En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dixième session,
9e séance – matin
AG/AB/4171

Cri d’alarme à la Cinquième Commission: à deux mois de la fin de son cycle, le budget ordinaire de l’ONU accuse des arriérés d’un milliard de dollars

La Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a débattu ce matin de la situation financière des Nations Unies* et entendu un cri d’alarme face aux arriérés d’un milliard de dollars au budget ordinaire de l’ONU. 

Le 15 octobre dernier, le Secrétaire général adjoint à la gestion, M. Yukio Takasu, a informé la Cinquième Commission d’une situation financière « globalement saine et positive » à l’ONU mais prévenu que des problèmes se poseront à la fin de l’année si les arriérés d’un milliard de dollars au budget ordinaire 2014-2015 ne sont pas payés.

La situation financière de l’ONU est la somme des paiements effectués par les États Membres au titre du budget ordinaire et des budgets des opérations de maintien de la paix, des Tribunaux pénaux internationaux et de leur mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles, ainsi que du plan de réhabilitation du Siège de l’ONU à New York.  Il faut aussi soustraire ce que l’ONU doit rembourser aux pays contributeurs de troupes et de matériel aux opérations de maintien de la paix.

« Sur 2,77 milliards de dollars attendus pour 2015, un milliard est encore dû », ont regretté les délégations, dont le Groupe des 77 et la Chine et la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC).  À ce jour, 134 États Membres sur 193 ont payé la totalité de leurs contributions au budget ordinaire, a indiqué aujourd’hui le Secrétaire général adjoint à la gestion, avant que les représentants de l’Union européenne, de la CELAC et du groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) notent que trois États Membres cumulent à eux seuls la presque totalité des arriérés.  

Le taux plafond de 22% a pourtant été décidé en 2000 pour faciliter le paiement des arriérés et améliorer la situation financière de l’ONU, ont fait remarquer le Groupe des 77 et la Chine qui se sont dits préoccupés, comme le représentant de Cuba, par le niveau élevé des arriérés du « principal contributeur de l’ONU »**.  Les pays en développement ou faisant face à des difficultés économiques particulières se sont pourtant acquittés à temps de leurs obligations financières, ont fait remarquer plusieurs délégations, dont l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). 

En ce qui concerne le budget des Tribunaux pénaux internationaux, le Secrétaire général adjoint à la gestion a également fait une mise à jour et précisé qu’au 22 octobre, 96 États Membres étaient à jour de contributions et 30, s’agissant des opérations de maintien de la paix.  Avec 17 opérations, 100 000 Casques bleus en activité et un budget total de 7,8 milliards de dollars, il est de la plus haute importance que les États s’acquittent de leurs obligations financières, a martelé le représentant de la Malaisie.

La Cinquième Commission devant discuter cette année de nouveaux barèmes des contributions au budget ordinaire et à celui des opérations de maintien de la paix, le représentant du Sénégal a d’emblée jugé légitime de s’interroger sur la pertinence d’augmenter les quotes-parts des pays en développement alors qu’ils font face à d’énormes difficultés dues à la crise économique et à un lourd endettement. 

À ce propos, l’ASEAN et le Groupe des 77 et la Chine ont prié instamment le Secrétariat de l’ONU de régler les montants dus aux pays fournisseurs de contingents et de matériel, dont la plupart sont des pays en développement qui ne peuvent supporter ces retards de paiement trop longtemps, s’est impatienté le représentant du Groupe des 77 et de la Chine.  Lors de la séance du 15 octobre, le Secrétaire général adjoint à la gestion avait assuré les États du souci du Secrétariat d’accélérer les remboursements, en promettant que la dette de l’ONU passerait de 779 millions de dollars en 2014 à 577 millions de dollars à la fin de cette année. 

La prochaine réunion de la Cinquième Commission est prévue mardi 27 octobre à partir de 10 heures.

 

*     A/70/433
**    Les États-Unis assument 22% du budget ordinaire de l’ONU

 

AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (A/70/433)

Débat général

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. LYLE DAVIDSON (Afrique du Sud) a fait remarquer qu’alors que les contributions impayées au budget ordinaire de l’ONU et à celui des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda sont légèrement supérieures à celles d’octobre 2014, les versements des quotes-parts aux opérations de maintien de la paix ont, quant à eux, augmenté.  Le Groupe des 77 et la Chine reconnaissent que le Secrétariat de l’ONU fait des progrès pour rembourser les États contributeurs de contingents et d’équipements aux opérations de maintien de la paix mais appellent tout de même ce dernier à réduire, de manière significative, les arriérés d’ici à la fin de l’année.  De nombreux pays fournisseurs de troupes sont des pays en développement et ne peuvent donc pas supporter ces retards de paiement trop longtemps.

