Le Comité de la décolonisation demande la poursuite du dialogue vers un acte d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie et réaffirme le droit de la Polynésie française à l’autodétermination
Le Comité spécial chargé de la décolonisation a achevé aujourd’hui sa reprise de session de l’année 2015, en adoptant par consensus deux résolutions aux termes desquelles il engage, dans l’une, les parties en Nouvelle-Calédonie à poursuivre le dialogue vers « un acte d’autodétermination », tandis qu’il réaffirme, dans le second texte, « le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l’autodétermination ».
Le Comité spécial a également adopté, sans vote, une résolution sur la mise en œuvre de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, ainsi que son rapport sur le séminaire pour la région des Caraïbes qui s’est tenu à Managua, au Nicaragua, en mai 2015. Au cours de l’examen du document, le Président a déclaré avoir subi des pressions de la part de certaines parties pour que soient supprimés des passages du rapport, dont le représentant du Maroc a qualifié en fin de réunion le contenu de « nul et non avenu ».
Dans sa résolution intitulée « Question de la Nouvelle-Calédonie* », le Comité engage « vivement » toutes les parties concernées à poursuivre leur dialogue « vers un acte d’autodétermination où toutes les options seraient ouvertes », reposant sur le principe selon lequel c’est aux populations néo-calédoniennes qu’il appartient de librement choisir comment déterminer leur destin. Une consultation sur l’accession à la pleine souveraineté doit être organisée d’ici à 2018 en Nouvelle-Calédonie, qui est un territoire non autonome au sens de la Charte des Nations Unies, administré par la France. La Nouvelle-Calédonie** a le statut de collectivité d’outre-mer sui generis en vertu de la Constitution française et jouit d’une autonomie renforcée.
Dans la résolution adoptée sur cette question, le Comité spécial demande à la France, Puissance administrante, d’étudier la possibilité d’élaborer un programme éducatif visant à informer la population de la Nouvelle-Calédonie de la nature de l’autodétermination « afin qu’elle soit mieux préparée à faire face à une future décision sur la question ». Aux termes de ce texte, le Comité spécial engage la Puissance administrante, agissant en coopération avec le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, à veiller au renforcement de la protection et de la garantie du droit inaliénable qu’a le peuple du territoire de posséder ses ressources naturelles.
M. Roch Wamytan, Président du Groupe UC-FLNKS et nationalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui a été l’un des quatre pétitionnaires qui se sont exprimés sur cette question, a déclaré que pour atteindre l’objectif recherché d’« un acte d’autodétermination honnête, transparent, crédible et incontestable », il n’était pas possible de faire confiance à l’État français. « Seule l’ONU est le garant véritable d’un acte libre et juste », a-t-il affirmé.
De son côté, le représentant de la France, dont la présence aux travaux du Comité a été saluée, a indiqué que son pays coopérait pleinement avec le Comité spécial de la décolonisation depuis plus de 20 ans sur le dossier néo-calédonien. Il a également annoncé que le projet de loi relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté sera présenté et débattu devant le Parlement français la semaine prochaine. Le représentant a reçu le soutien de son homologue de la Sierra Leone, qui a estimé que le Gouvernement français avait fourni au Comité les éléments d’information nécessaires, s’agissant de la situation en Nouvelle-Calédonie.
Le Comité spécial a ensuite adopté une résolution*** sur la question de la Polynésie française, par laquelle il réaffirme le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l’autodétermination, conformément à la Charte des Nations Unies et à sa résolution 1514 (XV) contenant la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
Par cette résolution le Comité spécial demande également à la France, Puissance administrante, de prendre pleinement part et de coopérer sans réserve aux travaux du Comité spécial et de faciliter l’envoi de missions de visite et de missions spéciales dans le territoire de la Polynésie. Le texte déplore que la Puissance administrante n’ait pas donné suite à la demande qui lui avait été faite de soumettre, au sujet de la Polynésie française, certains renseignements visés à l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte.
