La Sixième Commission entame l’examen du rapport de la commission du droit international
Elle se penche en premier lieu sur les questions de la clause de la nation la plus favorisée et de la protection de l’atmosphère
La Sixième Commission (chargée des affaires juridiques) a entamé, ce matin, l’examen du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), thème qui doit retenir son attention jusqu’au 11 novembre.
En ouverture de séance, le Président de la CDI, M. Narinder Singh, a présenté un résumé des travaux et réalisation de la soixante-septième session de la Commission en détaillant deux des thèmes de ses travaux de fond: la clause de la nation la plus favorisée et la protection de l’atmosphère. M. Singh interviendra de nouveau dans les jours à venir sur d’autres chapitres du rapport de la CDI.
La question de la clause de la nation la plus favorisée (clause NPF) était examinée par la CDI depuis 2008, notamment au sein d’un Groupe d’étude, qui a rendu cette année son rapport final, que la Commission a adopté. Le rapport conclut notamment que les clauses NPF n’ont pas changé de nature depuis l’achèvement du projet d’article sur ce sujet en 1978, mais que ce dernier n’apporte pas de réponses à toutes les questions d’interprétation qui peuvent se poser. Il conclut que l’interprétation des clauses NPF doit être entreprise sur la base des règles relatives à l’interprétation des traités telles qu’énoncées par la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, et que c’est, en fin de compte, aux États qui négocient des clauses NPF qu’il appartient de décider si celles-ci doivent inclure les dispositions relatives au règlement des différends.
Le travail du Groupe d’étude a reçu un large appui de la part des délégations qui se sont exprimées aujourd’hui. Pour l’Italie, cela peut apporter une contribution utile au droit international et permettrait d’aborder une meilleure définition de l’application de la clause de la nation la plus favorisée. Singapour a salué un effort pour dessiner un cadre en vue d’une application correcte des principes d’interprétation des traités à cette clause et a, comme les pays nordiques, estimé que ce travail devrait apporter une plus grande cohérence au droit international sur cette question évitant ainsi une fragmentation du droit international. La République tchèque a estimé que le travail du Groupe d’étude avait réussi à ne pas créer de doublon vis-à-vis des travaux de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) ou de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Pour le Bélarus, les conclusions du Groupe d’étude pourront améliorer la pratique des États dans les procédures de négociation de traités internationaux d’investissement et d’arbitrage international. Son représentant a néanmoins regretté que la Commission n’ait pas souhaité élaborer sur cette base des dispositions modèles pour l’application des clauses de la nation la plus favorisée.
Autre thème examiné dès aujourd’hui, la protection de l’atmosphère a suscité des commentaires mitigés. L’Autriche a salué le travail du Rapporteur spécial -qui a présenté, cette année, dans son deuxième rapport à la CDI des projets de directives révisés après les commentaires de l’année précédente- notamment en ce qui concerne les définitions, la portée, les principes de base, et la notion de « préoccupation commune de l’humanité ». Plusieurs délégations ont mis l’accent sur la nécessité de disposer de connaissances scientifiques suffisantes et ont salué le dialogue entamé en ce sens par le Rapporteur spécial. Toutefois, Singapour et le Bélarus ont estimé que le concept de « préoccupation commune de l’humanité » restait vague et qu’il serait préférable de ne pas inclure des notions peu claires au niveau juridique. La République tchèque s’est demandée à qui sont destinés les projets de directives avant d’estimer, en le déplorant, que la CDI risquait de « répéter des principes généraux déjà contenus dans un grand nombre d’instruments déjà existants ». En revanche, les pays nordiques, qui soulignent les progrès réalisés dans le domaine du droit international environnemental souhaitent que la CDI aille plus loin et que ses travaux aident la communauté internationale à faire face aux questions relevant de la protection transfrontalière et globale de l’atmosphère, sans toutefois interférer dans les négociations politiques, y compris sur la pollution de l’air, la réduction de la couche d’ozone et les changements climatiques.
L’inscription du jus cogens au programme de travail de la CDI, cette année, a été saluée par les États membres de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CARICOM), alors que les Pays-Bas exprimaient au contraire leurs doutes sur l’opportunité de cette décision. Pour sa part, la Slovénie a annoncé qu’elle saluerait une analyse complète des catégories de normes relevant du jus cogens, y compris la possibilité pour certains principes d’atteindre le niveau du jus cogens, tels les principes adoptés dans la Charte des Nations Unies.
