En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session,
20e séance – matin
AG/J/3488

Sixième Commission: la Commission du droit international se voit reprocher de trop chercher à developper le droit international plutôt que de le codifier

Alors que la Sixième Commission (chargée des questions juridiques) poursuivait aujourd’hui l’examen du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), en se concentrant sur l’expulsion des étrangers, la protection des personnes en cas de catastrophe, plusieurs délégations ont reproché à celle-ci de trop chercher à contribuer au développement du droit international et pas assez à sa simple codification.

Ainsi, plusieurs délégations ont estimé que, dans les 31 projets d’articles sur l’expulsion des étrangers qu’elle a adoptés cette année en seconde lecture, la CDI n’avait pas trouvé le juste équilibre entre ce que le représentant de la Chine a présenté comme, d’une part, les mesures appropriées pour protéger les droits de l’homme et la dignité des étrangers soumis à l’expulsion et, d’autre part, le principe de la souveraineté des États.  Israël et les États-Unis ont émis la même critique, citant divers exemples, comme les dispositions relatives au non-refoulement, que les États-Unis jugent aller au-delà de ce qui est acceptable. 

Singapour, qui « n’appuie pas les projets d’articles », a également fait part de sa préoccupation face à ce que ce pays considère comme un manque de distinction par la CDI entre la codification et le développement progressif du droit international.  Le représentant du Japon a, pour sa part, fait observer que la CDI avait, avec la question de l’expulsion des étrangers, traité d’un sujet pour lequel existent déjà de nombreuses réglementations nationales ou régionales.  Pour lui, ces différentes pratiques mènent à la question de savoir s’il est approprié pour la CDI d’adopter une règle internationale en ce domaine.  Le Japon a invité la Sixième Commission et la CDI à travailler ensemble pour trouver une réponse à cette question et trouver l’équilibre nécessaire entre la codification stricto sensu du droit international et son développement.  Pour son représentant, la question de l’expulsion des étrangers est, à cet égard, un sujet intéressant.  Les Pays-Bas ont, quant à eux, clairement exprimé leur opposition à toute tentative de développement progressif du droit international dans le domaine de l’expulsion des étrangers.

À l’inverse, le représentant de l’Afrique du Sud a salué les dispositions des projets d’articles qui mettent l’accent sur le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme de l’étranger faisant l’objet d’une expulsion et il a jugé regrettable toute approche établissant une distinction entre ce qui relève de la codification du droit international et ce qui relève de son développement progressif.

La même problématique est apparue à propos des projets d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, cette fois à propos du principe de souveraineté de l’État affecté face à l’offre d’assistance extérieure.  Pour l’Afrique du Sud, le respect de la souveraineté des États étant la pierre angulaire du droit international, l’État affecté par la catastrophe doit assumer la responsabilité première de protéger sa population.  Si les « États assistants » ont le devoir fondamental de coopérer dans les opérations de secours aux sinistrés, cette coopération doit prendre en compte le fait que l’État affecté est le premier facilitateur des secours: la coopération ne devrait pas être interprétée comme un moyen de réduire le rôle d’un État souverain. 

Au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, les Tonga se sont félicités que les projets d’articles s’intéressent à la responsabilité qui incombe aux États affectés de demander une assistance extérieure lorsque leur capacité nationale est faible car la question, qui reflète l’importance de la souveraineté de l’État, ne saurait être traitée légèrement.  Pour la Chine, le principe de souveraineté de l’État affecté implique qu’il ne saurait avoir l’obligation de rechercher une assistance extérieure.  Pour Israël, il ne faut pas traiter la question en termes de droits ou de devoirs, mais en termes de coopération internationale, et l’État affecté est bien le responsable au premier chef de la protection des personnes en cas de catastrophe. 

Le rôle de la CDI a également été diversement apprécié en ce qui concerne la question des crimes contre l’humanité, que la Commission a décidé lors de sa dernière session d’inscrire à l’ordre du jour de son programme de travail à long terme.  Le représentant de la Croatie s’en est félicité, estimant que cette étude cadre bien avec les efforts de codification en vue de poursuivre et sanctionner ces crimes.  La République tchèque a noté qu’il existait des lacunes dans le cadre juridique international régissant la poursuite pour des crimes en vertu du droit international, et que le travail de la CDI devrait fournir une pièce clef manquante à ce cadre.  L’Afrique du Sud a toutefois averti que le travail de la CDI dans ce domaine ne devrait pas mettre à mal le système du Statut de Rome ni saper les efforts menant à son universalité.  Israël a exhorté les États à être prudents en traitant de cette question, avertissant que l’étude pourrait être utilisée à mauvais escient.