« Si les pays peuvent choisir quelles dispositions de la Charte de l’ONU ils appliquent ou n’appliquent pas, leurs appels au respect du droit international dans d’autres domaines sonnent creux », a à cet égard déclaré M. Richard Ariihau Tuheiava, pétitionnaire et membre de l’Assemblée de la Polynésie française.
La Polynésie française****, qui compte 118 îles regroupées en cinq archipels, a été réinscrite en 2013 sur la liste des territoires non autonomes au sens de la Charte des Nations Unies.
Le Comité a également adopté une résolution*****, aux termes de laquelle il invite l’Assemblée à demander aux puissances administrantes de prendre « toutes les mesures voulues pour permettre aux peuples des territoires non autonomes d’exercer pleinement et au plus tôt leur droit à l’autodétermination, y compris l’indépendance ». Cette résolution, relative à la mise en œuvre de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, demande également à toutes les puissances administrantes d’apporter leur plein appui aux travaux du Comité spécial et de participer officiellement aux sessions et aux séminaires du Comité. Les puissances administrantes sont également « vivement engagées » à prendre des mesures efficaces pour sauvegarder et garantir les droits inaliénables des peuples des territoires non autonomes, à savoir leurs droits sur leurs ressources naturelles.
Le Comité s’est ensuite saisi du rapport issu des travaux du séminaire pour la région des Caraïbes, qui a eu lieu à Managua au Nicaragua. Le Président a tenu à rappeler que ce rapport avait été adopté par les délégations « dans la transparence et en pleine lumière à l’issue du séminaire ». Il s’est donc étonné que des pressions aient été exercées sur lui par certaines parties pour que certains passages du rapport****** soient aujourd’hui supprimés. « Je suis prêt à résister à toutes les formes de pression, car c’est le seul moyen de défendre les travaux et l’intégrité de ce Comité », a-t-il averti.
Question de la Nouvelle-Calédonie (A/AC.109/2015/15 et A/AC.109/2015/L.12)
M. GAËL YANNO, Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, s’est réjoui que ce Comité entende depuis 2014 les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française en mettant ainsi fin au « monopole de la parole » dont disposaient les formations indépendantistes de 1986. Il a dit que parmi les 17 territoires inscrits sur la liste du Comité spécial, « la Nouvelle-Calédonie est un cas particulier ». Si les indépendantistes et non-indépendantistes sont des adversaires, ils sont aussi des partenaires au regard de l’Accord de Nouméa de 1998, a-t-il estimé. Il a dit que cela donnait l’espoir de voir les parties construire ensemble, après 2018, une communauté de destin. « Je sais que certains membres du Comité se demandent si les accusations de fraudes sont fondées et si les listes électorales sont fiables », a dit M. Yanno. Il a dit que les élections de mai 2014 qui ont conduit au renouvellement du Congrès de Nouvelle-Calédonie « se sont déroulées de manière sincère et régulière ». Les 6 500 demandes de radiation d’électeurs déposées par les indépendantistes ont toutes été rejetées, soit par le Tribunal administratif de Nouméa, soit par la Cour de cassation de Paris. Le pétitionnaire a estimé que « ces faits contredisent les affirmations infondées des indépendantistes ». Il a précisé que le Gouvernement français a réuni sous la présidence du Premier Ministre Manuel Valls, à Paris, il y a trois semaines, l’ensemble des parties calédoniennes pour débattre de la question du corps électoral. Cette réunion a abouti, le 5 juin 2015, à un accord afin d’éviter à l’avenir toute contestation sur la question et pour préparer de façon plus apaisée l’inéluctable consultation de 2018. « Toutes les conditions nécessaires sont maintenant réunies pour permettre la tenue de ce scrutin dans les meilleures conditions », a estimé M. Yanno.
