En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session,
11e et 12e séances – matin et après-midi
AG/J/3481

Les délégations de la Sixième Commission restent divisées sur la portée et l’application de la compétence universelle

La Sixième Commission (chargée des questions juridiques) a débattu, aujourd’hui, de la question de la portée et l’application du principe de compétence universelle.  De nombreuses délégations, comme la Norvège, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Qatar, la Tunisie, le Congo, le Burkina Faso et le Rwanda, ont déclaré qu’elles attachaient la plus haute importance au principe de la compétence universelle.  Les États doivent se doter de mécanismes visant à prévenir les violations flagrantes du droit international.  La Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) a tenu à préciser que l’application de ce principe de compétence universelle, que reconnaît le droit international à titre exceptionnel, vise à lutter contre l’impunité. 

Pour la Chine, la compétence universelle doit reposer sur des principes de droit international, à savoir la non-violation de la souveraineté des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures, la non-violation des immunités dont bénéficient les États et les hauts fonctionnaires des États.  Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont rappelé que l’exceptionnelle gravité du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité justifiaient que leur prévention et leur punition soient une préoccupation commune de tous les États.  La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a rappelé qu’aux termes de l’article 21 de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, personne n’est exempt de responsabilité pour les crimes de génocide.  À cet égard, le Rwanda a félicité les États Membres qui ont aidé à extrader ou poursuivre des personnes qui avaient participé au génocide de 1994.  Elle a cependant regretté que certains fugitifs aient pu trouver refuge dans certains États Membres, y compris ceux poursuivis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Si le principe de compétence universelle demeure un outil fondamental pour combattre l’impunité et renforcer la justice internationale, son application ne saurait se faire de façon abusive, ont prévenu de nombreuses délégations.  La Chine a apprécié les efforts faits par le Groupe de travail chargé de la question pour lister les crimes pour lesquels la compétence universelle peut s’appliquer.  En dehors de la piraterie en haute mer, les définitions ne se recoupent pas.  L’observateur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est convaincu que les conditions nécessaires à lancer des poursuites pénales ou pour justifier la décision d’y renoncer devrait être clairement codifiée au niveau national.  De telles conditions devraient renforcer l’efficacité et la prédictibilité du principe de compétence universelle, plutôt que d’en limiter l’application.

Le Mouvement des pays non alignés s’est déclaré inquiet des implications de la compétence universelle concernant la question des représentants de l’État et, en conséquence, de la question de la souveraineté des États concernés.  Cette compétence universelle a souvent été appliquée de manière sélective, ce qui pose la question de la nature des crimes pour lesquels elle est susceptible d’être exercée.  Le Groupe des États d’Afrique a insisté sur l’importance du respect des normes de droit et au respect des avis consultatifs et arrêts de la Cour internationale de Justice, laquelle a déclaré que le principe de l’immunité des chefs d’État ne devrait pas être réexaminé. 

Le Groupe des États d’Afrique a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle adopte des mesures afin de mettre fin au recours abusif à ce principe et à sa manipulation politique par des juges et des États non africains.  Pour le Rwanda, une telle situation rappelle l’époque du colonialisme, qui est encore bien ancré dans les esprits.  Pour Sri Lanka, une approche privilégiant les efforts nationaux aurait pour effet de consolider la légitimité du principe de la compétence universelle.  Au Sénégal, l’affaire concernant l’ancien Président tchadien Hissène Habré illustre cette question.  À l’issue d’une longue procédure judiciaire, l’Union africaine avait requis du Sénégal de le  juger au nom de l’Afrique.  Le Sénégal a dû modifier sa législation pour pouvoir juger des crimes internationaux commis en dehors du territoire sénégalais. 

Pour la CELAC, il est prématuré de conclure les travaux du Groupe de travail chargé de la question, sans toutefois écarter la possibilité de demander à la Commission du droit international de se saisir de cette question pour un examen plus approfondi, a indiqué la représentante du Costa Rica.  Les discussions menées depuis 2009 ont montré que d’autres délégations tendent à se concentrer sur les risques associés au principe, a fait observer la Suisse.  Dès lors, une étude juridique complète analysant l’application pratique du principe fournirait, a-t-il assuré, une base solide de discussions futures et constructives.

Enfin, certaines délégations, dont celle de Sri Lanka ont souhaité que la  communauté internationale fournisse plus de contributions aux discussions en faisant part de leurs expériences nationales.

La Sixième Commission reprendra ses travaux, vendredi 17 octobre, à 10 heures.

PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE (A/69/174)

Déclarations

M. HOSSEIN GHARIBI (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés, a réitéré son appel pour un examen approfondi de toutes les facettes de la question de la portée et application de la compétence universelle.  Il a estimé que les principes consacrés par la Charte des Nations Unies doivent être respectés dans toutes les procédures judiciaires.  L’implication de fonctionnaires des Nations Unies doit être examinée en toute impartialité, mais l’immunité des représentants de l’État doit être pleinement respectée, a-t-il déclaré.  Le représentant a estimé que le contexte dans lequel ces principes ont été adoptés doit être gardé à l’esprit.  La compétence universelle est un outil qui soulève questions et controverses, notamment en ce qui concerne le type de crimes qui tombent sous sa compétence.

Le Mouvement des pays non alignés s’est déclaré inquiet des implications de la compétence universelle concernant la question des représentants de l’État et, en conséquence, de la question de la souveraineté des États concernés.  Cette compétence universelle a souvent été appliquée de manière sélective, ce qui pose, pour sa délégation, la question de la nature des crimes pour lesquels elle est susceptible d’être exercée.  La compétence universelle doit être exercée de bonne foi, de manière non sélective et ne pas constituer une violation de l’immunité des hauts fonctionnaires, a-t-il rappelé.  Le Mouvement des pays non alignés souhaite mettre en garde contre l’inclusion de certains crimes dans l’application du principe de compétence universelle.  Le représentant a assuré que sa délégation restait à la disposition des autres États Membres pour partager des informations sur cette question.

Mme JULIA O’BRIEN (Australie), au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a rappelé que l’exceptionnelle gravité du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité justifiait que leur prévention et leur punition soient une préoccupation commune de tous les États.  Juger les responsables de tels crimes est nécessaire pour renforcer l’état de droit, rendre la justice aux victimes et contribuer à une paix durable, a-t-elle affirmé.

La représentante a ensuite souligné que la responsabilité première dans la poursuite des crimes internationaux graves incombait en premier lieu à l’État sur le territoire duquel un tel crime a été commis.  Cet État est souvent le mieux placé pour recueillir les éléments de preuve, assurer la protection des témoins et faire passer « le message de la justice » auprès des auteurs de ces crimes.  Dans certaines circonstances, le principe de compétence personnelle peut néanmoins s’appliquer, a-t-elle dit.

