Le Conseil débat des difficultés rencontrées par le TPIY et le TPIR dans l’achèvement de leurs travaux, depuis l’entrée en fonctions du Mécanisme chargé de leurs fonctions résiduelles
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LE CONSEIL DÉBAT DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LE TPIY ET LE TPIR DANS L’ACHÈVEMENT DE LEURS
TRAVAUX, DEPUIS L’ENTRÉE EN FONCTIONS DU MÉCANISME CHARGÉ DE LEURS FONCTIONS RÉSIDUELLES
La réduction des effectifs, les délais de traduction des documents de procédure
et la réinstallation des personnes acquittées figurent au nombre de ces difficultés
Les progrès réalisés par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR) et les défis auxquels ils continuent d’être confrontés ont été examinés, cet après-midi, par le Conseil de sécurité. Les débats ont été interrompus à la demande du Président du Conseil afin qu’une minute de silence soit observée en hommage à l’ancien Président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, décédé plus tôt dans la journée.
Dans leurs exposés respectifs, les présidents et les procureurs des deux Tribunaux ont fait état des réalisations de ces deux juridictions dans le cadre de la stratégie d’achèvement des travaux, depuis l’entrée en fonctions de la Division du Mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux (le Mécanisme) à La Haye, le 1er juillet 2013. La Division du Mécanisme à Arusha avait démarré ses travaux le 1er juillet 2012.
Le Mécanisme international a été créé par la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité après que celui-ci ait décidé de fixer l’achèvement des travaux des deux Tribunaux pénaux internationaux au 31 décembre 2014, au plus tard. Mais dans les résolutions ultérieures qu’il a adoptées, le Conseil s’était déclaré conscient de ce que les procès pouvaient se poursuivre au-delà de cette date. « C’est avec regret que je vous annonce que certaines affaires ont pris du retard et que le TPIY ne sera pas en mesure de terminer tous ses procès au 31 décembre 2014 », a déclaré le Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et Président du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux, M. Theodor Meron.
Outre la complexité des affaires, le Président a expliqué les retards constatés par des éléments qui ne sont pas liés à la conduite des procès. « Le moral des membres du personnel du TPIY continue d’être affecté par le fait que nombre d’entre eux ne pourront pas obtenir le renouvellement de leur contrat », a-t-il précisé. M. Meron a également avancé d’autres facteurs, tels que l’éloignement du Tribunal par rapport aux lieux où les crimes ont été commis, la traduction dans plusieurs langues d’un nombre considérable de documents et les nombreux témoignages que le Tribunal est amené à examiner. C’est pourquoi, il a demandé que le Conseil proroge les mandats des juges du Tribunal, qui s’achèvent à la fin de ce mois.
« Le TPIR a terminé les procès de tous les accusés et conclu, dans le cadre des procédures d’appel, les affaires concernant 46 personnes », a, pour sa part, affirmé son Président, M. Vagn Joensen. La procédure d’appel concernant les six personnes visées dans l’affaire Butare ne pourra cependant pas prendre fin avant juillet 2015, en raison du retard lié à la traduction des documents de procédure. Il a également déploré que les efforts visant à assurer la réinstallation des personnes acquittées et de celles qui ont été libérées après avoir purgé leur peine en Tanzanie aient échoué ces cinq dernières années. « Notre incapacité à le faire est un défi très sérieux pour la crédibilité de la justice pénale internationale », a-t-il affirmé.
Le Mécanisme résiduel, « fruit d’une véritable collaboration institutionnelle avec le TPIR et le TPIY », et qui est désormais pleinement opérationnel, a expliqué M. Meron, est actuellement saisi de l’appel du jugement rendu par le TPIR dans l’affaire Ngirabatware. Il a aussi souhaité que les trois derniers fugitifs du TPIR que le Mécanisme résiduel aura à juger soient arrêtés ou se livrent prochainement. À cette fin, a-t-il insisté, les États Membres doivent tout mettre en œuvre.
Pour sa part, le Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, M. Hassan Bubacar Jallow, a rappelé que la recherche des trois fugitifs –Félicien Kabuga, Portais Mpiranya et Augustin Bizimana – restait une priorité absolue du Mécanisme résiduel. Il a assuré qu’il continuera de consulter activement tous les États avec lesquels ces individus peuvent avoir des liens.
Le Procureur du TPIY, M. Serge Brammertz, a indiqué, quant à lui, que la Serbie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine avaient bien répondu aux demandes d’assistance et facilité le travail du Tribunal dans les derniers procès en première instance et en appel. « Néanmoins, la poursuite des crimes de guerre à l’échelle nationale en Bosnie Herzégovine suscite toujours de graves inquiétudes », a-t-il déploré.
Lors des échanges qui ont suivi, un grand nombre de délégations, à l’instar de celle des États-Unis, ont tiré un bilan positif de la justice rendue par les deux Tribunaux pénaux internationaux, en saluant notamment leur impartialité et leur contribution à la jurisprudence pénale internationale. Elles se sont également félicitées de ce que le Mécanisme résiduel soit pleinement opérationnel. Les défis rencontrés par les deux Tribunaux ne doivent pas empêcher leur fermeture dans les délais prévus, a prévenu le représentant de la Fédération de Russie, qui a attiré l’attention sur les coûts de leur fonctionnement.
Le délégué de la Serbie, soutenu en ce sens par la Fédération de Russie, a fait remarquer que M. Vojislav Šešelj était « détenu par le TPIY depuis 11 ans sans qu’une décision judiciaire ait été prise ».