« Malgré les restrictions du corps électoral qui conduisent à l’exclusion de plusieurs milliers d’électeurs calédoniens, tous les observateurs s’accordent à dire qu’il n’y a pas de majorité en faveur de l’indépendance », a estimé le Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il a appelé à rompre avec le slogan « décolonisation égale indépendance » avant d’appeler le Comité spécial à « reconnaître que l’indépendance n’est en aucun cas le passage obligé pour sortir la Nouvelle-Calédonie de la liste des territoires non autonomes ». Le pétitionnaire a estimé que l’ONU offre aux habitants de la Nouvelle-Calédonie l’opportunité de choisir une autre option en rappelant que la résolution 2625 du 24 octobre 1970 « prévoit que l’acquisition de tout autre statut politique décidé par le peuple serait reconnue comme un acte de décolonisation ». « Nous, les non-indépendantistes, avons choisi de venir discuter avec vous afin de trouver une solution institutionnelle pour que la Nouvelle-Calédonie soit reconnue comme un territoire autonome au regard du droit international tout en restant au sein de la République française », a indiqué M. Yanno.
M. SHONU WAYARIDRI, représentant de la Commission éducation et culture du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, s’est présenté comme étant « un Kanak fier de son identité et qui veut rester Français ». Il s’est dit heureux que les non-indépendantistes, qu’il a estimé « majoritaires » puissent s’exprimer sur la scène internationale. « Je suis là pour porter un message différent de celui que vous entendez depuis des années », a poursuivi le pétitionnaire. Il a ajouté qu’il n’était pas moins Kanak que ses « frères indépendantistes » et qu’il voyait son avenir uniquement au sein de la République française. Il a dit que les 130 000 Mélanésiens de la Nouvelle-Calédonie sont dans la région du Pacifique « ceux qui bénéficient du meilleur niveau de liberté, de la plus longue espérance de vie et du meilleur niveau de développement économique et social ». « C’c’est dans la République française que nous pourrons garantir le progrès économique et social dans la paix et le respect de la diversité », a-t-il estimé. « Oui je suis fier d’être Kanak et fier d’être Français », a-t-il ajouté en indiquant que sa famille « a été chassée de sa tribu dans les années 1980 pour n’avoir pas partagé les vues des indépendantistes ». Il a espéré que la Nouvelle-Calédonie sera reconnue au niveau international « comme un territoire autonome restant résolument au sein de la République française ». Il a dit qu’il ne pouvait pas comprendre ceux qui parlent de la France comme une puissance coloniale alors que tout est mis en place pour que la population se prononce librement sur son destin. « La France n’est pas un carcan qui oppresse mais un espace de liberté qui protège », a-t-il conclu.
M. ROCH WAMYTAN, Président du Groupe UC-FLNKS et nationalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, signataire FLNKS de l’Accord de Nouméa, a déclaré que le processus d’émancipation de son pays était freiné volontairement par la Puissance administrante suivant « le sacro-saint principe de la ligne rouge de l’indépendance interdite ». « Tous les moyens sont bons pour la France pour conforter sa domination coloniale dont notamment les transmigrations de nationaux français, les transferts financiers massifs et l’utilisation de la peur comme une arme contre les velléités d’indépendance », a-t-il affirmé. Il a déclaré que la question du corps électoral, sur laquelle ont buté les différents accords politiques, avait ressurgi à l’approche du référendum d’autodétermination de 2018. « C’est d’ailleurs sur cette problématique que les membres du Comité spécial de la décolonisation ont effectué leur mission de visite en Nouvelle-Calédonie au mois de mars 2014 en pointant l’inefficacité de la procédure électorale française », a-t-il souligné.
M. Wamytan a ensuite expliqué que le 5 juin dernier un accord avait été trouvé sur cette question du corps électoral, en prévoyant notamment un élargissement des possibilités de dispense de formalités pour l’inscription sur la liste électorale spéciale référendaire en faveur des natifs citoyens de la Nouvelle-Calédonie. « L’extension de ce périmètre regrouperait entre 80 et 85% des personnes constituant le corps électoral référendaire », a-t-il expliqué, précisant que « le solde restant devra justifier que le centre de leurs intérêts matériels et moraux se situe bien en Nouvelle-Calédonie ».
