En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session,
19e séance – matin
AG/J/3487

La Sixième Commission entame son débat sur le rapport de la Commission du droit international

Les délégations examinent en premier lieu les questions de l’expulsion des étrangers et de la protection des personnes en cas de catastrophe

La Sixième Commission (chargée des affaires juridiques) a entamé, ce matin, l’examen du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), thème qui doit retenir son attention jusqu’au 5 novembre.

En ouverture de séance, le Président de la CDI, M. Kirill Gevorgian, a présenté un résumé des travaux et réalisation de la soixante-sixième session de la Commission en détaillant ses activités concernant deux chapitres: l’expulsion des étrangers et la protection des personnes en cas de catastrophe.

Sur le premier point, il a notamment expliqué que la Commission avait adopté, en seconde lecture, un ensemble de 31 projets d’articles sur l’expulsion des étrangers et recommandé à l’Assemblée générale d’en prendre acte dans une résolution, d’en encourager la plus large diffusion possible et d’envisager, à un stade ultérieur, d’élaborer une convention sur la base de ces projets d’articles.  Sur la seconde question, il a annoncé que la Commission avait adopté, en première lecture, un ensemble de 21 projets d’articles et décidé de le transmettre aux gouvernements et organisations internationales compétentes, y compris les Nations Unies, pour commentaires et observations avant le 1er janvier 2016.  M. Gevorgian présentera ultérieurement les résultats des travaux de la CDI concernant d’autres études.

Lors du débat, la plupart des pays européens ont estimé que l’élaboration d’une convention sur la question de l’expulsion des étrangers à partir des projets d’articles ne serait pas appropriée.  « À ce stade, nous pensons que cela devrait rester un ensemble de normes existant déjà, fournissant un guide général du droit sur l’expulsion des étrangers », a ainsi déclaré la représentante du Portugal.  Seule la Roumanie a indiqué que la CDI devait considérer avec le plus grand intérêt la proposition visant à l’élaboration d’une convention.

L’Union européenne a regretté que le résultat final auquel la CDI est arrivée ne reflète pas les solutions concrètes qu’elle avait suggérées.  Comme elle, les pays nordiques et la Suisse ont mis l’accent sur le respect des droits de l’homme, y compris un refus explicite de toute discrimination dans les droits des personnes menacées d’expulsion, qui serait fondée sur l’orientation sexuelle ou encore le droit à un examen judiciaire rapide de la légalité de la détention.  

Le Royaume-Uni a jugé que l’interdiction « d’une détention d’une durée excessive » était d’un flou inacceptable.  Pour sa part, le Canada a estimé que le texte de la CDI n’assurait pas le nécessaire équilibre entre la promotion et la protection des droits de la personne et la souveraineté des États quant à leurs frontières.

L’Union européenne a, par ailleurs, salué l’adoption en première lecture par la CDI des 21 projets d’articles relatifs à la protection des personnes en cas de catastrophe, adoption qu’elle a qualifiée de « première ».  Pour l’Autriche, les projets d’articles relatifs aux rapports avec le droit international humanitaire devraient également s’appliquer aux situations de conflit armé, mais dans la seule mesure où ils ne contreviennent pas aux règles particulières de ce droit.  L’Allemagne a salué le nouveau projet d’articles relatif à la protection du personnel humanitaire, leurs équipements et leurs biens, en soulignant qu’il était vital de permettre aux États et aux autres acteurs de fournir une assistance de manière efficace.  La Fédération de Russie a toutefois insisté sur le fait que les règles formulées par la CDI étaient des directives que les États peuvent utiliser pour une meilleure collaboration en vue d’empêcher les catastrophes.

Concernant le programme de travail à long terme de la Commission, les pays nordiques se sont dits encouragés par la nomination de M. Sean D. Murphy comme Rapporteur spécial sur le thème des « crimes contre l’humanité », mais ont recommandé que tout travail de la CDI sur la question respecte la définition de ce crime inscrite à l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.  Le Royaume-Uni a salué la prudence du Rapporteur spécial sur la question, tout en soulignant que la compétence de la Cour était complémentaire de celle des juridictions nationales.