Conscients de la nécessité d’assurer la stabilité financière de l’ONU, a poursuivi le représentant, le Groupe des 77 et la Chine réaffirment leurs obligations en vertu de la Charte des Nations Unies.  S’ils veulent bien faire preuve de compréhension à l’égard des États confrontés à de véritables difficultés économiques, ils militent néanmoins pour le versement à temps et sans conditions des quotes-parts.  Le Groupe des 77 et la Chine rejettent, dans ce cadre, toutes les mesures coercitives unilatérales contraires au droit international et qui font obstruction aux paiements des quotes-parts par certains de ses membres.  Le taux plafond de 22%, a conclu le représentant, ayant été décidé en 2000 pour faciliter le paiement des arriérés et améliorer la situation financière de l’ONU, le Groupe des 77 et la Chine ne peuvent donc être que préoccupés par le niveau élevé des arriérés du principal contributeur de l’ONU.

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme AMERICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a relevé, à son tour, une situation financière globalement positive.  Elle s’est cependant inquiétée des pressions auxquelles pourrait faire face le budget ordinaire d’ici à la fin 2015.  Elle a insisté sur le fait que le milliard de dollars qui reste à recouvrer était dû par un petit nombre d’États.  La situation financière à la fin de cette année dépendra largement de ce que feront ces derniers.  Ces États, s’est-elle impatientée, doivent faire face à leurs obligations financières conformément à l’Article 17 de la Charte qui stipule que « les dépenses de l’Organisation sont supportées par les États Membres selon la répartition fixée par Assemblée générale ».  La représentante s’est félicitée qu’au 22 octobre 2015, 134 États Membres avaient réglé l’ensemble de leurs contributions au budget ordinaire alors que, a-t-elle dénoncé, c’est presque toujours le même État qui est le principal débiteur.  La représentante a appelé le Secrétariat de l’ONU à minimiser l’impact de ces pressions économiques, sans oublier de saluer les pays en développement qui se sont acquittés de leurs obligations financières malgré leurs problèmes.

En ce qui concerne les remboursements aux pays fournisseurs de troupes et de matériels, la représentante s’est félicitée de ce que le montant dû devrait baisser à 577 millions de dollars d’ici fin 2015 grâce aux efforts du Secrétariat pour simplifier et accélérer les procédures.  Elle a, à son tour, rejeté toute mesure unilatérale contraire au droit international qui empêche certains pays de la région d’Amérique latine et des Caraïbes de payer leurs contributions à l’ONU.  

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. JOSEPH TEO (Singapour) s’est félicité qu’au 15 octobre, 130 États Membres, y compris les 10 États membres de l’ASEAN, aient intégralement versé leurs contributions au budget ordinaire, soit un nombre plus important qu’en 2014 à la même période.  Malgré cela, le montant des contributions impayées reste supérieur à celui de l’année dernière et le budget ordinaire fait face à un sérieux problème de trésorerie, a dénoncé le représentant, qui a appelé les États Membres concernés à honorer leurs obligations sans conditions.  Il a également relevé les arriérés de paiement aux États contributeurs de troupes et prié le Secrétariat de l’ONU de s’en acquitter.  L’ONU, a tenu à souligner le représentant, a besoin de ressources pour remplir ses mandats et faire face à la lourde responsabilité de répondre aux défis que le monde affronte, que ce soit la violence extrémiste ou les changements climatiques.

M. FRANCESCO PRESUTTI, de l’Union européenne, a jugé inquiétant le niveau des montants non acquittés au budget ordinaire.  Il a aussi noté que le nombre de pays qui ont réglé la totalité de leurs contributions aux budgets des Tribunaux pénaux internationaux et des opérations de maintien de la paix avait diminué par rapport à la même période en 2014.  Même si les indicateurs financiers sont plutôt positifs pour 2015, le représentant s’est dit inquiet pour le budget ordinaire dont la situation est entre les mains d’une poignée de pays responsables d’un arriéré de 1,05 milliard de dollars.  Les États de l’Union européenne tiennent à ce que l’ONU soit dotée des moyens nécessaires à son action, même s’ils jugent que l’on peut encore améliorer son fonctionnement et son efficacité et faire des économies.  