Puis, M. Wamytan a déclaré que le résultat obtenu était le fruit d’une ultime concession du FNLKS pour sortir de l’impasse dans laquelle la Puissance administrante a conduit la Nouvelle-Calédonie. Jugeant crucial que le Comité renforce son implication sur l’évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie, il a indiqué qu’il ne disposait d’aucune garantie que l’État français et les non-indépendantistes vont respecter leurs engagements. Enfin, il a déclaré que pour atteindre l’objectif recherché –« un acte d’autodétermination honnête, transparent, crédible et incontestable »- il n’était pas possible de faire confiance à l’État français. « Seule l’Organisation des Nations Unies est la garante véritable d’un acte libre et juste », a-t-il conclu.
M. MICKAËL FORREST, du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), a rappelé que l’Accord de Nouméa, signé en 1998 par le FLNKS, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), et l’État français, est dans sa phase finale puisque le référendum irréversible aura lieu au plus tard en novembre 2018. Il a rappelé que l’objectif politique du FLNKS était l’accession de la Nouvelle-Calédonie à un statut de pleine souveraineté internationale. Il a estimé que l’année 2014 a été d’une grande importance pour les indépendantistes Kanak puisque les conclusions et recommandations de la mission de visite du Comité spécial ont confirmé les doutes qu’elle avait sur une mise en œuvre sincère et entière d’un processus moderne et innovant de décolonisation en Nouvelle-Calédonie, particulièrement sur la question des listes électorales. M. Forrest a regretté que malgré l’adoption de la résolution 69/102, le 5 septembre 2014, sur la Nouvelle-Calédonie, aucun organe exécutif n’a pu être mis en place entre le 31 décembre 2014 et 31 mars 2015, faute de dialogue et de consensus de la part des partenaires pro-français majoritaires au Gouvernement. Il a estimé que cette déstabilisation institutionnelle du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par les partis pro-français montre une certaine irresponsabilité dans la gouvernance locale.
Il a précisé que le douzième comité des signataires, tenu le 3 octobre 2014 à Paris, a ouvert les travaux relatifs à l’établissement de la liste référendaire. Il a dit que la puissance de tutelle a convoqué un comité des signataires extraordinaires le 5 juin au cours duquel a été trouvé un consensus sur: l’inscription automatique sur la liste référendaire, à partir de la liste spéciale provinciale, pour une large partie de la population concernée qui est estimée à 80%; la restriction du corps électoral pour les élections provinciales basée sur les personnes ayant pu participer au référendum de ratification de l’Accord de Nouméa le 8 novembre 1998 (point 111 des recommandations de la mission de visite); et le fonctionnement des commissions administratives spéciales de révision des listes modifiée pour y ajouter un observateur considéré comme indépendant (point 112 des recommandations de la mission de visite).
M. Forrest a regretté l’absence de stratégie « pays » au sujet de l’exploitation de la ressource « nickel » qui ne bénéficie pas aux enfants de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Il a souligné la pertinence de la résolution 69/98 de l’Assemblée générale du 5 décembre 2014, relative aux activités économiques préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes. Il a dit « qu’il est nécessaire pour son pays d’optimiser l’exploitation de cette ressource naturelle jusqu’au référendum », avant d’adopter une véritable stratégie qui favorisera un développement durable de la future nation.
« Nous commémorons aujourd’hui, le 26 juin, le vingt-septième anniversaire des Accords de Matignon qui ont ramené la paix et la prospérité dans mon pays au lendemain du massacre des 19 militants indépendantistes d’Ouvéa par l’Armée coloniale française le 5 mai 1988 », a-t-il rappelé. Il a rendu hommage à la mémoire du Grand Chef Nidoïsh Naisseline, décédé le 3 juin 2015, signataire des Accords de Nouméa et leader charismatique du réveil kanak à la fin des années 60. Il a dit que la responsabilité du FLNKS sera de concrétiser la construction de la société multiraciale de Nouvelle-Calédonie avec plus d’équité et de justice dans le respect des valeurs mélanésiennes de solidarité, de partage, et d’humilité.
