Sixième Commission: Les délégations cherchent à assurer la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies
La Sixième Commission (Commission des questions juridiques) a examiné aujourd’hui la question de ses travaux sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies, alors que plusieurs allégations d’exploitation ou d’abus sexuels perpétrés dans le cadre de missions de l’ONU ont été rendues publiques ces derniers mois.
Il est essentiel que le personnel en mission des Nations Unies remplisse ses fonctions d’une façon qui préserve l’image, la crédibilité, l’impartialité et l’intégrité des Nations Unies, ont insisté la plupart des délégations, et en particulier le Mouvement des pays non alignés, lequel a rappelé que ses membres contribuent pour 80% du personnel de maintien de la paix sur le terrain et sont en même temps ceux qui accueillent la majorité des missions de maintien de la paix. Ces délégations ont aussi demandé une politique de tolérance zéro dans les affaires d’exploitation et d’abus sexuels par le personnel de maintien de la paix.
Les États-Unis ont exprimé leurs vives inquiétudes face aux récentes accusations d’exploitation et d’abus sexuels ainsi que face aux rapports du Groupe d’experts indépendants et du Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies, lesquels mettent en évidence l’inaptitude de l’ONU à faire respecter les règles en la matière. Le groupe CANZ a exhorté le Secrétariat à tirer des leçons des affaires d’exploitation et d’abus sexuels en République centrafricaine.
Le Groupe des États d’Afrique a appelé l’ONU à lancer un message politique très fort d’intolérance absolue face aux comportements criminels. Pour la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) et les pays nordiques, il faut s’assurer que l’impunité associée aux crimes sexuels ne trouve plus jamais place nulle part. Tout en notant que des actions de dédommagement ont été lancées par les Nations Unies, l’Union européenne a reconnu qu’il fallait faire davantage pour traiter cette conduite inacceptable.
Pour cela, il est essentiel que les États fournissent des informations sur le suivi qu’ils font au niveau national des allégations concernant leurs ressortissants. Le vide juridique persistant sur cette question est en effet de nature à encourager les comportements criminels et l’impunité, en particulier dans les pays hôtes n’ayant pas les capacités judiciaires suffisantes pour juger des auteurs ou lorsque les pays d’origine ne peuvent pas exercer leur juridiction pour des cas survenus dans les pays hôtes, a estimé le Groupe des États d’Afrique. À cet égard, les pays nordiques et la CELAC se sont dits préoccupés par le fait que seuls une dizaine d’États Membres avaient donné une réponse aux demandes du Secrétariat en expliquant le suivi qu’ils avaient réservé à ces affaires.
De nombreuses délégations ont souhaité que les présumés criminels soient jugés par leur pays d’origine. L’Union européenne demande, en outre, que l’État dont un ressortissant est suspecté soit immédiatement informé par l’ONU, afin qu’il puisse enquêter et éventuellement poursuivre. De nombreux États ont, en outre, rappelé que les poursuites devaient se faire dans le respect du droit international et des droits de la défense.
Comment garantir des poursuites efficaces contre les criminels présumés? Les pays africains estiment que les mesures correctives adoptées par de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale, si elles sont correctement mises en œuvre, peuvent combler ce vide. Pour les pays nordiques, il est temps de renforcer le langage de la résolution annuelle de l’Assemblée générale sur cette question. D’autres pays soutiennent l’idée d’une convention internationale. « Si l’ONU dispose d’une convention sur la sécurité du personnel de l’ONU et du personnel associé, pourquoi n’en aurait-elle pas une pour lutter contre les crimes graves commis par la même catégorie de personnel? », a ainsi demandé la Suisse. En revanche, les pays non alignés jugent prématuré de discuter d’une convention et les États-Unis entendent examiner si un tel instrument jouerait un rôle utile pour combler les failles. Le Kenya exhorte à la mise au point d’une loi-cadre qui guiderait les États Membres et les aiderait ainsi à relever les défis qui se présentent à eux. Enfin, l’Union européenne a rappelé que la Cour pénale internationale est compétente si les autorités nationales ne peuvent pas ou ne veulent pas intenter une action en justice pour juger les crimes les plus graves.
La Sixième Commission avait auparavant achevé ses travaux sur l’état de droit aux niveaux national et international. La plupart des délégations ayant pris la parole sur ce point ont réaffirmé que la réalisation de l’état de droit aux niveaux national et international supposait que les États Membres respectent fermement les principes de la Charte et les autres instruments multilatéraux visant à maintenir la paix et la stabilité du monde. Satisfaite de l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD) a toutefois prévenu que le Programme ne serait une source d’inspiration que si les mots étaient convertis en action. Pour l’OIDD, « construire des sociétés résilientes demande vision, temps et argent ». Le Comité international de la Croix-Rouge a, quant à lui, rappelé qu’il jouait un rôle important dans l’élaboration de traités multilatéraux relatifs au droit international humanitaire, étant mandaté en ce sens par les Conventions de Genève, et a souligné son rôle dans les négociations ayant abouti à l’adoption de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel puis de la Convention sur les armes à sous-munitions.
La Sixième Commission reprendra ses travaux le lundi 19 octobre à 10 heures par l’examen du rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international sur les travaux de sa quarante-huitième session.
L’état de droit aux niveaux national et international (A/70/206)
Responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies (A/70/208)
M. RHEE ZHA HYOUNG (République de Corée) a souligné que les Nations Unies assumaient depuis 70 ans leur fonction d’établissement du droit pour aller vers un monde de plus en plus pacifique. Le lien qui existe entre l’état de droit et les trois piliers des Nations Unies est un lien fort, a-t-il déclaré. Il est important que les traités multilatéraux impliquent une volonté politique adéquate de la part des États Membres, que ce soit dans la phase de rédaction comme dans celle de leur mise en œuvre. Il est également important d’aider les États qui n’ont pas suffisamment de ressources ni l’expertise adéquate à pouvoir mettre en œuvre de façon effective les traités multilatéraux. La République de Corée poursuivra ses efforts pour renforcer l’état de droit afin d’aller vers un monde plus pacifique, a conclu le représentant.
Mme LI YONGSHENG (Chine) a déclaré que son pays, qu’il a présenté comme un vigoureux défenseur de l’état de droit au niveau international, avait accueilli, en avril dernier, la cinquante-quatrième session annuelle de l’Organisation consultative juridique afro-asiatique. Cette réunion importante a abouti à un consensus important, quant à la nécessité de renforcer la solidarité entre les deux continents, avec pour objectif de promouvoir l’état de droit au niveau international a indiqué le représentant. Pour sa part, la Chine est partie à plus de 450 traités multilatéraux, qu’elle a toujours mis en œuvre sur la base du principe pacta sunt servanda. La Chine estime que les efforts de renforcement des processus de traités multilatéraux et de promotion de l’état de droit gagneraient à s’aligner sur quatre principes: promouvoir la participation démocratique en vue de maintenir une représentation adéquate de tous les pays, renforcer une application harmonisée et universelle de tous les traités multilatéraux, améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des mécanismes de surveillance et développer des règles multilatérales pour légiférer sur les « nouvelles frontières », telles que le cyberspace et l’espace extra-atmosphérique.
M. HECTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador) a jugé indispensable que soient établis des cadres juridiques internationaux pour favoriser une croissance économique juste, durable et équitable pour les pays en développement, et y faciliter l’investissement direct étranger. Il s’est félicité, à cet égard, de la contribution importante qu’apporte constamment la Commission du droit international à la codification de ce dernier, ainsi que de celle de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, qui élabore des normes claires et prévisibles dans son domaine de compétence.
M. KAITARO NONOMURA (Japon) a souligné qu’il était important que les États Membres participent à l’établissement de l’état de droit. Le Japon est partie des différents instruments de règlement des conflits, comme la Cour internationale de Justice (CIJ), la Cour pénale internationale (CPI), ou encore le Tribunal international du droit de la mer. Le rôle de ces instruments et celui de la jurisprudence de ces organes grandissent, a déclaré le représentant, citant en exemple le rôle de la Commission du droit international. Il a aussi souligné l’importance des ressources humaines, sans lesquelles l’état de droit ne saurait être mis en place. Le Japon est déterminé à continuer de contribuer à l’état de droit.
