En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session,
19e séance – matin
AG/AB/4136

Cinquième Commission: l’étude sur l’actualisation des budgets de l’ONU accueillie avec satisfaction par l’Union européenne, les États-Unis et le Japon et avec agacement par le Groupe des 77 et la Chine

La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires a examiné, ce matin, le rapport du « Groupe d’experts de haut niveau chargé d’étudier l’actualisation des coûts et les moyens que l’ONU pourrait mettre en œuvre pour maîtriser les incidences des fluctuations des taux de change et de l’inflation sur le budget ».  Le rapport a été accueilli avec satisfaction par l’Union européenne, le Japon et les États-Unis, et avec agacement par le Groupe des 77 et la Chine. 

Le Groupe d’experts explique, dans son rapport, que le budget de l’ONU étant biennal, le Secrétariat est amené à réviser ou « actualiser » les prévisions de dépenses pour tenir compte des fluctuations des taux de change et du taux effectif de l’inflation, ainsi que de l’évolution des coûts des traitements et dépenses communes de personnel et des taux de vacance de postes.  Il fait plusieurs recommandations pour inverser une tendance où l’actualisation des coûts s’est toujours traduite par une révision à la hausse; la seule exception étant l’exercice 2000-2001.

La représentante de l’Union européenne s’est félicitée que le Groupe d’experts mettent des chiffres sur une pratique « douteuse et inhabituelle », « non viable » et « qui doit être revue de fond en comble »: ces 10 dernières années, l’actualisation des coûts a augmenté le budget de presque 1,5 milliard de dollars, devenant ainsi un des principaux facteurs de la hausse budgétaire.  Nous refusons l’idée, a-t-elle prévenu, qu’une série de procédures internes, « pompeusement présentée comme méthodologie globale », ne puisse être améliorée.  La réforme de l’actualisation des coûts doit mobiliser tous les États Membres, a-t-elle insisté, tout simplement parce que nous sommes certainement d’accord que dépenser près du quart du budget sur cette actualisation au cours des 10 dernières années n’est pas la manière la plus stratégique d’utiliser des ressources déjà limitées. 

Nous devons casser l’habitude des managers qui, au lieu de travailler dans les limites du budget agréé, s’attendent toujours à ce que de nouveaux fonds arrivent à la fin de chaque cycle budgétaire, s’est impatienté, à son tour, le représentant du Japon.  Contrairement à l’ONU, la plupart des gouvernements ne sont pas autorisés à dépenser au-delà des sommes approuvées, a-t-il taclé.  Dans cet environnement financier contraignant, défendre le budget deux fois, à savoir une fois pour le budget initial et une deuxième fois pour les dépenses qui ont dépassé le niveau agréé, devient « très difficile », a souligné le représentant des États-Unis.

D’autres organisations internationales ou gouvernements sont capables de faire leur travail sans recourir à l’actualisation des coûts, a-t-il fait valoir, estimant que la proposition de plafonner cette actualisation mérite discussion et en vantant la méthodologie de l’administration américaine qui se sert par exemple des taux de vacance pour rééquilibrer les coûts. 

Une des résolutions de l’Assemblée générale consacre ces taux de vacance comme outil de calcul budgétaire et non comme moyen de faire des économies, a rétorqué la représentante de la Bolivie.  Elle s’est agacée d’un rapport qui s’égare dans des considérations politiques défendues par un certain nombre de pays et qui n’hésite pas à contredire l’Assemblée.  Le Groupe des 77 et la Chine n’accepteront pas que l’appel à plus de flexibilité pour améliorer la prévisibilité du budget soit utilisé comme subterfuge pour justifier de nouvelles coupes budgétaires, a-t-elle insisté.  Sans progrès, je ne vois pas comment, a prévenu le représentant américain, les États Membres, y compris le mien, pourront continuer à défendre les budgets de l’ONU.

Dans ses commentaires, relayés aujourd’hui par son Président, M. Carlos Ruiz Massieu, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) estime que l’analyse du Groupe d’experts est limitée à plusieurs égards et que la qualité générale du rapport et l’utilité des constatations et recommandations qui y sont formulées s’en ressentent.  Le CCQAB s’attarde aussi sur la composition du Groupe d’experts qui réunit les personnalités suivantes: Mme Esther Brimmer des États-Unis, Professeur à l’Université George Washington; et MM. David Andrews du Royaume-Uni, Directeur adjoint au Fonds monétaire international (FMI); Richard Bellin de la France, Directeur à la Cour des comptes; Linah Mohohlo du Botswana, Gouverneur de la Banque centrale; Supachai Panitchpakdi de la Thaïlande, ancien Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED); et José Gilberto Scandiucci du Brésil, Conseiller principal d’un des directeurs exécutifs à la Banque mondiale. 

