Cinquième Commission: Impatience face à l’absence d’accord sur la création d’un compte distinct pour financer les missions politiques spéciales
« Quatre sessions sans consensus ne sauraient excuser l’inaction aujourd’hui», a prévenu le représentant du Mexique, alors que la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires examinait la proposition budgétaire de 34,5 millions de dollars pour 14 missions politiques spéciales en 2016, soit des équipes de surveillance et des groupes d’experts liés aux différents régimes de sanctions décidés par le Conseil de sécurité. Avec trois autres de ses homologues, le représentant mexicain a, une nouvelle fois, demandé pour le financement de ces missions, la création d’un compte distinct, calqué sur le cycle budgétaire des opérations de maintien de la paix.
Cela fait cinq ans, a rappelé la représentante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), que nous échouons à réformer le financement et les arrangements de soutien logistique des missions politiques spéciales. Le budget ordinaire de l’ONU diminue mais la part de ces missions continue d’y augmenter. En supposant que le Conseil de sécurité ne crée pas de nouvelles missions, ces deux prochaines années, leur coût devrait quand même augmenter de 8,4 millions de dollars et représenter 20% du budget ordinaire, « cannibalisant » inévitablement les autres priorités budgétaires comme le développement, a dénoncé la représentante.
Il est important de garantir l’équilibre dans la répartition des ressources afin de ne pas porter préjudice aux objectifs de l'ONU, a renchéri son homologue du Conseil de coopération du Golfe. On ne peut qu’être déçu du manque de volonté de certaines délégations de participer de manière constructive aux discussions, a ajouté le représentant de la Communauté des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) et pourtant, a expliqué la représentante de l’ASEAN, la validité des recommandations du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) vient d’être confirmée par le rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix.
À ce rapport, son homologue du Mexique a ajouté celui du Groupe d’experts sur l’architecture de consolidation de la paix, la déclaration du Secrétaire général demandant « une action immédiate » et le rapport du Comité des commissaires aux comptes qui s’inquiète de divers aspects techniques du fonctionnement des missions politiques spéciales. Tous les rapports et recommandations, a-t-il tenu à souligner, ont été rédigés par des experts techniques et politiques de toutes les régions du monde qui se sont ainsi faits l’écho du souci des États Membres. « Ce ne sont pas des gens pauvres qui auraient un agenda caché. », a taclé le représentant.
La réforme des missions politiques spéciales est « essentielle, techniquement viable et absolument justifiée par les faits », a-t-il souligné. Échouer sur une question que tous veulent faire avancer et que tous ont dit et redit vouloir négocier, serait « injuste, inéquitable, et surtout, invivable et dangereux», a-t-il prévenu, en insistant sur la nécessité de créer un compte distinct calqué sur le cycle budgétaire des opérations de maintien de la paix. Quelque 34 des 36 missions politiques spéciales actuelles découlant d’une décision du Conseil de sécurité, la représentante de l’ASEAN a promis, qu’au cours des négociations, son Association se souviendra des résolutions de l’Assemblée qui demandent que l’on garde à l’esprit la responsabilité particulière des membres permanents du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Son homologue du Groupe des États d’Afrique a dit compter que cette question sera réglée par consensus d’ici la fin de la session. « Notre Groupe se tient prêt à apporter des idées innovantes ». Le Contrôleur des Nations Unies, Mme Bettina Tucci Bartsiotas, qui présentait le rapport du Secrétaire général, a précisé qu’afin de conserver les performances des 14 équipes de surveillance des sanctions et de groupes d’experts, il faut pour 2016 des crédits de 34,5 millions de dollars, ce qui représente une baisse de 3,9% par rapport à 2015. Le Président du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires, M. Carlos Ruiz Massieu, a recommandé à la Commission d’approuver globalement ce projet de budget, mais d’y inclure la baisse du budget alloué au Groupe d’experts sur le Libéria.
La Cinquième Commission poursuivra ses travaux vendredi 6 novembre, à partir de 10 heures.
