dans le droit international. De fait, si ce terme doit être utilisé dans les projets de directives, comme c’est le cas actuellement, il faut au préalable définir sa relation avec les zones spéciales existantes, de même qu’il faut s’entendre sur la définition de ce qu’est l’environnement.
En ce qui concerne l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », M. Reinisch a fait observer les nombreuses différences de règles entre les immunités de juridictions pénales et de juridiction civiles. Ainsi, parler d’immunité jure imperii et jure gestionis peut prêter à confusion, si des différences ne sont pas clairement établies. De fait, la définition de l’acte officiel doit englober tous les actes commis par l’État et non seulement ceux commis sous l’exercice de l’autorité de l’État. Par conséquent, la Commission va devoir s’attacher à définir les critères d’attribution des actes commis par les États, a noté le représentant, qui a dit appuyer l’approche de certains membres de la Commission.
M. Reinisch a expliqué que l’Autriche était convaincue que l’« Application provisoire des traités » dépend du droit interne des États. Par conséquent, le projet de directive 1 devrait être reformulé pour intégrer cette perspective, en tenant compte que cela ne signifie pas que les États ont la possibilité de se soustraire à leurs obligations internationales, a conclu le représentant.
Mme PATRICIA GALVAO TELES (Portugal) a rappelé qu’il existe une étude de 2005 du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur la question de la « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés ». Cette étude, a-t-elle rappelé, réaffirme l’application de principes généraux sur la conduite des hostilités envers l’environnement naturel, c’est-à-dire les principes de distinction entre la nécessité militaire et la proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser voir éviter les dommages à l’environnement. Le CICR souligne aussi que l’utilisation de méthodes qui ont pour but de créer des dommages à long terme est interdite. Le rapprochement établi avec le droit coutumier est un élément important et devrait être pris en compte par la Commission du droit international, a noté la représentante, qui a aussi demandé à ce qu’on évite de donner l’impression que le projet de principes pourrait affaiblir le droit existant.
Passant à la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », Mme Galvao Teles a réitéré que l’approche de ce sujet devait refléter un engagement envers certains droits et valeurs juridiques. Elle a estimé que la distinction entre l’immunité ratione personnae et l’immunité ratione materiae était essentiellement méthodologique, car les immunités sont de nature fonctionnelle et ne sont appliquées que dans la stricte limite et à propos de certaines catégories d’actes justifiant cette forme de protection. Il convient de souligner l’analyse exhaustive des critères d’identification de la notion de l’acte accompli à titre officiel entreprise par la Rapporteuse spéciale. Cependant, en ce qui concerne les actes ultra vires, les actes de jure gestionis et les actes accomplis par un responsable officiel dans son propre intérêt, la représentante a émis quelques réserves concernant leur qualification de limite ou d’exception, puisqu’ils devraient être envisagés dans le cadre du régime général de la responsabilité, c’est-à-dire en dehors du régime exceptionnel des immunités.
Passant à la question de l’« Application provisoire des traités », Mme Galvao Teles a estimé que c’est une question de valeur importante pour tous les conseillers juridiques ainsi que pour les relations internationales. Le travail de la CDI, à cette occasion, ne devrait pas aller au-delà de l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, a-t-elle noté. Pour ce qui est des projets de directives 1 et 2, le Portugal estime qu’il serait utile de développer la signification de la phrase « de toute autre façon dont ont convenu les États ». Concernant le projet de directive 4, les effets juridiques découlant de l’application provisoire des traités devraient être précisés. La représentante a, en outre, estimé que l’étude de la pratique des États était extrêmement pertinente pour cette étude et qu’il serait utile que les États apportent leur contribution à l’étude en faisant état de leur pratique, pour permettre à la CDI de les analyser. À cet égard, l’Union européenne a une pratique importante de l’application provisoire des traités, a-t-elle noté. Mme Galvao Teles a enfin estimé que le travail de la Commission sur l’application provisoire des traités devait s’en tenir à l’objectif de l’élaboration d’un ensemble de directives.