Le CCQAB constate que non seulement le Groupe des États d’Europe orientale n’y est pas représenté mais que trois des six membres sont issus du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États.  Trois des membres ont travaillé antérieurement ou travaillent actuellement au sein d’institutions financières internationales et deux ont une expérience directe des procédures de gestion financière et d’établissement des budgets de l’ONU elle-même.

Le Groupe d’experts estime que certaines de ses propositions pourraient être immédiatement suivies d’effet, d’autres, telles que la mise en place d’un dispositif de couverture du risque de change à terme, exigeraient des mesures préalables qui supposent que le Secrétariat soit à même de déterminer précisément son exposition à différents risques.  Il suggère à l’Assemblée générale d’adopter dès cette année un ensemble de mesures, ce qui permettrait au Secrétariat d’actualiser les processus en 2015, à temps pour l’établissement du prochain budget.  Ce train de mesures et ce calendrier de mise en œuvre finissent par jeter le doute sur la nature technique du Groupe d’experts, s’est, une nouvelle fois, agacée la représentante de la Bolivie.  On en vient à se demander si les experts n’ont pas pour idée de soumettre « un accord politique » à l’Assemblée générale.

La prochaine réunion de la Cinquième Commission se tiendra jeudi 11 décembre à partir de 15 heures.

BUDGET-PROGRAMME DE L’EXERCICE BIENNAL 2014-2015

Rapport du CCQAB relatif à l’étude sur l’actualisation des coûts et les moyens de maîtriser les incidences des fluctuations des taux de change et de l’inflation (A/69/640)

Pour établir ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné une version préliminaire du rapport du Groupe d’experts de haut niveau chargé d’étudier l’actualisation des coûts et les moyens que l’Organisation pourrait mettre en œuvre pour maîtriser les incidences des fluctuations des taux de change et de l’inflation (A/69/381).

Le Groupe d’experts indique d’abord que le budget de l’Organisation étant biennal, le Secrétariat est amené à réviser ou « actualiser » les prévisions de dépenses pour tenir compte des fluctuations des taux de change et du taux effectif de l’inflation, ainsi que de l’évolution des coûts standard (traitements et dépenses communes de personnel) et des taux de vacance de postes précédemment approuvés par l’Assemblée générale.  L’actualisation des coûts s’est toujours traduite par une révision à la hausse; la seule exception étant l’exercice 2000-2001.

Le Groupe d’experts, indique le CCQAB, estime que les pratiques et les méthodes actuelles ont empêché le Secrétariat d’établir des prévisions de dépenses initiales plus précises.  La pratique actuelle, qui consiste à utiliser le taux de change opérationnel –calculé au moins élevé du taux au comptant ou des moyennes mensuelles sur l’année écoulée– ,soumet les prévisions de dépenses à l’instabilité et à l’imprévisibilité.  En ce qui concerne l’incidence de l’inflation, le Groupe d’experts conclut qu’elle n’est pas calculée en tenant compte de la fluctuation réelle des prix sur le marché local.  Autre grande constatation du Groupe d’experts: la Division de la planification des programmes et du budget n’est pas actuellement en mesure, par exemple, de compiler des données détaillées sur les dépenses dans les monnaies locales. 

Le Groupe d’experts, note le CCQAB, recommande d’utiliser les taux de change à terme et suggère que la Division de la planification des programmes et du budget examine les besoins en données et évalue si Umoja pourrait réduire les carences actuelles concernant la visibilité interne et la communication de l’information.  Le Groupe d’experts recommande également de réduire la fréquence de l’actualisation des coûts, en combinant les deux premières phases du système actuel et que l’Organisation mette en place un programme de couverture des risques pour son budget ordinaire et réduise ainsi les écarts entre ses prévisions et les dépenses effectives.  Le Groupe d’experts envisage des options pour mieux maîtriser d’autres risques dont la possibilité d’instituer des plafonds d’actualisation des coûts ou de créer un fonds de réserve pour gérer les incidences de l’actualisation.