M. AL-SUMAIT (Koweït) a réaffirmé la nécessité d’établir un lien entre l’état de droit et le développement durable, la paix et la sécurité. La Constitution du Koweït traduit une évolution fondamentale dans le pays qui s’est engagé sur la voie de la démocratisation, garantit les droits généraux et civils et consacre la séparation des pouvoirs. Le représentant a fait valoir une récente loi de son pays –la Loi 21/2015- qui garantit les droits fondamentaux de l’enfant et le protège des discriminations. En outre, a ajouté le délégué, une loi donne à toute personne physique ou morale le droit de se pourvoir en recours contre une loi jugée liberticide.
M. HASSAN ALJOMAE (Arabie saoudite) a souligné que tous les États Membres présents dans cette enceinte, en dépit de leurs différences d’origine et de culture, recherchaient tous la paix dans le monde. À cet égard, le droit islamique souligne que toutes les institutions nationales doivent respecter l’état de droit, a fait observer le représentant, qui a ensuite ajouté que l’Arabie saoudite, convaincue de la justesse de la Charte des Nations Unies, met tout en œuvre pour respecter l’état de droit.
L’Arabie saoudite est également convaincue de la nécessité d’un cadre juridique international afin « d’éviter l’extrémisme », a ajouté M. Aljomae. Le représentant a souligné que les systèmes juridiques des États relevaient de leurs affaires internes, ajoutant que la communauté internationale ne devait pas s’immiscer dans les affaires intérieures des États. Il a réaffirmé l’attachement de son pays aux principes et valeurs de la Charte.
Mme MARIAME FOFANA (Burkina Faso) a déclaré que l’état de droit au niveau international ne saurait prospérer s’il n’est pas relayé au plan national par l’édification d’États démocratiques et d’institutions solides, respectueuses de la loi et répondant aux aspirations profondes des citoyens. C’est dans cette optique, qu’après l’état d’exception et la révolution qui a duré de 1984 à 1987, le Burkina Faso a opté pour le retour à une vie constitutionnelle normale en juin 1991, avec la proclamation de la Quatrième République et l’adoption d’une nouvelle Constitution. Depuis lors, le Burkina Faso œuvre pour l’enracinement de la démocratie et de l’état de droit, par la tenue d’élections régulières, la création d’institutions démocratiques telles que le Conseil économique et social, la Commission nationale des droits humains, le cadre de concertation des partis politiques ou encore la liberté d’activités accordée aux organisations de la société civile.
En dépit de ces avancées, le Burkina Faso reste en proie à de nombreux défis, tels que la corruption et la culture de l’impunité, a fait observer Mme Fofana. Le pays n’a pas, par ailleurs, réussi à créer les conditions de l’alternance démocratique au pouvoir tant souhaitée par les populations, a-t-elle déploré. Ce sont ces défis qui ont provoqué l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, qui a exprimé le refus de la modification de l’article 37 de la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Depuis cette insurrection et le départ de l’ancien président, le Gouvernement de transition, attaché à la justice, n’a cessé de travailler à réconcilier l’appareil judiciaire avec les principes d’intégrité, d’indépendance et de probité, a ajouté la représentante. La tenue des états généraux de la justice et des droits humains a abouti à la signature d’un Pacte national pour le renouveau de la justice et une loi sur la lutte contre la corruption a également été adoptée, a rappelé Mme Fofana, qui a affirmé la détermination sans faille de son pays à faire respecter l’état de droit et la justice.
M. PATRICK LUNA (Brésil) a déclaré que le respect de l’état de droit au niveau international avait été l’un des objectifs de l’Organisation des Nations Unies depuis sa création et avait été placé au cœur de sa Charte. Malheureusement, a-t-il déploré, on constate une érosion de cet ordre et une violation de la Charte des Nations Unies, en particulier au regard du recours à la force. Non seulement cette transgression a des conséquences négatives en terme de pertes humaines, de crises humanitaires et de déstabilisation de certaines régions du monde, mais elle est également problématique du fait de son caractère systémique, car elle encourage d’autres acteurs à faire de même. Il faut saisir l’occasion des 70 ans de l’ONU pour renouveler l’engagement de la communauté internationale vis-à-vis du respect de l’état de droit au plan international et pour rappeler qu’aucun pays, aussi puissant soit-il, n’est au-dessus du droit international, ni n’a le droit de le contourner, a encore déclaré M. Luna.
Le Brésil a, pour sa part, pris de nombreuses initiatives diplomatiques pour renforcer le rôle de la diplomatie et de l’état de droit. C’est l’esprit qui a prévalu dans sa proposition visant à introduire certains paramètres dans la protection des civils en cas de recours à la force, une proposition plus connue sous le nom de « responsabilité de protéger ». Alors que l’on se prépare à un examen global des opérations de maintien de la paix, il faudra reconnaître que les questions de gouvernance dans le domaine de la paix et de la sécurité exigent des réponses urgentes, a encore déclaré le représentant, qui a estimé que la grande majorité des États Membres étaient en faveur d’un amendement à la Charte des Nations Unies visant à élargir la composition du Conseil de sécurité dans ses deux catégories de membres.
Mme JULIETTE RILEY (Barbade) a salué la décision du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme d’affecter un fonctionnaire national des droits de l’homme au sein du Bureau des Nations Unies à la Barbade, estimant que cette mesure allait contribuer au respect des droits de l’homme et de l’état de droit dans les pays de la région. La Barbade est partie à nombre de traités et accords multilatéraux tendant à renforcer l’état de droit et prend actuellement des mesures pour devenir membre de l’Agence internationale de l’énergie atomique, a ajouté Mme Riley. Compte tenu de l’importance des changements climatiques pour les petits États insulaires en développement (PEID), la Barbade espère que la Conférence de Paris sur le climat de décembre prochain (COP21) aboutira à un accord contraignant. La Barbade espère également pouvoir participer aux travaux du Comité préparatoire de ladite Conférence, afin de faire des recommandations substantielles sur cet instrument et souligner de manière formelle la place et le rôle que jouent les océans et les fonds marins dans le développement des PIED, a conclu Mme Riley.
M. NKOLOI NKOLOI (Botswana) a rappelé la responsabilité qu’exige l’état de droit, une responsabilité qui doit être clairement définie par la loi. Il faut aussi, a-t-il ajouté, prévoir une réparation en cas de non-respect des obligations. Le représentant a insisté sur la nécessité de respecter l’état de droit tant sur le plan national que sur le plan international, ce qui oblige à aligner le droit national et le droit international. L’état de droit et une gouvernance responsable constituent les fondements des sociétés, a-t-il souligné, avant de rappeler l’interdépendance entre croissance économique et sociale et état de droit. M. Nkoloi a rappelé, à cet égard, que l’Objectif 16 de développement durable mettait l’accent sur l’état de droit en tant que base indispensable à ce développement. Enfin, il a estimé que les personnes qui gouvernent comme celles qui sont gouvernées devaient être soumises aux mêmes lois.
Mme INGA KANCHAVELI (Géorgie) a estimé que l’état de droit était une condition préalable à l’établissement de la paix, de la sécurité, des droits de l’homme et du développement. Les efforts des Nations Unies pour renforcer l’état de droit aux niveaux national et international sont donc de la plus haute importance. La représentante a salué la Cérémonie des traités, organisée chaque année par le Secrétaire général et qui contribue de manière significative à l’adhésion universelle aux traités multilatéraux.
Mme Kanchaveli a fait état des diverses réformes que son pays a menées au cours des vingt dernières années pour se conformer à l’état de droit: amélioration du système judiciaire, séparation des pouvoirs, adoption d’un code pour la délinquance juvénile et une loi contre la discrimination, entre autres. La représentante a ensuite déploré l’agression ouverte dont son pays est victime, de la part d’un des États fondateurs des Nations Unies qui ne respecte pas ses obligations internationales. Cet État a annexé le territoire d’États voisins et occupe illégalement 20% de la Géorgie, sans parler de l’agression ouverte dont a été victime l’Ukraine, a poursuivi la représentante. L’état de droit aux niveaux national et international ne peut être atteint que si les États Membres des Nations Unies respectent fermement les principes de la Charte et les autres instruments multilatéraux visant à maintenir la paix et la stabilité du monde, a-t-elle conclu.