S’adressant au Procureur Brammertz, la représentante de la Bosnie-Herzégovine a formé, elle, le souhait que le Protocole sur l’échange de preuves et d’informations sur les crimes de guerre, qui a été signé entre les bureaux des procureurs de Bosnie-Herzégovine, de Serbie et de Croatie, permettra de renforcer la collaboration entre ces pays. Enfin, la délégation du Rwanda a déploré que les procédures engagées contre les deux individus rwandais qui ont été renvoyés devant les juridictions françaises soient au point mort. « C’est incompréhensible », a-t-il dit, avant de suggérer que ces derniers soient renvoyés devant les juridictions rwandaises si cette situation devait perdurer. Le représentant de la France lui a répondu en confirmant la volonté de son pays d’assurer une bonne information du Tribunal sur les deux affaires portées devant les juridictions françaises. MM. Bucyibaruta et Munyeshyaka, a-t-il précisé, ont été mis en examen. Les autorités françaises, a-t-il assuré, accordent toute leur attention aux questions du Tribunal sur ces procédures.
TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991
TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES D’ACTES DE GÉNOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS ACCUSÉS DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DÉCEMBRE 1994
Rapport du Tribunal pénal international pour le Rwanda (S/2013/460)
Rapport du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (S/2013/463)
Lettre datée du 13 novembre 2013, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (S/2013/663)
Lettre datée du 18 novembre 2013, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/2013/678)
Lettre datée du 18 novembre 2013, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2013/679)
Déclarations
M. THEODOR MERON, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et Président du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux a indiqué que le TPIY avait continué de progresser dans l’achèvement de ses dernières affaires. « Depuis la présentation du dernier rapport, le TPIY a rendu cinq jugements et arrêts, alors que les Chambres de première instance ont rendu leurs jugements dans les affairesPrlić et consortsetStanišićetSimatović. » Dans l’affaireKaradzić, la Chambre d’appel a en outre rendu un arrêt, à la suite d’un appel interjeté en vertu de l’article 98 bis du Règlement, a-t-il poursuivi.
M. Meron a ensuite indiqué que le procès dans l’affaire Hadzićse déroulait comme prévu et devrait s’achever d’ici à la fin de l’année 2015, tandis que le procès dans l’affaire Mladić devrait s’achever d’ici à la mi-2016. « Des retards mineurs ont été pris dans trois des quatre autres affaires », a-t-il fait remarquer. Le prononcé du jugement dans l’affaire Karadzić, a-t-il précisé, a été reporté à octobre 2015, à la suite de l’annulation de la décision de la Chambre de première instance portant acquittement de M. Karadzić pour le chef 1 de l’acte d’accusation par la Chambre d’appel.
S’agissant de l’affaire Šešelj, il a indiqué que la dernière étape du procès avait également été retardée à la suite de la demande de dessaisissement de l’un des juges accueillie favorablement par le collège de juges désignés pour l’examiner.
« C’est avec regret que je vous annonce que certaines affaires ont pris du retard et que le TPIY ne sera pas en mesure de terminer tous ses procès au 31 décembre 2014 », a-t-il dit. L’incapacité de terminer tous les travaux judiciaires du TPIY à cette date, a-t-il noté, tient directement à des éléments qui ne sont pas liés à la conduite des procès.
Le Président du TPIY a toutefois indiqué que le Tribunal s’efforçait de garantir que les procès se termineront bien aux dates prévues, avant d’indiquer que le moral des membres du personnel continuait d’être affecté par le fait que nombre d’entre eux ne verront pas leur contrat renouvelé.
« Les départs constituent une difficulté supplémentaire », a affirmé M. Meron. Parmi les autres facteurs compromettant la clôture des procès en première instance et en appel dans les délais voulus, il a cité l’éloignement du Tribunal par rapport aux lieux où les crimes ont été commis, la traduction dans plusieurs langues d’un nombre considérable de documents et le nombre de témoignages que le Tribunal est amené à examiner.
Le Tribunal a adopté des procédures et mesures rigoureuses pour répondre à ces défis, a assuré M. Meron, qui a ajouté: « Je veille à ce que les services nécessaires au bon fonctionnement du Tribunal puissent être maintenus suffisamment longtemps ».
Le Président du TPIY a rappelé aussi au Conseil que le mandat des juges du Tribunal s’achevait à la fin de ce mois et lui a demandé de prendre les mesures qui s’imposent, en prorogeant le mandat des juges jusqu’à l’achèvement des derniers procès et procédures d’appel.
Rappelant que le travail du Tribunal ne pouvait pas répondre à tous les besoins de la région, il a invité la communauté internationale à soutenir d’autres initiatives qui favorisent la réconciliation. Les victimes continuent de souffrir de graves problèmes liés aux blessures qui leur ont été infligées, a-t-il fait remarquer.
Passant aux travaux du Mécanisme résiduel, M. Meron a indiqué qu’outre l’entrée en fonctions, le 1er juillet 2012, de la division d’Arusha, le Mécanisme était pleinement opérationnel avec l’entrée en fonctions, le 1er juillet 2013, de la division de La Haye.
Il a expliqué que le Mécanisme est actuellement saisi de l’appel du jugement rendu par le TPIR dans l’affaire Ngirabatware. Des requêtes visant la modification des mesures de protection, des procédures relatives à des allégations d’outrage et des demandes de libération anticipée ont également été portées à l’attention du Mécanisme, a-t-il ajouté. Le Mécanisme sera par ailleurs amené à connaître des appels qui seront éventuellement interjetés dans les affaires Karadzić, Šešelj, Mladić et Hadzić.
M. Meron a ensuite souhaité que les trois derniers fugitifs du TPIR qui devront être jugés par le Mécanisme soient arrêtés ou se livrent prochainement. « J’exhorte les États Membres à tout mettre en œuvre pour que ce souhait se réalise ».
Certaines fonctions essentielles ont été transférées du TPIR et du TPIY au Mécanisme, a assuré M. Meron, en citant la protection et l’aide apportées aux victimes et aux témoins, l’assistance aux autorités nationales, l’exécution des peines des personnes condamnées, ou encore la gestion des archives. « Dans ces domaines, nous réalisons des progrès satisfaisants », s’est-il félicité.