En fin de séance, la Sixième Commission est revenue sur la question de l’administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies, qu’elle avait examinée le 21 octobre. La Commission a autorisé son Président à signer un projet de lettre demandant l’examen de la question par la Cinquième Commission (chargée des questions administratives et budgétaires), et qui sera distribuée en tant que document de l’Assemblée générale. 

La Sixième Commission poursuivra l’examen des mêmes chapitres du rapport de la CDI demain, mercredi 29 octobre, à partir de 10 heures.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE -SIXIÈME SESSION (A/69/10)

Déclarations

M. MAHE’ULI’ULI SANDHURST TUPOUNIUA (Tonga), au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a salué l’adoption des projets d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, se félicitant de la décision de la Commission du droit international (CDI) d’inclure de nouveaux projets d’articles qui visent à reconnaître la responsabilité des États en vue de protéger le personnel assurant les opérations de secours.  Cette approche revêt une importance particulière dans la région du Pacifique, dont les États sont exposés aux risques dus à la montée du niveau de la mer et aux tempêtes tropicales, a déclaré le représentant.  M. Tupouniua a estimé que l’atténuation des risques de catastrophes dus aux changements climatiques ne devait pas être seulement l’affaire des pays en développement et a invité tous les pays à travailler de concert pour réduire ces risques.  Par ailleurs, il a accueilli favorablement le fait que ces projets d’articles s’intéressent à la responsabilité qui incombe aux États affectés de demander une assistance extérieure lorsque la capacité nationale est faible.  Pour le représentant, cette question ne doit pas être traitée à la légère car elle reflète l’importance de la souveraineté de l’État.

M. PETR VÁLEK (République tchèque) a salué l’adoption d’un ensemble de projets d’articles sur l’expulsion des étrangers et s’est félicité que les commentaires et observations émis par son pays aient été pris en compte.  Il a toutefois estimé que cet ensemble ne devrait pas servir de base à l’élaboration d’une convention.  S’agissant de la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant a noté que la Commission du droit international avait mis l’accent, entre autres, sur la dignité humaine, les droits de l’homme, ainsi que les principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité.  Ce sont là des principes directeurs pour les obligations, négatives ou positives, qui concernent  tant l’État affecté que les autres acteurs impliqués dans la fourniture de l’aide aux personnes affectées, a précisé M. Válek. 

Le représentant a félicité la CDI pour avoir inclus la question des crimes contre l’humanité dans son programme de travail.  Il existe des lacunes dans le cadre juridique international régissant la poursuite pour des crimes en vertu du droit international, et le travail de la CDI devrait fournir une pièce clef manquante à ce cadre, a estimé M. Válek.

Mme LIESBETH LIJNZAAD (Pays-Bas) a regretté que les projets d’articles sur l’expulsion des étrangers ne se soient pas limités à une codification des règles et de la pratique  déjà existantes.  Les Pays-Bas se sont toujours opposés à un développement du droit international en la matière, a déclaré la représentante, qui a précisé que son gouvernement ne saurait appuyer l’élaboration d’une éventuelle convention sur la question.  En ce qui concerne les projets d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, la représentante a constaté qu’ils n’étaient pas contraignants et ne devraient pas chercher à l’être.

Mme Lijnzaad a dit n’être pas persuadée de la nécessité pour la CDI de se lancer dans une étude du jus cogens.  Il se peut qu’il y ait de la marge pour une étude analytique de la question et voir quelles sont les conclusions juridiques, a déclaré la représentante, mais elle a dit n’avoir pas compris quelles sont les questions liées au jus cogens.

La représentante s’est félicitée à l’idée de disposer d’un instrument particulier pour traiter des crimes contre l’humanité, qui constituent une question essentielle, a-t-elle estimé.  Elle a néanmoins fait observer que la question est déjà traitée par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.  « La pénalisation des crimes contre l’humanité nous semble déjà exister.  Ce qu’il faut pour poursuivre et sanctionner ces crimes, c’est d’améliorer la capacité à poursuivre et à mener les enquêtes », a déclaré la représentante, pour qui ce qui fait défaut, c’est un instrument international pour lutter contre tous les crimes.  Pour terminer, la représentante a réitéré son souhait que le site Internet de la CDI permette de meilleures recherches.  Elle a proposé que le Secrétariat redouble d’effort pour que les travaux de la Commission soient plus facilement accessibles sur le site.