Au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), M. KENT VACHON (Canada) a noté avec préoccupation l’avertissement du Secrétaire général adjoint à la gestion selon lequel les Nations Unies se retrouveraient dans une situation financière extrêmement difficile, à moins que les trois pays qui doivent la majeure partie des arriérés de 2,5 milliards de dollars ne les paient avant la fin de l’année.  Le représentant les a donc exhortés à honorer leurs obligations, sans oublier de rappeler, à son tour, que les pays fournisseurs de contingents et d’équipements attendent toujours le remboursement des dépenses qu’ils ont engagées.  Le groupe CANZ, a insisté le représentant, dénonce le caractère « inique » d’une situation où des États paient intégralement et à temps leurs contributions alors que d’autres prennent leur temps.  Tous les États, a-t-il martelé, doivent honorer leurs obligations en vertu de la Charte et ceux qui sont autorisés à le faire doivent recourir au mécanisme d’aide existant pour payer leurs arriérés, en présentant dûment un échéancier de paiement pluriannuel. 

En raison des contraintes budgétaires auxquelles sont confrontés de nombreux États, il incombe au Secrétariat de l’ONU, a estimé le représentant, d’améliorer et d’adapter constamment ses pratiques, de chercher activement à réaliser des gains d’efficacité et de veiller à une exécution plus efficace des programmes.  Le groupe CANZ réaffirme sa détermination à soutenir les efforts du Secrétaire général pour accroître la rigueur financière, améliorer le contrôle et s’assurer que l’on rende compte des résultats.

M. HAJIME KISHIMORI (Japon) s’est dit particulièrement fier que le Japon se soit acquitté intégralement de toutes ses contributions au budget ordinaire et à ceux des opérations de maintien de la paix, des Tribunaux pénaux internationaux et du plan-cadre d’équipement, malgré un cycle budgétaire différent de celui de l’ONU.  Le représentant a mis l’accent sur la responsabilité des États de verser leurs contributions à temps et intégralement.  Il a salué les efforts du Secrétariat de l’ONU pour utiliser ses ressources de manière plus efficace et lui a demandé de nouveau de poursuivre sur cette voie, voire de s’améliorer.  Il a invité l’Assemblée générale à s’efforcer de dégager les solutions les plus raisonnables lors de l’examen des différentes propositions budgétaires.  

M. RAMLAN IBRAHIM (Malaisie) a rappelé que le financement de l’Organisation est une obligation qui incombe à tous les États Membres.  Tout en soulignant une situation financière saine dans l’ensemble, il s’est dit préoccupé par le fait que 1,05 milliard de dollars reste à recouvrer au titre du budget ordinaire.  Il s’est également dit inquiet devant les arriérés de 1,46 milliard de dollars au budget des opérations de maintien de la paix.  Avec 17 opérations, 100 000 Casques bleus en activité et un budget total de 7,8 milliards de dollars, il est de la plus haute importance que les États s’acquittent de leurs obligations financières, a martelé le représentant.  « L’autorité et l’efficacité de notre Organisation dépend de l’engagement financier de tous les 193 États Membres », a insisté le représentant. 

M. KEOPASEUTH CHANTHAPHIM (République démocratique populaire lao) a souligné que, sans ressources adéquates, l’Organisation ne pourrait pas remplir ses mandats et qu’il était important que les États remplissent leurs obligations financières à temps et sans conditions.  Le représentant a exprimé sa satisfaction face aux indicateurs budgétaires qui ont été présentés et a fait remarquer que son pays, malgré des ressources limitées et des contraintes budgétaires, avait réussi à honorer ses obligations.

M. CHEIKH TIDIANE DEME (Sénégal) s’est inquiété du montant d’un milliard de dollars qui reste à recouvrer au titre du budget ordinaire, en notant, à son tour, que la situation financière à la fin de 2015 dépendra largement de ce que feront les États Membres débiteurs.  Il s’est aussi inquiété de la tendance à l’augmentation de contributions volontaires pour des activités importantes au détriment du budget ordinaire, avec le risque d’entrainer un déséquilibre dans les programmes à mettre en œuvre.