Mme O’Brien a ajouté que lorsqu’un État ne voulait pas ou ne souhaitait pas exercer sa compétence territoriale ou personnelle, le principe de compétence universelle était un mécanisme important à disposition de la communauté internationale.  Elle a jugé crucial que les tribunaux nationaux recourent à ce principe de compétence universelle de bonne foi et dans le cadre des normes du droit international.  En conclusion, la représentante a expliqué que les pays du groupe CANZ avaient inscrit dans leur droit national le principe de compétence universelle pour les crimes internationaux les plus graves et elle a encouragé les pays qui ne l’ont pas encore fait à agir de même.

M. THEMBILE ELPHUS JOYINI (Afrique du Sud), au nom du Groupe africain, a rappelé que, du fait d’une utilisation abusive du principe de compétence universelle, lequel visait plus particulièrement les dirigeants africains, le Groupe africain avait exigé, en février 2009, l’ajout de la question de la compétence universelle à l’ordre du jour de la Sixième Commission.  Il a rappelé l’attachement de l’Union africaine à ce principe, faisant référence à plusieurs  décisions de sommets de l’organisation régionale, qui préconisent notamment que tous les auteurs de crimes graves aient à répondre de leurs actes.  L’acte constitutif de l’Union africaine, a-t-il souligné, prévoit son intervention lorsque les États la saisissent.

Le Groupe africain insiste sur l’importance du respect des normes de droit, y compris l’égalité souveraine des États et la souveraineté territoriale.  Il a appelé au respect des avis et arrêts de la Cour internationale de Justice, laquelle a déclaré que le principe de l’immunité des chefs d’État ne devait pas être réexaminé.  Le Groupe africain se dit conscient que certains États non africains et leurs tribunaux ont justifié une application arbitraire et unilatérale du principe de compétence universelle.  Le représentant a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle adopte des mesures afin de mettre fin au recours abusif à ce principe et à sa manipulation politique par des juges et des États non africains.  Il a réitéré la requête du Groupe africain aux chefs d’État africains de ne pas appliquer les mandats d’arrêts délivrés sur la base d’un abus du principe de compétence universelle.

M. EDEN CHARLES (Trinidad et Tobago), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a déclaré que les principes de la Charte des Nations Unies doivent constituer la base des débats sur la portée et application de la compétence universelle.  Dans cette optique, la CARICOM appuie la décision de créer un groupe de travail au sein de la Sixième Commission pour discuter de la portée et application de la compétence universelle.  Pour assurer sa crédibilité, la compétence universelle doit être exercée de façon responsable et conformément au droit international.

Ceci étant, aux termes de l’article 21 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, personne n’est exempt de responsabilité pour les crimes de génocide, entre autres, a ajouté le représentant.  La CARICOM estime que la portée et application de la compétence universelle devraient être traitées comme un mécanisme complémentaire dans le système de justice pénale internationale et ne devrait pas remplacer les juridictions nationales.  Le représentant a conclu en réaffirmant l’engagement de la CARICOM à œuvrer au sein de la Sixième Commission à l’application de la compétence universelle.

Mme GEORGINA GUILLÉN-GRILLO (Costa Rica), s’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a insisté sur le fait que le principe de compétence universelle était un élément exceptionnel du droit international pour lutter contre l’impunité.  Elle a jugé encourageantes les discussions au sein de la Sixième Commission, ainsi que toutes les informations cruciales fournies aux États sur la question.  Ces informations ont permis à certains États de se prononcer sur la compétence qui, selon eux, ne doit pas être confondue avec celle de la Cour internationale de Justice (CIJ), ou avec l’obligation d’extrader ou d’engager des poursuites judiciaires.  La CELAC souligne qu’il est prématuré, à ce stade, de conclure les travaux du groupe de travail chargé de la question, mais n’écarte pas la possibilité de demander à la Commission du droit international de se saisir de cette question pour un examen plus approfondi, a indiqué la représentante.

Mme ANA CRISTINA RODRÍGUEZ PINEDA (Guatemala) a estimé que la compétence universelle est un mécanisme complémentaire dont l’application est limitée au niveau international, mais que tous les États ont la responsabilité d’appliquer.  D’un autre côté, il convient de se poser la question de savoir dans quel cadre la compétence universelle est appliquée.  La compétence universelle a un lien avec l’extraterritorialité de la loi et l’immunité des fonctionnaires de l’État, mais il est important que les États Membres s’accordent sur la façon dont ils l’appliquent.  Depuis l’inclusion de cette question à l’ordre du jour, les États Membres ont été sollicités pour qu’ils donnent des informations sur leur pratique mais elle a regretté qu’à ce jour, peu d’États l’aient fait.  La représentante a estimé qu’il est temps de remettre cette question à la Commission du droit international.

M. IDREES SAEED (Soudan) a estimé que le principe de compétence universelle devait être soumis à une étude approfondie et surtout qu’il devait être permis aux États de l’appliquer conformément à leur système juridique propre.  Tout approche déséquilibrée et partielle aurait des conséquences désastreuses, a-t-il mis en garde, appelant à une meilleure prise en compte du droit international et coutumier.  En outre, le représentant a insisté sur le respect nécessaire de la souveraineté nationale et de la juridiction nationale.  Il a fait part de ses inquiétudes face à l’utilisation unilatérale de la compétence universelle par des tribunaux internationaux afin, selon lui, de servir des desseins politiques.  Il a déclaré que la question relative aux immunités des chefs d’État ne devait pas être réexaminée.  Pour le Soudan, il est indispensable de poursuivre les délibérations sur ce sujet complexe et de ne pas se précipiter pour utiliser le principe de compétence universelle à des fins contraires à ce qui le fonde.

M. MAXIM V. MUSIKHIN  (Fédération de Russie) a estimé qu’il convient de comprendre la portée de la compétence universelle afin de rassurer les États Membres sur son application.  Or, cela reste flou, a-t-il déclaré.  On peut compter de nombreux cas où une application abusive de la compétence universelle a soulevé des difficultés entre États.  Il n’est donc pas souhaitable de voir apparaître des situations qui puissent faire douter de l’intérêt de la compétence universelle.  Il ne faut pas oublier que, pour lutter contre l’impunité, il est possible avoir recours à d’autres instruments, a déclaré le représentant.  M. Musikhin a également noté que les divergences passées qui ont entravé l’évolution des travaux sur ce thème au sein de la Sixième Commission n’avaient  pas évolué.  Il semble donc difficile d’évoluer sur la question, a-t-il conclu.