Mme LYDIA RANDRIANARIVONY (Madagascar) a déclaré que son gouvernement donnait la priorité au respect de la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption et à la mise en place de l’état de droit dans son Programme national de développement. Ainsi, certaines institutions, comme le Bureau anticorruption ou le service de lutte contre le blanchiment d’argent, ont été mises en place à Madagascar afin de respecter l’état de droit.
La représentante a souligné que la bonne gouvernance était une condition fondamentale de la consolidation de la paix. Elle s’est félicitée, à cet égard, de la tenue récente à Madagascar d’un séminaire de haut niveau sur la bonne gouvernance sous l’égide du Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Par ailleurs, la représentante a estimé que, dans les situations d’après-conflit, il était nécessaire de remettre progressivement en place l’état de droit, notamment en rétablissant les autorités en charge de la sécurité, ainsi que le système judiciaire. Mme Randrianarivony a exprimé sa reconnaissance à la Commission de consolidation de la paix, au Fonds pour la consolidation de la paix et au Bureau d’appui pour avoir octroyé 40 millions de dollars pour l’aider à favoriser la réconciliation nationale et la bonne gouvernance, y compris la réforme du secteur de la sécurité et de l’état de droit, ainsi que l’accès aux services de base et création d’emplois, afin de stimuler la croissance. La représentante a enfin lancé un appel aux contributions dans le but d’augmenter les ressources financières du Programme annuel des bourses de perfectionnement du droit international.
M. PABLO ADRÍAN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a souligné un aspect de la justice souvent oublié: la justice quotidienne, celle qui fait référence aux institutions, procédures et instruments destinés à trouver une solution aux conflits vécus aux quotidiens dans une société démocratique. Il s’agit, a-t-il expliqué, non seulement de la justice pénale, mais aussi de la justice civile. S’il a reconnu la position centrale qu’occupent les tribunaux dans ce système, il a en même temps souligné l’importance des moyens alternatifs pour résoudre les conflits. Le représentant a ensuite exprimé son appréciation quant aux travaux menés par la Section des traités du Bureau des affaires juridiques de l’ONU. Il a salué l’entrée en fonction rapide, 11 mois seulement après son adoption, du Traité sur le commerce des armes, ce qui a permis de tenir dans la foulée la première Conférence des États parties à Cancun, au Mexique. Le représentant a également plaidé en faveur du renforcement des cours et tribunaux internationaux, en particulier la Cour internationale de Justice. Le Mexique s’est montré favorable à un rôle actif du secteur privé dans les activités relatives au renforcement de l’état de droit, a-t-il aussi indiqué en saluant l’initiative « L’entreprise au service de l’état de droit » du Pacte mondial.
Mme LOURDES YPARRAGUIRRE (Philippines) a mentionné, parmi les nombreux traités multilatéraux auxquels les Philippines sont partie, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, « constitution des océans et des mers », un instrument qui s’est révélé efficace pour maintenir la paix mondiale et régionale. La représentante s’est demandée ce qu’il se passerait si cette Convention n’était pas appliquée aux différends maritimes dans sa région: serait-elle alors applicable à d’autres différends dans d’autres océans? Pour les Philippines, le développement des espaces maritimes dans leur région concerne toute la communauté internationale. Les Philippines s’élèvent contre les tentatives d’intimidation pour résoudre les différends maritimes, ainsi que contre les politiques de « fait accompli ». Les développements dans l’espace maritime d’une région concerne la communauté internationale dans son ensemble, a rappelé la représentante, qui a dénoncé divers actes illicites tels que le remplissage artificiel d’îles, qui a, en outre, eu des conséquences désastreuses sur les récifs coralliens et les écosystèmes marins. Les Philippines espèrent que les déclarations d’un État demandeur qui se dit favorable à une baisse des tensions dans la région seraient bientôt suivies de mesures concrètes. Les Philippines recommandent de recourir à l’arbitrage pour parvenir à un règlement pacifique des différends, comme elles l’ont déjà fait elles-mêmes dans le passé. L’état de droit est essentiel à la prévisibilité et au développement des États dans le respect de l’égalité souveraine des États, a encore déclaré Mme Yparraguirre.
M. JOSEPH GRECH du Saint Siège a estimé que la culture des valeurs humaines était au moins aussi importante pour la création d’une culture d’état de droit que pour créer des systèmes juridiques. Si les lois réglementent la conduite à tenir, elles ne créent pas la « fibre morale » des citoyens, a-t-il argué, expliquant que celle-ci ne pouvait que résulter de l’éducation civique et morale. Or, a-t-il ajouté, l’état de droit est d’autant plus fort que la fibre morale est solide. M. Grech a ensuite souligné le lien étroit qui existe entre le développement durable et l’état de droit et la bonne gouvernance, comme le souligne l’Objectif 16 de développement durable adopté le mois dernier dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il a illustré son propos en faisant remarquer que les sept pays qui n’auront probablement atteint aucun des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), d’ici la fin de 2015, ont tous été affectés ces dernières années par un niveau élevé de violences. Enfin, il a réaffirmé son engagement envers l’un des principes clefs de la « justice naturelle », pacta sunt servanda, qui protège « contre la tentation de recourir à la loi de la force plutôt qu’à la force de la loi ».
Mme REEM JULIA MANSOUR, Observatrice de l’État de Palestine, a souligné le rôle fondamental joué par les traités multilatéraux pour l’état de droit, notamment parce qu’ils apportent une clarté et une structure aux relations internationales. Les traités sont aussi importants pour faire avancer les progrès économiques des États, a-t-elle ajouté. Mme Mansour a ensuite rappelé l’importance des droits inaliénables des peuples à l’égalité et à l’autodétermination. Rappelant la résolution historique de l’Assemblée générale du 29 novembre 2012, qui a accordé le statut d’État observateur non membre de l’ONU à la Palestine, elle a mentionné les 40 instruments juridiques internationaux auxquels la Palestine a adhéré rien qu’en 2014, ainsi que le comité qu’elle a créé pour travailler en lien avec la Commission indépendante des droits de l’homme et de la société civile palestinienne. L’Observatrice a ensuite rappelé l’occupation étrangère par Israël, qui aboutit à nier les droits du peuple palestinien. Sans redevabilité, l’impunité nourrira l’injustice, a-t-elle prévenu. Après avoir rappelé que la Palestine avait adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, elle a dénoncé les crimes commis du fait de l’occupation et exigé que l’on mette un terme à l’occupation israélienne illicite.
M. PHILIP SPOERRI (Comité international de la Croix-Rouge - CICR) a souligné que le Comité jouait un rôle important dans l’élaboration de traités multilatéraux relatifs au droit international humanitaire. Il a notamment rappelé que le CICR avait été en première ligne dans les négociations ayant abouti à l’adoption, en 1997, de la Convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel et, en 2008, de la Convention sur les armes à sous-munitions. Le CICR reste activement engagé dans la pleine application et la diffusion du droit humanitaire international, conformément à son mandat de protection et d’assistance aux victimes de conflits armés - mandat conféré par les Conventions de Genève, a rappelé M. Spoerri. L’observateur a ensuite rappelé que la trente-deuxième Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, plus haute instance du mouvement, se tiendrait en décembre prochain. À cette occasion, sera examiné l’état d’avancement du plan d’action quadriennal de mise en œuvre du droit humanitaire international.
M. PATRIZIO CIVILI, Observateur permanent de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), a déclaré que le processus des Nations Unies ayant mené à l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 avait été, durant l’année, au centre des activités de l’OIDD, dont le mandat est uniquement dédié à la promotion de l’état de droit. Nous avons été guidés par notre engagement envers le pluralisme juridique et l’égalité des différents systèmes légaux en cohérence avec les droits de l’homme, y compris les systèmes traditionnels, a expliqué M. Civili, qui a vu dans l’adoption du programme « une source de grande satisfaction » pour son organisation. Le Programme ne sera une source d’inspiration capable d’avoir une fonction transformative que si les mots sont convertis en action, a-t-il toutefois prévenu. Il a appelé toutes les institutions concernées, ainsi que les instances intergouvernementales, à tout mettre en œuvre pour faire avancer les valeurs de l’état de droit et à respecter leurs engagements. Cela s’applique aux agences de développement, mais pas uniquement; cela s’applique à toute la communauté internationale. M. Civili a souligné deux caractéristiques prégnantes du Programme, à savoir son caractère universel et l’accent mis sur l’équité, son ambition de « ne laisser personne derrière ».