Plus généralement, la majorité des délégations ont rendu hommage au travail de la CDI dans l’élaboration et la codification du droit international. Les pays nordiques ont remarqué que, malgré la multiplication des sources de droit, une perspective globale restait nécessaire pour élaborer le droit international et qu’en ce sens, le mandat de la Commission était plus pertinent que jamais. La Slovénie et le Nicaragua ont toutefois regretté un ralentissement dans les travaux de la Commission, voire un affaiblissement de celle-ci.
Les méthodes de travail de la CDI ont également été abordées. Certaines délégations se sont félicitées de la refonte de son site Internet. Pour leur part, les pays latino-américains ont demandé une nouvelle fois que la CDI tienne une partie de ses travaux à New York, estimant que cela permettrait de renforcer la coopération avec la Sixième Commission. Le Président de la CDI a jugé irréalisable d’organiser une session de la CDI à New York, en 2016, mais a laissé la porte ouverte à la tenue, à New York, d’une partie de la session de 2017 ou de 2018. Pour 2016, il a recommandé que la CDI tienne l’ensemble de sa session, comme d’habitude, à Genève.
La Sixième Commission poursuivra l’examen des mêmes chapitres du rapport de la Commission du droit international mardi 3 novembre à 10 heures.
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-septième session (A/70/10)
Déclarations
M. NARINDER SINGH, (Président de la Commission du droit international (CDI), a présenté les différents chapitres du rapport de la Commission sur les travaux de sa soixante-septième session, en se concentrant sur les chapitres I à III, XII, IV et V du rapport de la Commission, traitant des chapitres introductifs, des autres décisions et conclusions de la CDI, de la clause de la nation la plus favorisée et de la protection de l’atmosphère. M. Singh interviendra de nouveau dans les jours à venir sur d’autres chapitres du rapport de la CDI.
M. Singh a d’abord énuméré les thèmes, dont traitent les chapitres II et III, qui résument les travaux de la CDI lors de sa session annuelle et énumèrent les points sur lesquels la Commission estime que des observations des États Membres seraient particulièrement intéressantes pour ses travaux. Le résumé des travaux traite ainsi de la clause de la nation la plus favorisée, de la détermination du droit international coutumier, des accords et de la pratique ultérieure dans le contexte de l’interprétation des traités, de la protection de l’atmosphère, de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et de l’application provisoire des traités. Les points sur lesquels la CDI attire l’attention des gouvernements sont notamment la pratique des États concernant la protection de l’atmosphère, l’identification du droit international coutumier et les crimes contre l’humanité. Le Président a également souhaité recevoir des informations des États concernant leur pratique relative au jus cogens.
Le Président a par ailleurs noté que la composition de la CDI avait changé, cette année, et fait observer que la Commission avait réitéré son engagement envers l’état de droit. Concernant la tenue des sessions, il a déclaré qu’il ne serait pas réalisable d’organiser une session de la CDI, à New York, l’année prochaine. En revanche, on pourrait envisager de tenir à New York une partie de la session de 2017 ou 2018. Le Président a dit que la Commission préconisait que la prochaine session soit organisée à Genève.
