La Sixième Commission entame l’examen des chapitres VI à VIII du rapport de la Commission du droit international
Devant la Commission, le Président de l’Assemblée générale demande des efforts pour mettre au point une convention mondiale contre le terrorisme
La Sixième Commission (Commission des questions juridiques) a entamé, aujourd’hui, l’examen des chapitres VI à VIII du rapport de la Commission du droit international (CDI), qui traitent respectivement de la « Détermination du droit international coutumier », des « Crimes contre l’humanité » et des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ».
Le Président de la Commission, M. Narinder Singh, a fait le point des travaux sur ces trois sujets. Concernant la « Détermination du droit international coutumier », le Rapporteur spécial, M. Michael Wood, a présenté, cette année, son troisième rapport et la Commission a pris note des projets de conclusions 1 à 16, adoptés à titre provisoire par le Comité de rédaction. La CDI a examiné le premier rapport du Rapporteur spécial sur les crimes contre l’humanité, M. Sean D. Murphy, et a adopté provisoirement les projets d’articles 1 à 4 et les commentaires s’y rapportant. Quant au thème des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », la Commission, qui avait déjà adopté 10 projets de conclusions, en a examiné un autre, le projet 11, présenté, cette année, par le Rapporteur spécial, M. Georg Nolte, qui porte sur les « Actes constitutifs d’organisations internationales ».
Les organisations internationales doivent être prises en compte pour leur contribution à la détermination du droit international coutumier, a plaidé l’Union européenne, qui a souhaité que l’étude adopte une approche qui se penche précisément sur la nature de l’organisation internationale en question. Les pays nordiques ont également appelé à tenir compte du rôle des organisations internationales, en particulier quand les États leur ont transféré certaines compétences. L’Autriche a, pour sa part, estimé que le projet de conclusion 4 qui rejette la pratique d’autres acteurs non étatiques aux fins de la formation et de la détermination du droit international coutumier, ne rendait pas justice à la contribution importante du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à la pratique internationale.
Un des points sensibles du projet d’article sur les « Crimes contre l’humanité » portait sur ses relations avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. À cet égard, les pays nordiques se sont félicités de l’approche générale adoptée par le Rapporteur spécial, qui a repris la définition des crimes contre l’humanité donnée par le Statut de Rome. La Grèce, en revanche, n’est pas entièrement convaincue par la nécessité d’une convention traitant exclusivement de cette catégorie de crimes. Pour elle, le Statut de Rome offre une base juridique suffisante pour des poursuites nationales et son universalisation rendrait inutile la mise en œuvre d’une nouvelle convention. La République tchèque a salué les propositions de certains États Membres d’élaborer un traité multilatéral sur l’assistance juridique mutuelle et l’extradition en cas de crimes atroces.
La Sixième Commission avait auparavant achevé l’examen du premier groupe de chapitres du rapport de la CDI, déjà étudiés lundi et mardi et notamment des études sur la clause de la nation la plus favorisée (clause NPF) et la protection de l’atmosphère, ainsi que du jus cogens, nouveau sujet inscrit à son programme de travail.
Plusieurs délégations ont salué le rapport final du Groupe d’étude sur l’interprétation de la clause NPF, estimant qu’il offrait des outils d’interprétation et rassemblait la jurisprudence contemporaine sur la question tout en mettant en avant le rôle de la Convention de Vienne sur le droit des traités. En revanche, la Jamaïque a regretté que le Groupe d’étude n’ait pas donné de directives utiles aux conseillers juridiques des gouvernements quand ils négocient et appliquent des accords bilatéraux d’investissement. Quant au Venezuela, il a estimé que la CDI ne s’était pas attaquée aux problèmes fondamentaux de ces clauses et n’offrait pas de solution au conflit d’interprétation par les tribunaux arbitraux, ajoutant que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États ne « devait pas élever les investissements transnationaux au rang d’État souverain et autoriser les investisseurs à défier les gouvernements qui régulent et déterminent leurs propres affaires internes ».
L’inscription du jus cogens au programme de travail de la Commission a continué de susciter des réactions variables. La Slovénie y est favorable car elle estime que les contours et les effets juridiques spécifiques du jus cogens restent mal définis, ce qui pose des questions d’interprétation. Le Portugal et l’Argentine estiment qu’il s’agit d’un thème de la plus haute importance mais qu’il faut l’aborder avec une grande prudence, alors que la France n’y voit pas d’intérêt et que la Turquie estime qu’il n’y avait pas de demandes émanant des États Membres pour le développement de la codification de ce concept.
Le thème de la protection de l’atmosphère a continué lui aussi de susciter soutien, interrogations et réticences. L’Allemagne a souligné l’urgence et le caractère global de la protection de l’atmosphère et la France a dit accueillir favorablement les actuels projets de directives et de préambule, et notamment l’emploi de la formule « préoccupation pressante de la communauté internationale ». En revanche, la Russie est peu convaincue de la nécessité d’élaborer cette question sans aborder les changements climatiques et la Slovaquie a appelé la Commission à « repenser ce concept et le rendre plus acceptable, plus concret ». Quant aux États-Unis, ils restent opposés à cette étude par la CDI, estimant qu’elle complique les négociations en cours et à venir sur les questions environnementales plus qu’elle ne les facilite.
La Sixième Commission a par ailleurs accueilli le Président de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft, qui a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts notamment pour mettre en place une convention mondiale contre le terrorisme. « Vous êtes les garants de l’égale application de l’état de droit envers tous les États, les organisations internationales, y compris les Nations Unies et ses principaux organes », a-t-il déclaré.
La Sixième Commission poursuivra l’examen des chapitres VI à VIII de son rapport vendredi 6 novembre à partir de 10 heures. Elle recevra en outre le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), M. Ronny Abraham.
Déclaration du Président de l’Assemblée générale devant la Sixième Commission
M. MOGENS LYKKETOFT, Président de l’Assemblée générale, intervenant devant la Sixième Commission, où étaient présents de nombreux conseillers juridiques des États-Membres, a estimé que les commémorations autour du soixante-dixième anniversaire de l’ONU devraient inspirer aux représentants une réflexion sur l’immense responsabilité qui incombe aux États Membres. Il a rappelé que la Charte des Nations Unies donne comme objectif l’établissement des conditions de maintien de la justice et du respect des obligations internationales découlant des traités et d’autres sources de droit international. Il a rappelé à cette occasion que le développement et la promotion du droit international est un des tous premiers buts de l’Organisation. Au cours des 70 dernières années, la Sixième Commission a démontré, à maintes reprises, à quel point son travail pouvait changer pour le mieux l’ordre juridique international, a-t-il ajouté.