M. XU HONG (Chine) a estimé que la base de l’expulsion des étrangers en tant que règle de droit international est le maintien du droit à l’expulsion en tant que droit inhérent et souverain de l’État.  Ceci étant, les mesures appropriées doivent certes être prises pour protéger les droits de l’homme et la dignité des étrangers soumis à l’expulsion, mais elles doivent trouver un équilibre avec le principe de la souveraineté des États.  La Commission du droit international a fait des efforts dans ce sens, mais les projets d’articles adoptés en seconde lecture restent mal équilibrés par certains aspects, a-t-il estimé, et a cité en exemple l’interdiction de l’expulsion d’un étranger vers un pays qui applique la peine de mort.  Chaque État doit pouvoir prendre ses propres décisions concernant la peine de mort, a déclaré le représentant.  M. Xu a également estimé que certains projets d’articles soulignent trop fortement les droits individuels.  Ces projets d’articles ne sont pas encore mûrs pour qu’on en fasse une convention internationale, a-t-il déclaré.

En ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant s’est félicité des efforts inlassables du Rapporteur spécial qui permettront de préciser les opérations de secours en cas de catastrophe.  Cependant, il a estimé que le projet d’articles parle trop peu de lex lata et trop de lex ferenda.  En outre, le représentant a trouvé que le projet fixe trop d’obligations aux États affectés, au-delà du droit et de la pratique existants, ce qui risque d’affecter la souveraineté des États.  Le représentant a notamment rappelé que l’État affecté par une catastrophe ne peut pas se voir imposer de rechercher une assistance extérieure.  À cet égard, il a jugé ambigu le terme de « devoir » au projet d’article 12 et a demandé sa suppression.

En ce qui concerne « l’identification du droit international coutumier », le représentant a estimé qu’il était nécessaire d’établir un équilibre entre « pratique générale » et opinio juris, ainsi que dans la relation entre la généralité et la spécificité.  Ainsi, l’identification du droit international coutumier requiert à la fois une étude de la pratique des systèmes juridiques et des États ayant une influence importante dans le droit international, et la pratique des États qui représentent d’autres grandes civilisations et systèmes juridiques.  Une approche équilibrée est également nécessaire entre les actes matériels et actes verbaux.  En particulier, en cas de conflit entre les actes matériels de certains États et les actes verbaux d’autres États, les deux formes de pratique doivent être étudiées de manière globale.

M. JANUSZ STAŃCZYK (Pologne) a déclaré que les travaux de la CDI influencent les pratiques des États.  Prenant note de l’adoption par la CDI de ses projets d’articles sur l’expulsion des étrangers, il a déclaré que la Pologne avait promulgué une nouvelle loi en la matière qui concilie le droit des États à expulser des étrangers avec les limites imposées par le droit international.  Néanmoins, a-t-il souligné, certaines dispositions de ces projets d’articles restent préoccupantes, notamment le projet d’article 7 qui impose des obligations découlant du statut des apatrides.  Il s’est également penché sur le projet d’article 27 relatif à l’effet suspensif de l’appel d’une décision d’expulsion, faisant remarquer que la loi polonaise en la matière peut être immédiatement exécutée si la personne concernée par cette mesure représente notamment une menace pour la sécurité de l’État.  Pour M. Stańczyk, avec la question de l’expulsion des étrangers, la CDI tente de codifier un ensemble de règles dans un domaine où certains pays sont déjà bien outillés en matière de régulation.  C’est le cas en Europe, du fait notamment de règles mises en place par des organisations régionales et qui ont fait l’objet d’une jurisprudence également régionale.  La démarche de la CDI risque donc de créer des confusions, a-t-il averti.

M. Stańczyk a jugé important pour lutter contre l’impunité le fait que la CDI ait inclus la question des crimes contre l’humanité dans son programme de travail à long terme.  Il a proposé que la démarche de la CDI sur cette question prenne en compte les victimes de ces crimes, en particulier les plus vulnérables, y compris les enfants et les femmes.