M. Singh a noté que le Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée avait conclu ses travaux sur cette question. Il a expliqué que le rapport du Groupe d’étude se divisait en cinq parties. Il analyse les travaux antérieurs de la Commission relatifs au projet d’articles de 1978 sur la clause de la nation la plus favorisée et les développements observés depuis, en particulier dans le domaine des investissements, et examine comment d’autres organismes, comme la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ont analysé les dispositions de la clause. Le Président a souligné la pertinence de la clause de la nation la plus favorisée dans le monde contemporain et les questions que soulève leur interprétation, notamment dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres accords commerciaux et traités d’investissement. Le Groupe de travail a également examiné les types de dispositions relatives à la clause de la nation la plus favorisée figurant dans les accords bilatéraux d’investissement et a souligné les questions d’interprétation que ces dispositions soulèvent, à savoir qui est en droit de bénéficier de la clause de la nation la plus favorisée, en quoi consiste le traitement de cette clause et quelle est sa portée. La troisième partie se penche sur l’analyse, à savoir, les considérations de politique générale dans l’interprétation des accords d’investissement, compte tenu de l’asymétrie dans les négociations des traités bilatéraux d’investissement et de la spécificité de chaque traité. En outre, cette partie traite aussi de l’arbitrage « mixte » comme mode de règlement des différends en matière d’investissement et de la pertinence actuelle du projet d’articles de 1978 pour l’interprétation des dispositions relatives à la clause de la nation la plus favorisée. Enfin, la quatrième partie, considérée comme la plus importante par le Président, donne des indications pour l’interprétation de la clause de la nation la plus favorisée et tente de définir les facteurs pertinents pour déterminer si la clause de la nation la plus favorisée s’applique aux conditions pour invoquer les clauses de règlement des différends. Il examine notamment les conséquences de différents modèles de clause de la nation la plus favorisée, en particulier la manière dont les États ont réagi dans le cadre de leur pratique conventionnelle à la sentence Maffezini, soit en déclarant expressément que la clause de la nation la plus favorisée ne s’applique pas aux dispositions relatives au règlement des différends, soit au contraire en déclarant expressément que la clause de la nation la plus favorisée s’applique aux dispositions relatives au règlement des différends, ou encore en énumérant expressément les domaines dans lesquels la clause de la nation la plus favorisée s’applique. Le Président a réitéré l’importance de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. La cinquième partie du rapport du Groupe d’étude présente un résumé de ces conclusions.
En ce qui concerne le chapitre relatif à la protection de l’atmosphère, le Président a expliqué qu’il s’agit d’un ensemble de projets de directives révisés portant sur l’emploi des termes, le champ d’application des directives et la notion de « préoccupation commune de l’humanité », ainsi que des projets de directives relatifs à l’obligation générale des États de protéger l’atmosphère et à la coopération internationale. Il a reconnu que ce chapitre nécessite une bonne connaissance scientifique; à cet égard, une rencontre a été organisée avec des experts qui a permis de faire avancer les choses, a-t-il déclaré. Le préambule du projet de directives réaffirme que la protection de l’atmosphère est un sujet qui concerne l’ensemble de la planète. À cet égard, les deux notions de pollutions atmosphériques et la dégradation de l’atmosphère nécessitaient des définitions précises pour se mettre d’accord sur un projet de directive les concernant. L’accent est mis sur les activités des êtres humains. Ce guide a pour but de fournir aux États et à la communauté internationale des directives, a expliqué M. Singh.
En conclusion, le Président a réitéré sa demande pour que les États Membres fournissent des informations sur la pratique des États afin d’aider aux travaux de la Commission.
M. AGUSTÍN FORNELL (Équateur), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a souligné le premier rôle de la Commission dans l’élaboration et la codification du droit international ainsi que dans la promotion de l’état de droit, rappelant qu’elle avait besoin que les États Membres fassent l’effort de lui fournir textes de loi, décisions judiciaires, traités ou correspondance diplomatique. Par ailleurs, les États membres de la CELAC ont demandé une nouvelle fois que la moitié des sessions de la CDI soit tenue au Siège de l’ONU à New York, et non plus seulement à Genève, ce qui permettrait de renforcer les liens entre la CDI et la Sixième Commission. La CELAC estime que la coopération et le dialogue entre la Commission et les États Membres pourraient être encore améliorés. Elle regrette, par exemple, que tous les rapporteurs spéciaux sur les sujets en discussion n’aient pu venir à New York, en raison de contraintes budgétaires, pour échanger avec les délégations, alors que leur participation est essentielle pour assurer la qualité des débats officieux. La CELAC estime que les mesures d’austérité prises par l’Organisation doivent avoir pour objectif l’efficacité. Le travail de la CDI doit bénéficier d’un financement adéquat pour que les documents d’importance sur la codification du droit international puissent être correctement diffusés, a souligné le représentant.
Les États membres de la CELAC ont rappelé qu’il est important que les États Membres répondent aux questions de la CDI et apportent des contributions aux différents points de son ordre du jour. La CELAC se félicite, par ailleurs, de l’inscription du jus cogens au programme de travail de la CDI. Elle se félicite aussi de la mise à jour du site Internet de la Commission mais elle ne peut accepter que les publications juridiques soient menacées du fait de restrictions financières, et notamment la publication des travaux de la CDI dans les différentes langues officielles des Nations Unies.