M. JEAN-LOUIS D’ANGLEBERMES, Vice-Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a voulu répondre point par point aux préoccupations exprimées par le Comité des 24. Il a tout d’abord affirmé que le dialogue était maintenu entre l’ensemble des signataires de l’Accord de Nouméa, les institutions, et les personnalités participants aux travaux du Comité. En ce qui concerne la situation du peuple kanak, il a indiqué qu’il œuvrait depuis 2011, « afin d’offrir à tous les Calédoniens les mêmes chances de réussite ». M. d’Anglebermes a ensuite déclaré que la Nouvelle-Calédonie continuait de travailler à sa plus grande intégration politique en Océanie, indiquant qu’elle souhaitait devenir membre à part entière du Forum des îles du Pacifique. « La Nouvelle-Calédonie est membre de toutes les organisations régionales techniques du Pacifique », a-t-il précisé, avant de reconnaître que la candidature du territoire pour son entrée au Forum des îles du Pacifique n’avançait pas. Il a donc appelé les membres océaniens à soutenir la candidature de la Nouvelle-Calédonie.
Concernant la détermination du corps électoral restreint en Nouvelle-Calédonie, il a indiqué que l’accord politique trouvé le 5 juin était un pas franchi dans le règlement de cette question, « même s’il reste des modalités à mettre en œuvre ». Jugeant important que la population calédonienne ait les moyens de comprendre les enjeux de l’autodétermination, il a expliqué que les programmes scolaires revenaient largement sur l’histoire institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Enfin, concernant le droit inaliénable qu’a le peuple du territoire d’entrer en possession de ses ressources naturelles, M. d’Anglebermes a expliqué que les secteurs de la mine et de la métallurgie constituaient un des transferts de compétence les plus importants de l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.
M. TOMAS NAPOLITANO MARTINEZ (France) a déclaré que la France coopère pleinement avec le Comité spécial de la décolonisation depuis plus de 20 ans sur le dossier néo-calédonien. Après la signature des Accords de Matignon-Oudinot, en 1988, la France a choisi de travailler en toute transparence avec les Nations Unies sur la Nouvelle-Calédonie, dont l’inscription sur la liste des territoires à décoloniser remonte à 1986, a-t-il ajouté. Il a précisé que c’est à la demande des Calédoniens, que le Gouvernement français a récemment réuni un comité des signataires exceptionnel le 5 juin 2015 à Paris. Il a précisé que ce comité avait pour ordre du jour les questions soulevées à l’occasion de l’avis rendu par le Congrès sur le projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, adopté en Conseil des ministres le 8 avril 2015.
M. Napolitano a expliqué que ce projet de loi a pour principal objet, d’une part, de préparer la constitution des listes électorales qui serviront lors de la consultation d’autodétermination et, d’autre part, d’améliorer le fonctionnement des commissions électorales chargées d’établir, puis de réviser ces listes. Il a dit que les partenaires se sont accordés sur les amendements à apporter au projet de loi organique, après 12 heures de négociations. Il a précisé qu’un amendement permettra notamment de dispenser de formalités d’inscription sur la liste électorale pour la consultation référendaire les personnes nées en Nouvelle-Calédonie inscrites sur les listes électorales spéciales des élections provinciales. Les partenaires se sont également accordés pour dispenser de formalités d’inscription une partie des jeunes électeurs nés après 1989, a-t-il indiqué. S’agissant du fonctionnement des commissions administratives, M. Napolitano a indiqué que les partenaires ont donné leur accord unanime pour maintenir, dans le projet de loi, la dévolution de pouvoirs propres d’instruction au président. Ils ont aussi demandé la suppression de la possibilité pour le président de rejeter les demandes manifestement infondées. Concernant l’ajout d’un second magistrat aux commissions électorales, disposition prévue dans le projet actuel, le représentant de la France a précisé que les partenaires se sont accordés pour lui substituer, comme observateur, une personnalité qualifiée, dont le profil et le mode de désignation feront l’objet de discussions dans les prochaines semaines.
Il a dit qu’un groupe de travail local, sous l’égide du Haut-Commissaire, est chargé de préparer un amendement précisant les contours de cette commission consultative d’experts. Le représentant de la France a estimé que le comité des signataires, un aboutissement d'une longue période de consultation des partenaires, fera date dans l’histoire politique de la Nouvelle-Calédonie, chacun reconnaissant que les préoccupations des autres partenaires n’étaient pas illégitimes. Enfin, il a annoncé que le projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté sera présenté et débattu devant le Sénat français lundi prochain.