Le Programme pour le développement durable à l’horizon 2030, qui a été récemment adopté par l’Assemblée générale, est l’illustration de ce qu’il est possible de faire lorsque l’on s’écoute les uns les autres pour atteindre des objectifs prioritaires, a poursuivi M. Lykketoft. En assumant l’engagement de 17 objectifs de développement durable, les dirigeants du monde ont reconnu le lien entre le développement économique, la pauvreté, l’inégalité, la dégradation de l’environnement et la paix, a estimé le Président de l’Assemblée générale.
M. Lykketoft a ensuite passé en revue les sujets qui ont été traités par la Sixième Commission depuis l’ouverture de la présente session. Il a estimé qu’il fallait redoubler d’effort pour mettre au point une convention mondiale contre le terrorisme. Il a exhorté les États Membres à saisir l’élan qui a été lancé à cette occasion. L’expertise et l’implication de tous aura pour résultat des avancées substantielles, a-t-il ajouté, lançant aux représentants à la Sixième Commission: « Vous êtes les garants de l’égale application de l’état de droit envers tous les États, les organisations internationales, y compris les Nations Unies et ses principaux organes ». En conclusion, M. Lykketoft a invité les représentants à examiner leurs réalisations passées et à avoir confiance, à reconnaître les défis actuels et à avancer dans un esprit de consensus.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-SEPTIÈME SESSION (A/70/10)
Fin de l’examen des chapitres I à V et XII
Déclarations
M. SERGEY A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a estimé que le Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée (clause NPF) avait, avec son rapport, conclu ses travaux avec succès. Le rapport pourra être utilisé par les États lorsqu’ils mettront en œuvre les procédures, s’est-il félicité. Toutefois, a-t-il estimé, la Commission pourrait élaborer des rapports qui n’imposent pas d’avis aux États et fournissent une vue d’ensemble sur les divers points de vue en matière de droit international. Le représentant a en effet estimé que, pour ce qui concerne les interprétations de la clause NPF, notamment au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), on trouvait dans le rapport une préférence pour les cours arbitrales plutôt que pour celles des États. Le rapport note les contradictions qui existent parfois dans les différentes pratiques des États concernant l’application de la clause de la nation la plus favorisée, mais la Fédération de Russie estime que la Commission devrait tenir compte de la pratique des États. Dans ce contexte, les conclusions du Groupe d’étude sont essentielles; elles mettent en avant les dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Le représentant a répété qu’il fallait apporter plus de précisions et que la clause NPF ne devait être appliquée en matière d’interprétation que si les accords conclus entre signataires la mentionnent.
M. Leonidchenko a fait part de son scepticisme concernant le thème de la protection de l’atmosphère. Il a cependant appuyé l’approche de la Commission consistant à aborder cette question complexe de façon précise. Il a noté que le projet de directive 1 parlait de pollution de l’atmosphère et de rejets par l’homme dans l’atmosphère qui peuvent avoir des conséquences sur d’autres États. Il a noté que le projet de directive 2 exclut la pollution locale, qui peut pourtant avoir des conséquences internationales. Il a appuyé l’idée que la protection de l’atmosphère est une préoccupation de la communauté internationale, mais il s’est dit peu convaincu de la nécessité d’élaborer cette question sans aborder les changements climatiques. À propos de la directive 5 sur la nécessité de coopération internationale en matière de protection de l’atmosphère, le représentant a soutenu que cette question n’avait rien à voir avec le droit international. Enfin, il a fait observer que le rapport précise qu’en matière de dégradation de l’atmosphère la région de l’Arctique est concernée. Se demandant sur quelles conclusions ou études cette assertion se fondait, le représentant a par ailleurs estimé qu’il ne fallait pas viser une région en particulier si l’on souhaitait élaborer des règles de droit international générales.
Mme SHARIFAH NURUL FARIHEEN (Malaisie) a salué le rapport final du Groupe d’étude sur l’interprétation de la clause de la nation la plus favorisée (clause NPF), estimant qu’il offrait des outils d’interprétation et rassemblait la jurisprudence contemporaine relevant de cette question. Elle a ensuite réitéré son soutien à une interprétation basée sur la Convention de Vienne sur le droit des traités et s’est rangé derrière la position du Groupe d’étude, qui laisse aux États qui négocient la clause NPF le soin de déterminer si cette clause englobe ou pas les dispositions prévues en cas de litige.
Abordant la protection de l’atmosphère, la représentante a salué les efforts du Rapporteur spécial. À propos du projet de directive 1 sur l’usage des termes, elle a toutefois demandé davantage de clarification sur le statut des autres éléments de l’atmosphère qui ne sont pas couverts par la définition proposée. Elle a également défendu une formulation « plus subtile » de la définition de « pollution atmosphérique » et de « dégradation atmosphérique ». Elle a également demandé des clarifications sur les types de rejets et émissions effectuées « par l’homme ».
En ce qui concerne le champ d’application de la notion de protection de l’atmosphère, objet du projet de directive 2, Mme Fariheen a souligné qu’elle se concentrait sur les causes humaines de la pollution atmosphérique et de la dégradation de l’atmosphère, et n’incluait donc pas les causes naturelles, comme des éruptions volcaniques ou la chute de météorites. Elle a jugé essentielles de plus amples consultations avec les agences et les experts techniques compétents. En conclusion, elle a souligné que le paragraphe 4 du préambule –qui vise à ce que le projet de directives n’empiète pas sur les négociations politiques en cours- traitait de questions liées à la portée du texte et indiqué que son pays préfèrerait donc que ces dispositions soient intégrées au projet de directive 2 sur le champ d’application.