Mme MARJA LEHTO (Finlande), au nom des pays nordiques, a remarqué que, malgré la multiplication des sources de droit, une perspective globale restait nécessaire pour élaborer le droit international et qu’en ce sens le mandat de la Commission était plus pertinent que jamais. En ce qui concerne la protection de l’atmosphère, sujet essentiel pour toute l’humanité, les pays nordiques sont favorables à des directives qui aident la communauté internationale à faire face aux questions relevant de la protection transfrontalière et globale de l’atmosphère, sans toutefois interférer dans les négociations politiques, y compris sur la pollution de l’air, la réduction de la couche d’ozone et les changements climatiques. La représentante a souligné les progrès réalisés dans le domaine du droit international environnemental, en particulier au sujet des changements climatiques, et a souhaité que la Commission du droit international aille encore plus loin.
À propos de la clause de la nation la plus favorisée, les pays nordiques se sont dits convaincus que le travail méthodique mené pour identifier plus précisément le contenu et la portée juridique de cette notion apportera une plus grande cohérence au droit international sur cette question. Les pays nordiques sont également satisfaits du travail du Groupe d’étude, qui a relevé les nouveaux défis posés par la clause de la nation la plus favorisée, y compris sur la question de savoir si elles doivent s’appliquer aux dispositions concernant le règlement des différends dans les traités d’arbitrage.
M. PANG KHANG CHAU (Singapour) a remercié le Secrétariat pour le lancement du nouveau site Web de la Commission du droit international (CDI), qui contribue à mieux diffuser et comprendre le droit international. Le représentant s’est félicité du travail du Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée, dans son effort de dessiner un cadre pour une application correcte des principes d’interprétation des traités à cette clause. Singapour est d’accord avec les conclusions du Groupe de travail sur la manière d’interpréter les dispositions des traités relatives à la clause de la nation la plus favorisée et sur le fait que la portée des bénéfices à attendre de cette clause dépend de l’interprétation qui en est faite. Le représentant a émis le souhait que le rapport aide à éviter une fragmentation du droit international et favorise une meilleure cohérence dans les décisions arbitrales.
Concernant la protection de l’atmosphère, le représentant a estimé que la définition proposée du concept de « préoccupation commune de l’humanité » restait vague. En revanche, Singapour appuie la décision de la Commission d’en traiter en préambule de ses projets de directives. Le représentant a souligné que la coopération internationale était au cœur du projet de directives et que la pollution atmosphérique n’était en effet pas cantonnée aux limites des juridictions nationales, ajoutant toutefois que les recommandations pouvaient aller au-delà dans l’élaboration des principes qui pourraient guider la coopération internationale. Singapour soutient en revanche les commentaires relatifs à la coopération internationale qui notent que l’action individuelle d’un État peut témoigner d’un engagement en faveur d’une coopération internationale. À cet égard, Singapour a adopté récemment une loi sur la pollution transfrontière par la brume afin de réguler les comportements qui causent une telle forme de pollution à Singapour, et qui cherche à compléter les efforts d’autres pays pour rendre responsables de leurs actes les entreprises qui brûlent les forêts, même si ces entreprises n’ont pas de lien, géographique ou autre, avec Singapour. Le représentant a, par ailleurs, demandé plus de précisions sur l’accent mis dans le rapport sur l’amélioration des connaissances scientifiques.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA VELÁSQUEZ (Pérou) a souligné qu’il accordait la plus grande importance au travail de la CDI et s’est félicité du rapport réitérant son engagement de promouvoir l’état de droit, aux plans national et international. Concernant la clause de la nation la plus favorisée, il s’est félicité que l’interprétation des clauses prenne pour base les normes d’interprétation des traités de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il a également salué l’inclusion du thème du « jus cogens » dans le programme de travail. Le représentant s’est félicité que la CDI envisage d’organiser, à New York, la première partie de sa session de 2018 et s’est déclaré plus généralement favorable à la tenue de la moitié de chacune des sessions de la CDI dans cette ville. Enfin, il a fait part de sa préoccupation au sujet des restrictions budgétaires qui menacent les publications juridiques du Secrétariat dans les langues officielles, tout en se félicitant du lancement d’un nouveau site Internet de la CDI, qui constitue un excellent outil pour les États Membres.
M. ANDREA TIRITICCO (Italie) a estimé que le rapport du Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée pouvait apporter une contribution utile au droit international et permettrait d’aborder une meilleure définition de l’application de la clause de la nation la plus favorisée. Il a dit apprécier que ce travail concerne un projet utile qui respecte pleinement le droit des États comme étant la principale source des droits et devoirs des traités.