Le Portugal, le Pérou ou encore la Roumanie ont exprimé leur satisfaction de voir la question du jus cogens introduite dans le programme à long terme de la Commission.  L’Irlande a noté qu’il faudrait que la Commission décide de ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas concernant cette question.  Les pays nordiques ont noté la nécessité d’éclairer davantage le terme, estimant que ses conséquences juridiques sont peu claires.

La Sixième Commission poursuivra l’examen des mêmes chapitres du rapport de la CDI demain, mardi 28 octobre, à partir de 10 heures.

 

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-SIXIEME SESSION (A/69/10)

Déclarations

M. KIRILL GEVORGIAN, Président de la Commission du droit international (CDI), a présenté le rapport de la CDI.  En introduction, il a déclaré que le droit international demeure le phare nécessaire pour mettre en place un monde meilleur.  Il a souligné la nécessité d’obtenir des informations de la part des États Membres concernant leur pratique, qui représente une partie essentielle du travail de la Sixième Commission.

M. Gevorgian a présenté rapidement les chapitres introductifs du rapport qui présentent un résumé de ses travaux lors de sa soixante-sixième session.  Il a notamment expliqué que la Commission avait poursuivi son examen substantiel des questions relatives à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, aux accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités et à la détermination du droit international coutumier.  Il a noté que, durant sa dernière session, la CDI avait décidé d’inclure la notion de crime contre l’humanité, ainsi que la question du jus cogens à son programme de travail à long terme.  Il a aussi fait observer que la CDI avait continué sa coopération avec la Cour internationale de Justice (CIJ).  Il a exprimé sa gratitude à tous les États, notamment pour le financement du séminaire annuel de droit international.

Le Président s’est ensuite attaché aux chapitres IV et V qui détaillent, respectivement, les travaux de la CDI sur l’expulsion des étrangers et la protection des personnes en cas de catastrophe.

M. Gevorgian a ainsi expliqué que la CDI avait, cette année, adopté en deuxième lecture un ensemble de 21 projets d’articles sur l’expulsion des étrangers.  Ces projets d’articles comportent cinq parties, a-t-il expliqué.  Le champ d’application de l’ensemble a été défini en tenant compte des précisions de certains gouvernements.  M. Gevorgian a fait observer que le projet dans son ensemble ne fait pas référence au statut des étrangers se trouvant sur le territoire, que ce soit légalement ou illégalement.  Le projet d’article 2 contient la définition traditionnelle sur l’expulsion des étrangers.  Le projet d’article 3 rappelle le droit de l’État d’expulser en rappelant que ce droit reste régulé par le présent projet d’articles et, en vertu du projet d’article 4, ne peut se faire que conformément à la loi.  Dans le projet d’article 5, la mention de sécurité et d’ordre public a été retirée, et cette notion se retrouve dans les commentaires.  M. Gevorgian a noté qu’il existe six projets d’articles qui interdisent l’expulsion des étrangers dans certains cas, comme le projet d’article 9, qui traite de la question spécifique de l’interdiction de l’expulsion collective, ou encore le projet d’article 10, qui interdit à un État d’exercer un droit d’expulsion déguisée.

La troisième partie des projets d’articles traite de la protection des droits des étrangers sujets à expulsion, en rappelant notamment que les étrangers susceptibles d’expulsion ont tous droit au respect de leurs droits de l’homme, a précisé le Président, qui a notamment rappelé l’interdiction de toute discrimination comme fondement à l’expulsion ou encore l’existence d’un projet d’article consacré spécifiquement à l’expulsion des personnes vulnérables, a-t-il noté.  M. Gevorgian a également énuméré les projets d’articles concernant la protection requise pour les futurs expulsés dans l’État expulsant, puis en relation avec la situation de l’État de destination.  Ainsi, le projet d’article 24 demande de ne pas expulser un étranger dans un État où il puisse être soumis à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.  Il a rappelé que certains projets d’articles portent sur l’expulsion d’un étranger vers un État de transit, le caractère suspensif d’un appel concernant la décision d’expulsion, ou encore les conséquences juridiques d’une expulsion.  Le Président a rappelé en conclusion que la CDI avait décidé de recommander à l’Assemblée générale qu’elle prenne note de ces projets d’articles.