Dans ses observations, le CCQAB estime que l’analyse effectuée par le Groupe d’experts est limitée à plusieurs égards, et que la qualité générale du rapport et l’utilité des constatations et recommandations qui y sont formulées s’en ressentent.  L’étude ne comprend pas un examen complet de l’intégralité du budget ordinaire et de ses différents éléments, dont les missions politiques spéciales.  Le Groupe d’experts n’analyse pas non plus si l’utilisation des taux de change à terme pourrait entraîner une augmentation des quotes-parts initiales des États Membres au titre du budget-programme de l’ONU. 

Le CCQAB doute en outre qu’une réduction de la périodicité de l’actualisation des coûts aura nécessairement un grand retentissement sur la prévisibilité du budget.  Il est d’avis qu’une décision tendant à imposer un plafonnement pour les incidences de l’actualisation des coûts ne serait peut-être pas justifiée sur le plan technique et qu’elle pourrait avoir des répercussions sur les programmes.  S’agissant du fonds de réserve, il estime que le Groupe d’experts n’a pas analysé ses incidences de manière exhaustive, notamment la question de savoir si, ici aussi, sa création entraînerait une augmentation des quotes-parts initiales des États Membres au titre du budget-programme.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme DAYANA RIOS REQUENA (Bolivie) a déclaré que la méthode d’actualisation des coûts a pour but de s’assurer que les activités planifiées ne soient pas affectées négativement par les taux de change et de l’inflation, ce qui est une réalité « inévitable » pour une organisation qui est partout dans le monde.  Elle a dit partager l’avis du CCQAB sur les lacunes du rapport du Groupe d’experts et sur le fait que ce dernier ait outrepassé son mandat.  Nous avons eu la mauvaise surprise de voir, a-t-elle insisté, que le rapport est non seulement allé bien au-delà de son mandat mais qu’il s’attarde aussi sur le travail de la Commission de la fonction publique internationale et sur des recommandations en contradiction avec certaines résolutions de l’Assemblée générale.  La représentante en a profité pour rappeler que l’Assemblée générale a réaffirmé que les taux de vacance servent à faire les calculs budgétaires et non des économies.

Elle a regretté qu’un rapport d’experts s’égare ainsi dans des considérations politiques qui rejoignent d’ailleurs celles d’un certain nombre de pays qui n’ont cessé de réclamer que l’on plafonne le budget de l’ONU.  En elle-même, a tranché la représentante, cette approche disqualifie le rapport et les recommandations qu’il présente.  Le Groupe des 77 et la Chine rejettent toute idée d’un plafond qui ne conduirait qu’à des coupes budgétaires indiscriminées et préjudiciables au travail de l’Organisation.  Le Groupe des 77 et la Chine n’accepteront pas que l’appel à plus de flexibilité pour améliorer la prévisibilité du budget soit utilisé comme subterfuge pour justifier de nouvelles réductions budgétaires.  La représentante a enfin estimé que le fait que le Groupe d’experts propose « un train de mesures » et recommande un calendrier pour sa mise en œuvre, jette le doute sur sa nature technique et conduit à se demander si les experts n’ont pas pour idée de soumettre « un accord politique » à l’examen de l’Assemblée générale. 

Mme CARMEL POWER, déléguée de l’Union européenne, a prévenu que la pratique actuelle d’actualisation des coûts n’est pas viable et qu’elle devrait être revue de fond en comble.  Elle s’est d’ailleurs félicitée que le Groupe d’experts mette des chiffres sur cette réalité: l’augmentation du budget liée à l’actualisation des coûts s’est élevée en moyenne à 291 millions de dollars par exercice biennal, ces cinq derniers exercices.  En d’autres mots, ces 10 dernières années, l’actualisation a augmenté le budget de presque 1,5 milliard, devenant ainsi un des principaux facteurs d’augmentation du budget.  À l’instar du Groupe d’experts, la représentante a rappelé que la réforme de l’actualisation des coûts est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale depuis le milieu des années 70.