Concernant la protection de l’atmosphère, M. Tiriticco a souligné qu’il s’agit là d’une question importante pour son pays et a dit apprécier le dialogue mis en place avec les scientifiques ainsi que le travail réalisé, y compris en ce qui concerne le préambule du projet de directives. Pour M. Tiriticco, le libellé proposé pour le projet de directive 5, relatif à la coopération internationale, reflète de façon appropriée les principes du droit international concernant la protection de l’atmosphère.
Concernant les crimes contre l’humanité, M. Tiriticco s’est déclaré favorable à la limitation de la portée des projets d’article. À propos des relations avec la Cour pénale internationale (CPI), et notamment de la compatibilité des travaux de la CDI sur les projets d’article avec les dispositions du Statut de Rome de la CPI, il a noté que le Statut de Rome définit des relations « verticales » et non pas horizontales. En ce qui concerne le Programme de travail de la CDI, il a dit attendre avec attention les conclusions du Rapporteur spécial à propos du jus cogens.
M. Tiriticco a rappelé que la Commission du droit international avait de tout temps apporté une contribution sans pareille à la codification du droit international. Énumérant les différents domaines du droit international dans lesquels la CDI a joué un rôle majeur, il a estimé qu’elle devait continuer à avoir toute sa pertinence.
M. ANDREI POPKOV (Bélarus) a remercié le Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée et estimé que son rapport jetait d’excellentes bases pour de futures négociations. Ses conclusions pourront améliorer la pratique des États dans les procédures de négociation de traités internationaux d’investissement et d’arbitrage international, a précisé le représentant, ajoutant que ces procédures devaient se baser sur la Convention de Vienne sur le droit des traités. Les normes ne doivent pas être interprétées au détriment du droit souverain et des restrictions injustifiées du droit des États pourraient amener à une réglementation trop restrictive, a encore estimé le représentant. Il a regretté que la Commission ne souhaite pas élaborer de dispositions modèles sur l’application des clauses de la nation la plus favorisée.
Concernant la protection de l’atmosphère, le représentant a félicité la Commission d’avoir fait appel à des experts, et a estimé que la méthodologie adoptée permettait d’être optimiste quant à l’achèvement de ses analyses. Il a toutefois émis des réserves sur certaines formulations contenues dans le rapport, notamment sur la notion de « préoccupation commune de l’humanité », indiquant qu’il était préférable de ne pas inclure des notions peu claires au niveau juridique. Enfin, sur la notion de pollution atmosphérique, il a estimé judicieux d’élargir les projets aux pollutions non causées par l’homme.
Mme LIESBETH LIJNZAAD (Pays-Bas) a félicité la Commission pour les améliorations qu’elle a apportées à son site Internet, tout en ajoutant qu’on ne pouvait « pas en dire de même du site actuel des Nations Unies, qui réduit la visibilité du travail de l’ONU sur le droit international ». Elle a également regretté que l’examen de certains thèmes parmi les plus importants au programme de travail de la CDI soit prévu la semaine prochaine, « alors que la plupart des conseillers juridiques auront déjà quitté New York ». Il faudrait accorder davantage de considération à la planification de nos travaux l’année prochaine, a-t-elle estimé.
Mme Lijnzaad a ensuite dit partager l’avis du Groupe d’étude sur l’absence de règles générales s’agissant de l’interprétation et de l’application de la clause de la nation la plus favorisée. Toutefois, les Pays-Bas soulignent l’importance du principe ejusdem generis et d’une détermination, au cas par cas, du traitement qu’emporte l’application de cette clause. Mme Lijnzaad a ajouté que les dispositions relatives au règlement des litiges étaient propres à chaque traité bilatéral d’investissement et échappaient dès lors à l’application de la clause de la nation la plus favorisée.
Mme Lijnzaad a, par ailleurs, exprimé ses doutes sur l’opportunité d’inclure les normes du jus cogens dans le programme de travail de la Commission, estimant que les États n’avaient pas exprimé le besoin d’une codification sur ce sujet. « Une telle inclusion n’est pas non plus optimale dans la mesure où le projet relatif au droit international coutumier est toujours en cours et a exclu, pour des raisons valables, les normes du jus cogens », a-t-elle ajouté.