Mme TANIERIS DIEGUEZ LAO (Cuba) a fait le constat selon lequel les pays développés avaient recours au principe de compétence universelle contre les États non développés en faisant fi des principes de droit.  L’application de ce principe étant complémentaire, elle ne doit pas viser à ébranler la juridiction nationale d’un pays, a-t-elle souligné.  L’objectif central de l’Assemblée générale sur le sujet doit être l’adoption d’une norme internationale pour éviter une utilisation indue mais également pour garantir la paix et la sécurité internationales.  À cet égard, elle a indiqué que la norme en la matière serait de débattre des limites de ce principe et de préciser les crimes visés.  Il est également crucial d’insister sur la défense de sa compatibilité avec la Charte des Nations Unies, en réaffirmant sa nature exceptionnelle et complémentaire.  Pour Cuba, il est également nécessaire de garantir que les États sont d’accord avec les décisions visant à exécuter les mandats d’arrêt.  Elle a réaffirmé que ce principe ne devrait pas s’écarter des principes d’égalité souveraine, d’indépendance politique et de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État.

M. MOHAMED SALAH EDDINE BELAID (Algérie) a plaidé pour un exercice de la compétence universelle sur la base du principe de « bonne foi », dans le respect du droit international, et en l’absence de « manipulation ou de sélectivité politique ».  Pour sa délégation, il est de la plus haute importance d’envisager ce principe comme un « mécanisme complémentaire » et une « mesure de dernier recours ».  « Le principe de compétence universelle ne peut pas se substituer à la primauté des juridictions nationales pour connaître des crimes commis sur leur territoire », a déclaré M. Belaid.  Il s’est donc déclaré vivement préoccupé par l’exercice « arbitraire et sélectif » de cette compétence, tout particulièrement lorsqu’elle est appliquée au mépris des exigences de justice internationale et d’équité.  Pour sa délégation, son utilisation abusive ne peut qu’avoir des conséquences négatives sur la stabilité aux niveaux national et international, comme c’est le cas de la Cour pénale internationale (CPI) vis-à-vis des États africains.  En 11 ans d’existence, cette juridiction, a regretté le représentant, s’est exclusivement intéressée au continent africain, tandis que des situations inacceptables sont ignorées dans d’autres régions du monde.

M. AMIT HEUMANN (Israël) a estimé qu’en lisant le rapport du Secrétaire général sur la compétence universelle, il apparaît clairement que son application ne doit être faite qu’en dernier recours.  Il reste cependant de nombreuses divergences de vues.  En outre, les pratiques judiciaires nationales montrent qu’il existe des différences profondes, notamment en ce qui concerne les crimes qui peuvent tomber sous le coup de la portée et application de la compétence universelle.  Avant de conclure, le représentant a assuré que sa délégation se réjouissait de participer activement aux débats sur cette question.

Mme MYRIAM AMAN SOULAMA (Burkina Faso) a noté que les divergences juridiques et politiques continuaient de diviser les États Membres sur l’application du principe de compétence universelle.  À cet égard, elle a encouragé à prendre en compte les différentes préoccupations en vue de parvenir à un consensus sur la question.  Dans la foulée, elle a fait une série de propositions, en particulier celle visant à identifier les crimes qui touchent aux normes impératives de droit international ou du droit international humanitaire auxquels l’on ne peut déroger, dont le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les prises d’otages.  En outre, elle a suggéré que la compétence universelle reposait sur une base juridique spécifique.  Mme Soulama a indiqué que son pays disposait depuis 2012 d’une loi de mise en œuvre du Statut de Rome qui donne les moyens au juge burkinabé d’exercer la compétence universelle pour les crimes internationaux.

M. PATRICK LUNA (Brésil) a déclaré que l’objectif de la compétence universelle est de poursuivre des personnes qui se sont rendues coupables de crimes si graves qu’ils choquent la conscience universelle.  L’exercice de la compétence universelle est une exception dont le but est de mettre fin à l’immunité, a poursuivi le représentant, pour qui il incombe, en premier lieu, à l’État national d’exercer sa juridiction.  La compétence universelle ne peut s’appliquer que pour assurer le respect du droit international et ne peut servir d’autres intérêts que ceux de la justice.  En conséquence, elle ne peut servir à soutenir des visées politiques, a-t-il déclaré.

M. Luna a estimé que d’autres aspects de la compétence universelle sont à examiner avec soin.  Par exemple, est-il nécessaire d’avoir le consentement explicite du pays concerné pour exercer la compétence?  Une des questions les plus épineuses reste l’application de la compétence universelle aux fonctionnaires de haut niveau, a rappelé le représentant.  À ce stade des débats, il a estimé prématuré de chercher à uniformiser le droit international sur la question.

Mme NTUMBA DA SILVA (République démocratique du Congo) a estimé qu’il existe des préalables pour lesquels un consensus est nécessaire en vue de faciliter l’exercice sans heurts de la compétence universelle.  Par exemple, le principe aut dedere aut judicare, selon lequel un État est tenu d’extrader ou de poursuivre, ne peut pas, pour Mme Da Silva, « être considéré comme une panacée dont l’application universelle permettrait de remédier à toutes les faiblesses et défaillances dont la notion d’extradition souffre depuis longtemps ». 

De plus, de nombreux États n’ont pas encore introduit dans leur législation interne les dispositions nécessaires à l’incrimination et la poursuite des crimes internationaux, ce qui complique, à certains égards, la coopération entre États, a poursuivi la représentante, qui a expliqué que c’était par exemple le cas de son pays.  En l’absence de loi sur la compétence universelle dans la législation congolaise, « on est obligé de trouver un modus vivendi pour effacer l’illusion qu’un État ou un groupe d’États se seraient arrogés le monopole de punir universellement au détriment des autres », a souligné la représentante.  Ainsi, on a vu dans un passé récent une trentaine de hauts représentants d’États étrangers, anciens ou en exercice, « curieusement tous issus de l’hémisphère Sud », faire l’objet d’une instruction pénale de la part d’un juge exerçant sa compétence universelle.  Pour Mme Da Silva, si chacun des 193 États Membres qui composent aujourd’hui les Nations Unies exerçaient ainsi leur compétence universelle, il ne pourrait en résulter qu’une « monstrueuse cacophonie », alors qu’il est plus que jamais nécessaire d’établir un certain « ordre », dans des relations qui ne cessent de s’internationaliser.