Concernant la protection des personnes en cas de catastrophe, le Président a souligné qu’un ensemble de 21 projets d’articles avait été adopté en première lecture par la Commission.  Il a souligné que la Commission n’avait pas introduit de changements substantiels aux projets d’articles existants et s’est attaché aux trois nouveaux projets d’articles -4, 18 et 20-, qui traitent de la notion d’État affecté, d’État assistant et des autres acteurs assistants.  Il a notamment fait observer la définition proposée du personnel de secours externe, civil ou militaire, qui est celle d’un personnel spécialisé disposant des compétences professionnelles nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions. 

En conclusion, le Président a expliqué que la CDI avait décidé de transmettre, par l’entremise du Secrétaire général, le projet d’articles aux gouvernements, aux organisations internationales compétentes, au Comité international de la Croix-Rouge et à la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour commentaires et observations.  Il a ajouté que ces commentaires devraient être reçus, via le Secrétaire général, avant le 1er janvier 2016.  La CDI souhaiterait recevoir dans les mêmes délais les commentaires et observations de l’ONU sur le projet d’articles, notamment de la part du Bureau de la coordination des affaires humanitaires.

Mme GEORGINA GUILLÉN-GRILLO (Costa Rica), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a reconnu le leadership de la Commission du droit international (CDI) pour le développement du droit international et sa codification et s’est félicitée du nombre important de conventions internationales ayant découlé de son travail, de même que des projets de document qu’elle a référés à la Cour internationale de Justice (CIJ).  Notant les demandes de la CDI concernant la contribution des États Membres à son travail, notamment en ce qui concerne la transmission de documents, la représentante a souligné que bon nombre de ces États étaient confrontés à des difficultés pour remplir cette obligation.  Selon Mme Guillén-Grillo, cette difficulté s’explique non pas par le manque d’intérêt mais plutôt par le déséquilibre des ressources nécessaires au travail des équipes de juristes internationaux entre les différents États.  La CELAC renouvelle son appel à la Commission du droit international pour qu’elle tienne une partie, si possible la moitié, de ses réunions à New York et non plus à Genève, ce qui permettrait aux délégués à la Sixième Commission de participer à ses délibérations en tant qu’observateurs. 

La représentante a indiqué qu’il fallait poursuivre les efforts de coopération et de dialogue entre la Commission et les États Membres, jugeant regrettable que les rapporteurs spéciaux chargés de thèmes spécifiques traités au sein de la Sixième Commission ne puissent interagir avec les délégués en raison de contraintes budgétaires.  Elle a également insisté sur l’importance du séminaire annuel de droit international, qui permet à de jeunes juristes internationaux ou étudiants en droit issus de pays en développement de se familiariser avec le travail de la CDI.

Mme Guillén-Grillo a salué les réalisations de la CDI au cours de sa soixante-sixième session, y compris l’adoption des projets d’articles relatifs à l’expulsion des étrangers et à la protection des personnes en cas de catastrophe.  La représentante a souhaité que la productivité de la CDI puisse être assurée par un financement adéquat permettant notamment la diffusion de documents de grande importance pour le développement et la codification progressive du droit international.

M. LUCIO GUSSETTI, Union européenne, s’est d’abord exprimé sur le point relatif à l’expulsion des étrangers.  Il a rappelé que, pour l’Union européenne, l’élaboration d’une convention en la matière n’est pas appropriée même si, comme l’a reconnu la Commission du droit international, ses conclusions sur ce sujet s’inspiraient de la législation et la politique en vigueur de l’Union européenne.  Dans le même temps, l’Union européenne regrette que le résultat final auquel la CDI est arrivée ne reflète pas les solutions concrètes qu’elle a suggérées, lesquelles s’attachent essentiellement au respect des droits de l’homme, y compris au refus explicite de l’orientation sexuelle comme motif de discrimination ou encore le droit à un examen judiciaire rapide quant à la légalité de la détention.  En conséquence, le représentant a appelé les États à prendre des mesures appropriées pour garantir ces droits en cas d’expulsion des étrangers. 