Il a ensuite demandé aux États Membres d’appuyer les efforts visant à l’arrestation des derniers fugitifs qui devront être jugés par le Mécanisme. « Ce Mécanisme ne peut agir sans la coopération de la communauté internationale, en particulier celle des pays directement concernés comme le Rwanda et les pays de l’ex-Yougoslavie », a-t-il souligné, avant de rappeler ses récentes visites à Kigali et Sarajevo.
M. Meron a mis l’accent sur l’accès à l’information concernant les travaux des Tribunaux. « S’agissant du Mécanisme, nous prendrons les mesures nécessaires pour veiller à ce que les informations soient largement accessibles, sur Internet ou ailleurs », a-t-il dit.
En conclusion, M. Meron a émis l’espoir qu’il n’avait pas brossé un tableau trop négatif de la situation, en insistant sur le fait que les 161 personnes mises en accusation ont toutes été traduites en justice.
M. VAGN JOENSEN, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a indiqué que le Tribunal avait terminé les procès de tous les accusés et, dans le cadre des procédures d’appel, avait conclu les affaires liées à 46 personnes. Il a ensuite indiqué que la procédure d’appel concernant les six personnes de l’affaire Butare ne devrait pas être achevée avant juillet 2015, en raison des travaux importants dans la phase préparatoire.
« La Chambre d’appel a pris des mesures supplémentaires pour accélérer la traduction des documents, alors que le personnel qui travaille sur l’affaire Butare parle désormais anglais et français », a-t-il relevé.
Le Président a ensuite indiqué qu’il avait pu discuter de la réinstallation des personnes acquittées et de celles qui ont été libérées après avoir purgé leurs peines en Tanzanie avec de hauts responsables rwandais, à la suite d’une visite à Kigali début novembre. « Sur les cinq dernières années, tous les efforts du TPIR pour mener à bien la réinstallation de ces personnes ont échoué », a-t-il déploré, avant de rappeler que le 30 mai 2013, le Tribunal avait présenté un « plan stratégique » au Groupe de travail informel du Conseil de sécurité.
« Notre incapacité à réinstaller les personnes acquittées et celles qui ont été libérées après avoir purgé leurs peines en Tanzanie est un défi très sérieux pour la crédibilité de la justice pénale internationale », a-t-il soutenu. Les États Membres doivent appuyer davantage le TPIR pour identifier les pays susceptibles d’accueillir ces personnes.
En ce qui concerne le Mécanisme résiduel, M. Joensen a indiqué que la supervision des affaires renvoyées devant les juridictions nationales relevait désormais de la compétence dudit Mécanisme, ce qui inclut les deux affaires renvoyées devant les juridictions françaises et les deux affaires renvoyées devant les juridictions rwandaises. « Le Mécanisme sera également compétent pour superviser le renvoi des six fugitifs devant les juridictions rwandaises une fois qu’ils auront été arrêtés », a-t-il affirmé.
Abordant la question des archives, M. Joensen a assuré que le transfert au Mécanisme des archives judiciaires relatives aux affaires closes sera achevé à la fin de 2014. « Le Tribunal reste confiant que le transfert de ses archives sera terminé lorsqu’il fermera ses portes », a-t-il dit.
Le TPIR contribue non seulement à établir une jurisprudence mais également à mieux sensibiliser le public sur les risques de génocide. Le Tribunal a notamment créé un centre d’information et de documentation à Kigali. Le Bureau du Procureur a rédigé un manuel de bonnes pratiques sur les poursuites et l’arrestation des personnes recherchées par les mécanismes de la justice pénale internationale, a-t-il précisé avant de conclure.
M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a indiqué que pendant la période considérée, le TPIY avait sensiblement progressé pour achever l’examen des affaires Karadzić, Hadžić et Mladić. Il a toutefois fait savoir qu’à l’inverse de ces « progrès satisfaisants », l’affaire Šešelj a connu de sérieux revers, en expliquant que le prononcé du jugement, prévu le 30 octobre 2013, avait été reporté à la suite du dessaisissement d’un des juges de la Chambre de première instance. Il a ajouté qu’un nouveau juge a été nommé le 31 octobre 2013 et les parties attendent de nouvelles instructions de la Chambre de première instance concernant l’achèvement du procès.
M. Brammertz a ensuite fait observer que de nombreuses personnes en ex-Yougoslavie attendent toujours des réponses sur le sort de leurs proches. Il a notamment évoqué l’exhumation des 474 cadavres qui avaient été récemment découverts dans le charnier de Tomasica, dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine. La découverte du charnier de Tomasica nous rappelle à point nommé qu’il faudrait redoubler d’efforts pour résoudre la question des personnes encore portées disparues à la suite du conflit, a-t-il souligné. Le Procureur a également soutenu l’idée de faire de la Commission internationale pour les personnes portées disparues une institution permanente, afin que son expertise puisse servir dans d’autres régions du monde.
La Serbie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, a indiqué M. Brammertz, coopèrent avec le TPIY concernant les affaires en cours. Il a toutefois fait remarquer que les poursuites pour crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine continuent d’être très préoccupantes.
Le Procureur a estimé que les progrès réalisés pour finaliser l’examen de 9 des 13 affaires de catégories 2 renvoyées par son Bureau devant les juridictions de Bosnie-Herzégovine entre 2005 et 2009 restaient insuffisants. Il a toutefois fait savoir que lors d’une rencontre à Sarajevo en octobre dernier avec le Procureur général de Bosnie-Herzégovine, ce dernier lui avait donné l’assurance qu’une décision serait prise concernant l’état d’avancement de chaque affaire avant la fin de l’année. M. Brammertz a également constaté que la Stratégie nationale sur les crimes de guerre est « dans l’impasse », pointant ainsi du doigt le fait que les mesures prises pour remédier à l’accumulation des affaires portées devant la Cour d’État n’ont pas été accompagnées des ressources indispensables au fonctionnement des tribunaux. Il n’existe pas non plus de stratégie efficace pour assurer la formation du personnel national dans les affaires de crimes de guerre.