M. MICHAEL KOCH (Allemagne) a salué les travaux de la CDI sur la protection de l’atmosphère, en particulier sa décision de reconnaître dans le préambule l’importance de l’atmosphère et son rôle essentiel pour la vie sur terre, la santé humaine et l’écosystème. Il s’est également félicité que le préambule reconnaisse l’urgence et le caractère global de la protection de l’atmosphère et stipule que celle-ci est une « préoccupation pressante de l’ensemble de la communauté internationale ». Il a toutefois estimé que la proposition du Rapporteur spécial visant à classer la protection atmosphérique au rang des « préoccupations communes de l’humanité » était justifiée, soulignant que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) reconnaissait déjà les changements climatiques comme « une préoccupation commune de l’humanité ». Il a conclu en saluant le fait que le projet de directive 5 souligne « l’obligation des États de coopérer dans la protection de l’atmosphère », rappelant que cette obligation figurait aussi dans le Protocole de Kyoto et la CCNUCC.
Mme IRENE SUSAN BARREIRO NATIVIDAD (Philippines) a noté que les clauses NPF établissent un principe d’égalité de traitements internationaux en disposant que les citoyens ou les personnes contractantes peuvent apprécier les privilèges accordés par l’une des parties à l’autre, laquelle est la nation la plus favorisée. Sous le régime de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les exceptions à la clause NFP sont privilégiées pour les pays en développement, les régions de libre-échange et les unions douanières, a-t-elle déclaré. Le projet de directives de 1978, bien que toujours utile, a été distancé par d’autres développements, a ajouté la représentante. Mme Natividad s’est dite en accord avec la CDI sur le fait que l’interprétation des clauses NPF est une question clef et que le bénéfice que l’on peut en tirer dépend de l’interprétation de la clause elle-même.
Si les parties ne peuvent tomber d’accord ou n’arrivent pas à utiliser un libellé clair et explicite, les clauses NPF dans les traités d’investissement bilatéraux peuvent s’étendre des obligations principales jusqu’aux questions de procédure ou de règlement des différends, a relevé la représentante. C’est l’essence même de l’affaire Maffezini, qui est controversée. On peut en effet avoir une autre argumentation, a déclaré la représentante, qui a toutefois noté que la question de savoir si le traitement préférentiel des investisseurs pourrait aussi concerner le règlement des différends avait été soulevée, ce qui fait le bonheur des juristes spécialisés dans les litiges en matière d’investissement. Elle a remercié le Groupe d’étude pour avoir mis en avant le rôle de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 pour aider à interpréter les traités. Elle a estimé que les conclusions du rapport final aideraient les autorités des Philippines à rédiger plus clairement des traités d’investissement bilatéraux, afin d’éviter les problèmes dans l’avenir.
Concernant la protection de l’atmosphère, Mme Natividad a déclaré que l’atmosphère était notre ressource la plus importante et qu’elle faisait l’objet d’une préoccupation commune. Elle a approuvé les projets de directives, ainsi que le préambule. Par ailleurs, elle a dit partager la déception de la CDI concernant la réduction de l’initiative de publication de la Division de la codification. Quelle est la valeur du travail de la CDI et celui des Nations Unies sur l’état de droit s’il n’est pas publié en temps et en heure, s’est-elle demandée en conclusion.
M. STEPHEN TOWNLEY (États-Unis) a estimé que le rapport sur la clause de la nation la plus favorisée était une ressource « utile pour les gouvernements et les acteurs intéressés par cette question ». Il a soutenu la décision du Groupe d’étude d’utiliser comme base d’interprétation la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Le représentant a réitéré ses préoccupations quant à l’opportunité pour la Commission de se pencher sur la protection de l’atmosphère. Les États-Unis ne pensent pas que ce sujet soit utile, des instruments juridiques variés offrent déjà des directives aux États, a-t-il souligné, avant d’ajouter que ce sujet « complique les négociations en cours et à venir plus qu’il ne les facilite » et risque d’amener les États à freiner les chances de nouvelles avancées dans le domaine de l’environnement. Dans ce contexte, M. Townley a indiqué que sa délégation restait opposée à l’inclusion de ce sujet dans le calendrier de la Commission du droit international. Il a précisé que « les préoccupations les plus sérieuses » des États-Unis concernaient le paragraphe 1 du projet de directive 5 qui impose aux États une obligation de coopérer dans le domaine de la protection de l’atmosphère. Il s’est également dit « particulièrement préoccupé » par le programme de travail proposé par le Rapporteur spécial sur ce thème, estimant qu’il sortait du champ d’action de la Commission du droit international. Il a en revanche appuyé l’inclusion du thème du jus cogens dans le programme de travail de la CDI, appelant celle-ci à se concentrer clairement et attentivement sur la pratique des traités, en particulier à la lumière de la Convention de Vienne, et sur la pratique des États.
Mme RITA FADEN (Portugal) a déclaré que le chapitre III du rapport de la Commission du droit international -qui concerne les thèmes à l’étude pour lesquels la Commission juge particulièrement utile de recevoir des observations de la part des États- est d’une grande utilité. Elle a reconnu qu’il était parfois difficile pour les États de fournir les informations sur leur pratique et leurs législations nationales, mais elle a encouragé la Commission à poursuivre ses sondages sur la pratique des États. Elle a aussi rappelé que, pour augmenter la participation des États et garantir des processus aussi inclusifs que possible, il faudrait en priorité aider les pays en développement à améliorer leurs services juridiques, notamment par le biais du Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international.
Rappelant l’Article 13 de la Charte des Nations Unies et l’article 1 du statut de la CDI, la représentante a estimé que la promotion du droit international venait avant sa codification. Toutefois, nous pourrions bénéficier d’une analyse plus prudente en ce qui concerne la codification, a-t-elle noté. Afin d’aider à la diffusion et la promotion du droit international, elle a déclaré que la priorité devait être donnée à l’assistance juridique ainsi qu’aux ressources humaines.
Abordant la question du jus cogens, Mme Faden a estimé que c’est un sujet de la plus haute importance qui requiert encore des précisions, malgré les contributions de la jurisprudence. S’agissant des travaux à venir de la Commission, elle s’est félicitée que la Commission ait demandé au Secrétariat de passer en revue les sujets essentiels établis en 1996. Mme Faden a également rendu hommage au Groupe d’étude pour son travail sur la clause de la nation la plus favorisée en matière de l’interprétation des traités d’investissement internationaux et a mis en exergue un chevauchement entre les règles substantielles et les règles procédurales.