Concernant la protection des personnes en cas de catastrophe, M. Gussetti a exprimé les encouragements de l’Union européenne à la CDI après son adoption, en première lecture, de son ensemble de 21 projets d’articles, ce qui, a dit le représentant, constitue une « première ».  Il s’est également félicité que ces projets d’articles mettent l’accent sur les personnes dans le besoin et dans le cadre d’une approche basée sur le droit.  C’est là, a-t-il dit, un point important sur lequel l’Union européenne avait insisté dans ses précédentes déclarations.  Se félicitant de l’adoption des projets d’articles 18 et 20, le représentant s’est également réjoui que les projets 4 et 8, qui contiennent des dispositions relatives à l’assistance extérieure, englobent également la notion plus large d’« acteurs pour l’assistance ».  Il a indiqué que l’Union européenne disposait, au plan interne, d’un mécanisme supranational en matière de réponse aux catastrophes et d’un autre mécanisme concernant la protection civile.  Au niveau externe, un autre mécanisme permet à l’Union européenne de déployer des volontaires dans des pays tiers pour appuyer et compléter l’aide humanitaire, a-t-il précisé.

Mme PÄIVI KAUKORANTA (Finlande), au nom des pays nordiques, a indiqué que les projets d’articles sur l’expulsion des étrangers ne devaient pas porter atteinte à certains principes, notamment en ce qui concerne le refoulement des étrangers.  Elle a également souligné que les dispositions sur l’interdiction de toute discrimination dans le cadre du respect des droits de la personne soumise à expulsion (projet d’article 14) devraient inclure l’orientation sexuelle.  En outre, la représentante a estimé que les progrès enregistrés ces dernières années sur la question de l’expulsion des étrangers n’avaient pas modifié le fait que l’ensemble des projets d’articles mis au point par la CDI ne se prête pas à une intégration dans une convention.  Les pays nordiques n’appuient donc pas cette idée. 

Concernant la protection des personnes en cas de catastrophe, Mme Kaukoranta s’est concentrée sur les projets d’articles 4 et 18 relatifs aux « États affectés », qui mettent en évidence la responsabilité principale de l’État de protéger toutes les personnes et l’environnement dans lequel se déroule une catastrophe.  Les pays nordiques sont également d’accord avec la définition donnée de « l’État assistant » lorsque l’assistance est fournie par des organisations et appellent à reconnaître le rôle d’organisations telles que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge. 

Concernant le programme de travail à long terme de la Commission, la représentante s’est dite encouragée par la nomination de M. Sean D. Murphy comme Rapporteur spécial sur le thème des « crimes contre l’humanité ».  Toutefois, elle a recommandé que tout travail de la CDI sur cette question respecte la définition de ce crime inscrite à l’article 7 du Statut de Rome.  Par ailleurs, concernant  le thème du jus cogens, elle a noté la nécessité d’éclairer davantage le terme, estimant que ses conséquences juridiques sont peu claires.  Elle a également exhorté la Commission à se montrer prudente dans ses démarches en la matière et à procéder à une délimitation précise du sujet.

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a affirmé que son pays accordait une importance particulière aux travaux de la Commission du droit international, ajoutant que la CDI avait apporté une contribution importante à la codification du droit international.  Sur la question de l’expulsion des étrangers, la représentante a noté que le premier des 31 projets d’articles nécessite une définition du droit des étrangers vivant légalement et illégalement sur son sol.  Elle a encore noté que les droits formulés ne s’appliquent pas de la même manière en fonction du statut de la personne.  Au sujet du projet d’article 2, elle a relevé que le terme « expulsion » ne devait pas définir la légalité de l’expulsion en fonction de l’organe qui décide de cette mesure. 

Concernant la protection des personnes en cas de catastrophe, la représentante s’est dite persuadée que l’accent devait être mis sur l’assistance avant, pendant et après les crises survenant sur un territoire bien défini.  Elle a insisté sur le fait que les règles formulées par la CDI étaient des directives que les États peuvent utiliser pour une meilleure collaboration en vue d’empêcher les catastrophes.  En outre, la Fédération de Russie a proposé que les États coopèrent entre eux et, le cas échéant, se tournent vers les organisations pour réduire les risques de catastrophes.

M. AUGUST REINISCH, (Autriche) a d’abord souhaité que la CDI se penche sur un certain nombre de questions, telles que la nature du jus cogens et les critères permettant d’identifier une norme appartenant au jus cogens.