M. Civili a ensuite expliqué que l’OIDD avait connu une croissance exponentielle de ses terrains d’intervention: Afghanistan, Somalie, Kirghizistan, Kenya, mais aussi de nouveaux programmes en Indonésie, au Myanmar, en Ukraine, au Libéria, au Mali, en Tunisie, en Jordanie et au Honduras. « Nous pensons qu’il sera possible d’augmenter nos interventions en 2016 », a-t-il souligné.
L’observateur a aussi fait état des interventions thématiques de l’OIDD, alors que de nouveaux sujets apparaissent, comme ceux des migrants, des réfugiés, l’accès à la justice pour les femmes et les filles.
Le progrès vers l’état de droit est un effort à long terme, a souligné M. Civili, pour qui, plus les États donateurs investiront des fonds maintenant, moins ils auront dans l’avenir à se hâter pour déployer des efforts pour réparer les effets catastrophiques des échecs commis, qui vont des famines aux déplacement de population. « Construire des sociétés résilientes demande vision, temps et argent », a-t-il conclu.
Droits de réponse
Le représentant du Maroc a répondu à son homologue de l’Algérie, lui reprochant d’avoir traité dans son intervention du « Sahara marocain », alors que, a-t-il argué, ce point n’est pas à l’ordre du jour des travaux de la Sixième Commission mais traité dans une autre enceinte. Il a, en outre, appelé le représentant de l’Algérie à « mettre à jour ses connaissances ». L’appel de l’Algérie à la tenue d’un référendum d’autodétermination ne tient pas compte des récents développements, a déclaré le représentant du Maroc, qui a ajouté que la Charte des Nations Unies ne faisait aucune référence à un référendum comme élément de l’autodétermination. La pratique du référendum dans ce domaine reste une option peu pratiquée, a-t-il précisé, ajoutant que, depuis 2004, le Conseil de sécurité prône la recherche d’une solution politique, négociée et acceptable pour mettre fin à ce différend. Le Conseil de sécurité ne parle plus de référendum depuis 15 ans, a-t-il ajouté, avant d’assurer que le Maroc était engagé à trouver une solution mutuellement acceptable.
Le représentant de la Chine a répondu à la délégation des Philippines « qui faisait clairement référence à la question de la mer de Chine méridionale » dans sa déclaration. La Chine est un fervent partisan de l’état de droit, a-t-il assuré, avant d’expliquer que les Philippines s’appuient sur des éléments erronés concernant l’arbitrage lancé par ce pays en septembre 2014. Pour la Chine, les Philippines ont violé leurs engagements par rapport aux pays de la région et nié la souveraineté de la Chine sur la mer de Chine méridionale. Les droits de la Chine sur les îles de cette mer ont été établis par l’histoire, a assuré le représentant. Il a ajouté que la qualité des constructions édifiées par la Chine sur ces îles relève des droits souverains de la Chine, assurant en outre qu’elles respectent les écosystèmes. Selon le représentant, les Philippines n’ont pas dit toute la vérité. Les îles Nansha -connues aussi sous le nom de Spratly- ne font pas partie des Philippines, a-t-il affirmé en citant trois traités internationaux pour le prouver. Il a exhorté les Philippines à cesser tout acte enfreignant les droits de la Chine à cet égard.
Le représentant de la Fédération de Russie a répondu à la Géorgie qui s’efforce d’inclure dans les débats de la Commission des questions qui n’ont pas trait à l’ordre du jour de celle-ci. En ce qui concerne « les 20% de la Géorgie qui sont soit-disant occupés par quelqu’un », il a rappelé qu’en 2008 la Géorgie avait envoyé « contre ces 20% » toute sa puissance militaire. Si la délégation de la Géorgie a des questions à poser, qu’elle le fasse avec des États indépendants et sur la base de l’état de droit, a conclu le représentant.
Répondant à l’Observatrice de l’État de Palestine, la représentante d’Israël s’est étonnée des propos tenus qui ne mentionnent pas qu’au cours du mois écoulé, il y avait eu 24 attaques terroristes qui ont fait 8 morts et 70 blessés parmi les Israéliens. Elle a estimé qu’il était absurde de parler de l’accession aux traités internationaux de la Palestine pour démontrer qu’elle promeut l’état de droit, car on peut constater que cette accession n’a pas fait avancer l’état de droit. Elle a aussi réfuté l’argument tiré du fait que la Palestine est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant en soulignant les nombreux morts parmi la population civile que causent les actions palestiniennes. Israël est la seule démocratie au Moyen Orient, a-t-elle enfin affirmé.
Le représentant de l’Algérie a expliqué que le droit à l’autodétermination faisait aussi partie de l’état de droit et a cité la déclaration du Mouvement des non-alignés à ce propos, une déclaration qui, a-t-il rappelé, a été appuyée par le Maroc. L’Algérie a obtenu son droit à l’autodétermination suite à une guerre longue et violente contre le colonialisme, a-t-il rappelé pour expliquer son attachement à ce droit. Il a réfuté l’argument selon lequel la Charte des Nations Unies ne citerait pas ce droit en indiquant qu’il en est en réalité fait mention dans l’article 2, paragraphe 2.
La représentante du Viet Nam a réagi à la déclaration de la Chine à propos de la mer de Chine méridionale. À plusieurs reprises, le Viet Nam a montré des éléments de preuve historique et juridique de l’appartenance sur les îles qui s’y trouvent. Le Viet Nam reste prêt à résoudre ces différends par des moyens pacifiques, en conformité avec la Charte des Nations Unies et le droit de la mer, a-t-elle déclaré.
La représentante de la Géorgie a répondu au représentant de la Fédération de Russie, rappelant qu’elle n’avait « pas cité le nom de la Russie » dans sa déclaration, mais ajoutant qu’il était « bon pour le compte-rendu de séance que le représentant russe ait reconnu qu’il s’agissait bien de son pays ». « Au cas où le représentant de la Fédération de Russie aurait besoin d’un rappel de la définition d’une occupation illicite, je peux lui rappeler à voix haute », a poursuivi la représentante, qui a déclaré que « l’occupation illicite c’est l’occupation militaire d’un terrain et l’utilisation des fonctions d’administration ». Tous ces éléments s’appliquent à l’Abkhazie occupée, a-t-elle souligné, et c’est une violation des droits fondamentaux de la Charte. « Nous n’aurons de cesse d’évoquer ces questions jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus », a poursuivi la représentante.
La représentante des Philippines a répondu à la Chine concernant le différend sur la question de la mer de Chine méridionale. Le monde ne peut permettre à un pays de revendiquer la souveraineté sur une mer entière, ni d’avoir recours à la politique du fait accompli, a-t-elle déclaré. Contrairement à ce que prétend la Chine, des droits historiques ne peuvent être revendiqués aux termes de la Convention sur le droit de la mer pour entreprendre l’exploitation des ressources. S’il doit y avoir une référence historique, de nombreux documents prouvent l’inverse: ces îles sont historiquement philippines. La Chine, ces deux dernières années, a commencé à remplir les sept îles au large de Hainan. Or, trois de ces îles font partie de la Zone économique exclusive des Philippines, a-t-elle soutenu, y voyant une violation de la déclaration de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). La représentante a, en outre, souligné que ce différend n’était pas bilatéral. Mises à part la Chine et les Philippines, il y a aussi au moins quatre autres intervenants, a-t-elle rappelé. Lors de la réunion de Kuala Lumpur, l’été dernier, les pays de l’ASEAN ont convenu d’un code de conduite. Dans la situation actuelle, nous ne sommes pas en mesure d’exploiter nos ressources naturelles ni de pêcher, ni de faire respecter notre souveraineté, a-t-elle déploré. L’arbitrage auquel les Philippines font appel en dernier recours est le signe de leur attachement à un règlement pacifique sur cette question, a conclu la représentante.