Mme NATALIE MORRIS-SHARMA (Singapour) a salué les amendements adoptés concernant le projet d’article 3 sur l’expulsion des étrangers, qui dispose qu’un État a le droit d’expulser un étranger de son territoire et que l’expulsion doit se faire dans le respect du projet d’articles, sans préjudice des autres règles applicables du droit international, en particulier celles relatives aux droits de l’homme.  Le texte clarifie les relations entre les projets d’articles et les autres règles de droit international applicables, a estimé la représentante.  Elle a toutefois exprimé des préoccupations concernant le développement progressif du droit que la CDI cherche à atteindre concernant cette question.  Mme Morris-Sharma a fait part, de manière générale, de sa préoccupation face à ce qu’elle a présenté comme un manque de distinction entre la codification et le développement progressif.  De façon générale, Singapour n’appuie pas les projets d’article, a-t-elle déclaré.

En ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophe, la représentante a fait part de sa préoccupation concernant le projet d’article 16 qui parle de « droit » des États et des organisations intergouvernementales de prêter assistance.  Elle a souhaité entendre les opinions des autres délégations sur toutes ces questions. 

M. BORUT MAHNIČ (Slovénie) a salué le travail de la CDI sur la protection des personnes en cas de catastrophe, qui, a-t-il dit, a réussi à trouver un équilibre entre la souveraineté de l’État et l’assistance extérieure.  Il s’est dit convaincu que ces projets d’articles serviront de règles de principes en matière de catastrophes avec une acceptation mondiale et s’est félicité que la notion de droits de l’homme revienne toujours au premier plan dans le régime de la réponse de la communauté humanitaire et des États.

Abordant le thème de l’identification du droit coutumier international, le représentant a souligné la complexité du sujet, et notamment le défi qui consiste à distinguer les manifestations d’une pratique générale et l’opinio juris de manière détaillée.  À cet égard, il a indiqué que la Slovénie préconisait un examen complémentaire entre les deux éléments.  Par ailleurs, il a précisé que des travaux en la matière devraient inclure des règles pratiques du droit coutumier international.  Pour ce qui est de l’application provisoire des traités, il a constaté que le Rapporteur spécial n’envisageait pas une application provisoire dans le cadre de la succession d’États. 

M. TOMOYUKI HANAMI (Japon) a noté que ces dernières années de nouvelles situations ont changé les relations internationales, notamment avec l’apparition de nouvelles frictions.  L’état de droit au plan national et international peut être réalisé, a-t-il affirmé, mais pour réaliser cet état de droit il faut pouvoir fournir aux jeunes juristes la possibilité d’apprendre.  Le représentant a ainsi salué la tenue du cinquantième anniversaire du Séminaire de droit international.  Notant que la CDI envisage la possibilité de tenir ses futures sessions à New York, il a estimé qu’une décision en ce sens, sous réserve qu’elle ne crée pas de charges additionnelles, pourrait améliorer l’interaction des États Membres avec la Commission.

M. Hanami a noté que de nombreux États ont leurs propres réglementations concernant l’expulsion des étrangers et qu’elles varient de façon importante.  Ces pratiques régionales et nationales mènent à la question de savoir s’il est approprié pour la CDI d’adopter une règle internationale en ce domaine.  La Sixième Commission et la CDI doivent œuvrer ensemble pour trouver une réponse à cette question et de trouver un équilibre entre le développement progressif du droit international et sa codification stricto sensu.  La question de l’expulsion des étrangers est un sujet intéressant à cet égard, a déclaré le représentant. 

Le représentant a fait observer qu’en cas de catastrophe, les opérations internationales à grande échelle ignorent souvent les aspects juridiques de la protection des personnes, du fait de l’urgence.  Il a expliqué que, lors du tsunami de mars 2011 qui l’a affecté, le Japon avait reçu de l’assistance et avait été confronté à toutes ces questions.  Le Japon valorise ceux des projets d’articles en la matière qui assurent à la fois le respect du droit humanitaire et du droit de la souveraineté de l’État.  Le représentant a jugé bien équilibrée la structure des projets d’articles.  Le personnel de secours doit se voir garantir un statut juridique qui permettrait aux États assistants de décider s’ils envoient ou non leur personnel de secours, en fonction des risques qu’ils encourent d’être tenus pour responsables de leurs actes.