M. SEBASTIAN ROGAČ (Croatie) a appuyé les efforts visant à élaborer la portée des cadres et principes du droit international de l’environnement applicables dans les conflits armés et ce, sans toucher au droit des conflits armés. Sur la définition du terme « environnement », il a suggéré une approche prudente pour éviter de réviser les normes existantes sur la protection du patrimoine culturel. En outre, une distinction claire devrait être faite entre protection de l’environnement et protection de l’héritage culturel, a ajouté le représentant, qui s’est dit convaincu qu’il n’était pas possible de simplement transposer les dispositions sur le droit des conflits armés à la protection de l’environnement. Quant à la désignation des zones protégées, elle exige un examen plus approfondi, y compris sur le degré de protection octroyé aux États. Le représentant a soutenu la proposition de formuler un projet de principe séparé tenant compte du devoir des États de protéger l’environnement dans le cadre de conflits armés.
Sur la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », M. Rogač a indiqué que la définition d’« acte accompli à titre officiel » était très utile et contribuait à la certitude juridique. Il s’est également félicité de la suppression du lien entre acte commis à titre officiel et crime afin d’éviter toute incertitude. De même, il a recommandé de reconnaître correctement le lien entre immunités ratione personae et ratione materiae, soulignant qu’il existait souvent une double responsabilité pour un acte unique, tout acte à titre officiel étant attribuable à la fois à la personne et aussi à l’État qui lui a conféré l’immunité.
Sur la question de l’« Application provisoire des traités », M. Rogač a souligné que les mêmes règles s’appliquaient que pour l’entrée en vigueur du traité et que la violation des obligations lors de l’application provisoire était répréhensible. Différents principes et règles pertinents devraient trouver leur place et un énoncé précis dans les directives, a noté le représentant, qui a estimé par exemple que les traités appliqués de manière provisoire ne devraient pas être remis en question par les États qui recourent à cette application provisoire. Il a de plus souligné que la référence à une résolution adoptée par une conférence internationale devrait être examinée avec prudence, l’accord étant conclu quand et seulement si l’État décide de son application provisoire. Il serait par ailleurs utile de considérer la possibilité de l’extinction de l’application provisoire en raison d’une violation matérielle ou de la non-application par un autre État.
M. RUBÉN IGNACIO ZAMORA RIVAS (El Salvador) a estimé qu’en matière de « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », il serait approprié d’envisager aussi bien les conflits internationaux que non internationaux, puisque ces deux types de conflits peuvent provoquer des dégâts irréversibles sur l’environnement. Sur la définition des termes, il a recommandé la suppression du terme « naturel » accolé à « environnement » et s’est montré opposé à la qualification de l’environnement comme « bien civil ». Quant aux zones protégées, elles devraient, en tant que zones de grande importance environnementale et culturelle, bénéficier d’une protection renforcée et en aucun cas devenir des objectifs militaires.
Sur la question de l’ »Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », le représentant a exprimé son accord avec la reformulation d’« acte commis à titre officiel » afin de le séparer de la nature de l’acte, estimant que son caractère licite ou illicite ne pouvait en effet être déterminé que par les autorités judiciaires compétentes.
M. Zamora Rivas s’est enfin félicité que les projets de directives sur l’« Application provisoire des traités » reflètent le caractère volontaire de cette application pour les États et organisations internationales. Il a demandé un travail plus approfondi sur le type d’obligations et d’effets juridiques induits par l’application provisoire.
M. JOSE JAVIER GOROSTEGUI OBANOZ (Chili) a rappelé que l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État » était une manifestation du principe d’égalité souveraine des États et qu’elle avait un caractère procédural, étant donné que son champ d’application consiste à vérifier si un État peut ou non exercer sa juridiction sur un autre, et non pas à considérer si la conduite d’un individu bénéficiant de l’immunité est licite ou non. Il a estimé que la définition de l’« acte commis à titre officiel » était simple et essentielle et qu’il s’agissait d’actes commis par un fonctionnaire de l’État dans l’exercice de son autorité officielle. Il a souhaité pouvoir débattre ultérieurement de la portée du processus d’humanisation dans le droit international afin que l’immunité ne soit pas invoquée pour bénéficier de l’impunité pour les crimes les plus graves dans le droit international et qu’elle soit harmonisée avec les règles sur la juridiction territoriale et extraterritoriale des États pour de tels crimes.
Sur la question de l’« Application provisoire des traités », le représentant a souligné la nécessité d’examiner les aspects de droit interne qui pourraient, dans la pratique, constituer des limites à l’application provisoire de certaines dispositions des traités dans les cas où leur application définitive requiert l’approbation du pouvoir législatif. Il a aussi rappelé que, selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, un traité ne s’applique provisoirement que sur la décision des parties et que cette application provisoire génère des effets juridiques et crée des droits et obligations pour les États qui la pratiquent.