En ce qui concerne l’expulsion des étrangers, le représentant a indiqué que la pratique de son pays était dans une large mesure conforme au projet d’articles s’y rapportant.  « Mon pays n’a pas d’objection par rapport au libellé du projet d’article 8 relatif à la déchéance de nationalité aux fins d’expulsion », a-t-il dit.  Selon lui, le projet d’article n’affecte pas le droit de l’État de priver un individu de sa nationalité dans la mesure où une telle prérogative est prévue par la législation nationale.  « Cela peut être le cas lorsque la législation prévoit la déchéance de nationalité pour les personnes voulant combattre dans des conflits armés à l’étranger », a expliqué le représentant.  En ce qui concerne l’article 18, relatif à l’obligation de respecter le droit à la vie de famille de la personne que l’État s’apprête à expulser, le représentant a indiqué qu’un tel droit ne pouvait fournir une protection absolue à un individu frappé d’expulsion.  Il a, par ailleurs, vivement déploré la redondance des projets d’articles 30 et 31.

En ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant a indiqué que la définition du personnel de secours prévue au projet d’article  4 devait être conciliée avec la pratique des États, dans la mesure où le personnel militaire est placé sous le seul contrôle de l’État apportant son aide, indépendamment du contrôle opérationnel de l’État recevant ladite aide.  En conclusion, il a affirmé que les projets d’articles relatifs aux rapports avec le droit international humanitaire devraient également s’appliquer aux situations de conflit armé, mais dans la seule mesure où ils ne contreviennent pas aux règles particulières de ce droit.

Mme DAMARIS CARNAL (Suisse) a tout d’abord fait part des observations de son pays concernant l’ensemble des projets d’articles sur l’expulsion des étrangers.  Concernant le projet d’article 14 relatif à l’interdiction des discriminations, elle a déploré l’absence d’une mention expresse à l’orientation sexuelle dans la liste des motifs de discrimination prohibés.  Elle a également regretté que le projet d’article 19 relatif à la détention de l’étranger aux fins d’expulsion ne mentionne pas le droit de l’étranger d’introduire un recours devant une juridiction, afin que cette dernière statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si sa détention est illégale.

En ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophe, la représentante s’est félicitée de la suggestion de la Commission du droit international d’intégrer dans le projet d’articles un article relatif à la protection du personnel, de l’équipement et des biens de secours.  « Au vu des risques auxquels est exposé le personnel de secours, un tel article nous semble indispensable », a déclaré Mme Carnal.

La représentante s’est en revanche dite préoccupée par la définition de la notion de « personnel de secours » telle qu’elle figure au projet d’article 4 (e).  « Celle-ci s’entend tant du personnel civil que militaire alors que, selon les Directives d’Oslo de novembre 2007 sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile étrangères dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe, les ressources militaires ne doivent être utilisées qu’en dernier ressort », a-t-elle expliqué.  Elle a fait observer que le projet d’article 17 abordait lui aussi la question du personnel de secours sans distinguer le personnel civil du personnel militaire.

M. BILL CROSBIE (Canada) a déclaré que l’expulsion des étrangers était régie par un important réseau d’instruments juridiques internationaux, une jurisprudence internationale fournie, une abondance de dispositions législatives et de jurisprudences nationales et une doctrine bien élaborée.  Le représentant a souligné que, bien que certains principes tels que le non-refoulement soit généralement accepté, le projet d’articles comportait également des normes tirées de cette vaste gamme d’instruments internationaux et régionaux qui ne jouissent pas d’une adhésion universelle.  « Il est important d’assurer l’équilibre du droit international entre la promotion et la protection des droits de la personne, tel que le droit de demander l’asile, et la souveraineté des États quant à leurs frontières », a-t-il dit.  M. Crosbie a conclu en affirmant que les actuels projets d’articles ne préservaient pas suffisamment cet équilibre.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a pris note de certains des thèmes pour lesquels la CDI estime que des commentaires des États seraient particulièrement pertinents, à savoir la détermination du droit international coutumier, la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et les crimes contre l’humanité. 