M. HELMUT TICHY (Autriche) a félicité la Commission pour avoir conclu son étude sur la clause de la nation la plus favorisée. « Nous considérons que la clarification des implications des clauses NPF de la part de la Commission du droit international est une contribution très importante au droit international public », a-t-il salué. Il a accueilli avec bienveillance l’adoption des cinq conclusions principales qui reflètent les principales questions soulevées par le Groupe d’étude. Il a toutefois rappelé que dans tous les cas, l’application d’un traité requiert son interprétation, même quand celle-ci est évidente.
Concernant la question de la protection de l’atmosphère, le représentant a salué le travail du Rapporteur spécial, notamment en ce qui concerne les définitions, la portée, les principes de base, et la « préoccupation commune de l’humanité ». Il a salué aussi le dialogue ouvert entre les membres de la CDI et la communauté scientifique. En ce qui concerne les projets de directives -adoptées provisoirement par le comité de rédaction- il a admis qu’il y a un besoin pressant de traiter ces sujets. Il a rappelé que par « atmosphère », on entendait l’enveloppe gazeuse qui entoure la Terre et s’est demandé pourquoi la définition de la « pollution atmosphérique » limitait la portée du projet de directives aux effets transfrontières de la pollution atmosphérique alors que, dans l’atmosphère, la pollution a nécessairement des effets transfrontières. En conséquence, le terme « transfrontière » est redondant et ne fait que compliquer les choses. L’Autriche est favorable à la suppression de cette notion de transfrontière, a-t-il noté. De la même façon, en ce qui concerne le paragraphe 4 de la directive 2, qui fait référence au droit aérien, le représentant a souligné que le droit aérien était régi à la fois par le droit international et le droit national. Il est donc nécessaire de reformuler la directive pour qu’elle n’affecte pas les régulations nationales. Il a en conséquence proposé de reformuler le texte du projet de directive en précisant qu’elle ne remettait pas en cause le « statut juridique de l’espace aérien ».
Mme VERONIKA BOŠKOVIĆ-POHAR (Slovénie) a estimé que la nature du jus cogens reflétait les valeurs communes généralement adoptées et les fondements de l’ordre international moderne. La Slovénie saluerait donc une analyse complète des catégories de normes relevant du jus cogens, y compris la possibilité pour certains principes d’atteindre le niveau du jus cogens, tels que les principes adoptés dans la Charte des Nations Unies. Mme Bošković-Pohar a aussi jugé qu’il serait trop réducteur d’assimiler le jus cogens au droit international coutumier, puisque les normes du jus cogens doivent être considérées, selon elle, comme surpassant les normes internationales coutumières.
Mme Bošković-Pohar a souligné l’importance de soutenir le travail de codification « primordial » de la CDI, travail qui, selon elle, a marqué un ralentissement. Notant que le thème de la protection des personnes en cas de catastrophes n’était pas à l’ordre du jour de la Commission au cours de cette session, elle a affirmé que son pays apprécierait « une deuxième lecture réussie des articles du projet au cours de la prochaine session ». La Commission a réussi à trouver le juste équilibre entre la protection des victimes de catastrophes et de leurs droits et les principes de souveraineté de l’État et de non-intervention, s’est-elle félicitée, avant de souhaiter le maintien de cette approche « innovante et équilibrée ». Enfin, elle a salué l’incorporation du projet de directive sur la protection de l’atmosphère en tant qu’obligation erga omnes, ainsi que l’accent mis sur l’obligation de coopérer en faveur de la protection de l’atmosphère.
M. MARTIN SMOLEK (République tchèque) s’est félicité de l’achèvement des travaux sur la clause de la nation la plus favorisée. Le travail accompli par le Groupe d’étude est particulièrement utile, a-t-il estimé, ajoutant que ce dernier avait réussi à ne pas créer de doublon par rapport aux travaux de la CNUCED ou de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il a salué les analyses des questions concernant l’invocation des clauses de la nation la plus favorisée dans les traités d’investissement bilatéraux. Il a rappelé que l’interprétation de chaque traité devait se faire de façon indépendante. Il a salué ce qui constitue une contribution de taille au « travail déjà monumental » réalisé sur la clause de la nation la plus favorisée par d’autres instances.