Le Procureur du TPIY s’est également inquiété de l’application par le système judiciaire de Bosnie-Herzégovine de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Maktouf et Damjanović, en ce qui concerne la libération inconditionnelle de 12 personnes condamnées par la Cour d’État pour des crimes graves, dont le génocide, en attendant la révision des peines prononcées à leur encontre. La libération de ces personnes fait planer une menace sur l’achèvement des procès dans les règles et ébranle la confiance du public dans l’administration de la justice, s’est inquiété M. Brammertz.
S’agissant de la coopération régionale entre la Croatie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, M. Brammertz a fait état de résultats mitigés. En application d’accords de coopération, des réunions sont organisées périodiquement pour échanger des informations sur les affaires. Il a toutefois constaté que d’autres réformes restent nécessaires afin de résoudre les problèmes de coordination « persistants », en particulier les obstacles juridiques à l’extradition.
Les tribunaux internationaux doivent servir de filet de sécurité dans l’établissement des responsabilités, a-t-il souligné, en rappelant que le renforcement de la capacité des systèmes nationaux de juger efficacement les crimes définis par le droit international était la pierre angulaire du système judiciaire. À cet égard, l’ex-Yougoslavie constitue un précédent important.
M. HASSAN BUBACAR JALLOW, Procureur du Tribunal pénal internationale pour le Rwanda (TPIR) et Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (MTPI), a d’abord assuré que son Bureau se consacrait pleinement aux dernières activités visant à garantir la fermeture efficace et sans heurts du TPIR ainsi que le renvoi au Mécanisme de toutes les questions en suspens. « La lourde charge de travail en appel exige toujours du Bureau du Procureur du TPIR un fort investissement en temps et en personnel », a-t-il ajouté. M. Jallow a précisé que, depuis juin dernier, il avait répondu à huit demandes d’appel déposées par huit accusés condamnés dans les affaires Butare, Nzabonimana et Nzeyimana, et qu’il avait aidé le Bureau du Procureur du Mécanisme à répondre à l’appel interjeté dans l’affaire Ngirabatware.
M. Jallow a également annoncé que la Chambre d’appel devait rendre son arrêt le 16 décembre 2013 dans l’affaire Ndahimana, et, en février 2014, dans l’affaire Militaire 2, « qui met en cause quatre accusés ». Le Procureur du TPIR a noté que la fermeture imminente des Tribunaux spéciaux avait suscité un vif intérêt de la part de la communauté internationale, « afin que leurs pratiques et d’autres aspects de leur héritage puissent contribuer à renforcer les capacités des juridictions nationales et d’autres tribunaux internationaux pour connaître des crimes en vertu du droit international ».
Durant la période considérée, a rappelé M. Jallow, le Bureau du MTPI avait connu une activité intense, mettant sur pied la Division de La Haye, recrutant du personnel pour les fonctions permanentes et spéciales, préparant le budget pour l’exercice biennal 2014-2015 et mettant en place des systèmes pour rationaliser les activités et garantir une meilleure coordination entre le Bureau du Procureur et les Divisions d’Arusha et de La Haye. « Les fonctionnaires du Bureau du Procureur du TPIR et du TPIY travaillent à la fois pour le Mécanisme et leurs bureaux respectifs afin de prêter main forte au Mécanisme, comme l’a prévu le Conseil de sécurité », a-t-il fait remarquer.
M. Jallow a souligné que la recherche des trois fugitifs -Félicien Kabuga, Protais Mpiranya et Augustin Bizimana- restait une priorité absolue du Mécanisme et qu’à cette fin, il continuait de consulter activement tous les États avec lesquels ces individus peuvent avoir des liens. Il a demandé au Conseil de continuer à exhorter tous les États à coopérer pleinement avec le Mécanisme, afin de veiller à ce que les personnes mises en accusation soient traduites en justice. « Nous pourrons ainsi assurer que justice soit rendue aux victimes et survivants de cette grande tragédie, et que ce processus d’établissement des responsabilités, auquel l’ONU et toute la communauté internationale ont consacré des efforts et des ressources considérables, soit mené à bien dans les règles », a-t-il estimé.
Le Procureur du TPIR a ensuite indiqué que son Bureau, conjointement avec INTERPOL et le Département d’État américain, continuait d’apporter son soutien au Rwanda dans les efforts qu’il déploie pour rechercher les fugitifs mis en cause dans six affaires renvoyées devant les autorités rwandaises. Il a par ailleurs noté que, durant la période considérée, son Bureau avait répondu à 80 demandes d’assistance émanant de 17 pays et organisations internationales sur un total de 112 demandes reçues pour les Divisions d’Arusha et de La Haye.
« L’affaire Munyagishari, renvoyée devant une juridiction rwandaise le 24 juillet dernier est au stade de la mise en état et l’ouverture du procès de Jean Uwinkindi est maintenant fixée au 22 janvier devant la Haute Cour du Rwanda », a-t-il relevé. M. Jallow a ajouté que, dans l’affaire Ngirabatware, la seule dont est saisie la Division d’Arusha, le procès devrait avoir lieu durant le premier semestre de 2014.
M. Jallow a insisté sur le fait que les Divisions de La Haye et d’Arusha s’employaient à fonctionner comme un bureau unique. « Nous avons eu l’occasion de nous mettre d’accord sur des mesures à prendre pour améliorer l’efficacité d’un Bureau du Procureur unique au Mécanisme ». « À cet égard, le Bureau du Procureur a adopté la semaine dernière un code de déontologie destiné au personnel du Mécanisme », a-t-il indiqué. En conclusion, il a déclaré que le TPIR restait fermement résolu à mener à bien son mandat, efficacement et en temps voulu, en achevant la plupart des procès en appel en 2014 et en terminant les travaux liés à l’héritage dans le même temps.