M. CLAUDIO TRONCOSO REPETTO (Chili) a souligné que le rapport recueille les pratiques nationales en matière d’expulsion des étrangers dans les pays relativement aux normes internationales.  Or, l’expulsion des étrangers est une problématique généralement traitée au niveau national, qui a été intégrée dans le droit international, ce dont s’est félicité le représentant.  M. Troncoso Repetto a noté qu’une partie des projets d’articles recommandent que l’expulsion des étrangers s’effectue conformément aux instruments internationaux en vigueur.  Il a ajouté que cette expulsion devait aussi répondre à un motif prévu dans la loi et ne pas être contraire aux obligations internationales de l’État.  Il a appuyé les dispositions qui mentionnent les cas d’expulsions interdits, notamment en ce qui concerne les réfugiés, les apatrides, ou encore les expulsions collectives ou déguisées.  Il a fait ressortir la notion de discrimination, tout en estimant que, pour le Chili, la liste des discriminations interdites devrait également inclure l’orientation sexuelle de la personne soumise à expulsion.  Le représentant a appuyé les recommandations de la CDI tendant à ce que l’Assemblée générale adopte une résolution sur l’expulsion des étrangers et invite les États à largement diffuser les projets d’articles.

Mme SARAH WEISS MA’UDI (Israël) a estimé que l’expulsion des étrangers constitue une question sensible et délicate.  Il faudra trouver un équilibre entre la souveraineté de l’État, d’un côté, et la protection fondamentale des droits de l’homme  de l’autre, a ajouté la représentante, qui a noté la persistance de nombreux points de désaccords entre États Membres.  Elle a estimé que la forme finale du travail de la CDI devrait être déterminée ultérieurement.

En ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophes Mme Weiss Ma’udi a fait observer que son pays n’avait cessé de fournir de l’aide dans de nombreuses régions à travers le monde.  Il ne faut pas traiter la question en termes de droits ou de devoirs, mais en termes de coopération internationale, a-t-elle déclaré.  Elle a affirmé que l’État affecté est responsable au premier chef de la protection des personnes en cas de catastrophe.

La représentante a remercié la CDI d’avoir intégré la question des crimes contre l’humanité dans son programme de travail.  Cette question touche particulièrement Israël, étant donné l’histoire des juifs, a-t-elle expliqué.  Elle a exhorté les États à être prudents en traitant de cette question, avertissant que l’étude pourrait être utilisée à mauvais escient.

M. KRAIRAWEE SIRIKUL (Thaïlande) a estimé que les projets d’articles sur l’expulsion des étrangers reprennent bien les principes de la souveraineté des États, même si parfois les pratiques ne reflètent pas les normes universelles en raison des limites du cadre juridique de certains pays.  Il a ainsi fait observer que certains projets d’articles n’étaient pas conformes aux usages en la matière en Thaïlande et dans d’autres pays d’Asie. 

Au chapitre de la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant a salué les progrès enregistrés sous l’impulsion du Rapporteur spécial et de la CDI.  Cependant, il a attiré l’attention sur le terme « assistance externe », qui, a-t-il affirmé, devrait être employé avec prudence.  Il a ainsi suggéré que les acteurs non étatiques qui apportent une assistance ne soient pas traités de la même manière que les États assistants. 

Le représentant, qui a salué les efforts de la CDI en vue de promouvoir la primauté du droit, a rappelé que la Thaïlande avait accueilli, en 2012, le cours régional des Nations Unies en matière de droit international adressé aux participants de l’Asie et du Pacifique.  À cet égard, le représentant a demandé l’inscription du financement du Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international au budget ordinaire de l’Assemblée générale en lieu et place des contributions volontaires actuelles, qui sont insuffisantes.

Mme BARBARA ILLKOVÁ (Slovaquie) a estimé que la CDI aurait pu prendre en compte les observations présentées par l’Union européenne sur la question de l’expulsion des étrangers en ce qui concerne le respect des droits de l’homme.  Elle a, par ailleurs, exprimé des doutes sur la possibilité de parvenir actuellement à un consensus entre les États pour adopter une convention sur la question.

Mme Illková a félicité la CDI pour sa décision d’intégrer le jus cogens à son programme à long terme.  Les contours et les effets juridiques du jus cogens restent peu définis, a-t-elle noté, faisant part de son intérêt pour la détermination des normes jus cogens et de leur place dans le droit international général.

