Soixante-neuvième session
24e séance plénière – après-midi
AG/11569

Assemblée générale: les délégations saluent le « travail historique » des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda

Le « travail historique » des Tribunal pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR) a été salué aujourd’hui à l’Assemblée générale, en particulier le transfert des activités au « Mécanisme résiduel appelé à exercer les fonctions résiduelles des deux Tribunaux ».  

La représentante des États-Unis a reconnu les efforts constants que les deux Tribunaux ont déployés au cours de ces dernières années pour réduire leurs opérations et transférer la charge de travail restante au Mécanisme résiduel, s’approchant ainsi de l’achèvement d’un « travail historique ».  Le Président du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), M. Theodor Meron, a en effet indiqué que d’ici à la fin de 2015, les deux derniers procès en première instance et en appel, dans les affaires Mladić et Prlić et consorts, prendront fin en 2017.  Ce bilan « impressionnant », toujours selon les mots de la représentante américaine, a donné lieu à un « grand défi », a avoué le Président Meron, celui de soutenir le moral des fonctionnaires « qui perdront leur travail très prochainement, une fois la mission du Tribunal achevée ».

Pour toute réponse, le représentant de la Serbie a attiré l’attention sur l’affaire Vojislav Šešej, un homme qui, après une reddition volontaire intervenue, il y a 11 ans et 8 mois, ne connaît toujours pas la peine à laquelle il est condamné.  Les détentions prolongées voire illimitées sont contraires aux normes reconnues des droits de l’accusé, a tancé le représentant, en demandant au TPIY que les procédures contre ses compatriotes soient finalisées et que la défense puisse faire son plaidoyer rapidement. 

Je suis heureux de vous annoncer, a déclaré le Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), M. Vagn Joensen, qu’au 29 septembre, la Chambre d’appel avait fini tout son travail à l’exception de l’affaire Nyiramasuhuka et al. « Butare » qui, impliquant six personnes, devrait être terminée en 2015. 

Par conséquent, le Mécanisme résiduel a terminé ou est en train de terminer le transfert des fonctions des deux Tribunaux concernant la protection des témoins, les archives et d’autres activités, a précisé M. Meron qui est aussi Président du Mécanisme.  Le représentant de l’Union européenne a insisté sur l’importance qu’il y a à préserver les archives pendant le processus de transition car elles font partie intégrante de l’histoire et de la mémoire du Rwanda et des pays de l’ex-Yougoslavie.  Son homologue du Rwanda a rappelé la demande ferme de son pays, « soutenue par tous les cinq États de la Communauté des États d’Afrique de l’Est », visant à ce que les archives du TPIR soient confiées à son pays, « pour rapprocher la justice internationale des victimes du génocide ». 

Le Mécanisme, a poursuivi le Président Meron, fait face à deux défis majeurs: le premier étant de veiller à ce que les neuf personnes mises en accusation par le TPIR soient appréhendées.  La représentante du Rwanda a insisté sur les cas de MM. Felicien Kabuga, Augustin Bizimana et Protais Mpiranya et rappelé les dispositions clefs de la résolution 2150 du Conseil de sécurité qui exhorte les États Membres à coopérer avec le TPIR, le Mécanisme résiduel et le Gouvernement du Rwanda, pour appréhender et poursuivre tous les fugitifs.

Le deuxième défi du Mécanisme sera de régler la question de la réinstallation des personnes qui ont été acquittées et qui ont purgé la peine prononcée à leur encontre par le TPIR mais qui se trouvent dans l’incapacité de retourner dans leur pays d’origine ou craignent de le faire.  Le représentant de la Serbie a soulevé un autre problème: celui des Serbes reconnus coupables par le TPIY mais qui purgent leur peine en dehors du pays.  La Serbie, a-t-il dit, veut les accueillir, consciente du mal qu’ils ont à exercer leurs droits de l’homme dans des prisons étrangères.  La Serbie, a-t-il ajouté, accueillerait avec satisfaction un accord avec le Mécanisme résiduel sur l’exécution des peines, accepterait, ce faisant, une supervision internationale et offrirait les garanties nécessaires.