Enfin, ce qui concerne la question de l’immunité, Mme Da Silva a invité les États Membres à se référer à l’arrêt rendu, le 14 février 2002 par le juge de la Cour internationale de Justice (CIJ), « qui fera date dans les annales du droit international ».  Il faut, a-t-elle ajouté, procéder à une harmonisation des termes et des concepts liés à la compétence universelle en vue de parvenir à un consensus.

M. MIGUEL CAMILO RUIZ BLANCO (Colombie) a déclaré que le système judiciaire international a reconnu l’existence de cinq bases régissant la juridiction pénale, ajoutant que la compétence universelle était la dernière, ce qui lui donnait un caractère résiduel.  L’idée maîtresse du principe de compétence universelle est de donner le pouvoir à un État d’étendre sa compétence même en l’absence de lien territorial ou national.  Il fournit encore à tous les États le pouvoir d’enquêter et de poursuivre les crimes tels que le génocide et les crimes contre l’humanité, même si les crimes n’ont pas été commis sur leur territoire.  Toutefois, son exercice doit être en conformité avec le droit international, devrait avoir les mêmes limites que celles de toute autre juridiction et en respecter les principes.  Le représentant a souligné que le système judiciaire colombien a reconnu la compétence universelle comme une exception applicable uniquement aux crimes graves à l’encontre du droit international humanitaire.

M. HORNA (Pérou) a estimé qu’en vertu du principe de la compétence universelle, chaque État reconnaissant la portée et l’application de la compétence universelle peut exercer la juridiction sur des crimes considérés comme particulièrement graves.  C’est un outil très précieux pour lutter contre l’impunité, a-t-il déclaré.  Il existe des divergences de vue importantes sur cette question, a rappelé le représentant.

Le représentant a fait remarquer que la lutte contre la piraterie en haute mer illustre comment la compétence universelle a été acceptée par le droit international coutumier, avant d’être précisée à travers des normes conventionnelles.  Il a indiqué que le Pérou était partie à la Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime.  Sa délégation estime que l’examen de cette question devrait être confié à la Commission du droit international.

M. RUBÉN ZAMORA (El Salvador) a exhorté à tourner la page sur la confusion faite entre la compétence universelle et d’autres compétences juridiques similaires, notamment en matière d’extradition et de poursuites.  Il a souligné l’importance pour les États de ne pas se servir du principe de compétence universelle de manière discriminée et punitive.  El Salvador est d’avis qu’en la matière c’est l’État sur le territoire duquel ont commis les crimes visés qui a la plus grande capacité pour enquêter, juger, et garantir une pleine application des peines.  En conséquence, le représentant a recommandé que le principe  de compétence universelle soit appliqué de manière exceptionnelle, seulement en cas d’incapacité ou d’absence de volonté des États concernés à mener une enquête.  Pour sa part, El Salvador reconnaît ce principe, reflété dans sa législation.

M. NURASHIKIN ISMAIL (Malaisie) a indiqué que les critères relatifs au principe de compétence universelle devaient être agrées par tous les États. Il s’est dit préoccupé par l’absence de discussion constructive sur l’objectif ultime d’un tel principe.  Le principe de compétence universelle pourrait empiéter sur la souveraineté des États s’il ne fait pas l’objet d’une acception commune et d’un encadrement précis, a poursuivi le représentant, pour qui les États « doivent faire preuve de prudence dans l’application » de ce principe.  M. Ismail a expliqué qu’en Malaisie, l’application du principe de compétence universelle devait être permise par le droit national, comme c’est le cas pour les infractions de terrorisme et de traite des personnes.

Le représentant a ensuite insisté sur les difficultés découlant du principe de compétence universelle, parmi lesquelles il a cité la collecte des éléments de preuve dans un autre État.  Dans nombre d’États le système judiciaire ne dispose en effet pas des moyens pour diligenter une enquête sur les affaires tombant sous le coup d’une compétence pénale extraterritoriale, ce qui peut rallonger les procédures, a-t-il dit.  Il a souhaité que les États mettent d’abord en place un régime d’entraide judiciaire efficace.  Enfin, M. Ismail a indiqué qu’une étude plus approfondie du principe de compétence universelle devait être confiée à la Commission du droit international.

M. ZDZISLAW GALICKI (Pologne) a rappelé que son pays, s’il applique généralement le principe de compétence territoriale et de compétence personnelle, appliquait le principe de compétence universelle dans des cas limités.  Il a également mentionné les positions du Conseil de l’Europe et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’agissant de la portée de ce principe.  Le CICR indique notamment que la définition de critères clairs gouvernant l’application de ce principe devrait en renforcer l’efficacité et la prévisibilité, a-t-il dit.

M. Galicki s’est dit attaché à un échange des bonnes pratiques entre États Membres quant à l’application du principe de compétence universelle.  Le représentant a affirmé que seule une pratique commune et générale des États permettra de fournir la base d’une reconnaissance générale de ce principe comme règle contraignante du droit international coutumier.  « Avec une telle règle, la communauté internationale disposera d’un instrument efficace pour combattre les crimes les plus graves », a-t-il conclu. 

M. IBRAHIMA SORY SYLLA (Sénégal) a estimé qu’en dépit de son caractère controversé, l’application de la compétence universelle vise à lutter contre les crimes graves qui interpellent la conscience humaine, tels que le génocide, la torture et l’esclavage, la piraterie, la traite des personnes et les prises d’otages.  Toutefois, l’interprétation unilatérale de la compétence universelle par les juridictions nationales pourrait mettre en péril l’efficacité du système juridique international.  C’est pourquoi, la mise en œuvre de cette compétence universelle doit se faire conformément au droit international.  Toute tentative de politisation qui aurait comme conséquence la sélectivité dans l’application de ce principe ne ferait qu’affaiblir cette doctrine, a-t-il prévenu.

Le représentant a estimé qu’il était indispensable de s’entendre sur une définition claire des crimes qui sont couverts par le principe de compétence universelle et sur les conditions qui doivent être réunies pour son application objective.  Le principe aut dedere aut judiciare devrait servir de principe complémentaire à celui de la de la compétence universelle.  Au Sénégal, l’affaire concernant l’ancien Président tchadien Hissène Habré illustre bien cette question.  À l’issue d’une longue procédure judiciaire, l’Union africaine avait requis du Sénégal de le juger au nom de l’Afrique.  Le Sénégal a dû modifier sa législation pour pouvoir juger des crimes internationaux commis en dehors du territoire sénégalais.  « Cela démontre que l’Afrique peut être à l’avant-garde du combat contre l’impunité », a-t-il déclaré.