Concernant la protection de l’atmosphère, Mme Faden a appuyé l’adoption du concept de « préoccupation commune de l’humanité », proposée par le Rapporteur spécial mais mis de côté par la CDI. Énumérant les divers instruments et conventions ayant repris cette notion, elle a déclaré qu’elle impliquait que toute dégradation de l’atmosphère avait des effets néfastes pour l’ensemble de l’humanité et que la communauté internationale devait prendre des mesures pour protéger cette ressource naturelle.
M. JOHN ADANK (Nouvelle-Zélande) a salué le rapport de la Commission du droit international (CDI), y compris les conclusions du Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée (clause NPF). Il a noté en particulier la nature en constante évolution de la jurisprudence relative à la clause NPF, ce qui limite les possibilités de définir de manière arbitraire la façon dont la clause NPF devrait s’appliquer dans le droit international. Pour M. Adank, le projet d’articles de 1978 donne des indications pour interpréter les clauses NPF, et il n’y a pas de raison de revoir ces articles pour fournir une base exhaustive en ce qui concerne cette interprétation et l’application des clauses NPF.
M. Adank a accueilli favorablement l’inclusion du jus cogens dans le programme de travail de la CDI. Il a réitéré son soutien à une plus grande coopération entre la CDI et la Sixième Commission et a salué l’augmentation du nombre des réunions informelles. Pour continuer dans cette voie, la Nouvelle-Zélande appuie la proposition de tenir des demi-sessions de la CDI à New York. M. Adank a par ailleurs salué l’évolution positive du nouveau site Internet de la CDI, estimant qu’un tel site satisfait une position ancienne de la Nouvelle-Zélande sur la dissémination du droit international.
Mme İPEK ZEYTINOĞLU OZKAN (Turquie) a souligné le rôle de la Commission du droit international dans le développement et la codification du droit international. Évoquant le chapitre XII du rapport, relatif aux « autres décisions et conclusions de la Commission », elle a salué la volonté de la CDI d’améliorer ses méthodes de travail et s’est félicitée de ses interactions avec la Sixième Commission lors de la précédente session. Elle a également salué la création du nouveau site Internet de la CDI, estimant qu’il permettrait une meilleure diffusion de son travail et de ses activités.
Mme Zeytinoğlu Ozkan a ensuite estimé qu’il n’y avait pas de demande émanant des États Membres sur le développement de la codification du jus cogens et a rappelé que la CDI avait déjà dû, une fois, renoncer à inscrire cette question à son programme de travail, faute de renseignements suffisants. Dans ce contexte, elle a demandé de plus amples explications sur la manière dont un examen plus poussé du jus cogens par la Commission du droit international pourrait avoir un impact sur la pratique en vigueur.
M. METOD ŠPAČEK (Slovaquie) a salué les travaux du Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée, estimant qu’ils offraient un outil utile pour l’interprétation de ces clauses et de points de référence pour les tribunaux arbitraux. Le Groupe d’étude a identifié les principaux problèmes d’interprétation et analysé les tendances issues des dernières décisions pour consolider ces interprétations, a-t-il insisté, avant de saluer la recommandation appelant à utiliser la Convention de Vienne sur le droit des traités comme base d’interprétation.
Abordant la protection de l’atmosphère, le représentant a souligné que le Rapporteur spécial avait opté pour une approche qui fait de l’atmosphère l’objet de la protection. « Cela nous semble ambigu et sans fondement dans le droit international », a-t-il expliqué, avant d’estimer que la protection de l’atmosphère devait être considérée comme l’objectif d’une régulation juridique, plutôt que comme l’objet même de cette régulation. La Slovaquie considère que les projets de directives 3 et 4 devaient faire l’objet davantage de considération. M. Spacek a appelé la CDI à saisir l’opportunité de sa prochaine session pour « repenser ce concept et le rendre plus acceptable, plus concret » et fondé sur une formation juridique qui intègre l’état de la législation internationale sur le sujet de la protection de l’atmosphère.
M. Špaček a appuyé l’inclusion du thème du jus cogens dans le programme de travail de la CDI. Les contours et les effets juridiques spécifiques du jus cogens restent mal définis, ce qui pose des questions d’interprétation, a-t-il indiqué.
M. MEHDI REMAOUN (Algérie) a déclaré que les clauses de la nation la plus favorisée n’avaient pas évolué depuis le projet d’articles de 1978. Il s’est dit tout à fait convaincu par la conclusion du Groupe d’étude, pour qui la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 est le point de départ de l’interprétation des règles concernant les traités d’investissements. Le représentant a noté que la Convention et le projet d’articles continuaient à être la base de l’interprétation et de l’application des clauses NPF, même s’ils ne fournissent pas de réponses à toutes les questions soulevées par l’interprétation.
Concernant la protection de l’atmosphère, le représentant a pris note des progrès réalisés dans les travaux par l’adoption des projets de directives 1, 2 et 5, ainsi que des quatre alinéas du préambule. Il a noté qu’en l’absence de définition fournie par les instruments internationaux pertinents, la Commission avait décidé de donner une définition de ce qu’il faut entendre par « atmosphère », sans préjudice des processus politiques en cours. M. Remaoun a également salué le projet de directive 2 sur la portée des directives, estimant qu’il permet d’éviter toute interférence entre le travail en cours à la CDI et d’autres processus internationaux ou d’autres forums. En ce qui concerne le projet de directive 5 sur la coopération aux fins de la protection de l’atmosphère, le représentant a relevé que les deux paragraphes proposés ne concernaient pas tous les aspects de la coopération internationale et a estimé qu’il fallait étendre la notion de coopération en gardant à l’esprit les différents niveaux de développement entre les pays développés et ceux en développement, ce qui implique une notion d’assistance aux pays en développement, qui suppose elle-même des transferts de technologies.
Mme KATHY-ANN BROWN (Jamaïque) a fait part de sa préoccupation face à la perte d’influence de la Commission du droit international et de la Sixième Commission. Elle a salué la décision de la CDI d’envisager d’organiser une partie des sessions au Siège des Nations Unies, à New York, estimant que cela permettrait de renforcer les liens et la coopération entre les deux entités.