Les Tribunaux n’ont pas seulement rendu justice à des communautés déchirées, ils nous ont aussi rapprochés du jour où nous pourrons regarder l’avenir et dire avec certitude « Plus jamais ça », a conclu la représentante des États-Unis.  Encore faut-il combattre le fléau du déni du génocide, a mis en garde son homologue du Rwanda, en parlant d’un déni qui inclut l’utilisation d’une terminologie sous-tendue par des messages flous comme « le génocide rwandais » donnant un prétexte aux révisionnistes de tous bords et aux universitaires des pays occidentaux pour tromper l’opinion publique et lui faire croire que le génocide, qui a eu lieu au Rwanda, a été perpétré contre un groupe national, les Rwandais, qui se seraient entretués. 

La représentante a demandé que l’on utilise la terminologie consacrée par le TPIR dans l’affaire « Akayesu » et reprise dans la résolution 2150 du Conseil de sécurité: « le génocide contre les Tutsis, au cours duquel les Hutus et d’autres qui s’opposaient au génocide ont aussi été tués ».

RAPPORTS DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA (A/69/206), DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE (A/69/225) ET DU MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX SPÉCIAUX (A/69/226)

Déclarations liminaires

M. VAGN JOENSEN, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a présenté son rapport annuel sur les activités du TPIR au cours de la période allant du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014.  Le Tribunal a continué d’œuvrer pour boucler rapidement les dossiers en première instance et en appel.  Il a transféré au Rwanda une deuxième personne accusée qui était sous sa garde et accompli des progrès pour organiser la transition vers le Mécanisme résiduel appelé à exercer les fonctions des Tribunaux spéciaux.

Au cours de la période considérée, le TPIR a rendu trois arrêts concernant cinq accusés, ce qui porte à 51 le nombre total de personnes dont les arrêts ont été tranchés.  Il s’agit des affaires Ndahimana, Ndindiliyimana et consorts et Bizimungu.  Au 29 septembre 2014, s’est félicité le Juge, la Chambre d’appel avait achevé ses travaux, mis à part dans l’affaire Nyiramasuhuko et consorts (« Butare ») qui implique six personnes et qui devrait être réglée en 2015.  Le Président a espéré que les États Membres accepteront de prolonger le mandat des juges chargés de boucler ce dossier.

Depuis le transfert, en juillet 2013, de Bernard Munyagishari au Rwanda, il reste quatre affaires renvoyées devant des juridictions nationales pour jugement, deux au Rwanda et deux en France.  Six cas de fugitifs ont également été transférés au Rwanda, a expliqué M. Joensen, laissant au Mécanisme le soin de juger trois fugitifs.  Les procès étant achevés, le Tribunal s’attèle désormais à opérer la transition au profit du Mécanisme et à boucler les dossiers d’appel. 

À ce sujet, le personnel du TPIR prépare les documents pour l’archivage au Mécanisme.  Au 1er octobre 2014, a dit le Juge, le Mécanisme avait reçu environ 47% des documents du Tribunal.  Toujours au cours de la période à l’étude, la Division des appels et des avis juridiques du Bureau du Procureur est intervenue dans 26 appels liés à 7 affaires.  En septembre 2013, le Bureau du Procureur a lancé son manuel sur la recherche et l’arrestation des fugitifs recherchés par la justice pénale internationale.  De plus, en janvier dernier, il a publié le recueil des pratiques exemplaires en matière d’enquêtes et de poursuites pour violences sexuelles et à caractère sexiste.

Le TPIR réitère l’appel qu’il a lancé aux États Membres pour qu’ils entreprennent d’urgence de l’aider à trouver des pays d’accueil pour les huit personnes acquittées qui sont toujours hébergées sous la protection du Tribunal à Arusha, ainsi que pour trois condamnés libérés après l’exécution de leur peine.  À cet égard, le Juge a salué la décision que vient de prendre la Belgique d’accueillir une personne acquittée.