M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a noté que les exposés des Présidents et Procureurs reflétaient les efforts inlassables des Tribunaux pour remplir les objectifs stipulés dans les stratégies d’achèvement. « Ils contribuent à la promotion de la paix et de la réconciliation », a-t-il estimé. Le représentant a affirmé que les deux Tribunaux pénaux internationaux avaient contribué au développement de la jurisprudence internationale « en jugeant les individus qui se sont rendus coupables de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire ». « Les deux Tribunaux ont en outre permis de renforcer les systèmes juridiques nationaux, en coopérant directement avec les pays », a-t-il ajouté. Le représentant a considéré qu’il était temps de conclure les affaires en cours de jugement, en transférant les tâches en suspens vers le Mécanisme, « conçu pour éviter les failles dans la lutte contre l’impunité ». Pour ce qui est des activités du TPIR, le représentant a noté que les délibérations en appel se poursuivaient, alors que sont progressivement transférées d’importantes fonctions vers le Mécanisme. Tandis que l’échéance de la fermeture du Tribunal approche, nous restons très préoccupés par la situation des personnes acquittées ou ayant purgé leurs peines. Ces personnes ont le droit d’être réinsérées et une solution doit être trouvée avant l’achèvement des travaux du TPIR, a-t-il insisté, en lançant un appel aux États pour qu’ils se saisissent de ce problème.
M. MASOOD KHAN (Pakistan) a lui aussi considéré que les deux Tribunaux, en créant plusieurs précédents, avaient contribué au développement de la justice pénale internationale. « Le TPIR a examiné toutes ses affaires en première instance et le TPIY a, de son côté, achevé les procédures concernant 96 accusés », a constaté le représentant, qui s’est félicité de ce que le transfert des compétences vers le Mécanisme résiduel soit en bonne voie. « Les Tribunaux doivent achever leur travail judicaire le plus rapidement possible tout en respectant les droits des personnes jugées », a-t-il en outre demandé. Concernant le TPIR, il a exhorté les États à se mobiliser pour permettre la réinsertion « dans de nouveaux pays » des personnes acquittées ou ayant purgé leurs peines et à coopérer pleinement en vue d’appréhender et de traduire en justice les derniers fugitifs.
M. KODJO MENAN (Togo) a déclaré que la récente nomination du juge Mandiaye Niang et l’élection du juge Koffi Kumelio Afande devraient renforcer l’effectif des juges et aider la Chambre d’appel à respecter les projections. Il a toutefois regretté l’impact du départ de personnel qualifié sur la stratégie d’achèvement des deux Tribunaux pénaux internationaux, ainsi que sur la transition de ces deux Tribunaux vers le Mécanisme résiduel. Le représentant a ensuite souhaité que les entités concernées des Nations Unies prennent les mesures nécessaires pour amoindrir les conséquences de cet état de choses.
Le Togo soutient, par ailleurs, toute mesure, y compris le renvoi d’affaires aux juridictions nationales, dans le but d’assurer que la fin des Tribunaux ne soit assimilée à une impunité pour les personnes non encore arrêtées ou jugées, a assuré le représentant, qui a ajouté que des mécanismes de surveillance devraient être mis en place pour garantir un procès équitable devant ces juridictions nationales. Le Togo encourage, en outre, les deux Tribunaux à continuer leurs efforts pour répondre aux attentes des victimes et témoins qui connaissent des difficultés pour témoigner devant les tribunaux.
De même, le représentant a déploré les difficultés pour réinstaller les personnes acquittées ou ayant fini de purger leurs peines mais qui se trouvent toujours privées de liberté, faute de pays d’accueil. Il a suggéré au Conseil de sécurité d’explorer les voies appropriées pour soutenir la dynamique de la Stratégie conçue par le TPIR, à cet effet. Avant de conclure, il a souhaité une plus grande représentation géographique des effectifs de ce Mécanisme, ainsi qu’une représentation des femmes qui devrait aller au-delà de l’effectif de femmes recrutées. Il faudrait aussi leur confier des postes de responsabilités plus grandes, a-t-il ajouté.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a rappelé le soutien constant de son pays aux travaux du TPIR et du TPIY, en rappelant que ces derniers avaient été guidés par les principes de neutralité et d’impartialité. Il a qualifié d’historiques les réalisations à mettre au crédit des deux Tribunaux. « La date exacte de la fermeture de ces deux Tribunaux dépendra de l’achèvement des procès et des procédures d’appel », a-t-il dit. En ce qui concerne le TPIR, le représentant des États-Unis s’est félicité des efforts entrepris par le Tribunal pour renforcer les capacités judiciaires des pays de la région. Il a appelé ces derniers à œuvrer à la réconciliation en s’abstenant de déclarations incendiaires. En ce qui concerne le TPIR, il a appelé les pays de la région à coopérer avec le TPIR pour l’arrestation des neuf fugitifs. « La Division d’Arusha fonctionne bien », s’est aussi félicité le délégué des États-Unis. En conclusion, il est revenu sur les contributions inestimables des deux Tribunaux à la jurisprudence pénale internationale.
M. MICHAEL BLISS (Australie) a déclaré que le Conseil de sécurité devrait apporter son aide aux deux Tribunaux pénaux internationaux pour leur permettre de s’acquitter pleinement de leur mandat. Il est nécessaire pour le Groupe de travail informel sur les Tribunaux de voir comment le Conseil pourrait appuyer les efforts du TPIR à transférer ailleurs les 10 personnes acquittées et celles qui ont purgé leurs peines actuellement en République-Unie de Tanzanie. Certaines d’entre elles avaient été confinées dans des maisons sécurisées à Arusha pendant plus de 10 ans, a rappelé le représentant.
En outre, le représentant de l’Australie a souligné que le Conseil devrait proroger le mandat des juges du TPIY qui arrive bientôt à expiration afin que le Tribunal puisse conclure efficacement les procédures en cours. La délégation de l’Australie qualifie le travail du TPIR et du TPIY de « révolutionnaire ». Il est important que l’expérience des deux Tribunaux soit partagée et que leur héritage préservé. À cet effet, l’Australie organisera avec le TPIR, un atelier international sur la violence sexuelle à Kampala, en Ouganda, en janvier 2014, a indiqué son représentant. Il a précisé que l’atelier avait pour objectif de partager les meilleures pratiques d’enquêtes et de poursuites à l’égard des violences sexuelles.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a déclaré que l’action du TPIR et celle du TPIY montraient que la justice internationale prévaut et que, tôt ou tard, les auteurs des crimes les plus graves devront rendre des comptes. Elle a estimé que les deux Tribunaux pénaux internationaux avaient joué un rôle crucial et ouvert la voie à la création de la Cour pénale internationale.