M. AMADU KOROMA (Sierra Leone) a indiqué que le référendum qui doit se tenir d’ici à 2018 en Nouvelle-Calédonie sera crucial. Quel que soit son résultat, il ne représentera pas la victoire d’une communauté sur une autre, a-t-il affirmé. Il a souligné la nécessité de l’unité à un stade aussi critique de l’histoire du peuple calédonien. Le représentant a indiqué que les questions qui unissent le peuple calédonien étaient plus importantes que celles qui le divisent. Puis, il a lancé un appel à la prudence en ce qui concerne le contrôle des armes légères acheminées en Nouvelle-Calédonie, qui pourraient faire planer une menace sur la bonne tenue du référendum. Le représentant de la Sierra Leone a en outre estimé que le Gouvernement français avait fourni au Comité les éléments d’information nécessaires s’agissant de la situation en Nouvelle-Calédonie. Enfin, il a évoqué les informations faisant état d’une répression violente qui aurait été menée en Nouvelle-Calédonie et a demandé au Gouvernement français de faire toute la lumière sur les évènements concernés.
Question de la Polynésie française (A/AC.109/2015/16 et A/AC.109/2015/L.16)
M. RICHARD ARIIHAU TUHEIAVA, membre élu à la Chambre de l’Assemblée de la Polynésie française, a pris la parole au nom du Groupe Union pour la démocratie française (UDF), et s’est dit heureux que la Polynésie ait pu, après 60 ans d’omission, être réinscrite sur la liste des territoires non autonomes du Comité spécial. « Si les pays peuvent choisir quelles dispositions de la Charte de l’ONU ils appliquent ou n’appliquent pas, leurs appels au respect du droit international dans d’autres domaines sonnent creux », a dit M. Tuheiava. Il a regretté que la France, en tant que Puissance administrante n’ait pas jugé utile de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l’Article 73 (e) de la Charte de l’ONU qui lui impose, en tant que Puissance administrante, la transmission à l’ONU d’informations sur la Polynésie. Ceci n’a malheureusement pas eu lieu depuis la réinscription de la Polynésie en 2013 sur la liste des territoires non autonomes, a regretté M. Tuheiava.
Il a indiqué que la conduite de l’Évaluation du niveau de l’autonomie de la Polynésie française, a mis en évidence les inconsistances du statut de dépendance de la Polynésie française au regard des principes internationaux s’appliquant à l’autonomie. Il a demandé que cette « Évaluation de l’autonomie » soit publiée comme un document officiel de l’Assemblée générale. Il a regretté que les diverses directives de l’Assemblée générale sur la mise en œuvre des résolutions relatives à la décolonisation n’aient pas été en mises en œuvre depuis 25 ans et depuis la première Décennie internationale pour l’éradication du colonialisme. Tout en saluant la pertinence des différents rapports du Secrétaire général sur la mise en œuvre du mandat de la décolonisation, il a regretté que ces rapports n’abordent pas les raisons de la mise en œuvre inadéquate des directives de l’Assemblée générale. Il a jugé particulièrement pertinent pour le territoire de la Polynésien/Ma’ohi Nui l’approche du programme de travail au cas par cas.