Alors que le vingtième anniversaire de la création du TPIR par le Conseil de sécurité approche, beaucoup reste à faire avant la fermeture des portes.  Le Tribunal entend préserver pour la postérité la somme des connaissances acquises et des enseignements tirés de l’administration d’une institution judiciaire internationale. 

Parlant de la période allant du 1er août 2013 au 31 juillet 2014, M. THEODOR MERON, Président du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a indiqué que le TPIY avait continué de progresser vers l’achèvement de ses travaux et qu’il lui reste moins de 10 procédures en première instance ou en appel.  Deux arrêts ont été rendus cette année, et un autre, concernant cinq personnes condamnées en première instance, devrait l’être dans les trois prochains mois.

D’ici à la fin de 2015, selon les prévisions actuelles, seuls un procès en première instance et un autre en appel, dans les affaires Mladic et Prlic et consorts, seront encore en cours et prendront fin en 2017, a dit le Président.  Alors qu’il se prépare à sa fermeture définitive en 2017, le Tribunal s’emploie à réduire le plus rapidement possible ses effectifs tout en veillant à poursuivre ses travaux dans le respect des normes internationales les plus rigoureuses.  Le Président a remercié le Bureau de la gestion des ressources humaines pour avoir fait preuve de souplesse et autorisé des dérogations aux règles habituelles de l’ONU, et ce, afin de faciliter le recrutement du personnel et son maintien en poste dans une institution en phase de réduction des effectifs.

Le Président a insisté sur les difficultés liées pour beaucoup à la complexité des affaires portées devant lui « qui dépasse de loin celle de la quasi-totalité des procès devant les juridictions nationales ».  Ces difficultés ne doivent en rien faire oublier ou minimiser les réalisations extrêmement importantes du Tribunal, a insisté M. Meron.  Le plus grand défi auquel fait face le Tribunal est celui de soutenir le moral de ses employés qui perdront leur travail très prochainement, une fois la mission du Tribunal achevée, a souligné le Président.

S’agissant du Mécanisme résiduel, M. Meron a indiqué qu’il était de plus en plus à même d’assumer ses fonctions et qu’il a déjà terminé ou est en train de terminer le transfert des fonctions du TPIY et du TPIR concernant la protection des témoins, les archives et autres.  Le Mécanisme a déjà traité plusieurs questions judiciaires et il prononcera son premier arrêt d’ici à la fin de l’année.  Conscient de la responsabilité qui est la sienne de coopérer avec les autorités judiciaires nationales, le Mécanisme a répondu à plusieurs demandes d’accès à des éléments de preuve dans des affaires du TPIR et du TPIY.

Le Président a insisté sur les deux défis majeurs du Mécanisme, le premier étant l’arrestation des neuf fugitifs du TPIR.  Six de ces affaires ont été renvoyées devant les juridictions rwandaises, dans le cas où les fugitifs seraient appréhendés, tandis que les trois plus hauts responsables seront jugés par le Mécanisme lui-même.  Rappelant la réussite du TPIY, qui a traduit en justice chacune des personnes qu’il avait mises en accusation, le Président a jugé indispensable, pour prévenir cet héritage, de parvenir au même résultat avec les accusés du TPIR.  M. Meron a demandé aux États Membres d’appuyer les efforts du Procureur du Mécanisme pour arrêter les fugitifs.

Le deuxième défi concerne la réinstallation des nombreuses personnes qui ont été acquittées ou qui ont purgé leur peine mais qui se trouvent dans l’incapacité de retourner dans leur pays d’origine ou craignent de le faire.  Les efforts déployés pour trouver des pays prêts à les accueillir sont, pour l’heure, restés vains, a regretté M. Meron, avant d’inviter les délégations à examiner la possibilité d’accueillir sur leurs territoires une ou plusieurs de ces personnes.  Le Président a estimé que le système de la justice internationale, dont font partie le TPIY, le TPIR, le Mécanisme et la Cour pénale internationale, est un succès absolu et pérenne.