Mme MARIA BERGRAM AAS (Norvège) a rappelé que la portée du principe de compétence universelle évoluait constamment.  Ce principe gagne en précision et en substance avec l’adoption de nouveaux traités, la pratique des États et la jurisprudence des tribunaux internationaux, a-t-elle dit.  C’est pourquoi elle a mis en garde contre toute volonté de parvenir à un consensus sur une liste de crimes qui déclencheraient l’application de ce principe.

La représentante a ensuite rappelé qu’aucune ingérence politique ne devait entrer en jeu dans l’application de n’importe quelle forme de compétence juridique, et pas seulement la compétence universelle.  « Plutôt que de se concentrer sur une liste de crimes déclenchant l’application du principe de compétence universelle, nous proposons, comme nous l’avons fait par le passé, de réfléchir aux aspects procéduraux d’une telle application », a-t-elle ajouté.  Mme Bergram Aas a indiqué, à ce titre, que la préservation des procureurs de toute pression politique et influence extérieure devrait être débattue en priorité.  Elle s’est enfin interrogée sur la mesure dans laquelle la décision d’appliquer la compétence universelle à une affaire précise pouvait être contestée juridiquement en appel.

M. LUKE TANG (Singapour) a estimé que l’existence et l’utilité de la compétence universelle comme l’un des fondements de la juridiction pénale sont évidentes, mais que cette notion se heurte toutefois à un double défi, celui de sa portée et celui de son application.  Constatant que les États Membres sont divisés sur la question, Singapour est favorable à une approche étape par étape, qui partirait de l’identification des domaines clefs dans lesquels un consensus est généralement constaté.  Pour Singapour, il y en a trois.  Tout d’abord, le fait que le principe de compétence universelle ne peut s’appliquer à n’importe quel crime et que seuls les crimes de haine ayant un impact sur la communauté internationale dans son ensemble devraient être pris en compte.  Ensuite, il est communément admis que le principe de compétence universelle ne devrait pas être prioritaire dans l’exercice par les États de leur juridiction pénale.  En effet, a précisé M. Tang, ce n’est que lorsque les États concernés ne sont pas capables, ou pas désireux, de poursuivre les crimes graves commis que la compétence universelle devrait prendre le relais.  Enfin, a ajouté le représentant, il est largement reconnu que le principe de juridiction universelle ne peut être appliqué isolément, mais doit l’être simultanément à d’autres principes du droit international, en particulier celui de l’immunité de juridiction pour les responsables gouvernementaux en exercice.

M. MAURICE GATIEN MAKIZA (République du Congo) a indiqué que l’harmonisation des éléments constitutifs du principe de compétence universelle, qui est une exigence, devrait permettre au principe de prospérer.  Il a donc exhorté la communauté internationale à définir sur une base consensuelle ce principe, tout en déterminant la liste des infractions devant faire l’objet d’une procédure.  À cet égard, il a estimé que pouvaient être ajoutés aux crimes initialement visés par des poursuites pénales certains délits graves tels que les crimes économiques.  Le délégué a dit être convaincu que la compétence universelle fournit une véritable garantie de justice car elle garantit l’égalité de droit devant les tribunaux et accorde une réelle importance aux droits des victimes.  Il a également assuré que son pays était disponible en vue de coopérer avec tous les États et à poursuivre sur son territoire les auteurs de crimes avérés, ou à les extrader le cas échéant.

M. AL-SULAITI (Qatar) a dit attacher la plus haute importance à la portée et application de la compétence universelle.  C’est un des principes fondamentaux en cas de crimes qui heurte la conscience universelle, a-t-il déclaré.  Il a estimé que, compte tenu des divergences sur cette question, il reste beaucoup de chemin à faire.  Il existe toutefois un objectif commun, qui est de mettre fin à l’impunité.  Le représentant a déclaré attendre avec intérêt les résultats du Groupe de travail sur cette question.

Il est important que les auteurs de crimes puissent être poursuivis grâce à la compétence universelle, a poursuivi le représentant, pour qui les violations flagrantes du droit international rendent impératif que la communauté internationale se dote de mécanismes permettant de les décourager.  Les auteurs de ces crimes profitent des lacunes laissées par les traités internationaux, a-t-il ajouté.  Définir les contours de la portée et application de la compétence universelle est donc fondamental pour lutter contre les auteurs de ces crimes, a-t-il conclu. 

Mme Christine Elisabeth Loew (Suisse) a estimé qu’il est nécessaire de faire davantage pour faire progresser la question de la portée et application de la compétence universelle.  Elle a jugé souhaitable une implication de la Commission du droit international, en raison de la nature et du caractère techniques du sujet, qui devrait être examiné en premier lieu par des experts juridiques.  Si la représentante s’est déclarée convaincue que la compétence universelle permet de garantir que les personnes coupables de crimes les plus graves seront traduites en justice dans le cas où aucune autre juridiction ne peut être saisie, elle a aussi constaté que les discussions menées depuis 2009 avaient montré que d’autres délégations tendent à se concentrer sur les risques associés au principe.  Dès lors, une étude juridique complète analysant l’application pratique du principe fournirait une base solide de discussions futures et constructives.  La Commission du droit international pourrait poser les fondements de la discussion en s’inspirant de ses travaux sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre, a-t-elle déclaré.

Mme LESLIE KIERNAN (États-Unis) a rappelé qu’en dépit de l’importance prise par le principe de compétence universelle, des questions continuent de se poser sur la manière de l’appliquer.  C’est pourquoi, elle a encouragé la Sixième Commission à poursuivre ses travaux sur ce sujet, en précisant la définition de cette compétence et sa portée.  Il serait utile de comprendre si des bases alternatives de compétence peuvent être invoquées simultanément, a souligné la représentante.  Pour leur part, a-t-elle indiqué, les États-Unis continuent d’analyser les contributions d’autres États et organisations.  Pour certains États, a-t-elle noté, les poursuites judiciaires basées sur la compétence universelle exigent l’autorisation du gouvernement ou d’une personne désignée par le gouvernement.  Mme Kiernan a indiqué que sa délégation exprime un intérêt pour la question de savoir de quelles autres conditions ou garanties les États entourent l’exercice de la compétence universelle.

M. KRAIJAKR THIRATAYAKINANT (Thaïlande) a estimé que la mise en œuvre de la compétence universelle était sans aucun doute un moyen efficace de lutter contre l’impunité.  Il a estimé que les auteurs de crimes de grande gravité devaient être poursuivis par les États sur le territoire desquels ces crimes avaient été commis ou sur le territoire où se trouvent leurs auteurs.  En dépit de certaines ambiguïtés sur la portée et l’application de la compétence universelle, les auteurs de crimes doivent d’abord être jugés sur le territoire où le crime a été commis, a-t-il insisté.