L’Observatrice de l’État de Palestine a estimé que la délégation israélienne cherchait à détourner l’attention des crimes commis à l’encontre de son pays. Elle a décrit la réalité de l’occupation militaire, avec la présence de soldats sur le terrain qui terrorisent la population, en violation flagrante du droit international et d’une vingtaine de résolutions de Nations Unies. Toutes ces violations sont la conséquence directe de l’occupation militaire israélienne, que la communauté internationale a la possibilité de démanteler, a-t-elle dit. Elle a rejeté l’accusation faite à la Palestine de mener une vague de terreur, plaidant au contraire pour prouver l’intention pacifique des dirigeants palestiniens. L’occupation israélienne incite à la violence, a-t-elle cependant ajouté en dénonçant les incitations telles que les cris de « mort aux Arabes ». Elle s’est étonnée qu’Israël ait rejeté l’accession de la Palestine aux instruments juridiques internationaux, en déduisant qu’Israël ne veut pas que la Palestine respecte l’état de droit.
Reprenant la parole, le représentant du Maroc a répondu à la mention faite par l’Algérie de la Cour Internationale de Justice (CIJ) et a cité les documents qui ont permis au Maroc de récupérer le Sahara occidental. Il a aussi affirmé que son homologue algérien confondait l’autodétermination et le référendum. L’autodétermination prend plusieurs formes, comme la séparation ou l’intégration, mais le référendum n’en est pas une, a-t-il dit, c’est un simple processus, peu utilisé dans le cadre de l’autodétermination. L’Algérie souhaite établir une hégémonie régionale, a aussi affirmé le représentant du Maroc, en s’appuyant sur une demande de l’Algérie datant de novembre 2001 pour obtenir la division du Sahara, comme cela résulte de documents des Nations Unies: le Maroc a refusé cette « manipulation », a ajouté le représentant.
Le représentant de la Chine a réaffirmé la souveraineté de la Chine et ses intérêts dans la mer de Chine méridionale et les îles Nansha, ce que les Philippines n’ont pas remis en question pendant longtemps. Il a expliqué que les Philippines avaient lancé une procédure d’arbitrage sans le consentement de la Chine, ce qui explique pourquoi la Chine n’accepte pas cette procédure. Il a illustré l’attitude des Philippines en donnant l’exemple d’un ancien navire de guerre qui a été utilisé dans cette zone. Les Philippines ont affirmé qu’en l’absence de pièces détachées ce navire ne pouvait pas être déplacé. Ce navire est maintenant en train de rouiller sur place et des matériaux sont transportés pour en consolider l’ancrage, a-t-il dit en ajoutant que les Philippines avaient reconnu que leur but était d’occuper ce navire. Quel principe de droit international le pays entend-il respecter? a-t-il lancé.
Le représentant de l’Algérie a repris la parole pour rappeler la question dont avait été saisie la Cour Internationale de Justice en 1975: l’allégeance peut-elle être considérée comme un lien juridique? La Cour avait dit que non, que cette allégeance n’unissait pas le Maroc au peuple sahraoui. Sur un autre point tranché par la Cour, il a rappelé qu’elle avait répondu « non » à la question de savoir si le Sahara occidental était terra nullius, ou terre vide. L’autodétermination se réalise par le biais du référendum, a-t-il aussi affirmé.
Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que la représentante de la Géorgie avait prononcé des « affabulations ». Nous serions reconnaissants à la Géorgie de ne plus aborder cette question, a-t-il ajouté.
La représentante des Philippines a répondu à la déclaration de la Chine en affirmant que les îles Spratlys faisaient partie intégrante du plateau continental des Philippines conformément à la Convention du droit de la mer. Nous nous sommes engagés à trouver une solution basée sur le droit et seul un groupe indépendant d’experts pourra guider les parties pour résoudre ce différend, a-t-elle estimé, avant d’inviter de nouveau la Chine à participer à la procédure d’arbitrage.
Responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies (A/70/208)
M. HOSSEIN GHARIBI (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés (MNA), a indiqué que les pays du MNA contribuaient pour 80% du personnel de maintien de la paix sur le terrain et étaient en même temps ceux qui accueillent la majorité des missions de maintien de la paix. Il a souligné l’importance pour ce personnel de remplir ses fonctions d’une façon qui réserve l’image, la crédibilité, l’impartialité et l’intégrité des Nations Unies, insistant sur la politique de tolérance zéro dans les affaires d’exploitation et d’abus sexuels par le personnel de maintien de la paix. Le représentant a pris note de la stratégie générale d’assistance aux victimes de ces abus, espérant qu’elle contribuerait à réduire les souffrances de celles-ci. Il a demandé de mettre en œuvre sans retard la résolution 61/291 de l’Assemblée générale qui a porté des amendements au projet de modèle révisé de Mémorandum d’accord. Il a aussi demandé à tous les États Membres de mettre en œuvre les résolutions 62/63, 63/119, 64/110 et 65/20 de l’Assemblée générale et de combler ainsi les écarts judiciaires entre pays si nécessaire. Enfin, le Mouvement des pays non alignés juge encore prématuré de discuter d’une convention sur la responsabilité pénale du personnel et des experts en mission des Nations Unies. À ce stade, la Commission devrait se concentrer sur les questions de fond et laisser les questions de forme pour plus tard.
M. AGUSTIN FORNELL (Équateur), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes CELAC), a demandé que l’on veille à ce que tous les fonctionnaires et experts des Nations Unies en mission préservent l’image, la crédibilité, l’impartialité et l’intégrité de l’Organisation et véhiculent ses idéaux. Au regard des incidents à répétition, il est clair qu’il faut faire davantage, notamment pour s’assurer que l’impunité associée aux crimes sexuels ne trouve plus jamais place nulle part. Pour la CELAC, les récents cas de crimes sexuels signalés en République centrafricaine montrent la pertinence des débats du jour. C’est pourquoi les membres de la CELAC demandent au Secrétaire général de continuer de fournir des informations sur toutes les allégations concernant ce genre de crimes et apprécient la mise en œuvre des règles de conduite et de discipline dans les missions. Ils demandent également aux pays qui ont été alertés de ces cas d’en informer le Secrétaire général et de prendre toutes les mesures et réponses pertinentes et appropriées, y compris la poursuite en justice des auteurs. La CELAC déplore cependant qu’en dépit de la demande du Bureau des affaires juridiques, très peu de cas ont été rapportés au Secrétaire général.
La CELAC est aussi d’avis qu’il est de la responsabilité des États et du Secrétaire général de prendre toutes les mesures de prévention et de sanctions des crimes à caractères sexuels commis par les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies . Les membres du groupe attendent donc avec intérêt les conclusions du cadre de responsabilité mis en place par le Secrétaire général pour mesurer la performance des missions de terrain, au regard de certains indicateurs des règles de conduite et de discipline des Nations Unies.
M. THEMBILE JOYINI (Afrique du Sud), au nom du Groupe des États d’Afrique, a déclaré que la discussion du jour était d’une grande importance pour les membres du Groupe. Le Groupe des États d’Afrique appuie la politique de tolérance zéro en ce qui concerne les conduites criminelles, et en particulier les crimes et abus sexuels commis par les fonctionnaires et experts des Nations Unies en mission. La responsabilité pénale est en effet un des fondements de l’état de droit et est cruciale à l’intégrité et à la crédibilité des Nations Unies, a dit le représentant, qui a appelé l’ONU à lancer un message politique très fort en ce qui concerne son intolérance face aux comportements criminels. Le Groupe demande donc aux États Membres d’exercer leur juridiction sur les cas avérés, afin de s’assurer qu’aucun de ces actes ne reste impuni.
Le Groupe des États d’Afrique est aussi d’avis que le vide juridique persistant sur cette question est de nature à encourager les comportements criminels et l’impunité, en particulier dans les pays hôtes n’ayant pas les capacités judiciaires suffisantes pour juger des auteurs ou lorsque les pays d’origine ne peuvent pas exercer leur juridiction pour des cas survenus dans les pays hôtes. C’est pourquoi les membres du Groupe des États d’Afrique estiment que les mesures correctives adoptées par de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale, si elles sont correctement mises en œuvre, peuvent combler ce vide. Les États d’origine devraient, en la matière, avoir la prédominance juridictionnelle. Le Groupe des États d’Afrique apprécie, par ailleurs, les mesures prises pour mettre en œuvre les règles de conduite des Nations Unies en particulier dans les missions et salue l’assistance technique fournie aux États qui souhaitent renforcer leurs systèmes pénaux en accord avec ces crimes graves. Le Groupe des États d’Afrique appelle, en outre, toutes les parties à pleinement coopérer dans les enquêtes impliquant des fonctionnaires ou des experts des Nations Unies en mission.