M. GILLES MARHIC, Union européenne, a salué le fait que le Mécanisme résiduel soit désormais opérationnel et il est important, a-t-il insisté, que les Tribunaux et le Mécanisme reçoivent l’appui nécessaire pour accomplir leur mandat.  Une transition sans heurt est essentielle pour que le Mécanisme puisse poursuivre et protéger le travail des Tribunaux.  M. Marhic a rappelé que la coopération des États avec les Tribunaux et le Mécanisme reste cruciale, en particulier pour traduire en justice les personnes accusées.  Neuf individus sont encore en fuite dans le cadre du TPIR, a-t-il souligné, ajoutant que l’impuissance dans ce domaine est un sujet de grave préoccupation.  Il a noté que le Bureau du Procureur du Mécanisme se concentre sur la recherche de ces personnes et qu’il reçoit toujours l’appui d’Interpol et de quelques États Membres y compris grâce au « War Crimes Rewards Programme » des États-Unis.  Le renforcement de la coopération des États Membres sur la question de la réinstallation est tout aussi nécessaire, a dit le représentant.

S’agissant du TPIY, M. Marhic a rappelé que dans le cadre de son processus d’association et de stabilisation pour les Balkans de l’ouest, l’Union européenne n’a cessé de rappeler l’importance de l’appropriation nationale dans l’appréhension des crimes de guerre et de ses liens avec la lutte contre l’impunité.  Il a relevé les nombreux défis dans la coordination des activités des institutions judiciaires dans certaines parties de la région et les graves préoccupations du Procureur quant à la poursuite des crimes de guerre au niveau national.  Le représentant s’est félicité des mesures prises par les Tribunaux et le Mécanisme en termes de renforcement des capacités, de diffusion d’informations et d’héritage.

Il a insisté sur l’importance qu’il y a à préserver les archives pendant le processus de transition car elles font partie intégrante de l’histoire et de la mémoire du Rwanda et des pays de l’ex-Yougoslavie.  L’Union européenne, a-t-il promis, continuera à appuyer le principe et le système de la justice pénale international ainsi que son rôle essentiel dans les processus de réconciliation.  Il est important que les connaissances accumulées et les enseignements tirés de la lutte contre l’impunité restent bien vivaces, a-t-il conclu.

Déclarations

M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande), qui s’exprimait au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande (Groupe CANZ), a réaffirmé l’appui de son groupe aux deux Tribunaux et au Mécanisme résiduel.  Cette année, a-t-il rappelé à son tour, marque le vingtième anniversaire des deux Tribunaux pénaux qui ont atteint une étape importante.  Les Tribunaux ont peaufiné la pratique du droit pénal international grâce à la gestion et l’administration de procédures complexes.  Ils ont ajouté ampleur et profondeur à la jurisprudence en disant le droit dans des cas impliquant certains des crimes les plus horribles de l’histoire.

En dépit des efforts des Tribunaux, le Groupe CANZ, a dit le représentant, note que les États ont un rôle central en tant que facilitateurs de ce travail important.  Le Groupe CANZ reconnaît que l’arrestation des fugitifs du TPIY est à attribuer pour une large part à la coopération entre les États et le Procureur.  Il a donc encouragé une coopération similaire s’agissant des fugitifs du TPIR, y compris avec le Mécanisme résiduel.  Il a aussi exhorté les États à contribuer à l’exécution des peines et à l’amélioration des conditions de détention des personnes condamnées.  Le Groupe CANZ est préoccupé en particulier par le sort des neuf personnes acquittées et libérées par le TPIR ainsi que les trois autres qui ont purgé leur peine et qui attendent leur réinstallation.