Le représentant a par ailleurs affirmé qu’il était nécessaire d’opérer une distinction entre la compétence des tribunaux internationaux pour les crimes prévus par des traités, tels le génocide, la torture ou l’esclavage, et celle des tribunaux nationaux pour les crimes que le droit international coutumier considère comme tombant sous le coup de la compétence universelle.  Le représentant a aussi estimé qu’une distinction doit être opérée entre l’obligation d’extrader ou de poursuivre telle que requise par les traités internationaux et l’obligation d’extrader ou de poursuivre telle que prévue par la compétence universelle.  Il est capital de traduire en justice les auteurs des crimes les plus graves, a estimé le représentant, qui a réaffirmé l’engagement de la Thaïlande à lutter contre l’impunité.  Il a conclu en déclarant que son pays attachait une grande importance à ce que la compétence universelle soit mise en œuvre sur le fondement de principes juridiques rationnels.

M. PALITHA T. B. KOHONA (Sri Lanka) a estimé que l’application du principe de compétence universelle par un État tiers ne devrait pas être encouragée lorsque le pays où le crime a été commis dispose d’infrastructures judiciaires solides.  Une approche privilégiant les efforts nationaux aurait pour effet de consolider la légitimité du principe, a-t-il affirmé.  Face aux incertitudes entourant le principe de compétence universelle et aux préoccupations des États Membres qu’elles suscitent, il est nécessaire d’en préciser la portée afin qu’il ne soit pas utilisé à d’autres fins, a déclaré le représentant.  M. Kohona a en outre souhaité que la communauté internationale fournisse plus de contributions aux discussions, en attendant que le Groupe de travail sur le sujet présente les résultats de ses travaux.

M. XIANG XIN (Chine) a estimé que les objectifs et la nature de la portée et application de la compétence universelle est une nature supplémentaire.  L’État sur le territoire duquel le crime n’a pas été commis et dont ni la victime ni le suspect n’est de sa nationalité, peut invoquer la compétence universelle.  Cependant, le représentant a fait observer qu’une distinction claire doit être établie entre la compétence universelle et les autres juridictions. 

La portée et application de la compétence universelle doivent reposer sur des principes de droit international, à savoir, la non-violation de la souveraineté des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures, la non-violation des immunités dont bénéficient les États et les hauts fonctionnaires des États.  Certains pays ont imaginé que la compétence universelle devrait recouvrir certaines conditions spécifiques.  Ces propositions méritent d’être étudiées précisément, a estimé le représentant.  Concernant l’application prudente de la portée et application de la compétence universelle, le représentant a apprécié les efforts faits par le Groupe de travail chargé de la question pour lister les crimes pour lesquels la compétence universelle peut s’appliquer.  En dehors de la piraterie en haute mer, les définitions ne se recoupent pas, a-t-il fait observer.  Il a aussi noté que des États Membres ont apporté des limitations dans leurs législations nationales pour restreindre le recours au principe de compétence universelle.  « Ce principe doit s’appliquer avec précaution », a-t-il insisté avant de conclure.

Mme TULLY MWAIPOPO (République-Unie de Tanzanie) a noté qu’il existe encore de nombreuses divergences sur la portée et application de la compétence universelle.  Elle a jugé nécessaire de préciser les droits et obligations des États face au principe de la compétence universelle pour éviter toute utilisation abusive de ce concept.  Il est important que les États se mettent d’accord sur cette question.  Pour la République-Unie de Tanzanie, la portée et application de la compétence universelle doivent respecter les principes des Nations Unies, y compris celui de  la souveraineté des États.  Le principe de la compétence universelle ne peut pas non plus violer les immunités garanties par le droit international concernant les fonctionnaires de haut niveau. 

M. Usman Sarki (Nigéria) a mis en avant la nécessité de définir le principe de compétence universelle et d’en évaluer la portée.  Il a souligné le bien fondé d’un besoin de clarté pour éviter toute application subjective et sélective du principe à des fins politiques.  Il s’est félicité de la création d’un groupe de travail en vue de continuer les débats de fond sur le sujet dans un climat ouvert et constructif.  Le Nigéria a également noté les difficultés de la communauté internationale à élaborer des méthodes pour renforcer l’application du principe.  Pour le Nigéria, la compétence universelle est un mécanisme supplémentaire dont le but est de lutter contre les crimes graves et de les prévenir.  L’immunité des autorités d’un pays doit rester garantie et ne doit pas être sacrifiée au nom de la compétence universelle, dont la mise en œuvre incombe en premier lieu à l’État qui dispose d’une juridiction territoriale, a-t-il déclaré.

M. ROVSHAN ISRAFILOV (Azerbaïdjan) a estimé qu’il serait inacceptable que les auteurs de certains crimes restent impunis, ajoutant que mettre fin à l’impunité est essentiel pour assurer une paix durable.  À cet égard, la législation nationale d’Azerbaïdjan établit la juridiction de cours pénales pour juger des actes relevant de la portée de la compétence universelle.  Le représentant a rappelé que la responsabilité pour poursuivre les crimes internationaux les plus graves appartient en premier lieu à l’État qui a la juridiction territoriale sur le lieu de commission des crimes et que la compétence universelle fournit un mécanisme complémentaire pour s’assurer que les criminels devront effectivement rendre compte de leurs actes.  Concernant l’application du principe, la pratique des États se limite dans une grande mesure aux crimes internationaux les plus graves, tels que les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes contre la paix, a souligné le représentant, qui a estimé que ce principe était particulièrement pertinent en cas de conflit armé.  Les erreurs du passé qui seraient restées impunies peuvent empêcher l’instauration d’une paix durable, a-t-il encore estimé.  En conclusion, M. Israfilov a dit partager l’avis de nombreuses autres délégations sur la nécessité d’une étude juridique sur la question de la portée et application de la compétence universelle.

M. ANTÓNIO GUMENDE (Mozambique) a dénoncé les poursuites judiciaires unilatérales dont seraient victimes, selon lui, un certain nombre de dirigeants africains, en violation des normes du droit international.  Aussi a-t-il demandé à ce que soient prises en compte les implications politiques et juridiques de la compétence universelle, rejetant son application unilatérale.  Le représentant s’est ensuite déclaré favorable à la mise au point de critères pour la mise en œuvre de la compétence universelle et sa compatibilité avec les instruments pertinents du droit international.  En raison de sa nature complexe et sensible, la compétence universelle devrait s’inscrire dans un cadre juridique soigneusement défini, afin d’éviter toute situation de nature à remettre en question le principe de l’égalité souveraine de tous les États, a poursuivi le représentant.  Tout en s’opposant à l’instrumentalisation politique de la compétence universelle, M. Gumende a toutefois reconnu qu’elle constituait un outil important pour poursuivre les auteurs de crimes graves, dans le respect du droit international.