La représentante a ensuite rappelé que la nature contraignante du droit international reposait sur sa clarté et via « un corps de règles cohérent qui promeut l’équité, la prédictibilité et la sécurité dans les relations entre les États ». La fragmentation du droit international mine son existence même, a-t-elle expliqué, précisant que cela complique la tâche des pays en développement, qui tentent d’envoyer des signaux positifs aux investisseurs au travers de la négociation de traités bilatéraux. Cela pose aussi des difficultés pour la renégociation des accords d’investissement existants, a-t-elle ajouté.
Abordant le thème de la clause de la nation la plus favorisée, la représentante a salué les travaux du Groupe d’étude mais estimé que la Commission du droit international ne devait pas se retenir de se pencher sur les questions relevant de traités qui gouvernent les relations commerciales entre les États et les société transnationales. Elle s’est ensuite rangée à l’analyse du Groupe d’étude, qui souligne le rôle fondamental de la Convention de Vienne sur le droit des traités dans l’interprétation des clauses de la nation la plus favorisée.
Soulignant ensuite que le rapport du Groupe d’étude met en exergue « la variété des interprétations quand elles sont intégrées à des accords d’investissements bilatéraux », la représentante a regretté que le Groupe d’étude ne donne pas plus de détails sur l’application de la clause de la nation la plus favorisée dans ce contexte et « ne donne pas les directives utiles aux conseillers juridiques des gouvernements quand ils négocient et appliquent des accords bilatéraux d’investissement ». Rappelant également que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dispose d’un organe d’appel qui constitue « un mécanisme pour rendre cohérentes les interprétations des clauses de la nation la plus favorisée dans la sphère commerciale », elle a estimé que les clauses de la nation la plus favorisée dans le contexte commercial n’avait pas besoin de faire l’objet d’études, compte tenu du rôle central joué par l’organe d’appel de l’OMC.
En conclusion, la représentante a fait part de son intérêt pour le travail mené par la Commission du droit international sur la protection de l’atmosphère. C’est une préoccupation pressante de la communauté internationale que nous considérons comme une préoccupation commune de l’humanité, a-t-elle conclu.
M. HOLGER MARTINSEN (Argentine) a rendu hommage aux travaux de la Commission du droit international, en rappelant que son pays avait participé aux travaux sur la clause de la nation la plus favorisée. Cette clause vise à éviter que la règle de l’épuisement des règles internes soit validée, a précisé le représentant, qui a souligné la nécessité de disposer d’une analyse, au cas par cas, sur cette question. Cependant, a-t-il ajouté, il faut tenir compte de l’accord exprimé -ou non- par les États parties.
M. Martinsen a salué l’incorporation du sujet du jus cogens au programme de travail de la CDI. Il a noté qu’en la matière, il fallait faire preuve d’extrême prudence. Tout en prenant note de la demande adressée aux États par la Commission de lui fournir des informations concernant leur pratique en matière du jus cogens, il a souligné que la pratique nationale en la matière risquait d’être limitée. Enfin, le représentant a salué l’amélioration du site Internet de la Commission du droit international.
M. ISAÍAS ARTURO MEDINA MEJÍAS (Venezuela) a estimé que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États ne « devait pas élever les investissements transnationaux au rang d’État souverain et autoriser les investisseurs à défier les gouvernements qui régulent et déterminent leurs propres affaires internes ». Citant l’Article 103 de la Charte des Nations Unies, il a rappelé que les accords de libre-échange qui contiennent des dispositions qui sont en conflit avec la Charte doivent être révisés. Citant également plusieurs articles de la Convention de Vienne sur le droit des traités, il a insisté sur l’importance de la conformité des traités à la Charte. Dénonçant « un mécanisme inacceptable », il a appelé à la création d’un système alternatif, « peut-être un système de tribunal comme présenté par le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ».
Tout en saluant le travail de la Commission du droit international sur la question de la clause de la nation la plus favorisée, le représentant a toutefois estimé qu’elle ne s’attaquait pas aux problèmes fondamentaux de ces clauses et n’offrait pas de solution au conflit d’interprétation par les tribunaux arbitraux. Les investisseurs étrangers ont usé et abusé, ces dernières années, de la clause de la nation la plus favorisée, a-t-il affirmé, déplorant aussi que la fonction première du Groupe d’étude ait été d’offrir une analyse juridique plutôt que de s’attaquer aux raisons économiques sous-jacentes à ces traités. Estimant enfin que les « États n’ont en général aucune idée de la manière dont le concept de la clause de la nation la plus favorisée s’applique, le représentant a rejeté l’utilisation de cette clause, appelant les délégations à identifier de nouveaux sujets pour la Commission du droit international dans les accords internationaux prévoyant des mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
M. SHINYA MURASE, Rapporteur spécial sur la protection de l’atmosphère, a indiqué qu’il prendrait en compte dans son troisième rapport, qui sera publié en 2016, l’ensemble des commentaires et propositions formulées par les États Membres lors de ces débats. Il a souligné l’importance du dialogue et des consultations entre la Commission du droit international et la communauté scientifique pour la préparation du rapport et l’étude du thème de la protection de l’atmosphère, citant en exemple la coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ou le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). M. Murase a, par ailleurs, expliqué que son prochain rapport se pencherait en particulier sur les modalités d’usage de l’atmosphère et sur leurs conséquences juridiques, notamment pour ce qui a trait au développement durable.
Examen des chapitres VI, VII et VIII du rapport
M. NARINDER SINGH, Président de la Commission du droit international, a présenté les chapitres VI, VII et VIII du rapport de la CDI, qui portent sur la détermination du droit international coutumier, les crimes contre l’humanité et les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.
Il a rappelé que le thème « Détermination du droit international coutumier », du chapitre VI avait été inscrit à l’ordre du jour de la CDI en 2012. En 2015, le Rapporteur spécial, M. Michael Wood, a présenté son troisième rapport et la Commission a pris note des projets de conclusions 1 à 16, adoptés à titre provisoire par le Comité de rédaction.
Le troisième rapport retrace l’historique du sujet et revient sur le lien entre la pratique générale et l’opinio juris. Il traite ensuite du rôle de l’inaction comme forme de pratique et/ou preuve de l’acceptation comme étant le droit, puis examine diverses autres formes particulières de pratique et de preuves. Il examine la pratique des États Membres, ainsi que le rôle des traités et des résolutions des organisations et conférences internationales dans la formation du droit international coutumier, que ce soit en codifiant une règle existante, en aboutissant à la cristallisation d’une règle en voie de formation ou en créant une nouvelle règle. Le rapport examine deux moyens auxiliaires de détermination des règles du droit international coutumier, à savoir la jurisprudence et la doctrine. Il s’intéresse à l’importance des organisations internationales et de la pratique des acteurs non étatiques. Il traite enfin de l’application ratione personae des règles de droit international coutumier, et notamment de la coutume particulière et de l’objecteur persistant.