Mme MAY-ELIN STENER (Norvège), s’exprimant au nom des pays nordiques, a considéré que le TPIY, premier tribunal ad hoc à avoir été créé, avait permis de « catalyser » les évolutions importantes en matière de droit pénal international.  Les pays nordiques applaudissent les travaux des deux Tribunaux, notamment dans le domaine de la violence sexuelle et à caractère sexiste.  La représentante a reconnu que la communauté internationale devait répondre à l’appel du TPIR pour trouver des pays d’accueil pour les personnes acquittées ou ayant exécuté leur peine.  De la même façon, elle a dit qu’il fallait permettre au Mécanisme international de s’acquitter de ses fonctions héritées et de poursuivre l’œuvre que les deux Tribunaux ont bâtie.  À cet égard, a-t-elle averti, le Mécanisme doit pouvoir compter sur la coopération des gouvernements pour arrêter les fugitifs.

M. MILAN MILANOVIC (Serbie) s’est félicité de ce que le Président du TPIY reconnaisse le haut niveau de coopération dont a fait preuve son pays.  Il a aussi salué la visite que le Procureur du Mécanisme résiduel a effectuée dans son pays et qui a conduit à la signature, le 8 septembre, d’un Mémorandum d’accord visant à faciliter la coopération dans l’échange des preuves utilisées dans les affaires jugées par le système judiciaire serbe.  La Serbie, a insisté le représentant, continue de poursuivre les personnes suspectées d’avoir commis des crimes de guerre sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.  À ce jour, les tribunaux serbes ont jugé 435 personnes et 73 font l’objet d’une enquête.  Le pays attend des autres pays de la région qu’ils en fassent de même pour les crimes de guerre commis contre les Serbes. 

Revenant au TPIY, le représentant a demandé que les procédures contre ses compatriotes soient finalisées et que la défense puisse faire son plaidoyer dans une procédure équitable et rapide.  Car, s’est-il expliqué, les détentions prolongées voire illimitées sont contraires aux normes reconnues des droits de l’accusé.  L’affaire Vojislav Sesej illustre bien la situation, a dit le représentant, en parlant d’un homme qui, après une reddition volontaire intervenue, il y a 11 ans et 8 mois, ne connaît toujours pas la peine à laquelle il est condamné.  Le TPIY doit trancher les affaires en suspens aussi vite que possible, et ce, dans le respect des droits de l’accusé et de la défense. 

Le représentant a estimé que le bilan du TPIY n’était pas sans incohérence.  La pratique, a-t-il tranché, n’est pas vraiment une contribution au renforcement de l’état de droit et à la sécurité juridique et encore moins à l’acceptation de cet héritage dans les sociétés postconflit de l’ex-Yougoslavie.  La pratique ne sert ni les intérêts des accusés ni ceux des victimes, a estimé le représentant. 

Concluant sur la question de la coopération des États, il a rappelé que les Procureurs de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine chargés des crimes de guerre ont signé un accord le 11 septembre sur l’échange des officiers de liaison pour faciliter la coopération bilatérale dans l’accès aux preuves.  Le représentant a réitéré la position de son pays en faveur de l’idée que les personnes reconnues coupables par le TPIY purgent leurs peines dans les États de l’ex-Yougoslavie.  Aujourd’hui, a-t-il dénoncé, des Serbes purgent leur peine en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en France, en Norvège, en Pologne, au Portugal ou en Suède.  La Serbie veut les accueillir, consciente du mal qu’ils ont exercé leurs droits de l’homme dans des prisons étrangères. 

Aujourd’hui, a estimé le représentant, aucune raison politique ou juridique ne saurait justifier le maintien d’une recommandation que le Secrétaire général a faite en 1993 pour que les peines soient effectuées en dehors de l’ex-Yougoslavie.  La Serbie, a conclu le représentant, accueillerait avec satisfaction un accord avec le Mécanisme résiduel sur l’exécution des peines, accepterait, ce faisant, une supervision internationale et offrirait les garanties nécessaires.  La Serbie avait d’ailleurs déjà signé, en 2011, un accord allant dans ce sens avec la Cour pénale internationale (CPI). 