M. KOTESWARA RAO (Inde) a indiqué que son pays avait sur la compétence universelle une position de principe, à savoir que les auteurs de crimes ne doivent pas rester impunis.  Cependant, a-t-il précisé, il ne faut pas oublier que l’exercice de la compétence universelle est un sujet en soi.  Le représentant a noté que plusieurs questions restaient sans réponses, y compris celles liées à l’extension de la compétence universelle, sa relation avec les dispositions liées aux immunités, ainsi que l’harmonisation avec les lois nationales.  À cet égard, il s’est félicité que la question continue de faire l’objet de débats de fond au sein du groupe de travail mis en place à cet effet et a annoncé l’intention de son pays d’y participer de manière active.  M. Rao a insisté sur la nécessité d’éviter tout abus dans l’usage de la compétence universelle.

M. ILYA ADAMOV (Bélarus) a estimé que la compétence universelle ne peut s’exercer qu’en vertu du droit international ou du droit coutumier, comme dans les cas de piraterie.  Il est communément admis que le crime commis doit porter atteinte à l’ensemble de la communauté internationale pour que la compétence universelle s’applique, a-t-il ajouté.  Cela correspond, selon le Bélarus, aux crimes contre la paix, crimes de guerre, piraterie, traite d’êtres humains, trafic de drogue ou d’armes.  Toute tentative pour inclure un autre de ces crimes dans le domaine d’application de la compétence universelle ne pourra être considérée comme valable, a-t-il déclaré, ajoutant que faire une application trop large du principe de la compétence universelle pourrait lui faire perdre sa substance.

M. LAARSI (Maroc) a indiqué qu’en dépit de l’absence de reconnaissance de la compétence universelle par le droit marocain, celui-ci prévoyait un certain nombre de mesures, y compris des dispositions incriminant la torture, ainsi qu’un projet de révision du code pénal, lequel reconnaît une série de crimes relevant de la compétence universelle.  Il a souligné que le Maroc s’était également associé à la tendance généralement suivie de l’application du principe de compétence universelle par son adhésion aux principaux instruments juridiques internationaux destinés à réprimer les crimes graves.

Mme JEANNE D’ARC BYAJE (Rwanda) a déclaré que son pays avait reconnu la compétence universelle en tant que principe de droit international dont le but est de s’assurer que les individus qui ont commis des crimes graves tels que le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité ne puissent jouir d’aucune impunité.  Elle a félicité les États Membres qui ont aidé à extrader ou poursuivre des personnes qui ont participé au génocide de 1994.  Elle a cependant  regretté que certains fugitifs aient pu trouver refuge dans certains États Membres, y compris des fugitifs poursuivis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Le Rwanda soutient une utilisation appropriée de la portée et application de la compétence universelle, a déclaré Mme Byaje.  Cependant, la représentante s’est  fermement opposée à ce que le Rwanda considère comme un abus de mises en accusation de chefs d’États africains par des juges qui ne sont pas africains.  Un tel abus des principes est une violation du droit international, a-t-elle déclaré.  Pour les pays africains, une telle situation rappelle l’époque du colonialisme, qui est encore bien proche dans les esprits, a-t-elle ajouté.  Le Rwanda est d’avis qu’une utilisation abusive du principe de la compétence universelle pourrait menacer la paix internationale.  Elle a appuyé fermement les requêtes présentées par les chefs d’États africains tendant à ce que les mandats d’arrêt qui ont été lancés en abusant de la compétence universelle soient retirés.

M. YIDNEKACHEW GEBRE-MESKEL ZEWDU (Éthiopie) a souligné l’existence d’un certain scepticisme face à l’utilisation sélective de la compétence universelle et un soupçon d’une utilisation à des fins de politique étrangère sans aucun rapport avec le principe.  Il a noté les nombreuses réticences observées au sein de l’Union africaine concernant les poursuites engagées à l’encontre des dirigeants du continent encore en fonction, en violation de leur immunité de juridiction.  La compétence universelle ne peut être invoquée que lorsque le crime commis a un impact avéré sur la sécurité de l’ordre international, a-t-il déclaré.  L’absence de définition de la compétence universelle et d’un consensus sur le sujet rend difficile l’équilibre entre les poursuites judiciaires contre un individu et l’immunité, a encore déclaré le représentant.

M. AMR ELHAMAMY (Égypte) a estimé que la compétence universelle est un principe important qui donne des instruments pour poursuivre les personnes qui se sont rendues coupables des crimes les plus graves.  Il a toutefois déploré une pratique abusive de certains États, politiciens et législateurs d’États non africains, qu’il a accusés d’utiliser la compétence universelle comme bon leur semble.  Il y a une grande nécessité de trouver un accord sur les conditions de l’application de la compétence universelle pour mettre en place des garde-fous et afin d’éviter les abus, a estimé le représentant. 

La compétence universelle devrait aussi être uniquement utilisée en bonne foi et en se soumettant aux principes du droit international, ce qui inclut le respect de la souveraineté des États, de la juridiction territoriale et de l’immunité des fonctionnaires de haut niveau existant au regard du droit coutumier international, comme l’a reconnu la Cour internationale de Justice, a ajouté  M. Elhamamy.  Ainsi, l’application de la compétence universelle devrait nécessiter le consentement d’une autorité gouvernementale, telle qu’un procureur et la présence de la personne accusée dans le territoire où les procédures ont lieu, a précisé le représentant.  Se disant conscient des polémiques  sur ce thème, M. Elhamamy a estimé que les débats au sein du groupe de travail devraient se concentrer sur l’adoption de règles claires pour l’application de la compétence universelle, sa portée et sa définition, afin d’assurer sa compatibilité avec le droit international.

M. YOUSSEF HITTI (Liban) a estimé qu’il existe une convergence de vues croissante au sein de la communauté internationale pour considérer la piraterie, la torture, les crimes contre l’humanité, le crime de génocide, les crimes de guerre et le nettoyage ethnique comme constituant les crimes les plus graves au regard du droit international.  Il a également jugé crucial de donner à ces crimes une définition unique au regard de ce même droit international, puisque les acceptions différentes qu’en ont les États peuvent aboutir à des incohérences et affaiblir le concept.

