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Libye: le Représentant spécial décrit un « tableau sombre » de la situation politique dans le pays

15/9/2014
Conseil de sécuritéCS/11560
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Conseil de sécurité

7264eséance – matin


LIBYE: LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DÉCRIT UN « TABLEAU SOMBRE »

DE LA SITUATION POLITIQUE DANS LE PAYS


La Libye estime que les dispositions du Comité des sanctions sont un obstacle à la capacité de l’armée de lutter contre les groupes armés


Trois ans après la chute du régime Qadhafi, le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. Bernardino León, a, ce matin, devant le Conseil de sécurité, décrit « un tableau sombre de la situation politique dans le pays » qui contraste avec le sentiment d’optimisme qui avait accompagné la création de la Mission. 


À deux jours d’une conférence internationale d’acteurs régionaux sur la Libye prévue à Madrid, le Représentant spécial du Secrétaire général a fait état d’un « moment critique », tandis que « le processus politique est ébranlé » et que « la situation s’est transformée en un conflit civil ».


Réagissant à la présentation d’un rapport du Comité des sanctions portant sur la période du 10 juin au 15 septembre, le représentant de la Libye, M. Ibrahim Dabbashi, a, lui, estimé que les dispositions actuelles de ce Comité représentaient un « obstacle » à l’équipement de l’armée nationale qui reste trop faible pour faire face aux groupes terroristes et autres groupes illégitimes, lesquels reçoivent des armes de la part de deux États au moins.


Le Chef de la MANUL, qui présentait le rapport* du Secrétaire général, a reconnu que les divisions politiques étaient profondes, le sentiment de manque de confiance total, et la situation sécuritaire extrêmement fragile, notamment en raison de la prolifération des armes hors contrôle des autorités nationales. 


Néanmoins, il s’est dit persuadé, au terme de sa première visite en Libye, le 8 septembre, à Tobrouk, Al Baida, Tripoli, Misrata et Zintan, de la volonté des parties de « nous accompagner pour trouver une voie pacifique et surmonter leurs divergences de vues afin de mettre un terme à la lutte armée ».  Il a estimé que la petite fenêtre d’opportunité qui s’offrait pour une résolution pacifique de la crise ne devait pas être manquée, appelant les dirigeants libyens à agir vite à la recherche d’une solution politique par le biais d’un dialogue inclusif.     


En écho à cette intervention, le représentant libyen a prévenu que le Gouvernement n’accepterait pas d’être traité sur un pied d’égalité avec les groupes armés terroristes ou illégaux.  Il a insisté sur le fait que la Chambre des représentants, nouvel organe législatif de 200 membres, et le Gouvernement ne dialogueraient avec les groupes armés que sur les moyens de mettre en œuvre les décisions de la Chambre, la cessation des combats et la réintégration des combattants dans la vie civile. 


« Si les groupes armés ne se retirent pas des villes et si le dialogue ne se traduit pas par la mise en œuvre des décisions de l’assemblée, des mesures seront prises pour préserver l’autorité de l’État y compris le recours à la force avec le soutien de la communauté internationale si besoin en est », a insisté M. Dabbashi.


Sur le même ton, le Chef de la MANUL a mis l’accent sur la nécessité de demander des comptes à toute personne qui saperait le processus politique du pays ou se rendrait responsable de conflit armé ou de violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire.  Il a souligné l’importance du respect du processus constitutionnel, de la fin de la provocation et de l’incitation à la violence.


Par ailleurs, le représentant libyen s’est inquiété des conséquences de la guerre fratricide en cours dans la ville de Tripoli depuis le 13 juillet, qui a fait plus de 500 morts, plus d’un millier de blessés et des milliards de dollars de dégâts. 


« Les exactions connues sous le régime Qadhafi, dont des pendaisons sur la place publique, sont de retour dans la région de Tripoli du fait de groupes armés appuyés par l’Aube libyenne et sous les encouragements du Mufti de la Libye », a regretté M. Dabbashi, en espérant que la Mission de l’ONU saura redoubler d’efforts pour appuyer les autorités libyennes légitimes en vue de parvenir à des institutions efficaces, et la Chambre des représentants dont le Gouvernement est issu.


