Cinquième Commission: les juges des Tribunaux du contentieux administratif et d’appel de l’ONU ne peuvent plus être considérés comme des fonctionnaires
La Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a adopté aujourd’hui sans vote un projet de résolution* recommandant à l’Assemblée générale que les juges des Tribunaux du contentieux administratif et d’appel de l’ONU ne soient plus considérés comme fonctionnaires. La Commission a aussi recommandé un autre texte** sur la situation de trésorerie de la Mission de l’ONU au Mali et terminé son débat sur les missions politiques spéciales.
Institué en 2009, le système d’administration de la justice à l’ONU comprend les Tribunaux du contentieux administratif et d’appel, pour la procédure formelle, et le Bureau de l’Ombudsman, pour la procédure informelle. Dans son projet de résolution, la Cinquième Commission demande à l’Assemblée générale d’approuver la proposition du Secrétaire général visant à ce que les juges des Tribunaux du contentieux administratif et d’appel « soient considérés comme des personnes qui n’ont pas la qualité de fonctionnaire du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies au titre de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies ». La Commission recommande aussi à l’Assemblée de proroger le mandat des trois juges ad litem d’un an, du 1er janvier au 31 décembre 2016. Pour la Commission, l’Assemblée devrait également se prononcer sur l’éventuelle transformation des postes ad litem en postes à temps plein et sur les conditions d’admission aux futurs postes permanents, après avoir examiné, à sa prochaine session, les recommandations du Groupe d’experts indépendants et du Secrétaire général.
L’Assemblée devrait également rappeler que l’évaluation indépendante intermédiaire du système d’administration de la justice doit porter sur la relation entre la procédure formelle et la procédure non formelle et réaffirmer, ce faisant, que le règlement amiable des différends est un élément « crucial » du système d’administration de la justice. La Cinquième Commission demande donc à l’Assemblée de « déplorer une nouvelle fois » que le Secrétaire général n’ait pas publié de version révisée du mandat du Bureau de l’Ombudsman. Elle devrait prier ce dernier de continuer de recueillir des données sur le nombre de dossiers reçus par le Groupe du contrôle hiérarchique –première étape de la procédure formelle- et le Tribunal du contentieux administratif, afin de discerner les tendances qui se dessinent.
La Commission recommande également à l’Assemblée de prendre note des informations relatives au mécanisme de financement volontaire complémentaire du Bureau de l’aide juridique au personnel et de décider de prolonger la phase expérimentale du mécanisme d’un an, du 1er janvier au 31 décembre 2016. Selon la Commission, l’Assemblée devrait insister sur les moyens de sensibiliser les fonctionnaires de l’ONU à l’importance de contribuer au financement du Bureau.
La Commission recommande enfin à l’Assemblée générale de prendre note de la situation de trésorerie de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et d’approuver*** la nomination au Comité des placements de Mme Linah K. Mohohlo du Botswana, et de MM. Masakazu Arikawa du Japon, Madhav Dhar de l’Inde, Nemir A. Kirdar de l’Iraq, Michael Klein des États-Unis, Ivan Pictet de la Suisse et Gumersindo Oliveros de l’Espagne pour un mandat de trois ans prenant effet le 1er janvier 2016.
S’agissant de la fin du débat sur le financement des missions politiques spéciales qu’elle avait entamé le 1er décembre dernier, la Commission a entendu les représentants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) et de la Turquie plaider pour la création d’un compte distinct pour des missions qui représentent désormais 20% du budget ordinaire. Le compte distinct serait budgétisé, financé et contrôlé tous les ans, sur un exercice allant du 1er juillet au 30 juin, calqué sur celui des opérations de maintien de la paix. Ce serait là le meilleur moyen d’assurer efficacité, transparence et équité dans le processus budgétaire de l’ONU, ont argué ces délégations. Ce serait plutôt le meilleur moyen d’affecter la discipline budgétaire de l’ONU et d’augmenter le budget global, a rétorqué leur homologue du Japon.
« C’est malheureux et intenable », a commenté le représentant de la Norvège, en parlant de la situation actuelle. L’examen des moyens d’améliorer l’efficacité, la transparence et la reddition de comptes des missions politiques spéciales est reporté d’année en année depuis 2011, ainsi que la réflexion sur les moyens d’éviter les chevauchements et de faciliter le contrôle desdites missions, s’est-il impatienté. Il a attiré l’attention sur les quatre recommandations que le Comité pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a faites en 2011 qui, selon lui, sont une bonne base pour parvenir à un accord. La « volatilité » des besoins en financement de ces missions due à leur mandat changeant est difficile à concilier avec un budget-programme dessiné pour une allocation prévisible des ressources, a estimé le représentant.
Enfin, la Commission a été saisie des incidences financières de plusieurs résolutions* de l’Assemblée générale et de ses grandes commissions relatives à l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation de la biodiversité marine au-delà des zones de la juridiction nationale, à l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance et aux progrès de l’informatique et des télécommunications et sécurité internationale.
Hier, le Secrétariat de l’Assemblée générale a indiqué que la Cinquième Commission reportait du 11 au 23 décembre la fin de ses travaux desquels on attend le budget ordinaire 2016-2017 de l’ONU.
PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR L’EXERCICE BIENNAL 2016-2017
Missions politiques spéciales
Pour l’examen de cette question, la Commission était saisie du rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) relatif aux prévisions de dépenses relatives aux missions politiques spéciales, aux missions de bons offices et aux autres initiatives politiques autorisées par l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité (A/70/7/Add.10) et relatif à la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (A/70/7/Add.15).
Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme KAREN TAN (Singapour) a déclaré que la position de son Association reste inchangée: nous réaffirmons notre appui aux recommandations du CCQAB, y compris la création d’un compte distinct aligné sur le cycle budgétaire des opérations de maintien de la paix. La représentante a conclu en appelant les autres délégations à mettre de côté leurs divergences politiques et à parvenir à un accord sur une solution holistique dans l’intérêt des missions politiques spéciales.
Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme AMERICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a souligné que les missions politiques spéciales jouent un rôle fondamental dans les efforts des Nations Unies pour prévenir et résoudre les conflits et pour construire une paix durable. Elle a estimé que leur financement par le budget ordinaire de l’ONU ne permet pas de répondre efficacement à la nature « particulière et volatile » des mandats de paix et de sécurité. Elle a rappelé que le Secrétaire général, le CCQAB, le Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix, le Groupe d’experts sur l’architecture de consolidation de la paix et d’autres groupes et délégations ont clairement proclamé la nécessité de réformer le financement et les arrangements liés au soutien technique des missions politiques spéciales. Elle a aussi rappelé que dans son rapport, le Comité des commissaires aux comptes exprime clairement sa préoccupation face à certains aspects techniques du fonctionnement des missions politiques spéciales dont l’effet négatif sur le budget ordinaire de l’ONU est « magnifié » par la croissance considérable de leur part, soit plus de 20%. La représentante a, à son tour, défendu la création d’un compte distinct qui serait budgétisé, financé et contrôlé tous les ans, sur un exercice allant du 1er juillet au 30 juin, calqué sur celui des opérations de maintien de la paix. Ce serait là le meilleur moyen, a-t-elle argué, d’assurer efficacité, transparence et équité dans le processus budgétaire de l’ONU, sans oublier les nouvelles dispositions sur les arrangements liées au soutien technique.
M. HAJIME KISHIMORI (Japon) a admis que les défis mondiaux viennent avec leur lot d’exigences dans le domaine de la paix et de la sécurité mais a prévenu que les contraintes budgétaires auxquelles font face les États les obligent à y répondre avec des ressources limitées. Dans ce contexte, l’approche la plus efficace est de trouver l’équilibre entre les outils et instruments de paix et de sécurité dont dispose l’ONU, dont les missions politiques spéciales et les opérations de maintien de la paix, pour pouvoir exploiter au mieux leurs avantages comparatifs. Il est donc important de prévoir une transition sans heurt entre les différents instruments et élaborer de bonnes stratégies de transition pour optimiser l’utilisation des ressources. Le représentant a insisté sur la transparence s’agissant des missions politiques spéciales et a appuyé l’avis du CCQAB selon lequel les résultats escomptés et les indicateurs pourraient être améliorés pour mieux voir ce que chaque mission peut réellement faire et les activités dont elle est responsable.
Les missions politiques spéciales, a poursuivi le représentant, devraient se montrer plus comptables de leurs actes grâce à des mandats clairs, des opérations robustes et un calendrier précis. L’amélioration de la transparence, a-t-il insisté, aiderait les États à mieux comprendre les propositions du Secrétaire général sur le budget de ces missions. À ce propos, le représentant a demandé que la somme totale pour 2016 et 2017 reste dans le 1,124 milliard de dollars agréés, ce qui est une réduction de 6 millions de dollars par rapport aux premières estimations. Le représentant a dit ne voir aucune justification à la création d’un compte distinct, avouant craindre qu’un tel compte n’affecte la discipline budgétaire de l’ONU et ne conduise à l’augmentation du budget global.
Intervenant aussi au nom de la Suisse, M. GEIR O. PEDERSON (Norvège) a regretté qu’alors que les missions font face à des situations de plus en plus difficiles, le Secrétariat ne soit toujours pas doté des mécanismes adéquats de financement et de soutien technique pour ces missions. L’examen des moyens d’améliorer l’efficacité, la transparence et la reddition de comptes des missions est reporté d’année en année depuis 2011, ainsi que la réflexion sur les moyens d’éviter les chevauchements et de faciliter le contrôle desdites missions. « C’est malheureux et non viable », a tranché le représentant. Il faut doter le Secrétariat des bons instruments pour qu’il puisse faire son travail et pour rendre les missions les plus efficaces possibles. Un accès souple aux fonds pour le soutien technique et une enveloppe budgétaire annuelle sont « essentiels » pour des missions aux mandats multiples et en constante mutation.
Le représentant s’est dit confiant que cette session est la bonne, invoquant, à son tour, le Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix et le Groupe d’expert sur l’architecture de consolidation de la paix qui ont appuyé tous deux les quatre recommandations que le CCQAB a faites en 2001. Ces quatre recommandations, a estimé le représentant, sont une bonne base pour parvenir à un accord mais, a-t-il concédé, nous sommes ouverts à d’autres propositions, tout en insistant sur le fait que la « volatilité » des besoins en financement des missions due à leur mandat changeant est difficile à concilier avec un budget-programme dessiné pour une allocation prévisible des ressources.
M. AMMAR AL-KHALIDY (Iraq) a exhorté la Cinquième Commission à consacrer à la Mission de l’ONU de son pays le financement nécessaire pour lui permettre de faire face aux défis particuliers découlant du climat sécuritaire.
Le mode de financement des missions politiques spéciales n’est plus ni optimal ni viable, a tranché, à son tour, Mme ZEYNEP ERŞAHIN AŞIK (Turquie). Il faut, s’est-elle expliquée, un cadre de financement qui s’accommode mieux que le budget-programme de la volatilité et de l’imprévisibilité des besoins en ressources. Il est temps, a insisté la représentante, de penser à des ajustements financiers voire à la création de nouveaux mécanismes financiers. Un compte spécial et distinct pour les missions politiques spéciales qui serait budgétisé, financé et examiné sur une base annuelle semble être la seule option viable, a estimé la représentante.