La compétence universelle doit être gouvernée dans son application par le principe de complémentarité, a rappelé le représentant, qui a noté que la responsabilité de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves incombait en premier lieu aux États concernés.  Pour M. Hitti, ce principe de complémentarité permet de garantir le principe de la souveraineté des États.  Le principe de compétence universelle doit être en outre appliqué de bonne foi afin d’éviter qu’il ne devienne un instrument servant à des fins politiques, a-t-il affirmé.

En conclusion, le délégué du Liban a indiqué qu’il fallait désormais aller de l’avant sur cette question en invitant la Commission du droit international à préparer une étude sur la portée du principe de compétence universelle avec pour objectif de concilier les différentes approches qu’en ont les États.

M. ALI ABSOUL (Jordanie) a expliqué qu’il convient de lutter contre l’impunité et traduire en justice les auteurs de crimes graves.  Il a rappelé à quel point il est important d’obtenir un accord sur la portée et l’application de la compétence universelle, ajoutant qu’il fallait définir les crimes qui en relèvent.  Les informations contenues dans le rapport du Secrétaire général aideront à la compréhension générale du problème, a estimé le représentant.  M. Absoul a souhaité qu’une étude soit entreprise sur la portée de la compétence universelle, qui se  pencherait sur ses sources dans le droit international coutumier.  Cette approche est essentielle en l’absence de consensus, a ajouté le représentant, qui a estimé qu’il faudrait renvoyer cette question à la Cour internationale de Justice pour réduire les interférences politiques.

M. PHAM THI HUONG (Viet Nam) a indiqué que le principe de compétence universelle ne devait s’appliquer que pour les crimes internationaux les plus graves, y compris le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.  Il a également demandé que ce principe soit appliqué de bonne foi et avec prudence, conformément à un cadre juridique bien arrêté, afin d’éviter les entorses aux principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires des autres États.  « Ce principe doit être envisagé comme un dernier recours », a-t-il affirmé.

Le représentant a ainsi précisé que le principe de compétence universelle ne s’appliquait pas dans les cas où l’État de commission des crimes et l’État dont les auteurs présumés ont la nationalité étaient en mesure d’entamer des poursuites.  « Au surplus, un État ne peut être amené à exercer sa compétence universelle sur un crime que lorsque son auteur présumé est présent sur son territoire », a-t-il conclu.

Mme NOUR ZARROUK (Tunisie) a souligné la nécessité pour la Sixième Commission d’approfondir la réflexion sur le principe de compétence universelle et s’est félicitée que cela soit prévu dans le cadre d’un groupe de travail, qui poursuivra ses discussions dans le cadre de cette session.  Elle a noté que, depuis sa création, la Cour pénale internationale (CPI) avait enregistré des résultats significatifs en matière de lutte contre l’impunité et que le nombre de pays ayant adhéré au Statut de Rome s’était accru.  Ces résultats témoignent du succès de la CPI dans les domaines de la promotion de la paix et de la justice internationales, a estimé la représentante.  Toutefois, elle a plaidé pour que la CPI ne se limite plus à ne traiter que des crimes déjà commis, mais joue aussi un rôle préventif.

M. HOSSEIN GHARIBI (République islamique d’Iran) a souligné que les États Membres présents dans cette enceinte n’ont pas encore réussi à atteindre une interprétation commune sur le thème de la portée et application de la compétence universelle.  « Nous ne devons pas perdre de vue les raisons qui nous ont poussées à mettre ce thème à l’ordre du jour », a-t-il déclaré.  La question clef est de savoir si la Commission devrait s’engager dans une codification concernant cette notion.  Pour de très nombreux systèmes juridiques, les juridictions extraterritoriales devraient nécessairement exister sous la forme de traités multilatéraux, ce qui signifie que seuls les actes qui ont été qualifiés de crimes en vertu de ces traités auxquels les États sont parties pourraient être poursuivis.  Laisser l’interprétation des crimes internationaux à des tribunaux nationaux risque de donner lieu à des décisions arbitraires.  Pour notre pays, la compétence universelle est une exception en matière pénale, basée sur les traités.  En Iran, le principe qui prévaut est celui de la juridiction territoriale qui empêche les États d’exercer leur juridiction pénale en dehors de ses frontières, a précisé le représentant.

M. JAMES NDIRAGU WAWERU (Kenya) a indiqué que l’exercice de la compétence universelle ne pouvait s’exercer qu’en toute bonne foi et en respect du droit international.  Il a indiqué que l’interprétation actuelle du Statut de Rome était erronée et motivée par des intérêts politiques, et montrait clairement que les aspirations des États parties n’étaient pas une priorité.  La manière dont les affaires du Kenya ont été traitées par la Cour pénale internationale est une honte, car elle a plongé son pays dans une crise, l’obligeant à faire des acrobaties juridiques pour répondre à ses obligations, a-t-il déclaré, en faisant référence notamment à la délégation des pouvoirs du Président du Kenya.  « Aucun État ne devrait se trouver dans cette situation », a-t-il déploré.  Pour M. Waweru, il est crucial que les États Membres de l’ONU remettent en cause le principe de compétence universelle s’ils ne veulent pas être accusés de se complaire dans le déni.

M. KELLY GEOGHEGAN, Observateur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a estimé pour sa part que la compétence universelle jouait un rôle vital dans l’application efficace du droit international, en se substituant aux États qui ne peuvent ou n’ont pas la volonté de poursuivre en justice les responsables de crimes graves.  Il a noté que la plupart des États, lorsqu’ils établissent la compétence universelle pour les crimes de guerre, ont attaché un certain nombre de conditions à son exercice.  « Le plus répandu est l’exigence d’un lien entre l’accusé et l’État du tribunal saisi, comme la présence de l’accusé dans l’État qui entame des poursuites, ou le consentement d’une autorité gouvernementale », a expliqué l’observateur.  Tout en prenant acte de la volonté des États de mieux définir l’application de la compétence universelle, le CICR est convaincu que les conditions nécessaires à lancer des poursuites pénales ou pour justifier la décision d’y renoncer devraient être clairement codifiées au niveau national.  De telles conditions, a ajouté l’observateur, devraient renforcer l’efficacité et la prédictibilité du principe de compétence universelle, plutôt que d’en limiter l’application.

Rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) (A/69/17)

M. ALIBRAHEEM (Koweït) a déclaré que la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) joue un rôle accru dans le domaine de l’état de droit, car elle permet de créer un environnement propice au commerce.  Le Koweït est heureux d’être membre de la CNUDCI, situation qui l’aide à développer sa législation commerciale internationale.  La législation électronique bénéficie à tout le monde, a ajouté le représentant, qui a ajouté que la délinquance électronique en matière commerciale représentait 400 milliards de dollars par an.

 

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