Mme LIZANNE ACHING (Trinité-et-Tobago), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a dit attacher la plus grande importance à la façon dont des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies se comportent. Ils sont les gardiens de l’image, la crédibilité, l’impartialité et l’intégrité des Nations Unies. La représentante a, par ailleurs, reconnu la contribution importante des fonctionnaires et experts des Nations Unies, y compris des Casques bleus, notamment en Haïti.
Alors que nous applaudissons l’implication de tous les fonctionnaires et experts des Nations Unies pour poursuivre les objectifs des Nations Unies, nous sommes aussi conscients qu’il faut mener devant la justice ceux qui violent les lois nationales et internationales, a toutefois poursuivi la représentante. La CARICOM est ainsi profondément préoccupée des allégations récentes de fautes et d’abus sexuels commis sur des femmes et enfants lors d’opérations de maintien de la paix. Elle estime que les abus commis par les militaires, les policiers civils et le personnel civil d’opérations de maintien de la paix constituent de graves violations du droit international. Les auteurs de ces infractions haineuses doivent être tenus pour responsables de leurs actes.
Pour la CARICOM, tous les États doivent exercer leur juridiction pour les crimes commis par leurs ressortissants lors d’opérations de maintien de la paix. En conséquence, la CARICOM exhorte les États à coopérer avec les Nations Unies pour s’assurer que les auteurs de crimes soient traduits en justice. Un ensemble de règles communes régulant la conduite et les traitements des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies permettraient de s’assurer qu’ils seront tenus pour responsables de leurs actes. Toutefois, toutes les mesures doivent aussi respecter le droit international et un procès juste et équitable Enfin, la CARICOM souligne l’importance de l’entraînement et de la sensibilisation aux responsabilités des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies et la nécessité de respecter les lois des États hôtes ainsi que le droit international.
Mme CRISTINA MEZDRA, de l’Union européenne, a soutenu avec vigueur la politique de tolérance zéro pour les crimes commis par le personnel et les experts en mission pour les Nations Unies et, plus généralement, une approche cohérente à l’ONU à l’« ère de la redevabilité », en particulier pour les crimes les plus graves. Elle a expliqué que, tout en tenant compte des privilèges et immunités accordés à ce personnel, celui-ci devait respecter le droit international et les lois nationales des pays hôtes. L’Union européenne soutient l’initiative « Les droits avant tout » du Secrétaire général et se félicite des mesures spéciales de protection contre l’exploitation et les abus sexuels. Concernant les récentes allégations de crimes de ce type qu’auraient commis des Casques bleus de l’ONU en Republique centrafricaine, l’Union européenne note que des actions de dédommagement ont été lancées par les Nations Unies. Elle reconnaît en outre, comme l’a dit le Secrétaire général lui-même, qu’il faut faire davantage pour traiter cette conduite inacceptable.
L’Union européenne soutient l’appel lancé par le Secrétaire général dans son rapport du 2 septembre 2015 en faveur de la responsabilisation et se félicite des mesures qu’il a annoncées à cet effet, comme la mise en place d’équipes de réaction rapide avant la fin de 2015. Elle apprécie, en outre, l’intention de l’ONU d’aider les communautés affectées avec des programmes d’assistance aux victimes. Pour l’Union européenne, une véritable responsabilisation dépend de la coopération entre les États Membres, ainsi que de la coopération entre ces derniers et l’ONU, lorsqu’elle enquête sur des allégations de conduite répréhensible sur le plan pénal. L’Union européenne souhaite, pour sa part, que l’État dont le ressortissant est suspecté d’avoir commis de tels crimes soit immédiatement informé par l’ONU, afin qu’il puisse enquêter et juger ces crimes. Cet État doit, de son côté, remplir pleinement ses obligations en vertu du droit international, notamment les accords spéciaux. Enfin, l’Union européenne rappelle que la Cour pénale internationale est compétente si les autorités nationales ne peuvent pas ou ne veulent pas intenter une action en justice pour juger les crimes les plus graves. Elle soutient, par ailleurs, l’idée d’un instrument juridique international général pour clarifier les circonstances dans lesquelles les juridictions des États Membres peuvent être compétentes, ainsi que les catégories de personnes ou de crimes visés par cette compétence.
Mme MAY-ELIN STENER (Norvège), au nom des pays nordiques, a souligné que la plupart des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies prenaient des risques et consentaient des sacrifices personnels dans l’intérêt commun des États Membres des Nations Unies. Cependant, a-t-elle déploré, un petit nombre d’entre eux se rendent coupables de crimes graves lors de leur mission. Leurs actes reçoivent une importante couverture médiatique et donnent un sentiment d’impunité, ce qui entraîne de graves problèmes de relation entre les Nations Unies et les communautés locales. C’est également un problème de crédibilité pour toute l’Organisation.
Tout en appréciant le rapport du Secrétaire général sur la question, les pays nordiques sont préoccupés par le fait que seuls un petit nombre d’États Membres ont donné une réponse aux demandes du Secrétariat en expliquant le suivi qu’ils avaient réservé à ces affaires. Mme Stener a noté que 22 cas de fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies ayant commis des infractions graves ont été mentionnés durant la période que couvre le rapport du Secrétaire général, ajoutant que deux de ces cas concernent des allégations graves d’abus sexuels sur mineurs. Elle a cependant déploré que seuls dix États aient fourni des informations pour faire connaétre le suivi qu’ils ont réservé à leurs ressortissants sur cette question.
« Il est temps de renforcer le langage de la résolution sur cette question », a déclaré la représentante. Pour les pays nordiques, il est essentiel que les États fournissent des informations sur le suivi qu’ils font au niveau national concernant les allégations qui ont été faites sur leurs ressortissants, pas seulement sur les deux cas susmentionnés, mais aussi sur les cas mentionnés lors des années précédentes.
Les pays nordiques soutiennent l’élaboration d’une convention contraignante au niveau international et la création d’un comité spécial intersessions. Ils rappellent aussi que la protection des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies, lorsque ce sont ces experts qui dénoncent certains crimes, est aussi une question qui doit être examinée. Les enquêtes doivent être menées par des enquêteurs assermentés, conformément au droit international et aux droits de l’homme, a rappelé Mme Stener.
M. BARRY O’SULLIVAN (Australie), au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a exprimé ses vives inquiétudes face aux allégations, proférées l’an dernier, de crimes perpétrés dans le cadre des missions de l’ONU, en particulier d’exploitation ou d’abus sexuels. Le groupe CANZ appuie les efforts du Secrétaire général pour y remédier et sa volonté de s’élever fermement contre de tels crimes lorsqu’ils sont commis par des Casques bleus. Il apprécie, en outre, les efforts des États Membres pour créer des juridictions compétentes chargées de juger des crimes graves commis par leurs ressortissants déployés dans les missions de l’ONU et ceux qui ont déjà entamé de telles poursuites. Ce sont les États Membres qui ont la responsabilité première de le faire, a rappelé le représentant, qui a également mis l’accent sur la nécessaire prévention pour éviter d’en arriver là.
M. O’Sullivan a exhorté le Secrétariat à tirer les leçons apprises des affaires d’exploitation et d’abus sexuels en République centrafricaine, regrettant que ces faits aient été révélés par des intervenants extérieurs. Il a donc demandé de mettre pleinement en œuvre le Bulletin sur la protection du Secrétaire général, destiné à éviter les représailles en cas de dénonciation. Enfin, il a émis l’espoir que les discussions reprendraient au cours de la présente session sur la proposition de négocier une convention qui obligerait les États Membres à juger sur le plan pénal leurs ressortissants qui commettent des actes répréhensibles alors qu’ils participent aux opérations des Nations Unies sur le terrain.