Le TPIY a joué un rôle essentiel pour renforcer l’état de droit et promouvoir la réconciliation dans les Balkans occidentaux, mais son apport va au-delà, a estimé la représentante. La jurisprudence du TPIY a contribué au développement du droit pénal international dans les domaines de la responsabilité pénale individuelle et les crimes de violence sexuelle, a-t-elle estimé, en précisant que le Tribunal avait donné une voix aux victimes, en particulier aux femmes et aux enfants.
Mme Lucas a remercié le Président du TPIY pour les informations fournies, en expliquant qu’il était important que le Conseil de sécurité soit pleinement informé des faits nouveaux pertinents, afin qu’il puisse aider à surmonter les difficultés. Elle a reconnu que le TPIY mène de front aujourd’hui plusieurs affaires -Šešelj, Karadzić, Hadžić etMladić- d’une grand complexité, ce qui explique le glissement du calendrier. Le Luxembourg souhaite certes que le TPIY achève ses travaux au plus tôt, a déclaré Mme Lucas, qui l’a encouragé à prendre toutes les mesures pour limiter les retards. Mais rien ne doit conduire à saper sa capacité à rendre la justice dans des affaires aussi graves, a ajouté Mme Lucas, qui s’est félicitée de l’élection le 18 novembre d’un seizième juge de la chambre d’appel. Le Luxembourg, a-t-elle assuré, soutient la prorogation du mandat des juges.
Le TPIR a aussi apporté une contribution significative à la suppression de l’impunité pour les génocides, a déclaré la représentante. Si elle s’est félicitée du renvoi de sa dernière affaire devant les juridictions rwandaises, le 17 juillet, convaincue qu’il s’agit là d’un élément important de sa stratégie d’achèvement des travaux, Mme Lucas a rappelé que neuf personnes poursuivies par ce Tribunal continuaient d’échapper à la justice. Elle a rappelé que l’arrestation des trois principaux fugitifs –Kabuga, Mpiranya et Bizimana- était une priorité urgente, en insistant sur la nécessité pour les États de coopérer avec le Tribunal à cette fin. Mme Lucas a aussi demandé qu’une solution soit trouvée pour réinstaller les cinq personnes acquittées par le Tribunal, qui restent hébergées dans des maisons sécurisées à Arusha sous la protection du TPIR.
Avec la fin des travaux des deux Tribunaux pénaux internationaux, la responsabilité des États des deux régions concernées s’accroît en application du principe de complémentarité, a déclaré Mme Lucas, qui a souligné l’importance du renforcement des capacités nationales et d’une meilleure sensibilisation de l’opinion publique. Le Luxembourg s’engage à tout faire pour faire fructifier l’héritage du TPIR et du TPIY à tous les niveaux, notamment au travers d’une coopération renforcée entre le Conseil de sécurité et la CPI, a conclu la représentante.
Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a déclaré qu’après 20 ans d’activités, les deux Tribunaux pénaux internationaux entraient dans une phase d’achèvement en vertu de la stratégie pertinente adoptée par le Conseil de sécurité. Elle a salué les progrès accomplis par les deux Tribunaux depuis leurs derniers rapports, en juin dernier. Il n’y a plus de fugitifs au titre du TPIY, a-t-elle noté. Il est important que le Conseil examine les mesures demandées par le Tribunal, « comme la création d’une équipe spéciale de l’ONU pour absorber une partie du personnel du TPIY ». La représentante s’est en outre dite favorable à la prorogation du mandat des juges du TPIY dans les conditions et termes demandés par M. Meron. Au sujet des activités du TPIR, la représentante a exhorté les États à aider le Tribunal et les services concernés à mettre la main sur les fugitifs, sachant que « le Mécanisme résiduel est prêt à entamer les procédures de jugement ». « Les États doivent coopérer en vertu des obligations fixées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité », a-t-elle rappelé. Réagissant à l’annonce du décès de Nelson Mandela, elle a estimé que, « dans la vie, il n’existe pas de hasards: nous apprenons cette triste nouvelle au moment où nous débattons de la lutte contre l’oubli et l’impunité ».
M. PAUL MCKELL (Royaume-Uni) a souhaité vivement que le TPIY prenne les mesures adéquates pour éviter tout retard supplémentaire dans le traitement des affaires dont il est saisi. Pour ce qui est des activités du TPIR, il a noté avec satisfaction les progrès en ce qui concerne les appels. Les neuf fugitifs doivent être appréhendés, a-t-il dit, en appelant les États à fournir, à cette fin, au Tribunal leur plein appui. Le représentant britannique a, à son tour, invité les États à régler la question de la réinstallation des personnes acquittées ou ayant purgé leurs peines, et qui vivent toujours dans de maisons gardées à Arusha. Permettre une réinstallation digne à ces personnes réaffirmera la capacité de la communauté internationale à garantir, en toutes circonstances, la primauté du droit international, a-t-il estimé.
M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a indiqué que le TPIY continuait de pâtir de l’érosion de son personnel le plus chevronné, avant de se féliciter des mesures récemment prises par son Président pour y remédier. « Le TPIR a terminé les procès de tous les 93 accusés », s’est-il félicité, avant d’appeler à la résolution du défi que constitue la réinstallation des personnes acquittées et de celles qui ont été libérées après avoir purgé leurs peines en République-Unie de Tanzanie. Il s’est ensuite félicité de ce que le Mécanisme soit désormais pleinement opérationnel et l’a invité à faire fond sur les réalisations du TPIR et du TPIY. Avant de conclure, il a demandé au Conseil d’assurer aux deux Tribunaux le soutien nécessaire pour qu’ils puissent achever leurs travaux selon le calendrier convenu, en soulignant que leur contribution était essentielle pour établir une jurisprudence pénale internationale.