M. ANDREI POPKOV (Bélarus) a souhaité que les projets d’articles sur l’expulsion des étrangers puissent servir de base pour élaborer des normes internationales communes.  Toutefois, il a estimé que les projets d’articles n’apportent pas une définition concrète du statut des étrangers.  Il a jugé le projet d’article 6 concernant les réfugiés redondant avec certains textes internationaux actuels, de même que les dispositions relatives aux apatrides.  Il a noté que les dispositions concernant les expulsions collectives ou déguisées relevaient du développement progressif du droit international.  Il a souhaité un ajout au projet d’article 10 pour imposer une obligation claire aux États hôtes de prendre des mesures nationales interdisant à leurs ressortissants d’agir de manière à précipiter le départ d’étrangers.  Il a également plaidé pour que la loi prévoie des compensations et des garanties juridiques et équitables en cas de confiscation de propriétés des étrangers expulsés.

En ce qui concerne les projets d’articles sur la « protection des personnes en cas de catastrophe », le représentant a estimé que les projets d’articles 5 et 6 pourraient être fusionnés, étant donné le lien inextricable entre protection de la dignité humaine et droits de l’homme.  Par ailleurs, il a estimé que le projet d’article 11 devrait être affiné pour tenir compte des contraintes économiques de certains États dans l’atténuation des catastrophes naturelles.  Dans ce contexte, l’article pourrait inclure le thème de l’assistance technique internationale et d’autres mesures relatives à la coopération entre les États.

Mme MARIA DEL PILAF ESCOBAR PACAS (El Salvador) a jugé indispensable que l’interaction entre la Sixième Commission et la CDI soit suffisante pour garantir des progrès sur les questions traitées.  Elle a regretté que l’ensemble des projets d’articles sur l’expulsion des étrangers soit déjà finalisé alors qu’il n’a pas été discuté lors de la précédente session, ce qui aurait permis aux États de présenter des commentaires écrits.  Elle a fait part de son regret que les commentaires de sa propre délégation n’aient pas été retenus.  Elle a fait observer qu’il faudrait davantage de temps avant de faire adopter par l’Assemblée générale une version finale des projets d’articles, car il reste des désaccords substantiels entre les États sur plusieurs points.

Passant en revue les projets d’articles, la représentante a estimé que la nature exceptionnelle de la privation de la liberté de l’étranger devant être expulsé devait être mise encore plus en valeur car, a-t-elle ajouté, un migrant irrégulier ne commet pas d’infraction pénale.  Dans le cas particulier des enfants, la représentante a rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies avait déclaré que leur détention ne devrait intervenir qu’en dernier recours.  Elle a trouvé surprenant que le Rapporteur spécial ait écrit dans son neuvième Rapport qu’il ne savait pas d’où venait la source de droit mentionnant la nécessité d’avoir des lieux de détention propres.  « Pour nous, la source de droit se trouve dans la dignité humaine », a-t-elle expliqué.  Par ailleurs, elle a jugé inacceptable les dispositions qui pourraient supprimer les droits procéduraux d’un étranger arrivé illégalement sur le territoire et a demandé leur retrait.

En conclusion, la représentante a remercié la CDI d’avoir intégré la question des crimes contre l’humanité dans son programme de travail à long terme.  Elle a également jugé utile l’inclusion dans le programme du jus cogens, estimant que le travail de la Commission pourrait permettre de dissiper certains doutes qui surgissent lors de la codification du droit international.

M. SEBASTIAN ROGAČ (Croatie) s’est félicité que les crimes contre l’humanité aient été inclus dans le programme de travail à long terme de la CDI, notant que cette approche cadre bien avec les efforts de codification en vue de poursuivre et sanctionner ces crimes.  À cet égard, la Croatie appuie pleinement les efforts visant à développer un instrument international qui devrait par la même occasion faciliter le développement de la coopération entre États.  Le représentant a exhorté la CDI à trouver une définition claire des crimes contre l’humanité et de leur portée tout en s’inspirant des travaux des instances de justice pénale internationale, y compris la Cour pénale internationale (CPI).  Aussi, la Croatie est-elle d’avis que les prochaines discussions sur le sujet devraient consacrer du temps à la juridiction et ses ramifications.  Dans ce contexte, les futurs projets d’articles devraient s’appliquer aux conflits armés internationaux et non internationaux.  La Commission devrait également suivre les développements récents, telles que les propositions de négociations d’un traité multilatéral d’entraide judiciaire et d’extradition en cas de poursuites nationales pour crimes graves, que la Croatie a l’intention de rejoindre, ou encore la proposition franco-mexicaine tendant à limiter le droit de veto au Conseil de sécurité dans les situations de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

