Cinquième Commission: saisies d’une esquisse budgétaire de 5,7 milliards de dollars pour 2016-2017, les délégations dénoncent un exercice « sans profondeur stratégique »
La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires s’est attaquée aujourd’hui à l’examen de l’esquisse budgétaire pour 2016-2017 estimée à 5,678 milliards de dollars par le Secrétaire général. Les délégations ont critiqué « une budgétisation par reconduction » qui s’apparente à un simple exercice d’addition de nouvelles dépenses au budget précédent, « sans profondeur stratégique », selon les mots de la représentante de l’Union européenne.
Le Secrétaire général adjoint à la gestion s’est pourtant félicité de « la retenue » dont a fait preuve le Secrétaire général dans l’élaboration de l’esquisse budgétaire pour 2016-2017. M. Yukio Takasu a annoncé un montant total de 5,698 milliards de dollars, englobant des prévisions de 51,3 millions pour les dépenses relatives à des projets que l’Assemblée générale est toujours en train d’examiner. Cette estimation préliminaire a été établie à partir du budget précédent auquel on a ajouté un montant de 159,9 millions de dollars pour de nouvelles dépenses mais pas celle liée à la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (MINUAUCE) dont on ne sait si elle sera reconduite.
Les délégations se sont élevées contre cette « budgétisation par reconduction », soit une simple liste d’éléments à ajouter au budget précédent. La représentante de l’Union européenne a dénoncé « une approche non viable » et « une pratique insupportable » pour des contributeurs dont les pays vivent dans un contexte marqué, année après année, par des réductions de postes, des gels de salaires et des économies toujours plus drastiques.
Son homologue des États-Unis s’est également impatienté devant « un mépris de la discipline budgétaire et de la réelle capacité financière des États Membres ». Le représentant du Japon a dit craindre « un nouveau seuil historique » car, comme l’a dit son homologue de l’Union européenne, « quelle que soit la manière dont on présente les futurs coûts et estimations, il semble clair qu’on se dirige vers une augmentation budgétaire d’un niveau tel qu’il devient impératif d’agir maintenant ».
On nous dit que le progiciel de gestion intégré Umoja va permettre des économies de 30 millions mais où est le plan de valorisation clair que les États ont demandé, s’est énervée la représentante de la Bolivie, au nom du Groupe des 77 et de la Chine. Elle a réclamé une ventilation détaillée, complète et transparente des dépenses prévues. Son homologue de l’Union européenne a en effet dit voir une confusion dans des chiffres parfois contradictoires.
« Nous sommes tous d’accord pour mettre en œuvre les mandats approuvés par les États Membres, mais nous savons aussi que le budget doit s’appuyer sur une évaluation des besoins réels », a tancé la représentante qui a, une nouvelle fois, dénoncé une esquisse budgétaire « sans profondeur stratégique ».
À propos de besoins réels, son homologue du Maroc, au nom du Mexique, de la Norvège, de la Suisse et de la Turquie, a rappelé la lettre que 55 États ont adressée au Secrétaire général, en juillet dernier, demandant que le budget ordinaire de l’ONU couvre l’intégralité du coût des activités mandatées par le Conseil des droits de l’homme et par les autres organes intergouvernementaux compétents au Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme ainsi que les requêtes d’assistance technique.
La prochaine réunion de la Cinquième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
EXAMEN DE L’EFFICACITÉ DU FONCTIONNEMENT ADMINISTRATIF ET FINANCIER DE L’ONU
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur l’esquisse du projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2016-2017 (A/69/556)
Pour établir ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général sur l’esquisse du projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2016-2017 (A/69/416).
Le CCQAB note que le montant total de l’estimation préliminaire est de 5 698,5 millions de dollars, « englobant toutefois des prévisions de dépenses relatives à des projets en cours d’examen par l’Assemblée générale », ce qui, selon le Comité, empêche, de se faire une idée précise de la croissance des ressources nécessaires pour exécuter les activités déjà approuvées. Au 3 novembre 2014, le montant total des ressources nécessaires pour ces activités a dû être ajusté de 19,9 millions de dollars à 19,7 millions de dollars, ce qui porte à 53,1 millions de dollars le montant total.
Le CCQAB note cependant que les ressources nécessaires pour financer un certain nombre d’initiatives devant être examinées par l’Assemblée générale restent à déterminer et qu’elles pourraient avoir d’autres incidences sur le projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2016-2017.
Il fait observer que, si l’on ne tient compte que des activités déjà approuvées, l’estimation préliminaire ne s’élève qu’à 5 645,2 millions de dollars. Le Secrétaire général recommande que, pour l’exercice considéré, le montant du fonds de réserve reste fixé à 0,75% de l’enveloppe budgétaire globale, ce que le CCQAB approuve.
