Cinquième Commission: Les soupçons de corruption sur un ancien président de l’Assemblée générale incitent au renforcement des organes de contrôle de l’ONU
Le cas du diplomate soupçonné par la police newyorkaise d’avoir « converti l’ONU en plateforme de gains » alors qu’il était Président de l’Assemblée générale a conduit aujourd’hui des délégations à demander le renforcement des organes de contrôle et de prévention de la fraude de l’ONU. La Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, examinait le rapport du Bureau des services de contrôle interne (BSCI), à la lumière des recommandations du Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit (CCIQA).
Le rapport du BSCI va du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, période au cours de laquelle le Bureau a fait 1 031 recommandations dont 109 jugées critiques pour l’efficacité de l’ONU. « À la lumière des récentes allégations de corruption concernant un ancien Président de l'Assemblée générale de l’ONU », le représentant de l’Union européenne a fait sien l’engagement du Secrétaire général à pratiquer la tolérance zéro pour les cas de corruption. Dans ce contexte, la représentante des États-Unis s’est dite, comme le CCIQA, le BSCI et le Contrôleur de l’ONU, inquiète de l’insuffisance du dispositif de prévention et de détection de la fraude au sein de l’Organisation. Elle a jugé impératif que le BSCI travaille avec le Département de la gestion pour s’assurer que les directives relatives à la fraude soient claires et que tout risque potentiel fasse immédiatement l’objet d’une enquête. Elle a exhorté le BSCI à être plus proactif et à mener des enquêtes sur tous les cas de fraudes, de mauvaises gestion, de corruption, d’abus sexuels, y compris par des audits judiciaires.
Cet appel a été relayé par le représentant suisse qui parlait aussi au nom du Liechtenstein. Les fonctions d’investigations doivent être renforcées, a-t-il dit, car les États Membres et leurs contribuables sont en droit de savoir si les programmes de l’ONU obtiennent les résultats escomptés avec un maximum d’efficacité et d’efficience. Son homologue de l’Union européenne a insisté sur les recommandations du CCIQA relatives à l’efficacité de la performance de l’ONU et à l’indépendance opérationnelle du BSCI.
Le Bureau devrait établir un plan stratégique à long terme, tenant compte des principaux risques recensés par l’administration et aux initiatives de réforme les plus récentes du Secrétariat, a, entre autres, expliqué le Président du CCIQA, M. Joseph Christopher Mihm.
Les efforts du BSCI pour maintenir une coordination régulière avec les autres entités de contrôle de l’ONU ont été salués par la représentante de l’Afrique du Sud, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, qui a cité le Comité des commissaires aux comptes (CCC) et le Corps commun d’inspection (CCI).
La Cinquième Commission entamera mercredi, 14 octobre, à partir de 10 heures, l’examen des rapports financiers de l’exercice budgétaire clos le 31 décembre 2014.
Projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2016-2017 (A/70/6 –Sect 1 à 36)
Concluant son débat entamé hier avec la présentation du projet de budget-programme par le Secrétaire général de l’ONU, la Commission a entendu les remarques de la République de Corée, de la Fédération de Russie, de Cuba et de la Tanzanie, au nom du Groupe des États d’Afrique. Réagissant à ces interventions, le Secrétaire général adjoint à la gestion, M. YUKIO TAKASU, a rappelé que le projet de budget initial de 5,741 milliards de dollars a été réduit à 5,558 milliards après des négociations avec les États Membres qui ont abouti à une réduction de 120 millions de dollars du financement des missions politiques spéciales et de 30 millions de dollars économisés dans les différents chapitres du budget-programme. Après avoir constaté un manque de clarté et l’absence de détails sur le projet de restructuration régionale du bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le représentant de la Fédération de Russie a tenu à rappeler que toute décision relative à la création ou à la suppression de postes relevait de la seule autorité de l’Assemblée générale. Hier, le Secrétaire général exprimait en effet son intention de supprimer 82 postes, de geler provisoirement le renouvellement de 81 autres et de reporter la création de 62 autres postes initialement prévue en 2015. Le représentant russe s’est aussi inquiété de la tendance croissante à financer par le budget ordinaire des programmes traditionnellement dotés de ressources extrabudgétaires.