Budget-programme de l’exercice biennal 2016-2017
Missions politiques spéciales (A/70/348/Add.2 et A/70/7/Add.12)
Présentation et débat général
Au nom de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme KAREN TAN (Singapour) a estimé que le fonctionnement optimal des missions politiques spéciales devait être la priorité des États Membres. Nous avons néanmoins échoué, a-t-elle avoué, à réformer le financement et les arrangements de soutien logistique de ces missions au cours des cinq dernières années, alors que nous avons des recommandations formulées par le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) depuis 2011 et dont la validité a été confirmée par d’autres entités dont le Groupe de travail indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix.
Il est temps de mettre en œuvre ces recommandations, a martelé la représentante, au risque de compromettre l’efficacité et les capacités de l’Organisation. Le budget ordinaire diminue en termes absolus, a-t-elle poursuivi, notant que le Secrétaire général propose un montant de 5,57 milliards de dollars pour 2016 et 2017, soit 1,6% de moins que l’exercice biennal précédent. Or, a fait observer la représentante, la part des missions politiques spéciales continuent de croître dans ce budget en baisse. En supposant que le Conseil de sécurité ne crée pas de nouvelles missions politiques spéciales, ces deux prochaines années, leur coût devrait quand même augmenter de 8,4 millions de dollars, ce qui veut dire qu’elles représenteront 20% du budget ordinaire. Dans un contexte budgétaire que certains États Membres veulent maintenir inchangé, chaque augmentation du budget des missions politiques spéciales « cannibalise » inévitablement les autres priorités budgétaires comme le développement, important pour de nombreux pays.
Les missions politiques spéciales exigent notre attention urgente depuis cinq ans, a insisté la représentante, avant de plaider pour la création d’un compte distinct qui s’alignerait avec le cycle budgétaire des opérations de maintien de la paix et qui faciliterait ainsi la mise en œuvre des recommandations relatives au transfert entre les missions et les ressources auxquelles n’ont accès que les opérations de maintien de la paix. La solution, a insisté la représentante, doit être holistique. Une approche fragmentée fondée sur des intérêts politiques plutôt que sur ce qui fonctionne le mieux risque de créer des problèmes.
La représentante a noté que 34 des 36 missions politiques spéciales actuelles découlaient d’une décision du Conseil de sécurité, dont quelques-unes se rapprochent plus d’une opération de maintien de la paix que d’une véritable mission politique. L’ASEAN, a conclu la représentante, se souviendra, au moment des négociations, des résolutions de l’Assemblée qui demandent que l’on garde à l’esprit, lorsque l’on discute des contributions au financement des opérations de paix, la responsabilité particulière des membres permanents du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. DIEGO MOREJÓN PAZMIÑO (Équateur) a exprimé sa préoccupation face au financement actuel des missions politiques spéciales et à l’absence d’un accord sur un soutien efficace à ces missions. Notant, à son tour, que le budget de ces missions était « monté en flèche », ces dernières années, avec des effets de distorsion sur le budget ordinaire, le représentant a souligné l’urgence de revoir les mécanismes en vigueur. Il s’est dit déçu du manque de volonté de certaines délégations de participer de manière constructive aux discussions. Les mécanismes de financement actuels, a-t-il insisté, ne suffisent plus. La CELAC est favorable à la création d’un compte distinct, sur le modèle des opérations de maintien de la paix afin d’améliorer l’efficacité et la transparence. Contributeur important au budget des missions politiques spéciales, la CELAC est particulièrement attachée à l’amélioration de leur gestion et de leur supervision.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. JUSTIN KISOKA (République-Unie de Tanzanie) a pris note du fait que l’enveloppe budgétaire proposé en 2016 pour 14 missions politiques spéciales est de 34,5 millions de dollars, soit une baisse de 1,40 million par rapport aux ressources approuvées en 2015. Il a aussi noté qu’aucune ressource extrabudgétaire n’a été demandée ni pour 2015 ni pour 2016 pour le Groupe d’experts, à l’exception de l’appui au Comité créé en vertu de la résolution 1540 du Conseil de sécurité et à la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. Le représentant a d’ailleurs demandé plus de détails sur la composition des différents groupes d’experts, leur processus de sélection et leur rentabilité, soulignant l’importance de faire appel à davantage d’experts qui sont déjà sur place. Il a aussi voulu en savoir plus sur le soutien fourni au Groupe d’experts par les Départements des affaires politiques, de la sécurité et de la sûreté et de l’appui aux missions. Il a souligné la nécessité pour l’ONU de travailler en partenariat avec l’Union africaine et ses organisations sous-régionales dans ce domaine. Il a d’ailleurs voulu en savoir plus sur les efforts déployés pour renforcer les arrangements existants. Enfin, s’agissant du financement et des arrangements de soutien logistique des missions politiques spéciales, il a dit compter que cette question soit réglée par consensus d’ici la fin de la session. « Notre Groupe se tient prêt à apporter des idées innovantes au cours des consultations », a conclu M. Kisoka.