Le CCQAB note les estimations préliminaires des dépenses relatives aux missions politiques spéciales. Par rapport aux 1 081,1 millions de dollars de l’exercice précédent, l’estimation pour 2016-2017 est en hausse de 169,3 millions de dollars, ou 15,6%, s’établissant à 1 250,4 millions de dollars. Dans la mesure où les missions politiques spéciales peuvent être approuvées ou modifiées à tout moment au cours de l’année, il est difficile, avoue le Secrétaire général, de les programmer et de prévoir avec exactitude les ressources nécessaires. Aussi l’estimation préliminaire d’un montant de 1 250,4 millions de dollars est-elle susceptible d’être révisée.
S’agissant de la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola, dont le Bureau de l’Envoyé spécial pour l’Ebola, le CCQAB note que les estimations préliminaires n’ont pas été prises en compte dans l’esquisse budgétaire, parce que le Secrétaire général ne dispose pas de suffisamment d’informations sur l’éventualité d’une poursuite de cette Mission en 2016-2017.
Concernant la valorisation des avantages d’Umoja, le CCQAB note qu’elle entraînera une diminution de 24 millions de dollars des dépenses au titre des activités financées au moyen du budget ordinaire autres que les missions politiques spéciales et de 6 millions de dollars pour ces dernières, c’est-à-dire une diminution totale de 30 millions de dollars. Le Secrétaire général déclare qu’il reste résolu à tirer du projet des gains de qualité et des gains d’efficience permettant des réductions récurrentes des coûts de l’ordre de 140 à 220 millions de dollars d’ici à 2019. La répartition par titre et chapitre du budget-programme des avantages attendus d’Umoja sera présentée dans le projet de budget-programme pour 2016-2017.
Dans ses conclusions, le CCQAB rappelle que, d’une façon générale, il a toujours souligné l’importance des examens des programmes et des modes de fonctionnement en cours pour garantir que les mandats soient exécutés le plus efficacement possible. À cet égard, il réaffirme la nécessité de ne pas se contenter d’une budgétisation par reconduction mais d’évaluer la totalité des ressources nécessaires à l’exécution des programmes et des activités prévus par l’Assemblée générale et les autres organes.
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme DAYANA RIOS REQUENA (Bolivie) a appelé l’expérience « regrettable » du vote du projet de budget-programme de l’exercice précédent, pour lequel les États Membres ont manqué des informations nécessaires à une décision informée. Mme Requena a exhorté le Secrétaire général à présenter une ventilation détaillée, complète et transparente sur la façon dont toutes les activités de l’Organisation impacteront le budget 2016-2017, pour pouvoir éviter les coupes budgétaires réalisées de manière discrétionnaire par le Secrétariat.
Mme Requena s’est inquiétée d’une baisse de 3,4 millions de dollars, alors que les ressources allouées aux missions politiques spéciales augmentent de 15,1%, une augmentation, a-t-elle estimé, « trop importante » et de nature à remettre en cause les priorités établies par l’Assemblée générale dont la mise en œuvre du programme de développement pour l’après-2015.
Mme Requena s’est étonnée d’une diminution projetée de 30 millions de dollars imputable à la valorisation des avantages d’Umoja, alors même que les États Membres n’ont toujours pas le plan de valorisation clair qu’ils ont demandé. Dans ces conditions et en l’absence d’informations plus détaillées capables d’expliquer un tel montant, la représentante a jugé cette réduction « difficilement acceptable ».
Mme Requena a aussi demandé davantage d’informations sur l’utilisation du fonds de réserve et s’est opposée à une demande automatique du même montant sans aucune justification. La représentante a aussi relevé des incohérences, s’agissant notamment des montants correspondants à des initiatives en cours d’examen par l’Assemblée générale. Elle s’est inquiétée de ce que les ressources de la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (MINUAUCE) n’aient pas été prises en compte dans l’esquisse budgétaire.
Elle a exhorté les autres Grandes Commissions à s’abstenir d’utiliser la mention « dans la limite des ressources disponibles » dans leurs projets de résolution, car cela est contraire aux procédures de l’Organisation.
M. OMAR HILALE (Maroc), s’exprimant au nom du Maroc, du Mexique, de la Norvège, de la Suisse et de la Turquie, a rappelé que le nouveau Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’était inquiété des difficultés financières de l’organisme dès sa première conférence de presse le 16 octobre dernier. Partageant ces inquiétudes, le Maroc, le Mexique, la Norvège, la Suisse et la Turquie ont suggéré en juillet, dans une lettre adressée au Secrétaire général au nom de 55 États Membres, que le budget ordinaire de l’ONU couvre au moins l’intégralité des coûts des activités mandatées par le Conseil des droits de l’homme et par les autres organes intergouvernementaux compétents.
« Il devrait également permettre au Haut-Commissariat de répondre favorablement aux requêtes d’assistance technique formulées par les États Membres et d’assurer une présence adéquate sur le terrain », a précisé M. Hilale.
La légère augmentation des fonds alloués aux droits de l’homme prévue dans le projet de budget est bienvenue mais « largement insuffisante », a-t-il ajouté.
« L’objectif devrait être d’établir un financement durable sur les prochaines années d’une façon qui tienne compte des différents intérêts des États sans pour autant empiéter sur l’indépendance du Haut-Commissaire et de son Bureau », a—t-il ajouté.