« Malgré des ressources limitées et un environnement économique peu favorable, le Sénégal s’est fait un devoir, à la mesure de ses responsabilités sur la scène internationale, d’honorer l’intégralité de ses obligations financières vis-à-vis de l’Organisation », s’est enorgueilli le représentant.  Il a estimé que les contraintes financières imposées aux budgets nationaux doivent nous pousser à « une gestion plus parcimonieuse dans un contexte de rareté ».  Avec un projet de budget ordinaire 2016-2017 estimé à 5,568 milliards de dollars, soit une augmentation de 180 millions de dollars par rapport au budget précédent, le représentant du Sénégal a exhorté l’ONU à faire preuve « d’imagination » en vue de renforcer l’efficacité de ses actions.  Il s’est félicité des efforts du Secrétariat en matière de maîtrise des coûts de fonctionnement, de la rationalisation des postes et, par conséquent, de la diminution de la masse salariale.   

Il a appelé à la création d’un compte séparé pour le financement des missions politiques spéciales en notant que leur part atteint 1,1 milliard de dollars dans le budget ordinaire.  Il a estimé que certaines initiatives en cours telles que le progiciel de gestion intégré « Umoja », les Normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS), le dispositif amélioré de mobilité et le futur dispositif de prestation de services centralisée constituent une bonne base pour renforcer l’efficience et l’efficacité du système de l’ONU.  

Le représentant a rappelé que l’Article 17 de la Charte des Nations Unies stipule que « les dépenses de l’Organisation sont supportées par les États Membres selon la répartition fixée par l’Assemblée générale ».  Dans ce contexte, il a fait siennes les observations du Groupe des 77 et de la Chine et celles du Groupe des États d’Afrique sur la primauté qui doit revenir à l’Assemblée générale en ce qui concerne toute décision relative au barème des quotes-parts des contributions.  La « capacité de paiement » devrait faire l’objet de larges discussions au niveau des États Membres.  Il a jugé légitime de s’interroger sur la pertinence d’augmenter les quotes-parts des pays en développement alors qu’ils font face à d’énormes difficultés dues à la crise économique et à un lourd endettement.

M. YOTAM GOREN (Israël) a fait remarquer qu’Israël faisait partie depuis quelques années du petit groupe d’États Membres qui versaient intégralement toutes leurs quotes-parts sans retard et que ces efforts s’inscrivaient dans une volonté politique de devenir plus proactif sur les questions budgétaires et administratives de l’ONU.  Il est de la responsabilité de tous les États de fournir les ressources financières nécessaires à l’Organisation pour qu’elle remplisse ses mandats, à condition que ces mandats soient conformes à la Charte, sans à priori ni partialité, a insisté le représentant. 

M. JAVIER ENRIQUE SANCHEZ AZCUY (Cuba) a déclaré que l’ONU doit élargir son champ d’action mondial pour faire face à l’éradication de la pauvreté, aux changements climatiques et au nouveau programme de développement durable, ce qui est impossible sans assise financière stable et prévisible.  Le paiement à temps et sans conditions des quotes-parts étant un impératif de la Charte, il est regrettable que les plus gros impayés soient le fait d’un seul État Membre qui, par ailleurs, bénéficie de la principale distorsion dans la méthodologie de calcul des quotes-parts, a lancé le représentant.  La rétention volontaire de paiement compromet la stabilité financière de l’Organisation, a-t-il dit, réitérant l’appel lancé au Secrétariat de l’ONU pour qu’il déploie tous les efforts nécessaires et minimise l’impact de ces arriérés.  Cependant, exiger des résultats en même temps que l’on réduit les ressources est « illusoire » et la réduction arbitraire des budgets hypothèquent la mise en œuvre des mandats de l’ONU, a souligné le représentant.

Il a dénoncé les mesures coercitives unilatérales, contraires au droit international, qui entravent le paiement des contributions.  Cuba, a-t-il rappelé, souffre depuis plus de 50 ans des conséquences du blocus imposé par les États-Unis, ce qui contrevient à toutes les normes du droit international, à commencer par la Charte elle-même.  Le représentant a toutefois rappelé qu’un premier pas positif avait été fait avec le rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis.  Il a appelé à la fin du blocus, le qualifiant de système de sanctions unilatérales « le plus injuste, le plus sévère et le plus long » jamais imposé à un pays.

 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.