Son homologue de Cuba est revenu comme l’ont fait hier le Groupe des 77 et la Chine, sur la manière dont certains États Membres interprètent l’esquisse budgétaire. « Ce n’est ni une camisole de force ni un mandat de procéder à des coupes sombres » s’est-il impatienté, avant de souligner que seule l’Assemblée générale est autorisée à procéder à une réorganisation et à une révision des priorités de l’ONU. Il a dénoncé la tentative de certaines délégations de « prendre en otage » la Commission pour imposer des éléments et des concepts nouveaux et réviser des mandats prétendument obsolètes. Il nous faut de toute urgence un débat démocratique à l’Assemblée générale pour réfléchir à un mécanisme de financement des missions politiques spéciales qui aujourd’hui pèsent trop lourdement sur le budget ordinaire de l’ONU. Hier, la représentante de la Communauté des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) fustigeait l’explosion du budget des missions politiques spéciales qui en 10 ans, a atteint 1,2 milliard de dollars, sans engager la responsabilité particulière des membres permanents du Conseil de sécurité.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant de la Tanzanie a regretté les contraintes imposées à la construction de l’Africa Hall de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), pour un prétendu souci d’économie, alors que nous venons de démanteler un étage entier au Siège de l’ONU à New York pour un coût de six millions de dollars, dans le cadre d’une réhabilitation de 2,3 milliards de dollars. Son homologue de la République de Corée a dit comprendre que le projet de budget présenté ne comprend ni les incidences budgétaires du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ni celles des initiatives de paix et de sécurité, ni les coûts financiers des résolutions du Conseil des droits de l'homme. Ma délégation, a-t-il prévenu, examinera les demandes de ressources additionnelles, en gardant vissés à l’esprit les principes d’efficacité et d’efficience et la nécessité de réaffecter d’abord les ressources existantes.
Rapport d’activité du Bureau des services de contrôle interne (A/70/318 (Part I), A/70/318 (Part I)/Corr.1, A/70/318 (Part I)/Add.1 et A/70/284)
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme KAREN LINGENFELDER (Afrique du Sud) a salué le rôle essentiel du Bureau des services de contrôle interne (BSCI). Le Groupe des 77 et la Chine appuie l’indépendance opérationnelle du BSCI, dans le respect de la résolution 48/2018 B de Assemblée générale. Le Groupe, a poursuivi la représentante, réaffirme aussi les rôles séparés et distincts des mécanismes de contrôle internes et externes. Elle a ainsi salué les efforts du BSCI pour maintenir une coordination régulière avec le Comité des commissaires aux comptes (CCC) et le Corps commun d’inspection (CCI), dans le contexte d’arrangements tripartites qui ont permis d’améliorer la contribution de chacune de ces trois entités.
Commentant les activités du BSCI pendant la période allant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, la représentante a noté que les 324 rapports publiés par le Bureau comportent 1 031 recommandations visant à renforcer le contrôle interne et les mécanismes de responsabilisation et à accroître l’efficacité et l’efficience de l’Organisation, dont 109 sont jugées « critiques » pour l’Organisation. Elle s’est réjouie de voir que les incidences financières des recommandations antérieures s’élèvent à environ 90 000 dollars.
Tout en notant les progrès effectués dans la gestion des taux de vacances du poste au sein du BSCI, la représentante a appelé à des solutions innovantes pour s’attaquer à ce problème « chronique » qui a un impact négatif sur la capacité du Bureau à remplir son mandat. Pour ce qui est des activités spécifiques, elle a dit apprécier l’éclairage fourni par le BSCI sur le Plan-cadre d’équipement, la Commission de compensation de l’ONU, la construction des locaux additionnels de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) à Addis Abeba et la construction d’un nouveau complexe de bureaux pour le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux à Arusha.
S’agissant des activités du Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit (CCIQA) durant la période du 1er août 2014 au 31 juillet 2015, la représentante s’est dite impatiente de discuter des remarques du CCIQA sur l’indépendance opérationnelle du BSCI. Elle a salué les observations du Comité relatives au processus de nomination du Secrétaire général adjoint aux services de contrôle interne, en espérant que la prochaine note du Secrétaire général comprendra des informations sur les curricula des candidats.
La représentante a cité la référence « incontournable » qu’est la résolution 61/275, pour ce qui est du mandat du CCIQA et les critères que ses membres doivent satisfaire, tout se disant ouverte à de nouvelles idées.
M. JAN DE PETER, Union européenne, a, à son tour, salué les efforts du BSCI pour améliorer sa collaboration avec les autres entités de contrôle des Nations Unies avant d’encourager ce dernier à intensifier ces efforts dans l’optique d’un meilleur partage des expériences, des informations et des pratiques mais aussi pour éviter les doublons. Il a particulièrement félicité le BSCI pour avoir mis en place une gestion du risque systématique afin de promouvoir l’efficacité de ses opérations. Il a dit l’importance « critique » de mettre en œuvre toutes les recommandations du BSCI et de pouvoir s’appuyer sur des processus d’évaluation efficaces de la mise en œuvre de ces recommandations.
À la lumière des récentes allégations de corruption et de fraude concernant un ancien Président de l'Assemblée générale de l’ONU, le représentant a fait sien l’engagement du Secrétaire général à pratiquer la tolérance zéro pour les cas de corruption. Le représentant a aussi souligné l’importance des recommandations du CCIQA relatives à l’efficacité de la performance des Nations Unies, mais aussi à l’indépendance opérationnelle du BSCI. Il a précisé qu’il accorderait une attention particulière au rapport sur la réponse des Nations Unies à la situation en République centrafricaine.