M. Singh a noté que le thème « Crimes contre l’humanité » a été inscrit au programme de travail à long terme de la CDI en 2013, et à son programme de travail en 2014. Cette année, la Commission a examiné le premier rapport du Rapporteur spécial, M. Sean D. Murphy. Le rapport évalue les avantages potentiels de l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité, énonce un certain nombre de généralités concernant les crimes contre l’humanité et examine quelques aspects des conventions multilatérales existantes favorisant la prévention de la criminalité, l’incrimination et la coopération interétatique en la matière. Le Rapporteur spécial examine en outre l’obligation générale, énoncée dans divers régimes conventionnels, qui incombe aux États de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité, ainsi que la définition des « crimes contre l’humanité » aux fins du sujet. À l’issue de ses débats, la CDI a adopté provisoirement les projets d’articles 1 à 4, et les commentaires s’y rapportant. Ces projets d’articles portent respectivement sur le champ d’application du thème « la prévention et la répression des crimes contre l’humanité »; sur l’obligation générale faite aux États de prévenir et à punir les crimes contre l’humanité, qu’ils soient ou non commis en temps de conflit armé, car ils sont des « crimes au regard du droit international ».
Le thème « Les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités » a été inscrit initialement au programme de travail de la CDI, en 2008, sous le titre « Les traités dans le temps », avant de prendre son intitulé actuel en 2013. La Commission a, à ce jour, adopté 10 projets de conclusion et en a examiné un autre qui lui a été présenté, cette année, dans le troisième rapport du Rapporteur spécial, M. Georg Nolte. Les conclusions adoptées portent sur la règle générale et moyens d’interprétation des traités; les accords et pratique ultérieurs en tant que moyens d’interprétation authentiques; l’interprétation des termes d’un traité comme susceptibles d’évolution dans le temps; la définition de l’accord ultérieur et de la pratique ultérieure; l’attribution d’une pratique ultérieure; l’identification des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure; les effets possibles des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation; le poids des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure comme moyens d’interprétation; les accord des parties au sujet de l’interprétation d’un traité; les décisions adoptées dans le cadre d’une conférence des parties. Le projet de conclusion 11 présenté, cette année, porte sur les actes constitutifs d’organisations internationales.
M. LUCIO GUSSETTI, Union européenne, a d’abord abordé le thème de la détermination du droit international coutumier, se concentrant sur les aspects du rapport concernant les organisations internationales. Il a soutenu l’analyse du Rapporteur spécial selon laquelle, du fait de leur rôle croissant, les organisations internationales doivent être prises en compte pour leur contribution à la constitution du droit international coutumier. Il a ensuite mis en avant la grande diversité des organisations internationales, rejetant l’approche consistant à se baser sur la notion formelle d’organisation internationale et plaidant pour une approche qui se penche précisément sur la nature de l’organisation internationale. L’Union européenne considère ainsi que la notion d’organisation internationale ne devrait pas être traitée de manière isolée et demande que cette approche soit reflétée de manière adéquate dans les conclusions ou les commentaires du rapport. M. Gussetti a précisé que des observations similaires pouvaient être faites à propos du rôle du pouvoir judiciaire car « il n’est pas rare ou exceptionnel que le pouvoir judiciaire européen traite de questions de droit public international ».
Le représentant a ensuite estimé que l’usage fait dans le rapport de la notion d’organisation internationale ne reflétait pas non plus de manière appropriée la capacité de l’Union européenne d’adopter des traités, ni ses pouvoirs législatifs et judiciaires. Il a proposé d’introduire un langage plus approprié dans les conclusions de la CDI ou, à défaut, dans ses commentaires généraux. Les projets de conclusions traitent de la question des organisations internationales mais pas encore de manière entièrement consistante, a-t-il ajouté, avant de suggérer notamment une reformulation de la fin du projet de conclusion 5 et l’ajout de la formule « et autres décisions judiciaires » dans les projets de conclusions 6, 10 et 13.
Abordant la question des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, le représentant a indiqué que l’Union européenne pouvait se rallier au projet de conclusion 11, provisoirement adopté par la Commission, qui porte sur les « Actes constitutifs d’organisations internationales ». Il a toutefois souligné l’importance du principe selon lequel l’applicabilité aux organisations internationales des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités se fait « sans préjudice » des règles de ces organisations. Il a également salué le fait que le rapport relevait les spécificités de l’Union européenne, précisant que l’Union européenne apprécierait si ces spécificités se reflétaient de manière appropriée dans les commentaires du projet de conclusions.
Revenant sur des références du Rapporteur spécial à des « situations particulières », et notamment la difficulté de déterminer si une décision est prise par l’organe d’une organisation internationale ou par un État Membre individuellement quand il participe à une réunion plénière de cette organisation internationale, M. Gussetti a souhaité attirer l’attention du Rapporteur spécial sur de récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne qui fournissent des éléments de réponse.
M. ANDERS RÖNQUIST (Suède), au nom des pays nordiques, est revenu sur le thème des crimes contre l’humanité, saluant « l’excellent travail » du Rapporteur spécial. Il a salué son approche générale visant à prendre la définition des crimes contre l’humanité donnée dans l’article 7 du Statut de Rome comme base de travail. Il a également appuyé le caractère complémentaire d’un éventuel traité avec le Statut de Rome, saluant la volonté du Rapporteur spécial de se concentrer sur la coopération entre les États. Les pays nordiques soutiennent « fermement » la volonté du Rapporteur spécial de se concentrer sur l’obligation de prévention des crimes contre l’humanité. Pour que cette obligation devienne plus précise et efficace, les pays nordiques suggèrent que des termes soient ajoutés sur la nature concrète et les méthodes de prévention. Le représentant a proposé d’ajouter un article qui pose l’obligation pour les États d’adopter des législations et des politiques nationales axées sur la prévention des crimes contre l’humanité. Tout en saluant les avancées dans les domaines de la prévention et de la coopération entre États, il a souligné que de telles obligations ne pouvaient pas être interprétées de manière à limiter le champ d’application à d’autres obligations similaires.