Au nom de l’Union européenne, Mme CARMEN POWER a mis l’accent sur les difficultés économiques persistantes de nombreux pays européens depuis la crise financière. Ces pays examinaient cette esquisse budgétaire dans un contexte qui se traduit, année après année chez eux, par des réductions de postes, des gels de salaires et des économies toujours plus drastiques. La représentante a donc appelé le Secrétaire à une évaluation stratégique des besoins réels en ressources et à une approche qui s’appuie sur une bonne compréhension du coût réel des mandats. Elle s’est dit pour le moins déçue de constater que l’esquisse budgétaire propose une simple liste d’éléments à ajouter au budget. « Cette approche n’est pas viable », a prévenu la représentante.
Il faut éviter une budgétisation par reconduction qui mène irrémédiablement à la hausse, a-t-elle insisté en paraphrasant le CCQAB. « Nous sommes tous d’accord qu’il faut mettre en œuvre les mandats approuvés par les États Membres, mais nous savons aussi que le budget doit s’appuyer sur une évaluation des réels besoins », a tancé la représentante.
Elle a relevé, comme le CCQAB, des problèmes dans la méthodologie: une confusion dans des chiffres parfois contradictoires et une approche globale qui manque de « profondeur stratégique ». Quelle que soit la manière dont on présente les futurs coûts et estimations, il semble clair qu’on se dirige vers une augmentation budgétaire d’un niveau tel qu’il devient impératif de régler le problème, a estimé la représentante. La pratique d’une budgétisation par reconduction devient tout simplement « insupportable », s’est énervée la représentante.
Elle a appelé le Secrétariat à innover, à améliorer ses méthodes de travail, à gérer ses ressources de la manière la plus efficace et à maîtriser autant que possible les poussées inflationnistes. Continuer de faire comme si de rien était n’est plus une option à la lumière des défis financiers auxquels est confronté le monde, a insisté la représentante.
M. SHO ONO (Japon) s’est d’emblée opposé à toute augmentation du budget ordinaire dans un avenir proche, surtout que la situation économique de la plupart des États Membres de l’ONU ne s’est pas améliorée. Le représentant a précisé que de 2000 à 2011, le budget ordinaire a augmenté à une moyenne de 13% par exercice, alors que de 2011 à 2013, ce taux est tombé à moins 3% au total.
M. Ono a demandé, à son tour, que pour l’exercice 2016-2017, le Secrétariat ne se contente pas d’une budgétisation par reconduction mais évalue vraiment la totalité des ressources nécessaires à l’exécution des programmes et des activités prévus par l’Assemblée générale et les autres organes. Or, a dénoncé le représentant, l’esquisse budgétaire s’appuie sur une logique de reconduction des dépenses de l’exercice précédent. Les montants avancés ne sont pas clairs et risquent même d’augmenter avec les activités en cours d’examen par l’Assemblée générale.
M. Ono s’est félicité de la réduction de 30 millions de dollars due à la valorisation des avantages d’Umoja mais il a regretté l’absence d’autres initiatives de réduction des dépenses, ajoutant que l’esquisse de 5 678,5 millions de dollars franchissait un nouveau seuil historique.
Le Japon, a prévenu le représentant, veillera à ce que le Secrétaire général fasse preuve de discipline budgétaire dans le projet de budget 2016-2017.
M. DONALD HAYS (États-Unis) a, à son tour, fait sien l’avis du CCQAB sur la budgétisation par reconduction et sur la nécessité impérative de procéder à un examen stratégique des besoins réels. Le représentant s’est en effet dit préoccupé par le manque de planification stratégique de l’esquisse budgétaire, jugeant crucial que l’ONU donne des garanties aux États Membres sur une utilisation « efficace » des ressources.
Notant que la réduction proposée du budget est imputée à la valorisation des avantages d’Umoja, le représentant a exhorté le Secrétaire général à aller encore plus loin pour faire davantage d’économies. Outre Umoja, on peut aussi réduire le personnel, a-t-il suggéré, s’interrogeant sur la pratique consistant à appliquer des taux de vacance de postes uniques pour les postes d’administrateurs et d’agents des services généraux au lieu de distinguer les postes nouveaux des postes reconduits.
En règle générale, le représentant s’est avoué très inquiet des effets « corrosifs » d’une budgétisation par reconduction au mépris de la discipline budgétaire et de la réelle capacité financière des États Membres.
À son tour, M. EVGENY V. KALUGIN (Fédération de Russie) a regretté que le processus de budgétisation s’apparente surtout à un simple exercice de reconduction. S’il a appuyé la proposition visant à ce que le fonds de réserve reste fixé à 0,75% de l’enveloppe budgétaire, il s’est par contre opposé à l’intégration, dans l’esquisse, des dépenses liées à des questions que l’Assemblée générale est toujours en train d’examiner. Il a, à son tour, demandé au Secrétaire général des informations détaillées sur l’expérience acquise s’agissant de l’application du taux de vacance de postes. Il a aussi demandé plus de précisions sur les économies et les réductions proposées notamment en ce qui concerne la valorisation des avantages d’Umoja.