M. ANDRE STEMMET (Afrique du Sud) a déclaré que l’expulsion des étrangers devait être menée en tenant compte de paramètres issus d’un cadre juridique adéquat, à la fois au niveau du droit international et de la loi nationale de l’État.  Il a notamment cité le respect de la dignité humaine et des droits humains de l’étranger.  Ces principes, tels que prévus aux points 13 et 14 des projets d’articles se rapportant à l’expulsion des étrangers, sont des  piliers centraux de la Déclaration des droits de l’Afrique du Sud, a ajouté le représentant.  À cet égard, l’Afrique du Sud se félicite de l’approche visant à inclure dans les projets d’articles des catégories de personnes bénéficiant d’une protection spéciale en vertu du droit international, notamment les réfugiés et les apatrides.  Par ailleurs, M. Stemmet a jugé regrettable l’approche adoptée dans les projets d’articles, qui établit une distinction entre ce qui relève de la codification du droit international et ce qui relève de son développement progressif.

Au chapitre de la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant a souligné que, le respect de la souveraineté des États étant la pierre angulaire du droit international, l’État affecté par la catastrophe doit assumer la responsabilité première de protéger sa population.  Tous les « États assistants » ont le devoir fondamental de coopérer dans les opérations de secours aux sinistrés mais cette coopération doit être sujette à la prise en compte de l’État affecté en tant que premier facilitateur des secours.  En effet, a poursuivi le représentant, la coopération ne devrait pas être interprétée comme un moyen de réduire le rôle d’un État souverain.  M. Stemmet a encore affirmé que le consentement de l’État affecté à recevoir une assistance devait être sans équivoque mais également le préalable à toute forme d’assistance extérieure.

Le représentant a estimé que l’étude sur le jus cogens, que la CDI a décidé d’inclure dans son programme de travail à long terme, correspondait bien au mandat de la Commission visant à promouvoir le développement progressif et la codification du droit international.  Le concept du jus cogens a toujours été nébuleux, a-t-il reconnu, insistant sur la nécessité pour les juristes internationaux d’identifier les normes du jus cogens pour une meilleure compréhension.

Concernant les crimes contre l’humanité, l’Afrique du Sud continue de croire qu’en l’absence d’une convention sur la prévention et la sanction contre ce genre de crimes, il existe avec le Statut de Rome une base juridique suffisante pour les criminaliser dans les lois nationales.  Le représentant a prévenu que le travail de la CDI dans ce domaine ne devrait pas mettre à mal le système du Statut de Rome ni saper les efforts menant à son universalité.

Mme MARY MCLEOD (États-Unis) a déclaré que son pays avait fourni cette année ses commentaires écrits sur les projets d’articles concernant l’expulsion des étrangers et elle s’est félicitée que certaines de ses propositions aient été reprises.  Toutefois, les États-Unis restent préoccupés par cet ensemble, qui ne parvient pas à l’équilibre entre souveraineté de l’État et protection des droits de l’homme.  La représentante a cité divers exemples, comme le projet d’article 12 qui interdit l’expulsion d’un étranger aux fins de contourner une procédure d’extradition en cours, que la représentante a jugé trop vague.  En outre, les projets d’articles 23 et 24 élargissent le non-refoulement au-delà de ce que les États-Unis sont prêts à accepter.  La représentante a, en outre, estimé que certains articles entreraient en conflit avec des conventions largement adoptées.  Étant donné toutes ces préoccupations, les États-Unis préfèrent que la CDI fasse de ces projets d’articles des lignes directrices ou des principes directifs, plutôt qu’un instrument contraignant qui, en la matière, n’est pas selon eux souhaitable.

Mme McLeod a par ailleurs estimé que « l’heure n’est toujours pas venue » pour la CDI d’étudier la question du jus cogens.  Pour les États-Unis, la présence  dans le programme de travail de la CDI de trois projets concernant les sources de droit international qui se superposent pourrait entraîner des risques de confusion.

 

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