Mme DRAGANA ANDELIĆ (Bosnie-Herzégovine) a déclaré que son pays a continué sa coopération avec le TPIY et la continuera pour assurer l’appui nécessaire au Mécanisme résiduel.  Elle a salué la décision d’avoir puisé dans 46 pays le personnel du Mécanisme, y compris en Bosnie-Herzégovine.  Au niveau national, la représentante s’est félicitée de l’appui de l’Union européenne à la mise en œuvre de la Stratégie nationale sur les crimes de guerre adoptée le 29 décembre 2008.  S’agissant de la coopération régionale, elle a cité un Protocole signé avec le Monténégro en avril 2014, qui intervient après celui qui a été signé avec la Serbie, en janvier 2013, soit six mois après, le Protocole signé avec la Croatie.  La représentante a aussi salué la décision visant à ce que 56% du personnel professionnel et 53% de l’ensemble du personnel du Mécanisme soient des femmes.  

Mme RODRIGUEZ PIMEDA (Guatemala) a dit qu’il restait beaucoup à faire avant que les Tribunaux pénaux internationaux puissent fermer leurs portes.  Elle a notamment évoqué la situation urgente des personnes acquittées ou ayant purgé leur peine qui sont toujours hébergées sous la protection du TPIR dans une maison sécurisée à Arusha.  Selon elle, le Conseil de sécurité doit appuyer le TPIR pour régler cette question avant sa fermeture.  Saluant le renvoi de certaines affaires du TPIR devant des juridictions nationales, la représentante a néanmoins souhaité que les fugitifs soient arrêtés, que ce soit par le Tribunal ou par le Mécanisme.  S’agissant du TPIY, elle a reconnu les efforts personnels entrepris par le Président pour renforcer la Chambre d’appel.  Enfin, elle a considéré que le Mécanisme résiduel devrait trouver un équilibre entre le suivi des affaires et l’exécution des peines, d’une part, et l’exigence d’efficacité, y compris budgétaire, d’autre part.  « L’état de droit n’a pas de prix », a-t-elle tenu à souligner.

M. USMAN SARKI (Nigéria) a rappelé que les États Membres avaient le devoir de coopérer avec le TPIR, le Mécanisme et le Gouvernement rwandais afin que les neufs fugitifs mis en accusation par le TPIR soient arrêtés.  Il s’est félicité des progrès réalisés dans la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIR, avant de rappeler l’importance que revêt le processus de transfert des archives au Mécanisme résiduel.  Il a aussi souligné que plusieurs facteurs, parmi lesquels l’arrestation tardive de certaines personnes, entravaient les efforts du TPIY pour terminer ses travaux dans les délais impartis.  « L’Assemblée générale aura alors le devoir de se pencher sur la prorogation du mandat des juges du TPIY avant la fin de cette année », en a-t-il conclu, avant d’enjoindre le Mécanisme de coopérer étroitement avec les équipes des deux Tribunaux pour assurer une transition sans heurt et permettre l’échange de pratiques exemplaires.

La réconciliation est impossible sans la lutte contre l’impunité et l’émergence de la vérité, a souligné d’emblée Mme CAROL HAMILTON (États-Unis).  Le travail des Présidents et des Tribunaux ont beaucoup contribué à la réconciliation et à une paix durable, a-t-elle dit, en qualifiant « d’impressionnant » le travail du TPIY et en félicitant les deux Tribunaux pour les efforts qu’ils ont déployés, ces sept dernières années, en vue de réduire leurs opérations et transférer la charge de travail restante au Mécanisme résiduel.  Ce faisant, les Tribunaux se rapprochent encore plus de l’achèvement d’un travail « historique ».  La contribution des deux Tribunaux ne saurait être surestimée, a apprécié la représentante, arguant qu’il est en effet difficile d’imaginer un droit international moderne sans ces contributions.  L’existence même de ces instances représente l’engagement de la communauté internationale à continuer à avancer, à améliorer la réaction aux atrocités et à évoluer, en tant que race humaine, jusqu’à ce que ces crimes abominables ne soient plus qu’une relique du passé.  Les Tribunaux n’ont pas seulement rendu justice à des communautés déchirées, ils nous ont aussi rapprochés du jour où nous pourrons regarder l’avenir et dire avec certitude « Plus jamais ça », a conclu la représentante. 