M. Tuheiava a ensuite expliqué aux membres du Comité spécial que les essais nucléaires menés par la France en Polynésie représentent l’équivalent de 720 bombes d’Hiroshima qui ont été détonnées dans l’atmosphère, tandis que des engins équivalant à 210 bombes d’Hiroshima ont été testés dans le sous-sol des atolls polynésiens. Il n’est pas nécessaire d’être un savant spécialiste du nucléaire pour imaginer les effets dévastateurs de ces essais sur les populations mélanésiennes aujourd’hui et sur les générations à venir, a déploré le pétitionnaire. Il a estimé que le rapport du Secrétaire général de l’année 2014 portant sur la question est loin d’être complet et se résume à une liste de réponses fournie par deux agences des Nations Unies pour répondre à 22 demandes sur la question. Ce rapport n’apporte que des réponses superficielles, a-t-il souligné. Il a ensuite demandé que le rapport indépendant sur les conséquences des essais nucléaires conduits par la France en Polynésie, produit par le scientifique Bruno Barrillot, qui fournit une analyse détaillée de l’impact des essais nucléaires, soit publié comme un document officiel de l’Assemblée générale des Nations Unies afin que les États Membres puissent disposer des meilleures informations disponibles sur la question. « Il s’agit aujourd’hui d’évaluer les dommages causés par 30 ans d’essais nucléaires menés par la Puissance occupante », a-t-il insisté.
M. Ariihau Tuheiava a ensuite mis l’accent sur l’exploitation et le pillage des ressources naturelles polynésiennes, qui représentent une menace pour l’intégrité des cinq millions de kilomètres carrés d’océan constituant la zone économique exclusive de la Polynésie. Il a jugé inacceptable que les redevances versées par des 10 compagnies aériennes pour s’acquitter de leurs droits d’atterrissage à Tahiti soient versées au trésor de la France et non à la Polynésie. Il a souhaité que l’on mette un terme à un statut politique abusivement appelé « autonomie », qui dans son essence n’est qu’une forme contemporaine de colonialisme. Il a exhorté le Comité spécial à adopter une approche proactive, en commençant par mettre en place un programme de travail au cas par cas et en invitant la Puissance administrante à venir à la table des négociations. « Les droits du peuple polynésien ne seront pas bafoués par la volonté de la Puissance occupante d’enrayer le processus », a-t-il conclu.
Le Président du Comité a noté qu’il y avait des désaccords entre les délégations s’agissant de l’adoption du rapport du séminaire de Managua, au Nicaragua. Il a déclaré à certaines d’entre elles qu’il n’accepterait aucune pression concernant le contenu du document qui a été adopté « dans la transparence et en pleine lumière à l’issue du séminaire » et s’est étonné que des représentants de certaines parties aient essayé de faire pression sur lui pour que certains passages du rapport soient aujourd’hui supprimés. « Je suis prêt à résister à toutes les formes de pression, car c’est le seul moyen de défendre les travaux et l’intégrité de ce Comité », a-t-il averti.
Le représentant de Cuba est intervenu pour déclarer que sa délégation soutenait la manière dont la Président avait dirigé les travaux du Comité et l’appuyait dans sa décision de résister à toute forme de pression.
Les représentants du Venezuela, de la Bolivie, de l’Iraq et du Nicaragua ont également exprimé le ferme soutien de leurs délégations au Président du Comité spécial.
Le représentant du Chili, en sa qualité de Rapporteur, a jugé inacceptables les pressions exercées sur le Président par certains États Membres. « Ce qui figure dans le rapport adopté à Managua est ce qui a été convenu par toutes les délégations au terme des travaux du séminaire », a-t-il affirmé, annonçant qu’il avait lui-même subi des pressions.
Le représentant de la République arabe syrienne a souligné que l’adoption était une question de forme et non de fond, tandis que son homologue de Sainte-Lucie a émis des réserves sur la procédure suivie. Le délégué de l’Iraq a demandé que le Comité procède à l’adoption finale de ce rapport.
Le représentant du Maroc a pris la parole et a déploré « la manière opaque avec laquelle ce rapport avait été préparé ». « Le Maroc s’oppose catégoriquement à ce projet de rapport du séminaire de Managua », a-t-il dit, estimant que le rapport, « en étant trop partial, est nul et non avenu ». Il a aussi affirmé que ce rapport différait des rapports antérieurs et qu’il devait être seulement présenté et non pas adopté par le Comité. Il a également déploré que le rapport ne soit disponible qu’en langue anglaise au moment de la tenue de la réunion de ce jour.
Le représentant de l’Algérie a salué les efforts menés par les membres du Comité spécial pour s’acquitter du mandat qui leur a été confié.
Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a adopté le rapport.