Le représentant a pris note de l’adoption par la CDI en deuxième lecture des 31 projets d’articles concernant l’expulsion des étrangers et s’est félicité de l’adoption de 21 projets d’articles concernant la protection des personnes en cas de catastrophe.  Il a exprimé sa satisfaction de voir la question du jus cogens introduite dans le programme à long terme de la Commission.  Concernant les relations entre la Commission du droit international et la Sixième Commission, le représentant a rappelé que la Sixième Commission peut inviter la CDI à demander l’assistance d’un rapporteur spécial quand les circonstances le justifient.  M. Meza-Cuadra a, par ailleurs, fait part de sa préoccupation concernant le financement de la Médiathèque de droit international des Nations Unies, avant de renouveler son attachement aux travaux de la CDI.

M. FELIX ZAHARIA (Roumanie) a indiqué qu’en ce qui concerne le devenir des projets d’articles relatifs à l’expulsion des étrangers, la CDI devait considérer avec le plus grand intérêt la proposition visant à l’élaboration d’une convention.  Le représentant a, en outre, affirmé que les projets d’articles auraient dû établir une distinction plus claire entre les différentes catégories d’étrangers: réfugiés, demandeurs d’asile, migrants ou victimes de trafiquants.  Il a dit apprécier la proposition de la Commission visant à conférer aux étrangers frappés par une procédure d’expulsion des droits, qu’ils soient sur le territoire de l’État concerné de manière licite ou illicite.  Il a néanmoins jugé « problématique » le projet d’article 26 y afférent.  Ce dernier laisse en effet pendante la question de savoir dans quelle mesure un État peut ne pas conférer de tels droits à un étranger présent illégalement sur son territoire pour une courte durée, a-t-il expliqué.  Il a estimé que cette notion de courte durée était également sujette à interprétation.

Le représentant a indiqué que le projet d’articles relatif à la protection des personnes en cas de catastrophe reconnaissait le rôle premier joué par l’État affecté dans la direction, le contrôle, la coordination et la supervision de l’aide, interne comme externe, apportée pour remédier aux conséquences d’une catastrophe, alors que l’assistance extérieure est soumise au consentement et aux conditions de l’État affecté.  En conclusion, le délégué a apporté son soutien à l’inclusion dans le programme de travail de la Commission de la question du jus cogens.

Mme RITA FADEN (Portugal) a fait part de sa satisfaction après l’inclusion du jus cogens comme thème de travail pour le programme à long terme de la CDI, y voyant un sujet de la plus haute importance.  Bien que contribuant à la clarification du droit international par la doctrine, la jurisprudence et la Commission elle-même, le jus cogens continue à être un mystère souvent débattu, a-t-elle noté.  La représentante a, par ailleurs, estimé que la répétition de certaines pratiques par les États ne devrait pas être validée en tant que méthode de travail.  En effet, a-t-elle déclaré, la pratique des États a peu de pertinence juridique.  Parmi les 193 États, seuls certains font état de leur pratique, ce qui peut fausser la vision de la pratique réelle.  D’un autre côté, elle a noté que seule une minorité d’États Membres interviennent dans les débats sur les rapports de la Sixième Commission ou lors des négociations sur les résolutions.  Elle a estimé qu’il fallait donner la priorité à l’aide au développement de services nationaux concernant le droit international, avec des ressources humaines formées dans le but de renforcer une plus large participation du processus de développement du droit international.

Concernant l’expulsion des étrangers, Mme Faden a noté que l’ensemble des 31 projets d’articles fournit un bon cadre pour la protection et le respect de droits individuels lors de situations d’expulsion.  En outre, il apporte l’équilibre nécessaire entre ces droits et la souveraineté de l’État sur son territoire.  La représentante a dit accueillir favorablement les recommandations de la Commission à l’Assemblée générale visant à ce que celle-ci prenne note de ces articles et encourage leur diffusion.  « À ce stade, nous pensons que cela devrait rester un ensemble de normes existant déjà, fournissant un guide général du droit sur l’expulsion des étrangers », a précisé la représentante.

La représentante a estimé que les projets d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe fournissent un bon cadre.  En traitant de la coopération entre les États, la CDI a trouvé un équilibre entre la souveraineté de l’État et la protection des individus, a-t-elle ajouté.  En revanche, Mme Faden a noté qu’en ce qui concerne l’assentiment de l’État affecté à une aide extérieure, la CDI n’avait pas encore été capable d’expliquer clairement ce qui se passerait dans la situation où il ne serait pas possible à l’État affecté de prendre une décision.  Quelles seraient les conséquences pour la protection des personnes, a-t-elle demandé.  En conclusion, elle a souligné que sa délégation fournira à la Commission ses commentaires et observations sur les projets d’articles avant le 1er janvier 2016, comme demandé.