Mme ANA CRISTINA RODRÍGUEZ PINEDA (Guatemala) a souhaité que les crimes commis par des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies ne restent pas impunis. Elle a souhaité que les discussions au sein du Groupe de travail consacré à cette question abordent trois points en particulier. Le premier est la réévaluation du mandat de la Sixième Commission sur la base du rapport du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, plus connu sous le nom du « Comité des 34 », et du rapport du Groupe d’experts juridiques. En deuxième lieu, elle a souhaité aborder le problème de l’inefficacité des mesures prises pour éviter les cas d’exploitation et abus sexuels qui, même s’ils ne sont qu’au cœur de deux affaires sur les 22 présentées dans le rapport du Secrétaire général, sont toujours une réalité aux Nations Unies. Enfin, Mme Rodríguez Pineda a suggéré de coordonner cette discussion avec celle qui a lieu à la Cinquième Commission au vu des changements qui sont en cours. Le Guatemala souhaite que le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) soit renforcé. Il faut aussi renforcer les échanges d’information et les programmes de protection des « lanceurs d’alerte ».
M. JAMES N. WAWERU (Kenya) a rappelé que son pays accueillait le Bureau des Nations Unies à Nairobi ainsi qu’un grand nombre d’agences des Nations Unies. Du fait du nombre des fonctionnaires des Nations Unies présents au Kenya, ce pays est particulièrement intéressé par la question étudiée. Lorsque des crimes ne font pas l’objet de poursuites, l’image des Nations Unies en est sapée et l’accueil fait aux missions des Nations Unies s’en trouve compliqué. Il est donc très important que ces fonctionnaires soient poursuivis s’ils ont commis des infractions. Le Kenya soutient la politique de tolérance zéro en la matière car la responsabilité pénale est un pilier fondamental de l’état de droit.
Faisant part des réformes judiciaires qui ont été faites depuis 2010 dans son pays, le représentant a estimé que le Kenya était très bien équipé pour juger les fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies qui auraient commis des infractions. Le Kenya estime, en outre, que les mesures contenues dans les diverses résolutions de l’Assemblée générale sur ces questions, si elles sont correctement appliquées, pourraient combler les vides constatés. Le Kenya exhorte à l’harmonisation des efforts et à la mise au point d’une loi-cadre qui guiderait les États Membres et les aiderait ainsi à relever les défis qui se présentent à eux.
M. AMIT HEUMANN (Israël) a exprimé sa crainte de voir les mandats des Nations Unies discrédités si les crimes commis par des membres du personnel ou des experts en mission pour les Nations Unies ne font pas l’objet d’une enquête. Il a souhaité que davantage d’États mettent au point une législation nationale adaptée pour les activités criminelles de leurs ressortissants envoyés en mission pour l’ONU, avant d’exhorter les États Membres à poursuivre en justice les auteurs de tels crimes pour éviter toute impunité. Il a aussi exigé que l’ONU tienne au courant les États Membres des procédures intentées contre leurs ressortissants dans ce genre d’affaires. Il faut, a-t-il ajouté, que les auteurs de tels crimes soient traduits en justice sans pour autant remettre en cause l’immunité et les privilèges que leur confère leur statut au regard du droit international. Enfin, il a prôné un renforcement de la coopération entre les États dans ce domaine, ainsi qu’entre les États et l’ONU.
Pour Mme DAMARIS CARNAL (Suisse), « il est du devoir des États Membres et du Secrétaire général de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les infractions qui portent atteinte aux valeurs fondamentales des Nations Unies et assurer qu’elles ne restent pas impunies ». La Suisse appuie l’action du Secrétaire général pour prévenir la commission d’actes inacceptables par le personnel en mission, en particulier l’exploitation sexuelle et les abus. Elle rappelle les recommandations du récent rapport du groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix de l’ONU. Compte tenu des lacunes du système de rapports, la résolution devrait cette année appeler explicitement les États Membres à fournir des informations sur l’avancement des enquêtes, des poursuites et des mesures disciplinaires dans leur juridiction, y compris sur les cas des années précédentes, et à informer sur les mesures prises pour éviter que de tels actes ne se reproduisent. La Suisse est convaincue de l’utilité d’élaborer une convention internationale sur le sujet et encourage la création d’un comité ad hoc. « Si l’ONU dispose d’une convention sur la sécurité du personnel de l’ONU et du personnel associé, pourquoi n’en aurait-elle pas une pour lutter contre les crimes graves commis par la même catégorie de personnel? », a demandé la représentante en conclusion.
Mme SHEYAM ELGARF (Égypte) a noté que son pays accorde de l’importance à la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission des Nations Unies car il y a de plus en plus de telles missions à travers le monde. Les enquêtes devraient être réalisées dans le cadre de la juridiction des États de la nationalité des auteurs présumés des crimes. Cela exige davantage de coopération au bénéfice des États qui ont des lacunes juridiques. Ces États doivent pouvoir mener des enquêtes même à l’encontre de fonctionnaires des Nations Unies. En Égypte, il existe des lois pour cela et le pays forme son personnel avant son déploiement. La représentante a noté la nécessité d’une tolérance zéro face à ces crimes.
Mme PIMPIDA RAVIRAT THANARAT (Thaïlande) a rappelé que plus de 20 000 Thaïlandais en uniforme avaient servi dans des missions des Nations Unies depuis 1946. Représentant d’un pays contributeur, elle a souligné l’importance de dispenser au personnel, avant son déploiement, une formation sur les règles de conduite à respecter et sur l’obligation pour tout personnel onusien d’observer les lois des pays hôtes. Elle a appelé de ses vœux une augmentation du nombre de femmes dans les opérations de maintien de la paix, jugeant que les femmes Casques bleus avaient un rôle crucial à jouer dans le soutien aux survivants et témoins en cas notamment de crimes sexuels et autres violences commises contre des femmes. « L’inclination des femmes victimes de violence à s’ouvrir aux femmes soldats de la paix permettra d’augmenter le recensement des incidents et de diminuer le nombre d’actes criminels restant impunis », a estimé le représentant. En conclusion, elle a appuyé les efforts du Secrétaire général en vue d’user de son pouvoir discrétionnaire pour lever l’immunité de responsables visés afin que la justice puisse être rendue.
M. KOTESWARA RAO (Inde) a fait part de la volonté de l’Inde de coopérer avec l’ONU pour enquêter sur les crimes commis par des membres du personnel des Nations Unies en mission. Il a plaidé en faveur d’une formation avant et après le déploiement, avant de demander à tous les États de mener les enquêtes nécessaires lorsqu’ils sont saisis de telles affaires. Il a rappelé la résolution 69/114 de l’Assemblée générale, qui invite chaque État à envisager la création du cadre juridique nécessaire pour juger leurs ressortissants lorsque ceux-ci sont accusés d’avoir commis ce genre de crime dans une mission de l’ONU à l’étranger. Il faut que chaque État Membre exerce sa juridiction et poursuive ces crimes, a insisté le représentant, qui a aussi invité les États qui en auraient besoin à faire appel à l’assistance internationale pour les enquêtes. La Cour pénale indienne est compétente pour juger ce genre d’affaires, a-t-il indiqué en conclusion.
M. PHAM QUAND HIEU (Viet Nam) a reconnu la contribution appréciable des Casques bleus de l’ONU, puis a déclaré que tout comportement répréhensible de leur part avait un effet préjudiciable sur le mandat de la Mission dont ils dépendent et sur l’intégrité de l’Organisation. Le Viet Nam attache la plus haute importance à la prise de mesures appropriées pour remplir les vides juridiques et éviter ainsi l’impunité pour les personnels militaires et autres des Nations Unies qui se rendent coupables de crimes graves dans le cadre de leur mission. Aussi le représentant a-t-il appelé tous les États à prendre les mesures nécessaires, notamment en se dotant de la législation pertinente et en renforçant la coopération internationale à cet égard. Pour sa part, le Viet Nam a inscrit dans son code pénal une disposition qui autorise l’exercice de la juridiction sur les crimes commis par ses ressortissants dans d’autres pays dans certaines circonstances.