Nous ne croyons pas, a-t-elle assuré, qu’il existe une formule magique pour faire disparaître l’inflation, les fluctuations des taux de change, l’évolution des coûts standard ou les taux de vacance.  Mais, a-t-elle prévenu, nous refusons l’idée que rien ne peut être fait et qu’une série de procédures internes, « pompeusement présentée comme méthodologie globale », ne peut être améliorée.  Dans ce contexte, la représentante s’est félicitée du rapport du Groupe d’experts sans en partager toutes les opinions et tout en étant convaincue que des recommandations plus larges auraient pu être faites.  Mais, a-t-elle estimé, le rapport est une bonne base pour des discussions fructueuses.  La réforme de l’actualisation des coûts doit mobiliser tous les États Membres, a-t-elle insisté, tout simplement parce que nous sommes certainement d’accord que dépenser près du quart du budget sur cette actualisation au cours des 10 dernières années n’est pas la manière la plus stratégique d’utiliser des ressources déjà limitées.  Nous devons donc, a encouragé la représentante, saisir cette occasion pour envisager sérieusement de changer cette méthode d’actualisation  « douteuse et inhabituelle ».  « Le statu quo n’est plus tenable » et la réforme de l’actualisation peut s’inspirer d’une approche graduelle pour établir un arrangement plus prévisible et plus viable pour le financement de l’ONU au XXIsiècle. 

La méthodologie d’actualisation des coûts qui est d’ailleurs « propre » à cette Organisation n’est plus viable, a renchéri M. SHO ONO (Japon).  L’actualisation mène à un manque de rigueur face à l’enveloppe budgétaire au moment même où les États vont bientôt être saisis du projet de budget le plus élevé de l’histoire des Nations Unies.  Il faut corriger, s’est impatienté le représentant, l’habitude des managers qui, au lieu de travailler dans les limites des ressources agréées, s’attendent toujours à ce que de nouveaux fonds viennent à la fin de chaque cycle budgétaire.  Contrairement à l’ONU, la plupart des gouvernements ne sont pas autorisés à dépenser au-delà des sommes approuvées, a taclé le représentant, avant de saluer le rapport du Groupe d’experts qui ouvre la voie à des discussions objectives sur cette « question compliquée ».  Le rapport n’est pas une fin en soi et comme le Secrétariat ne s’est pas prononcé, il serait bon, a estimé le représentant, qu’il le fasse pour faire avancer le débat. 

Le processus budgétaire à l’ONU nécessite une réforme en profondeur, a tranché M. DONALD HAYS (États-Unis).  Il a estimé que le Groupe d’experts présente certaines suggestions importantes qui pourraient constituer un premier pas.  Mais, a avoué le représentant, nous sommes déçus que le rapport n’ait pas exploré dans le détail d’autres options, comme la méthodologie de l’administration américaine qui se sert par exemple des taux de vacance pour équilibrer les coûts.  Le représentant a tout de même estimé que la proposition de plafonner l’actualisation des coûts mérite discussion.  Le processus actuel, qui est « propre » à l’ONU, a—t-il souligné à son tour, n’est ni viable ni supportable dans un monde où les gouvernements ont déjà abandonné de telles façons de faire.  Il faut mettre à jour l’approche et convaincre l’ONU de s’attacher un peu moins à l’élaboration du budget et de consacrer plus d’attention à une gestion des ressources conforme au niveau agréé par l’Assemblée générale. 

L’ONU doit améliorer sa faculté à contrôler les coûts pour que ses gestionnaires et les États Membres sachent à temps si elle se maintient dans les limites du budget approuvé ou s’il faut ajuster le niveau des dépenses pour rester dans lesdites limites.  Nous devons certes contrôler l’ONU mais surtout la contrôler efficacement, s’est expliqué le représentant.  D’autres organisations internationales ou gouvernements sont capables de faire leur travail sans recourir à l’actualisation des coûts, a-t-il fait valoir.  L’ONU devrait faire de même car sans progrès, je ne vois pas comment, a prévenu le représentant, les États Membres, y compris le mien, pourront continuer à défendre le financement de cet exercice biennal et des autres.  Dans cet environnement financier, défendre le budget deux fois, à savoir une fois pour le budget initial et une deuxième fois pour les dépenses qui ont dépassé le niveau agréé, devient « très difficile», a tenu à souligner le représentant. 

M.  JAVIER ENRIQUE SÁNCHEZ AZCUY (Cuba) s’est dit réellement surpris que le Groupe d’experts n’ait pas tenu compte des missions politiques spéciales dont la part ne cesse pourtant d’augmenter dans le budget ordinaire de l’ONU.  « Nous sommes frappés aussi par la composition du Groupe », a ajouté le représentant qui a regretté que l’on n'ait pas recherché une représentation géographique plus équitable.  Il a adhéré à l’avis du CCQAB selon lequel l’imposition d’un plafond pour l’actualisation des coûts ne se justifierait peut-être pas sur le plan technique et qu’elle pourrait avoir des répercussions sur les programmes.

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