M. IAIN MACLEOD (Royaume-Uni) a salué la prudence du Rapporteur spécial à propos de la relation entre les travaux de la CDI sur les crimes contre l’humanité et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  « Il est important que les travaux de la CPI dans ce domaine ne soient pas affectés », a-t-il dit, tout en soulignant que la compétence de la Cour était complémentaire de celle des juridictions nationales.

En ce qui concerne l’ensemble du projet d’articles sur l’expulsion des étrangers, M. MacLeod a estimé que le projet d’article 10 relatif à l’interdiction des expulsions déguisées était d’une portée trop large.  Cet article pourrait restreindre l’efficacité des moyens légitimes employés pour lutter contre l’immigration illégale, a-t-il expliqué.  Il a en outre indiqué que le projet d’article 19 relatif à l’interdiction de détenir un étranger aux fins d’expulsion avec des personnes condamnées à des peines de privation de liberté pouvait entraver le contrôle effectif de l’État sur les migrants illégaux qui présentent une menace à la sécurité des autres détenus.  Il a en outre jugé que l’interdiction « d’une détention d’une durée excessive » était d’un flou inacceptable.  Les États doivent pouvoir gérer les flux migratoires dans le respect de leurs intérêts et sécuriser leurs frontières, a-t-il dit.  Il a indiqué que la Commission ne devait pas pousser plus avant ses travaux sur la question et devait les achever.  Ce n’est pas un sujet qui devrait faire l’objet d’une convention, a-t-il également dit.

En ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant du Royaume-Uni a indiqué que son pays était d’accord avec la substance des projets d’articles, en particulier le projet d’article 14 qui dispose que le consentement d’un État affecté à une aide humanitaire extérieure ne doit pas être arbitrairement retiré.

M. OLIVER FIXON (Allemagne) a jugé délicat et difficile le thème de l’expulsion des étrangers », avant de se féliciter que la CDI soit parvenue à adopter un ensemble de projets d’articles sur la question, grâce notamment à une révision s’appuyant sur les commentaires et observations faits par les États. 

Concernant la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant a estimé que la démarche relative à la notion du concept de souveraineté telle que stipulée aux articles 12 et 15 était très pertinente, car elle met en exergue l’obligation de l’État de garantir dans sa juridiction la protection des personnes et la fourniture d’aide en cas de catastrophe.  Il a également salué le nouveau projet d’article relatif à la protection du personnel humanitaire, leurs équipements et leurs biens, en soulignant qu’il était vital de permettre aux États et aux autres acteurs de fournir une assistance de manière efficace.  En conclusion, M. Fixon a affirmé que les projets d’articles fournissaient de bonnes recommandations en vue d’appuyer les pratiques internationales et la législation nationale nécessaire à la mise sur pied de systèmes nationaux d’alerte et de prévention des catastrophes.

M. JAMES KINGSTON (Irlande) a estimé que l’étude sur l’expulsion des étrangers par la CDI ne devait pas être utilisée comme base pour établir une convention sur ce thème.  Le représentant a noté que la portée de l’application de l’étude sur la protection des personnes en cas de catastrophe devait se limiter aux catastrophes naturelles.  Il a salué la définition donnée de « l’État affecté ».  En outre, il a estimé que les commentaires sur la question du projet d’article 1 bénéficieraient d’une explication du thème « société » lorsque celui-ci est utilisé pour qualifier les « dommages de grande ampleur perturbant ainsi gravement le fonctionnement de la société ».

Par ailleurs, le représentant a pris note de l’adjonction des « crimes contre l’humanité » au programme de travail à long terme de la CDI.  À cet égard, il a fait part de sa préoccupation concernant les instruments opérationnels pour poursuivre les crimes internationaux les plus graves.  Il s’est félicité de l’introduction du thème du jus cogens dans le programme de travail, estimant qu’il faudrait procéder à un examen très détaillé de la notion.  Il faudrait que la Commission décide de ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas concernant cette question, a ajouté M. Kingston.

 

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