Il a affirmé que tout traitement d’égalité entre l’autorité et des parties belligérantes constituait une violation claire des principes directeurs de la Mission et de la résolution 2174 (2014) du Conseil de sécurité et ne pourrait constituer qu’un « encouragement au conflit armé entre les frères libyens et à la destruction des gains de la révolution du 17 février ».


Sur le front humanitaire, le Chef de la MANUL a cité des mesures urgentes visant à répondre aux besoins de populations fuyant les combats.  Il a fait état ainsi de l’envoi d’un convoi humanitaire afin de porter secours à 12 000 personnes déplacées dans la ville de Zuwara et précisé que le Programme alimentaire mondial (PAM), qui fournit déjà une assistance à 50 000 personnes déplacées, cherchait à atteindre 6 000 déplacés supplémentaires dans le cadre d’une opération menée conjointement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). 


De même, une évaluation des risques pour les civils liés à la dissémination des restes explosifs à Tripoli résultant de récents combats est conduite depuis deux semaines.


Présentant le quatorzième rapport du Comité des sanctions créé par la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité, M. Olivier Nduhungirehe (Rwanda), a rappelé que l’embargo sur les armes avait été renforcé le 27 août 2014 et que les critères de désignation des individus et entités qui peuvent faire l’objet d’interdiction de voyage ou de gel de leurs avoirs avaient été étendus. 


Il a indiqué que, selon des informations présentées par le Groupe d’experts le 4 septembre dernier, de grandes quantités d’armes auraient été livrées aux milices et qu’une des difficultés était liée au fait que le Gouvernement libyen ne contrôlait ni les ports ni les aéroports du pays.


M. Nduhungirehe a cité deux exemples clairs attestant du détournement d’armes destinées au Gouvernement.  Des enquêtes sont en cours au sujet d’un cas de violation de l’embargo concernant une milice armée, et des soutiens extérieurs accordés à certains groupes armés par la fourniture d’armes et de fonds. 


Il a indiqué que des faits tendaient à démontrer un manque de capacités de mise en œuvre des États en ce qui concerne le gel des avoirs libyens.  Selon M. Nduhungirehe, le Comité envisage d’enquêter sur les groupes armés libyens et leurs dirigeants afin de statuer sur l’éventualité de leur inscription sur la liste des sanctions, en accord avec les nouveaux critères adoptés par le Conseil de sécurité dans la résolution 2174 (2014).


M. Nduhungirehe a dit que le Groupe d’experts avait présenté un ensemble de 19 recommandations dont 15 devraient être mises en œuvre.


* S/2014/653 


LA SITUATION EN LIBYE


Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (S/2014/653)


Le Secrétaire général, dans ce rapport, traite des principaux faits survenus sur les plans politique et de la sécurité, donne un aperçu de la situation des droits de l’homme dans le pays et énonce les activités de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) depuis la publication de son rapport du 26 février 2014 (S/2014/131).


Dans ses observations et recommandations, le Secrétaire général estime que la plongée de la Libye dans l’incertitude politique et les hostilités armées au cours de la période considérée est profondément alarmante. 


Au vu de la rapidité de l’évolution de la situation, le Secrétaire général juge essentiel de veiller à ce que la présence et l’engagement de l’ONU en Libye soient adaptés au contexte et que l’Organisation soit bien équipée pour appuyer les autorités libyennes face aux problèmes en cours ou escomptés. 


Il dit avoir demandé au Secrétariat de l’ONU de procéder à un examen de la présence de l’ONU en Libye, en partenariat étroit avec les autorités libyennes et en consultation avec les partenaires régionaux et internationaux.  Il entend présenter des recommandations et des options à cet égard au Conseil de sécurité dans les mois à venir.


Le Secrétaire général souligne que la période considérée a été marquée par les combats les plus violents enregistrés à Tripoli, Benghazi et dans le reste du pays depuis 2011.  L’utilisation par toutes les parties d’armes lourdes dans des zones fortement peuplées, en particulier dans la capitale, a entraîné des déplacements de population sans précédent. 


Selon les estimations, 100 000 personnes ont été déplacées à Tripoli et 20 000 de plus dans l’est du pays.  Au moins 100 000 ont traversé la frontière vers des pays voisins.  Le conflit a conduit la grande majorité des représentants de la communauté internationale présents en Libye, y compris les Nations Unies, à quitter temporairement le pays.