M. Smolek a noté, par ailleurs, que la protection de l’atmosphère était une question essentielle pour l’ensemble de l’humanité et représentait l’un des défis les plus sérieux auquel elle doit faire face. Les mesures à prendre concernant cette question doivent être solides et recevoir les ressources nécessaires, a-t-il ajouté. Les experts scientifiques auront un rôle à jouer dans la définition juridique de l’atmosphère. Cependant, nous sommes loin d’être convaincus que ce soit actuellement le cas, a déclaré M. Smolek, qui a ajouté que la Commission ne travaillait pas sur un projet d’instrument juridique contraignant et qu’il serait inapproprié de lui demander de le faire. Aussi, toute tentative d’identifier le droit international coutumier sur la protection de l’atmosphère serait prématuré. Le projet de directives adopté devrait réussir à surmonter ces questions, a-t-il noté, mais il a par ailleurs estimé que l’étude sur la protection de l’atmosphère manquait de clarté. À qui sont destinés les projets de directives sur la protection de l’atmosphère? a-t-il ainsi demandé, avant d’estimer, en le déplorant, que la CDI risquait de « répéter des principes généraux déjà contenus dans un grand nombre d’instruments déjà existants ».
M. ION GÂLEA (Roumanie) a pris note qu’aux termes des travaux du Groupe d’étude sur la clause de la nation la plus favorisée, les conclusions de ce dernier étaient que la nature de ces clauses n’avait pas changé depuis l’époque où le projet d’article a été achevé en 1978, et que les dispositions fondamentales du projet restaient la base de l’interprétation et de leur application, avec la Convention de Vienne sur le droit des traités pour point de départ. Le travail du Groupe d’étude aura une importance fondamentale en ce qui concerne le droit et les traités d’investissement, a souligné le représentant, qui a dit espérer que les conclusions du rapport permettraient de limiter les différentes interprétations. Il a rappelé que deux types de jurisprudences se sont développées, la première selon laquelle, en l’absence d’indication contraire, la clause de la nation la plus favorisée s’applique; la seconde selon laquelle, en l’absence d’indication claire sur l’application de la clause, le consentement d’un État à un arbitrage ne doit pas être considéré pour acquis. À cet égard, des directives sur l’interprétation à retenir auraient été les bienvenues.
Concernant le thème de la protection de l’atmosphère, M. Gâlea s’est félicité de la définition claire du terme « d’atmosphère » mais aurait préféré, en ce qui concerne celle de la « pollution atmosphérique », une liste des ressources vivantes mises en danger par la dégradation de l’atmosphère. Il a également salué le fait que la nécessaire coopération pour la protection de l’atmosphère soit clairement indiquée, de même que le souhait de renforcer les connaissances scientifiques.
M. CARLOS JOSÉ ARGÜELLO GÓMEZ (Nicaragua) a regretté que les résultats du travail de la CDI n’aient plus le même impact qu’auparavant dans l’élaboration de traités, se limitant, au mieux, à susciter des principes, des directives et des rapports. Parmi les causes de cette baisse d’influence, le représentant a évoqué le choix des sujets d’étude qui, par manque d’initiative de la Sixième Commission comme de l’Assemblée générale, était souvent laissé entre les mains des commissaires qui, de bonne foi, choisissent des sujets qui vont donner lieu à de simples recommandations. Quant à la discussion des sujets au cours de cette session, elle se trouve souvent limitée par le temps et à l’énoncé de quelques commentaires plutôt qu’à un véritable débat entre les délégations. À ce propos, M. Argüello Gómez s’est félicité de la proposition d’organiser la moitié des sessions de la CDI à New York, suggérant par ailleurs que les rapporteurs et les délégations souhaitant s’exprimer envoient leurs textes à tous les membres de la Sixième Commission 15 jours auparavant. De plus, le représentant a fait remarquer la prépondérance de commissaires nommés par certaines puissances, tout en félicitant la Commission pour l’organisation de séminaires de droit international destinés à de jeunes juristes du monde entier.
Le représentant a vu un indice de l’affaiblissement de la CDI dans celui du projet du thème de la protection de l’atmosphère; il s’est élevé contre la suppression du projet de directive 4 qui stipulait que « les États ont l’obligation de coopérer de bonne foi entre eux et avec les organisations internationales compétentes afin de protéger l’atmosphère ». L’obligation de protéger l’environnement, la Terre mère et l’air que nous respirons est un droit aussi fondamental que la vie elle-même, une obligation relevant du jus cogens, a conclu le représentant.