M. EVGENY ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a regretté que, malgré le travail accompli, les Tribunaux pénaux internationaux ne pourront pas respecter le calendrier.  Ainsi, le TPIY enregistre-t-il plus de six mois de retard pour « des problèmes d’organisation et une évaluation erronée » de l’affaire restante.  Pour la Fédération de Russie, « s’écarter des principes de sécurité judiciaire et de l’application de normes juridiques uniformes pour tous aurait des effets négatifs sur l’héritage du Tribunal ».

S’agissant du TPIR, l’affaire Butare a entraîné un nouveau retard d’un mois.  Le représentant a mis en garde le responsable du Tribunal « contre la tentation d’arguer de questions techniques pour justifier des retards » et lui a demandé d’achever son travail le plus rapidement possible, sans dépasser le budget.  La Fédération de Russie souhaite un transfert rapide au Mécanisme résiduel des fonctions d’accueil des personnes acquittées.  Elle est d’avis que les questions liées à la fermeture des Tribunaux devront être examinées au Conseil de sécurité.  Enfin, le représentant a encouragé la coopération des Tribunaux avec les États.

Mme JEANNE D’ARC BYAJE (Rwanda) a profité de ce débat pour rappeler la demande ferme de son pays, soutenue par tous les cinq États de la Communauté des États d’Afrique de l’Est, pour que les archives du TPIR soient confiées au Rwanda, pour rapprocher la justice internationale des victimes du génocide.  Elle s’est ensuite dite vivement préoccupée par le manque de progrès tangibles dans l’arrestation des fugitifs mis en accusation par le TPIR, en particulier MM. Felicien Kabuga, Augustin Bizimana et Protais Mpiranya.  Elle a rappelé les dispositions clefs de la résolution 2150 du Conseil qui exhorte les États Membres à coopérer avec le TPIR, le Mécanisme résiduel et le Gouvernement du Rwanda, pour appréhender et poursuivre les neufs fugitifs, et pour enquêter, arrêter, poursuivre ou extrader tous les autres fugitifs accusés de génocide qui résident sur leur territoire, « y compris les leaders des FDLR ».

Mme Byaje s’est également dite « extrêmement préoccupée » par le retard « inacceptable » dans les affaires Bucyibaruta et Munyeshyaka, renvoyées devant les juridictions françaises.  « Une justice tardive est une justice niée », a-t-elle asséné.  Elle a aussi appelé, une nouvelle fois, le monde, y compris les acteurs politiques, à combattre le fléau du déni du génocide qui est « une insulte aux victimes et un obstacle à la réconciliation à long terme ».  Le déni inclut l’utilisation d’une terminologie sous-tendue par des messages flous comme « le génocide rwandais » qui donne un prétexte aux révisionnistes de tous bords et aux universitaires des pays occidentaux pour tromper l’opinion publique et lui faire croire que le génocide, qui a eu lieu au Rwanda, a été perpétré contre un groupe national, les Rwandais, qui se seraient entretués, a-t-elle dit.  La représentante a demandé que l’on utilise la terminologie consacrée par le TPIR dans l’affaire « Akayesu » et reprise dans la résolution 2150 du Conseil de sécurité: « le génocide contre les Tutsis, au cours duquel les Hutus et d’autres qui s’opposaient au génocide ont aussi été tués ». 

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