Les combats intenses ont entraîné une détérioration rapide des conditions de vie, y compris une pénurie de nourriture, de carburant, d’eau et d’électricité, et une augmentation de l’activité criminelle.  Des installations publiques ont été endommagées ou détruites dans les banlieues sud et ouest de Tripoli, y compris l’aéroport international, le principal dépôt de carburant, ainsi que des routes et des ponts.  De nombreux enlèvements, pillages, incendies de maisons et autres actes de vengeance ont été signalés.


Avant l’éclatement du conflit armé à Tripoli, la Libye a entamé sa troisième période de transition avec, le 25 juin, l’élection de la Chambre des représentants, nouvel organe législatif de 200 membres.  D’après les estimations, seulement 42% des 1,5 million d’électeurs inscrits ont voté, soit beaucoup moins que pour l’élection du Congrès général national en juillet 2012.  Le nouveau Parlement s’est réuni pour la première fois le 4 août à Tobrouk, à l’est du pays.


Au terme d’une impasse de deux semaines, la crise gouvernementale concernant la fonction de premier ministre s’est réglée pacifiquement.  Le 9 juin, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a déclaré que la décision du Congrès général national de nommer M. Meiteeg était inconstitutionnelle.


Le 5 juillet, sur fond de tensions accrues et de récriminations mutuelles entre groupes armés rivaux dans la capitale, un incident mettant en cause des membres de brigades rivales à un point de contrôle du quartier de Janzour, à Tripoli, près de l’enceinte de la MANUL, a été à l’origine d’échanges de coups de feu qui ont rapidement dégénéré en violents affrontements intermittents et gagné d’autres quartiers de l’ouest de Tripoli.  Dans la nuit du 5 au 6 juillet, le complexe de la Mission a été touché par des dizaines de balles de divers calibres.


Le 15 juillet, le porte-parole du Gouvernement a déclaré que les autorités envisageaient de demander l’aide de la communauté internationale pour protéger la population civile et les installations vitales.  Le 17 juillet, le Ministre des affaires étrangères, M. Mohamed Abdelaziz, a pris la parole devant le Conseil de sécurité et a demandé la création d’une mission des Nations Unies pour la stabilisation et le renforcement des institutions en Libye afin de donner au Gouvernement libyen les moyens de se prendre en charge et d’empêcher que le pays tombe en déliquescence.


Le Président du Congrès général national, M. Nouri Abu-Sahmain, et plusieurs chefs de parti ont alors rejeté, dans des déclarations, ce qu’ils considéraient comme des appels du Gouvernement à une intervention internationale.


À la suite d’une offensive majeure menée contre des bases militaires et d’autres positions tenues par les brigades Qa’qa’ et Sawaiq à Tripoli, la coalition militaire de l’Aube libyenne a déclaré le 23 août qu’elle avait atteint son principal objectif, à savoir chasser les brigades de Zintan de la capitale.


Le 15 juin, dans le cadre d’une opération secrète menée à Benghazi, les forces spéciales américaines ont procédé à l’arrestation d’Ahmed Abou Khattala, qui a été placé en détention.  M. Abu Khattalah avait été désigné comme un terroriste par les États-Unis en janvier 2014, et est le seul individu à avoir été publiquement mis en accusation pour avoir participé à l’attaque perpétrée le 11 septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi,


Les tensions tribales et ethniques dans le sud de la Libye ont donné lieu à une série d’affrontements sporadiques tout au long de la période considérée.  Toutefois, le déploiement à Sabha, en 2014, de forces de Misrata pour servir de tampon et assurer une certaine stabilité a contribué à la baisse des hostilités entre groupes armés des communautés Alouad Sliman et Tabou.


Le 21 avril, le Congrès général national a convoqué la première session de l’assemblée chargée de la rédaction de la Constitution à el-Baida.  En application de la Déclaration constitutionnelle, l’assemblée chargée de la rédaction de la constitution devait adopter un projet de texte et le soumettre à référendum le 19 août au plus tard.  Toutefois, elle a manqué de temps pour achever ses travaux.


Malgré des difficultés en matière de sécurité, des élections municipales ont eu lieu dans 65 des 102 municipalités du pays durant la période considérée, et notamment dans les plus grandes villes libyennes, à savoir Tripoli, Benghazi, Sabha et Misrata.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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