M. MEDHI REMAOUN (Algérie) a jugé crucial d’éviter que l’action des Nations Unies ne devienne une source d’aggravation de la souffrance des populations qu’elles sont censées servir. Il a souhaité que soient mises en place le plus rapidement possible des équipes de réponse rapide afin de collecter les éléments de preuve dans les 72 heures suivant réception d’une allégation d’abus sexuel. Il a exprimé son appréciation devant la mise à disposition auprès des missions onusiennes, début 2016, d’un guide détaillé sur les procédures à suivre afin d’alerter le Siège de la mission sur les cas d’agissements criminels du personnel civil, militaire ou policier. « C’est un pas positif en vue de déférer de tels cas aux autorités judiciaires des pays hôtes et, chaque fois que cela se justifie, des pays contributeurs aux fins de poursuite pénale », a affirmé M. Remaoun. L’Algérie est prête à coopérer afin de conclure les discussions entamées en 2006 relatives sur un projet de convention internationale sur les crimes graves commis par le personnel onusien lors d’opérations de maintien de la paix.
Mme MARJON V. KAMARA (Libéria) a rappelé qu’en 2005 l’Assemblée générale avait recommandé que le Secrétaire général présente des rapports sur les cas d’abus et d’exploitation sexuelle, et s’est félicitée de la détermination de l’Assemblée générale à remédier à ce problème. Tout en se disant inquiète des crimes commis dans le cadre des missions de l’ONU, elle a salué les mesures prises par les Nations Unies pour garantir que les auteurs soient tenus responsables. Elle a appuyé la politique de tolérance zéro pour ces crimes, ainsi que la compétence des juridictions d’États Membres lorsque leurs ressortissants font l’objet d’une enquête. Il faut que les États concernés fournissent les informations nécessaires lorsque le Secrétaire général leur défère des affaires, a-t-elle déclaré. Les fonctionnaires et les experts de l’ONU profitent parfois des plus faibles et bafouent le droit international et national, a-t-elle déploré avant d’exprimer son soutien aux mécanismes d’alerte.
Mme CASSANDRA Q. BUTTS (États-Unis) a dit apprécier que le Secrétaire général prenne des mesures importantes pour tenir les auteurs de crimes dans les missions de l’ONU responsables de leurs actes, pour améliorer les procédures d’enquête et pour déférer les affaires aux autorités judiciaires du pays hôte ou du pays du ressortissant. De juillet 2014 à juin 2015, l’ONU a ainsi déféré 22 affaires à des États pour que ceux-ci enquêtent et exercent les poursuites en justice si nécessaire, a noté la représentante, en constatant qu’il y en a ainsi sept de plus que pour l’année précédente. Mme Butts s’est félicitée que, dans dix de ces affaires, l’État ait communiqué directement avec l’ONU.
Par ailleurs, la représentante a exprimé ses vives inquiétudes face aux affaires d’exploitation et d’abus sexuels qui ont fait surface au cours des derniers mois, ainsi que face aux rapports du groupe d’experts indépendants et du Bureau des services de contrôle interne qui mettent en évidence l’inaptitude de l’ONU à faire respecter les règles en la matière. Elle a dit attendre avec impatience la mise en pratique des initiatives proposées par le Secrétaire général visant à prévenir ces incidents et à y remédier. Au sein de la Sixième Commission, les États-Unis feront des propositions notamment sur la possibilité d’intégrer le rapport annuel de la responsabilité pénale dans le rapport sur les abus sexuels, en prévoyant un chapitre spécial pour les fonctionnaires de l’ONU. S’agissant du projet de convention, elle a dit vouloir examiner si un tel instrument jouerait un rôle utile pour combler les failles et éviter que les systèmes nationaux empêchent de poursuivre les ressortissants accusés.
M. KOFFI NARCISSE DATÉ (Côte d’Ivoire) a noté que la récurrence des allégations de crimes de la part de fonctionnaires ou experts des Nations Unies en mission et le sentiment d’impunité qui en découle ternissent à terme l’image des Nations Unies. C’est pourquoi, il est impérieux pour les Nations Unies de prendre des mesures vigoureuses pour donner toutes les chances à leurs missions. Le représentant a appuyé fermement les termes des résolutions de l’Assemblée générale pour que les infractions pénales ne restent pas impunies et que les auteurs de ces infractions soient traduits en justice, dans le respect du droit international. Le représentant a souligné que l’ONU ne devrait pas rester muette vis à vis de ces agissements. « La présence des Nations Unies doit rassurer les populations et les parties en conflit plutôt qu’inspirer la crainte », a-t-il conclu.
M. SHAHARUDDIN ONN (Malaisie) a expliqué que la responsabilité pénale ne pouvait pas se faire sans une coopération de la part de l’État dont est ressortissant le fonctionnaire ou expert mis en cause dans le crime. Les juridictions pénales de la Malaisie sont compétentes pour juger les crimes commis pas son personnel militaire, conformément à une loi de 1972, où que soit déployé ce personnel. M. Onn a appuyé l’appel en vue d’une coopération renforcée entre les États Membres et les Nations Unies pour faciliter les échanges d’informations, afin d’éviter toute impunité. La loi d’extradition de la Malaisie, entre autres, prévoit cette coopération, a-t-il assuré. Quant au projet de convention, il a jugé prématuré de l’élaborer mais proposé de réfléchir pour l’instant au contenu de termes importants comme celui de « crime grave ».
M. RUBÉN IGNACIO ZAMORA RIVAS (El Salvador) a dit être conscient, en tant que pays qui a bénéficié d’une mission de l’ONU, de la vulnérabilité particulière des populations des pays qui hébergent une telle mission. Ce type de circonstance exige que toute mission des Nations Unies soit menée à bien dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies et de l’état de droit, a-t-il insisté. El Salvador a pris des mesures pour prévoir la compétence de ses propres juridictions pour juger de crimes commis par ses ressortissants employés par l’ONU. Le représentant a cité par exemple la loi spéciale de transition adoptée par son pays pour mettre en œuvre la résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité relative à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Cette loi prévoit que le contingent salvadorien de la MINUSMA doit respecter les lois et coutumes locales et établit la compétence judiciaire des tribunaux salvadoriens sur le personnel déployé. M. xxxxx a aussi indiqué que son pays avait signé un mémorandum d’accord avec l’ONU pour détailler les aspects administratifs, logistiques et financiers de leur collaboration, un texte qui réglemente aussi le comportement du personnel. Il a enfin plaidé pour que les systèmes d’enquête des Nations Unies soient efficaces, en prévoyant le respect des personnes qui donnent l’alerte.
M. MOHAMMED ATLASSI (Maroc) a rappelé que, pour son pays, toute infraction pénale commise par un fonctionnaire ou expert en mission des Nations Unies doit faire l’objet de poursuites judiciaires devant les tribunaux nationaux compétents de l’État dont le coupable présumé est ressortissant. Il a insisté sur le fait que, dans le cadre de leur mission, ces fonctionnaires et experts sont tenus de respecter les lois du pays hôte et de se conformer à sa législation nationale et ce, nonobstant les privilèges et immunités qui leur sont accordés par la Convention de 1946.
Aux fins d’établir la compétence pénale à l’égard des infractions graves commises par des fonctionnaires et experts en mission de l’ONU, le Maroc reste convaincu de la nécessité de consolider les efforts de coopération entre États Membres et entre ces derniers et l’ONU. Le Maroc reconnaît l’importance du renforcement du dispositif mis en œuvre par l’ONU et ses États Membres pour prévenir l’impunité, et insiste sur l’importance de renforcer les efforts parallèles visant à prévenir les manquements aux normes de conduite, à raffermir la formation juridique des membres du personnel civil et militaire de chaque État sur leur responsabilité pénale en vertu de leur droit national et du droit international, et à sensibiliser lesdits personnels sur les procédures applicables lorsque des infractions sont commises. Le Maroc encourage, en outre, les activités de formation et de sensibilisation aux normes de conduite menées par le Groupe de la déontologie et de la discipline à l’intention du personnel de maintien de la paix et des missions politiques spéciales de l’ONU.
M. SERGEY A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a soutenu la politique de tolérance zéro menée par le Secrétaire général pour faire face aux crimes commis par les experts et fonctionnaires de l’ONU en mission. La Fédération de Russie tient toutefois à ce que les enquêtes sur ces crimes se fassent dans le respect du droit international. Le Secrétariat doit fournir sans délai toutes les informations nécessaires aux États Membres sur les personnes accusées de tels crimes, a-t-il demandé. Enfin, il a plaidé pour une meilleure formation du personnel des Nations Unies avant son déploiement.