M. OLIVIER NDUHUNGIREHE (Rwanda) s’est dit préoccupé par les défis rencontrés par les deux Tribunaux pénaux internationaux, notamment le départ du personnel qualifié auquel ils doivent faire face. En ce qui concerne l’affaire Butare, il a fait remarquer que le problème de la traduction des documents, invoqué notamment par le Président du TPIR pour expliquer le retard des procédures, aurait pu être anticipé. Le représentant a également déploré que les procédures engagées contre les deux individus rwandais qui ont été renvoyés devant les juridictions françaises soient au point mort. « C’est incompréhensible », a-t-il dit, avant d’indiquer que le TPIR devrait songer à renvoyer ces deux individus devant les juridictions rwandaises si cette situation devait perdurer.
Le représentant du Rwanda s’est par ailleurs dit préoccupé par le manque de progrès dans l’arrestation des neuf personnes en fuite. Il a invité les pays de la région à coopérer pleinement avec le TPIR. Il a aussi remercié le Gouvernement de l’Allemagne d’avoir pris les mesures nécessaires pour que les membres des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui se trouvaient sur son territoire soient traduits devant la justice. Il a, par ailleurs, demandé que les archives du TPIR soient transmises au Rwanda, en précisant que cela était essentiel pour préserver la mémoire du génocide.
M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc) a souligné que les principes d’équité et le respect de la régularité des procédures devaient être respectés au cours du transfert des fonctions essentielles des deux Tribunaux vers le Mécanisme résiduel. Il s’est réjoui de ce que le TPIR ait mené à terme tous ses procès en première instance, en précisant que les affaires restantes relevaient de la compétence des juridictions rwandaises. Le représentant a noté que si la dynamique de la transition vers le Mécanisme était lancée, l’opération n’était pas sans difficultés. « La transmission des archives au Mécanisme est une lourde tâche. » Le représentant a ensuite indiqué que le Maroc soutenait la prorogation du mandat des juges du TPIY dans les termes recommandés par le Président du Tribunal, M. Theodor Meron. Pour surmonter les difficultés, il est nécessaire que le dialogue se poursuive entre les tribunaux, a-t-il encore soutenu, avant de souligner le rôle des témoins dans la transmission, auprès des jeunes, de la mémoire des victimes et des survivants de crimes contre l’humanité. « La sensibilisation des jeunes aux objectifs du droit pénal international est également vitale pour la réconciliation », a-t-il déclaré.
M. LI ZHENHUA (Chine) a salué, à son tour, les progrès accomplis par les deux Tribunaux pendant la période considérée. Il a toutefois déploré la persistance de retards dans les procédures, en raison par exemple de problèmes de traduction. « Les deux Tribunaux doivent prendre des mesures plus strictes pour accélérer leurs travaux tout en garantissant la qualité et la régularité des procédures », a exhorté le représentant de la Chine. Il a conclu en appelant les États à garantir la réinstallation des personnes acquittées par le TPIR ou ayant purgé leurs peines.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a souligné les retards qui continuent de s’accumuler au sein du TPIR. Il a ensuite déploré la lenteur dans la traduction des documents des deux Tribunaux, ce qui crée, a-t-il dit, des retards dans certaines affaires, en particulier l’affaire Butare, dont le TPIR est actuellement saisi. Il a ensuite souligné le défi que constitue la réinstallation des personnes acquittées ou ayant purgé leurs peines. « Ce défi ne doit pas retarder l’achèvement des travaux du TPIR », a-t-il prévenu. C’est pourquoi, le Mécanisme doit tout faire pour respecter les délais. Il a ensuite rappelé que par sa résolution 1966 (2010), le Conseil de sécurité avait décidé de fixer l’achèvement des travaux des deux Tribunaux pénaux internationaux au 31 décembre 2014. Compte tenu des coûts de leurs activités, ces deux Tribunaux ne doivent épargner aucun effort pour y parvenir, a-t-il insisté.
M. JOON OH (République de Corée) a demandé que la question de la réinstallation des personnes acquittées et de celles qui ont été libérées après avoir purgé leurs peines en République-Unie de Tanzanie soit réglée dans les plus brefs délais. Il a ensuite demandé au TPIR de redoubler ses efforts afin d’achever ses travaux dans les délais prévus, tout en respectant les principes de procédure. « La prorogation des mandats des juges des deux Tribunaux devrait être dûment examinée », a-t-il affirmé. Avant de conclure, il a tenu à souligner la contribution de ces deux Tribunaux à la jurisprudence pénale internationale.
M. ALEXIS LAMEK (France) a déclaré que le dialogue politique, la justice et la lutte contre l’impunité devraient permettre de tourner « définitivement » la page des conflits en ex-Yougoslavie. « Le TPIY mène de front des affaires d’une grande complexité, ce qui explique les retards. » « Nous souhaitons que le Tribunal achève ses activités le plus rapidement possible, même si rien ne doit saper sa capacité à rendre justice », a-t-il ajouté. Le représentant a ensuite souligné que 2014 serait la date anniversaire du génocide rwandais, l’une des périodes les plus sombres « de notre histoire ». « Nous serons portés par la mémoire des victimes et la volonté commune, 20 ans après, de voir la région des Grands Lacs sortir de la violence. » Concernant les travaux du TPIR, il a tenu à confirmer la volonté de la France d’assurer une bonne information du Tribunal sur les deux affaires portées devant les juridictions françaises. MM. Bucyibaruta et Munyeshyaka, a-t-il précisé, ont été mis en examen. Les autorités françaises, a-t-il assuré, accordent toute leur attention aux questions du Tribunal sur ces procédures. M. Lamek a ensuite souligné qu’il était nécessaire de doter le Mécanisme résiduel de moyens adéquats pour rechercher et procéder à l’arrestation des trois fugitifs de haut rang, MM. Kabuga, Bizimana et Mpiranya. M. Lamek a rappelé que la coopération de tous avec le TPIR était une obligation en vertu des résolutions du Conseil de sécurité. « La France a été la première à accueillir plusieurs individus sur son territoire, à la demande du Tribunal », a-t-il indiqué, en exprimant le souhait que davantage d’États accepteront les personnes acquittées ou ayant accompli leurs peines sur leur territoire.