Abordant ensuite le thème des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, M. Rönquist a souligné que les commentaires généraux exprimés dans un cas spécifique par des organes de traités constitués d’experts indépendants devaient être considérés comme des moyens d’interprétation et non comme juridiquement contraignants ou ayant la capacité d’amender un traité.
S’il a, par ailleurs, apporté son plein soutien au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui considère que les travaux des organes sur les traités des droits de l’homme contribuent pleinement au développement du droit international, non seulement par la jurisprudence mais aussi par les commentaires généraux, le représentant a estimé que ces commentaires généraux devaient être vus « comme des déclarations interprétatives », qui peuvent servir de moyens pour assurer la dynamique du droit international humanitaire ». Enfin, le représentant a appelé à tenir compte du rôle des organisations internationales dans la détermination du droit international coutumier, en particulier quand les États ont transféré à ces organisations internationales certaines compétences.
M. FRANCOIS ALABRUNE (France), qui est intervenu sur l’ensemble des chapitres du rapport, a estimé qu’en ce qui concerne la clause de la nation la plus favorisée, le rapport présentait un caractère succinct et n’apportait pas de réponses à certaines questions d’interprétation. Il a noté que le droit international des investissements est une branche jeune du droit international et traversée par d’importantes controverses.
S’agissant de la protection de l’atmosphère, M. Alabrune a noté que tout éclairage sur l’orientation générale des travaux serait le bienvenu. Il a en outre accueilli favorablement les trois projets de directives et quatre alinéas du préambule, et notamment l’emploi de la formule « préoccupation pressante de la communauté internationale », qui lui a paru « bien meilleure » que celle initialement proposée de « préoccupation commune » de l’humanité.
Concernant la détermination du droit international coutumier, M. Alabrune a approuvé l’approche dite des deux éléments, à savoir l’exigence d’un élément matériel, la pratique des États, et d’un élément psychologique, constitué par la conviction des États qu’une telle pratique est requise par le droit, sachant que chaque élément doit être établi séparément. Il a toutefois estimé qu’un même document pourrait éventuellement être utilisé pour la détermination des deux éléments du droit international coutumier. II a estimé que la prise en compte de l’inaction pour déterminer l’existence de règles de droit international coutumier est pertinente, mais qu’il convient d’apprécier cet élément avec prudence, en tenant compte des circonstances propres à cette inaction. Sur le point spécifique de la portée de certains moyens de détermination du droit international coutumier, M. Alabrune a estimé que le projet de conclusion mériterait d’être illustré par des exemples concrets dans le commentaire qui sera adopté. Il a en outre jugé opportun de distinguer le rôle de la jurisprudence et de la doctrine dans la détermination du droit international coutumier. Il a estimé qu’une conclusion distincte devrait être préparée, qui porterait sur le rôle des travaux de la CDI comme preuve d’une règle de droit international coutumier.
Sur la question des crimes contre l’humanité, M. Alabrune a fait part de quelques interrogations. La première concerne la portée exacte de l’obligation de prévention: il conviendrait de déterminer précisément le contenu de l’obligation, qui semble être traduite de façon trop large et devrait donc être précisée. La formulation utilisée par le Rapporteur spécial pour qualifier les crimes contre l’humanité de « crimes au regard du droit international » a paru contestable au représentant, qui a rappelé qu’il existait aujourd’hui d’autres crimes au regard du droit international, qui ne sont pas des crimes contre l’humanité, comme par exemple la criminalité internationale. Il a donc suggéré qu’on parle de « crime particulièrement graves » au regard du droit international. Quant au futur travail de la Commission sur ce thème, prévoir la création d’un organe conventionnel de contrôle ne lui apparaît pas opportun.
Concernant la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le représentant a fait part de ses doutes sur l’utilisation des termes « environnement » et « environnement naturel » sans cohérence apparente. Il a en outre estimé qu’il faudrait déterminer les différences d’approche et de traitement du sujet si l’étude doit s’appliquer à la fois aux conflits armés internationaux et aux conflits armés non internationaux.
Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Alabrune a noté que les travaux de la CDI s’étaient concentrés sur la définition de « l’acte accompli à titre officiel ». Il a estimé que, pour exclure certains actes du champ de l’immunité, il serait préférable de consacrer un article aux exceptions.
Concernant le thème de l’application provisoire des traités, le représentant a dit n’être pas persuadé que la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales reflète dans son intégralité le droit international coutumier. M. Alabrune a également exprimé des doutes sur l’intérêt pour la Commission d’étudier le jus cogens.
Enfin, le représentant a estimé que la Commission devrait limiter le nombre de ses études, dont la liste lui paraît « beaucoup trop longue ». Il a également souhaité qu’on évite la multiplication des groupes de travail et des projets, car cela ne facilite pas l’étude approfondie des travaux et ralentit leur progression. Il a estimé par ailleurs que les conditions de travail de la CDI, à Genève, sont « parfaitement adaptées » et ne voit donc pas l’intérêt pour celle-ci de tenir des sessions à New York. En conclusion, M. Alabrune a salué les efforts de la Commission pour veiller au respect du principe de l’égalité des langues, estimant qu’il existait « un lien entre les langues et le droit » et que la confrontation des textes juridiques en différentes langues contribuait à leur qualité. Il a, à cet égard, suggéré qu’on avance les dates des sessions de la CDI afin que les délégations puissent disposer plus tôt du rapport de la Commission dans les différentes langues officielles.
M. AUGUST REINISCH (Autriche) a salué l’intention de la Commission du droit international de clarifier certains aspects de la détermination de la source du droit international coutumier en formulant des conclusions assorties de commentaires. L’Autriche estime que la CDI a un rôle important à jouer dans la détermination du droit international coutumier. Le résultat du travail de la Commission mène normalement à des résolutions de l’Assemblée générale, que l’on retrouve dans le projet de conclusion 13 adopté par le Comité de rédaction concernant « les résolutions d’organisations internationales et des conférences intergouvernementales ». Or, a estimé M. Reinisch, le travail restant à ce sujet devrait faire partie du projet de conclusion 14 qui a trait à la jurisprudence et la doctrine. En ce qui concerne les autres projets de conclusions, M. Reinisch a estimé que le paragraphe 3 du projet de conclusion 4 –« exigence d’une pratique »- qui rejette la pratique d’autres acteurs non étatiques aux fins de la formation et de la détermination du droit international coutumier, ne rendait pas justice à la contribution importante du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à la pratique internationale. Il a, par ailleurs, estimé qu’en ce qui concerne le rôle des traités -projet de conclusion 11, paragraphe 1, alinéa c- il faudrait clarifier le sens de la « pratique générale » à laquelle un traité a donné naissance. Cela doit aussi inclure la pratique des parties non étatiques concernées et pas seulement la pratique des États.