Au nom des États Membres du Conseil de coopération du Golfe, M. GHANIM AL-HUDAIFI AL-KUWARI (Qatar) a rappelé que les missions politiques spéciales s’acquittent de tâches de plus en plus complexes, ce qui a abouti à une augmentation de leur nombre et donc à un besoin de ressources supplémentaires, ce qui a un impact sur le budget ordinaire de l’ONU. Il est important de garantir l’équilibre dans la répartition des ressources afin de ne pas porter préjudice aux objectifs de l’ONU, a souligné le représentant. Préoccupé par le fait que la Commission n’ait pu trouver de solutions après les recommandations que le CCQAB a faites en 2011, le représentant a rappelé qu’il était nécessaire d’accroître la transparence et la budgétisation, proposant que les critères appliqués aux missions politiques spéciales soient calqués sur ceux des opérations de maintien de la paix, ce qui pointe vers la création d’un compte distinct.
M. FELIPE GARCÍA LANDA (Mexique) a souligné la nécessité de régler la question du financement et des arrangements de soutien logistique des missions politiques spéciales. « Quatre sessions sans consensus ne sauraient excuser l’inaction aujourd’hui», a prévenu le représentant. Dire que les arrangements actuels ne sont pas l’idéal serait faux, la situation est à bien des égards « grave », a insisté le représentant, jugeant « inacceptable » de rester sourd aux appels et supplications des missions déployées dans des endroits aussi critiques que l’Iraq, le Burundi ou encore le Yémen. Le représentant a aussi rappelé que ces derniers mois, trois documents de grande importance sont venus confirmer l’urgence d’une réforme, à savoir le rapport du Groupe d’experts sur l’architecture de consolidation de la paix, celui du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de maintien de la paix et la déclaration du Secrétaire général demandant « une action immédiate ».
À ces documents, le Mexique, a dit le représentant, voudrait ajouter le rapport du Comité des commissaires aux comptes qui s’inquiète de divers aspects techniques du fonctionnement des missions politiques spéciales. Un des moyens de répondre à ces préoccupations, a suggéré le représentant, serait de créer un compte spécial et distinct aligné avec le cycle budgétaire des opérations de maintien de la paix. Tous les rapports et recommandations, a-t-il tenu à souligner, ont été rédigés par des experts techniques et politiques de toutes les régions du monde qui ont ainsi fait écho aux soucis des États Membres. « Ce ne sont pas des gens pauvres qui auraient un agenda caché. »
La réforme des missions politiques spéciales, a poursuivi le représentant, est « essentielle, techniquement viable et absolument justifiée par les faits ». Pour y parvenir, nous devons prendre en compte les recommandations du CCQAB car il est on ne peut plus clair que la majorité des États veulent que des mesures soient prises pour corriger « ces anomalies injustifiables ». Dans ce cadre, il faut se rappeler que tenir compte des différentes positions et travailler ensemble pour parvenir à une solution négociée est la condition d’un bon fonctionnement de l’ONU, surtout à la Cinquième Commission qui travaille par consensus. Échouer, en particulier sur une question que tous veulent faire avancer et que tous ont dit et redit vouloir négocier, serait « injuste, inéquitable, et surtout, invivable et dangereux», a prévenu le représentant.