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a indiqué que son pays participait, pour la première fois, à un débat du Conseil de sécurité sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) en tant que membre de l’Union européenne. Il a ajouté que l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne avait été rendue possible grâce à la pleine coopération de son pays avec le Tribunal et la réalisation d’importantes réformes du secteur judiciaire. Sur ce dernier point, il a mentionné l’établissement de chambres spécialisées pour connaître des crimes de guerre. Le représentant a ensuite déploré les nombreux et fréquents retards qui ont paralysé l’examen de certaines affaires dont était saisi le TPIY. « Mieux vaut tard que jamais, même si ces retards ont déçu les attentes légitimes des victimes », a-t-il noté. M. Drobnjak a souligné que pour améliorer le développement du droit pénal international, il était important de tirer des leçons des expériences passées. « Les modifications des règles de procédure du Tribunal n’ont pas toujours contribué à renforcer la sécurité juridique, ni à simplifier les procédures engagées », a estimé M. Drobnjak.
M. MILAN MILANOVIĆ (Serbie) a mis l’accent sur la coopération de son pays avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en assurant qu’elle se déroulait dans la continuité, sans obstacle et à très haut niveau. Réaffirmant la volonté de la Serbie de contribuer à la paix et à la réconciliation régionales, il a déclaré qu’il n’y avait actuellement aucune demande en attente, que les convocations du tribunal étaient satisfaites dans les temps, ses ordres exécutés et les demandes d’auditions de témoins organisées sans retard et sans difficulté. Le représentant a ensuite énuméré une série d’exemples de coopération entre la Serbie et le Tribunal.
M. Milanović a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur l’affaire Vojislav Šešelj, détenu par le TPIY depuis 11 ans sans qu’une décision judiciaire ait été prise. C’est une violation flagrante des droits de l’homme et des valeurs de la civilisation, a-t-il dit. Citant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme, il a rappelé que ces deux instruments importants exigeaient des auditions dans « un délai raisonnable ». La notion peut sans doute être interprétée de manière « élastique » mais, a-t-il fait observer, 11 années peuvent difficilement être considérées comme un délai raisonnable. Une telle détention en l’absence d’un jugement de première instance peut être assimilée à un déni de la présomption d’innocence, a-t-il estimé.
M. Milanović a réitéré que la Serbie était attachée à l’initiative présentée en 2009, visant à autoriser les personnes condamnées à La Haye à purger leurs peines sur le territoire des États issus de l’ex-Yougoslavie. Il a expliqué que la Serbie souhaitait assumer la détention de ses ressortissants et d’autres personnes condamnées par le TPIY, en ajoutant que la condamnation devait aussi servir, outre de punition, à réintégrer les condamnés dans la société, ce qui est difficile lorsque ces personnes purgent leurs peines dans un pays lointain dont elles ne comprennent pas la langue et où les contacts avec la famille sont réduits au minimum. Le représentant a regretté qu’une telle solution ne soit toujours pas possible aujourd’hui, ajoutant que la déclaration faite en mai 1993 par le Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité, selon laquelle les peines à venir devraient être purgées en dehors du territoire de l’ex-Yougoslavie, avait depuis longtemps perdu toute pertinence.
La Serbie, a-t-il ajouté, est prête à accepter un contrôle international sur l’exécution des peines et à fournir des garanties sérieuses selon lesquelles les condamnés qui purgeraient leurs peines en Serbie ne bénéficieraient pas d’une libération conditionnelle sans une décision en ce sens du TPIY ou du Mécanisme résiduel. M. Milanović a rappelé que la Serbie avait d’ailleurs été, le 20 janvier 2011, le premier pays d’Europe de l’Est à signer avec la Cour pénale internationale (CPI) un accord sur l’application des peines aux termes duquel les personnes condamnées par la CPI peuvent effectuer leurs peines sur le territoire serbe. Réaffirmant l’engagement de son pays en faveur de la paix, de la stabilité et de la réconciliation dans la région des Balkans, le représentant a rappelé que le TPIY avait le devoir de contribuer au respect des normes internationales des droits de l’homme. Il est important de faire justice et, surtout, de faire la différence entre la justice et la vengeance, deux notions qui envoient des messages sociaux et politiques radicalement distincts à nos sociétés, a-t-il souligné avant de conclure.
Mme MIRSADA ČOLAKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) a tout d’abord salué le fait que le TPIY et le TPIR avaient contribué à classifier les abus sexuels dans la catégorie des crimes contre l’humanité. Elle a ensuite appuyé les efforts visant à harmoniser la manière de purger une peine de prison avec les normes de respect des droits de l’homme. Elle a toutefois estimé que la manière de purger une peine ne devait pas remettre en question l’objectif de mesure répressive.
Mme Čolaković a ensuite assuré que son gouvernement redoublera d’efforts pour accélérer l’examen des affaires dont ses juridictions sont saisies. Elle a aussi exprimé l’espoir que le Protocole sur l’échange de preuves et d’informations sur les crimes de guerre, qui a été signé entre les bureaux des procureurs de Bosnie-Herzégovine, de Serbie et de Croatie, permettra de renforcer la communication et la coordination. Afin de conserver la documentation liée au TPIY, la représentante a également suggéré l’ouverture d’un centre d’information dans son pays. Elle a par ailleurs salué la décision de faire figurer des ressortissants de la région des Balkans parmi les membres du personnel du Mécanisme résiduel. Elle a fait observer, qu’aucun d’entre eux n’est originaire de Bosnie-Herzégovine.
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