Intervenant aussi au nom du Liechtenstein, M. MATTHIAS DETTLING (Suisse) a rappelé que le BSCI a fêté son 20e anniversaire l’année dernière. Il a dit apprécier au plus haut point les observations du CCIQA au sujet de l’indépendance opérationnelle du BSCI. Il a dit la difficulté d’assurer cette indépendance, compte tenu de la participation du Bureau aux réunions du Comité de gestion. ·Nous pensons comme le CCIQA qu’en ce qui concerne le processus d’investigation, il faut définir clairement les rôles et les procédures, dans l’idéal en termes juridiques. Un manuel provisoire contenant des consignes applicables aux investigations ne suffit pas, a estimé le représentant de la Suisse. Nous nous demandons en outre, a-t-il poursuivi, si la réunion des fonctions d’audit, d’investigation et d’évaluation sous un même toit consolidera vraiment l’indépendance générale du Bureau, eu égard à la nature très différente des rapports qu’entretient chacune de ces entités avec la direction. Si la structure actuelle devait être maintenue, il faut se demander alors comment les trois divisions pourraient mieux collaborer pour renforcer collectivement et mutuellement l’indépendance opérationnelle du Bureau dans son ensemble. Le représentant s’est dit très favorable à l’examen global du BSCI que recommande le CCIQA en souhaitant qu’un tel examen englobe les questions relatives au renforcement de la fonction d’investigation.
Il s’est félicité de la nomination de Mme Heidi Mendoza des Philippines, aux fonctions de Secrétaire général adjoint aux services de contrôle interne. Il a dit l’importance des assurances fournies par le BSCI aux directeurs de programmes dans un contexte d’augmentation des activités mais aussi de contraintes budgétaires sans précédent. Il a dit l’importance d’améliorer les fonctions d’investigation face au cas de fraudes et d’abus sexuels en insistant sur le fait que les États Membres et leurs contribuables sont en droit de savoir si les programmes de l’ONU obtiennent des résultats escomptés avec un maximum d’efficacité et d’efficience. En outre, il a indiqué que la Suisse suivra avec beaucoup d’attention les progrès réalisés dans la gestion globale des risques en se concentrant sur la façon d’aborder à l’avenir les six grands risques identifiés par le Secrétariat.
Mme ISOBEL COLEMAN (États-Unis) a salué l’importance des recommandations du CCIQA relatives à l’efficacité de la performance des Nations Unies. Elle a particulièrement salué la pertinence des recommandations du CCIQA sur les risques organisationnelles, l’indépendance opérationnelle et les investigations du BSCI. « Le BSCI est vital pour la viabilité et l’efficacité des Nations Unies », a dit la représentante, en citant l’importance des recommandations du BSCI en ce qui concerne l’utilisation responsable des ressources de l’ONU, la lutte contre le gaspillage et la mauvaise gestion. La publication des rapports d’audit permet aux acteurs de scruter les opérations de l’ONU et de mieux suivre les progrès dans la mise en œuvre des recommandations du BSCI. Tout en saluant les progrès réalisés dans le domaine des taux de vacances au sein du BSCI, elle s’est inquiétée de la persistance de ce problème particulier au sein de la Division des investigations. Elle a fait siennes les conclusions du Secrétaire général selon lesquelles ces taux de vacances entravent négativement la capacité du BSCI de remplir son mandat.
Toujours au sujet de la Division des investigations, la représentante a fait siennes les inquiétudes du CCIQA, du BSCI et du Contrôleur de l’ONU quant à l’insuffisance du dispositif de prévention et de détection de la fraude au sein du système des Nations Unies. À la lumière des nouveaux rapports sur la corruption et la fraude potentielle par des diplomates de haut rang à l’ONU, elle a jugé impératif que le BSCI travaille avec le Département de la gestion pour s’assurer que les directives relatives à la fraude soient claires et que tout risque potentiel fasse immédiatement l’objet d’une enquête. Elle a exhorté le BSCI à être plus proactif et à mener des enquêtes sur tous les cas de fraudes, de mauvaises gestion, de corruption, d’abus sexuels, y compris par des audits judiciaires. La représentante a exhorté l'Assemblée générale à mener un examen complet du BSCI afin d’évaluer les occasions d’améliorer la collaboration entre les trois Divisions de ce Bureau, de diminuer les taux de vacances et de s’attaquer à la dynamique au sein du Bureau. Elle s’est enfin félicitée de la nomination de Mme Heidi Mendoza des Philippines, aux fonctions de Secrétaire général adjoint aux services de contrôle interne.