Concernant la question des crimes contre l’humanité, M. Reinisch a noté que, d’après le projet d’article 1 –le champ d’application de l’étude- l’éventuelle future convention s’appliquerait à la prévention et à la répression en cas de crimes contre l’humanité. Il s’est dit favorable à ce que le champ d’application de la convention soit étendu pour qu’elle prenne en considération la prévention de tels crimes. À propos du projet d’article 2, concernant l’obligation générale de prévenir et de punir les crimes qualifiés de crimes contre l’humanité en tant que crime tombant sous le droit international, le représentant a noté que les crimes devaient être incorporés dans les lois nationales. Le qualitatif utilisé indique que ces crimes sont passibles de peines, même s’ils ne sont pas incorporés dans les tribunaux nationaux; cela ne fonctionne donc qu’au niveau de la justice internationale; il est donc utile de citer la nécessité de l’incorporer dans les lois nationales pour que cela soit effectif, a-t-il expliqué.
Passant à la question des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, M. Reinisch a salué les dispositions du projet de conclusion 11 sur les actes constitutifs des organisations internationales. La pratique des organisations internationales est essentielle pour leurs actes constitutifs. Certaines précisions sont encore nécessaires, notamment en ce qui concerne le terme « organisation ». Ce terme doit faire référence uniquement à des organisations intergouvernementales. Concernant le paragraphe 2 du projet de conclusion 11, l’Autriche aimerait avoir des précisions concernant la pratique des organisations internationales. M. Reinisch s’est félicité à cet égard des nombreuses informations qui ont été données concernant la pratique. La délégation autrichienne s’est déclarée en faveur de refléter la pratique des autres organisations internationales dans le projet de directives.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce), abordant le thème de la détermination du droit international coutumier, a salué la formulation du projet de conclusion 10, qui fait la différence entre l’inaction et l’inaction en cas de circonstances appelant à une réaction. À propos du projet de conclusion 3 « appréciation de la preuve des deux éléments constitutifs: la pratique générale et l’opinio juris », elle a estimé que le commentaire devrait distinguer les deux types de preuve pour les deux éléments constitutifs. Elle a poursuivi en appuyant les projets de conclusions 13 et 14, soulignant qu’ils considéraient les décisions et écritures judiciaires comme des moyens subsidiaires d’identification d’un droit international coutumier.
Abordant ensuite la question des crimes contre l’humanité, la représentante a indiqué ne pas être entièrement convaincue par la nécessité d’une convention traitant exclusivement de cette catégorie de crimes, soulignant que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale offrait une base juridique suffisante pour des poursuites nationales et que son universalisation rendrait inutile la mise en œuvre d’une convention. Dans le même ordre d’idée, elle a souligné que si le Statut de Rome ne régissait pas la coopération entre États pour les crimes relevant de sa compétence, il en était de même pour d’autres crimes. Dans ce contexte, elle a donc estimé que les efforts de la communauté internationale devraient se concentrer, d’une part, sur l’universalisation et la mise en œuvre effective du Statut de Rome, et, d’autre part, sur la création d’un mécanisme de coopération interétatique pour les enquêtes et les poursuites des crimes les plus graves au plan national. À propos enfin du paragraphe 1 du projet d’article 4 relatif à l’obligation de prévention, elle a souhaité plus de clarifications et d’exemples quant à son contenu.
La représentante a conclu en abordant le thème des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités. À propos du paragraphe 3 du projet de conclusion 11, elle a estimé qu’il serait approprié de réintroduire le projet de texte proposé initialement par le Rapporteur spécial. Elle a également demandé plus de clarifications et d’informations à propos des différences qu’il peut y avoir entre « pratique générale d’une organisation internationale » et « pratique établie d’une organisation internationale ».
M. PETR VÁLEK (République tchèque) a d’abord abordé le thème de la détermination du droit international coutumier. Concernant l’appréciation de la preuve pour les deux éléments constitutifs du droit international coutumier, il a estimé que le commentaire serait une meilleure place pour expliquer plus en profondeur comment fonctionne la vérification des deux éléments de preuve (pratique générale et opinio juris). Concernant le projet de conclusion 4 –exigence d’une pratique-, il a estimé qu’il était suffisant que le commentaire explique comment les activités des acteurs non gouvernementaux peuvent éventuellement contribuer à collecter des preuves de pratique de droit international coutumier. Concernant le projet de conclusion 13 -résolutions des organisations internationales et des conférences intergouvernementales– M. Válek s’est dit d’accord avec le principe selon lequel une résolution adoptée par une organisation internationale ou lors de conférences intergouvernementales ne peut constituer une règle de droit international coutumier. Il a souligné qu’il en était de même pour les traités.
Concernant les crimes contre l’humanité, le représentant a salué les premiers projets d’articles, en particulier ceux définissant les crimes contre l’humanité, qui reprennent les termes du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Il s’est félicité aussi de l’adoption provisoire du projet d’article 4 portant sur les obligations de prévention de ces crimes par les États. Il a aussi salué les propositions de certains États Membres d’élaborer un traité multilatéral sur l’assistance juridique mutuelle et l’extradition en cas de crimes atroces.
À propos des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, le représentant a salué l’adoption provisoire du projet de conclusion 11 (Actes constitutifs d’organisations internationales). Il a indiqué que le commentaire accompagnant le projet de conclusion offrait des éléments de pratique et d’interprétation. À propos du paragraphe 2, le représentant a en revanche estimé que la conclusion n’offrait pas de conseils supplémentaires pour identifier des accords ou pratique subséquents et faire la différence entre la pratique d’un État partie à un traité et d’une organisation internationale partie à un traité.