« La crise en République centrafricaine risque de s’étendre à toute la sous-région », prévient le Chef du Bureau pour l’Afrique centrale
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Conseil de sécurité
7065e séance – matin
« LA CRISE EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE RISQUE DE S’ÉTENDRE À TOUTE LA
SOUS-RÉGION », PRÉVIENT LE CHEF DU BUREAU POUR L’AFRIQUE CENTRALE
Les membres du Conseil de sécurité appellent à la pleine mise
en œuvre de la Stratégie régionale contre l’Armée de résistance du Seigneur
Le Représentant du Secrétaire général pour l’Afrique centrale, M. Abou Moussa, a tiré, ce matin, devant les membres du Conseil de sécurité, une sonnette d’alarme sur la situation en Afrique centrale, marquée par l’instabilité et les problèmes de sécurité en République centrafricaine et par les activités criminelles de groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Tandis que les arrangements politiques de transition restent fragiles, la situation sécuritaire, humanitaire et des droits de l’homme se détériore rapidement, a déclaré le Chef du Bureau régional de l’ONU pour l’Afrique centrale (BRENUAC).
Les violences intercommunautaires sont particulièrement inquiétantes, a-t-il dit, en appelant à agir vite afin d’éviter que cette situation ne prenne une ampleur incontrôlable. Lançant un appel à la communauté internationale, l’Ambassadeur Gérard Araud, de la France, a soutenu également que « la population centrafricaine se trouve actuellement dans une situation épouvantable ». Faisant référence au rapport du Secrétaire général, il a fait remarquer que la situation humanitaire, déjà fragile avant la crise, s’était largement détériorée. « Nous ne pouvons pas laisser la situation s’aggraver plus longtemps, au risque de voir cette zone entière devenir instable », a-t-il martelé, avant d’exprimer son inquiétude face aux récents incidents observés à la frontière entre la République centrafricaine et le Cameroun. C’est pourquoi, a-t-il estimé, le déploiement en cours de la Force africaine, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), est très positif.
S’agissant de l’évolution de la situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), M. Moussa a indiqué que si la défaite du Mouvement du 23 mars (M23) était une victoire, aucun accord de paix n’avait encore été signé. « Des groupes rebelles continuent à opérer dans l’est du pays et à menacer les populations en toute impunité », a-t-il précisé. Notant que les autorités sont « incapables » de maîtriser les éléments de la Séléka, alimentant ainsi des tensions le long des frontières, le Représentant spécial a expliqué que le flux de réfugiés centrafricains dans les pays voisins de la République centrafricaine était « un fardeau de plus » à gérer pour une sous-région qui est déjà confrontée au problème des personnes déplacées. « Le risque que la crise en RCA déborde sur la sous-région est réel », a prévenu M. Moussa.
Comme l’indique le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, dans son rapport, plus de 63 000 personnes ont fui la République centrafricaine et cherché refuge dans les États voisins. Selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la violence qui sévit dans le pays a forcé près de 400 000 personnes à quitter leur foyer. Le représentant de la France a, quant à lui, signalé que plus d’un million de Centrafricains sont en situation d’insécurité alimentaire.
Les délégations ont salué les efforts de M. Moussa pour accélérer la planification et le déploiement de la MISCA. La Mission, qui sera dotée d’une force composée de près de 4 000 hommes, remplacera la Force multinationale d’Afrique centrale, le 19 décembre prochain. Commentant l’hypothèse du déploiement d’une opération de maintien de la paix en République centrafricaine, la représentante de l’Australie, Mme Philippa Jane King, a estimé que l’action envisagée et définie devrait « déterminer la forme de cette mission ». L’Argentine a réagi en déclarant que le Conseil de sécurité devrait examiner, « au préalable », toutes les étapes à franchir pour engager une action robuste. « Ce Conseil aura l’occasion prochainement d’examiner dans le détail les moyens qui pourront être mis en œuvre pour soutenir cette force et trouver une solution durable à la crise en RCA », a relevé de son côté le représentant de la France.
L’Observateur de l’Union africaine, M. Francisco Madeira, qui est par ailleurs Envoyé spécial sur les questions concernant l’Armée de résistance du Seigneur, a déclaré que l’absence d’état de droit en RCA était liée à la reprise des activités du groupe dirigé par Joseph Kony. S’il s’est réjoui, à l’instar des délégations, des francs succès remportés par la Force régionale d’intervention de l’Union africaine, M. Madeira a expliqué que « le coup d’État à Bangui du 24 mars 2013 » avait exigé la suspension des opérations de la Force. L’Armée de résistance du Seigneur en avait profité pour se réorganiser et attaquer des villages en République centrafricaine, ainsi qu’au Soudan du Sud.
Les délégations ont considéré que l’éradication définitive de l’Armée de résistance du Seigneur passait par la pleine mise en œuvre de la Stratégie régionale des Nations Unies pour la lutte contre ce groupe armé, adoptée en juin 2012 par le Conseil de sécurité. À cet égard, M. Moussa a annoncé que son Bureau organisera prochainement une réunion de haut niveau sur le renforcement de la coopération régionale dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur. Elles ont en outre relayé l’appel du Secrétaire général en faveur de l’augmentation des moyens humains et financiers de la Force régionale d’intervention de l’Union africaine.
Le Chef du BRENUAC a évoqué d’autres défis en Afrique centrale, notamment la multiplication des actes de piraterie dans le golfe de Guinée, dont le nombre dépasse désormais celui des attaques de même nature commises dans le golfe d’Aden. « Grâce à la collaboration accrue entre mon Bureau et celui du Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest, la déclaration de Yaoundé sur la lutte contre l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée a pu être adoptée dans les meilleurs délais », s’est-il félicité.
RÉGION DE L’AFRIQUE CENTRALE
Rapport du Secrétaire général sur les activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale et sur les zones où sévit l’Armée de résistance du Seigneur (S/2013/671)
Déclarations
M. ABOU MOUSSA, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a indiqué que, sur le plan de la paix et de la sécurité, la situation qui prévaut en Afrique centrale était dominée par l’instabilité croissante en République centrafricaine (RCA) et la prolifération des groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). En RCA, la situation sécuritaire, humanitaire et des droits de l’homme se détériore rapidement, tandis que les arrangements politiques de transition demeurent fragiles, a-t-il ajouté. Notant que l’accroissement récent des violences intercommunautaires est « tout particulièrement alarmant », M. Moussa a estimé qu’il y avait un besoin urgent d’appréhender cette crise avant qu’elle n’échappe au contrôle de la communauté internationale et ne mène à davantage de pertes en vies humaines. Concernant la RDC, il a indiqué que si la défaite du Mouvement du 23 mars (M23) était en soi une victoire, aucun accord de paix n’a été signé, « et plusieurs groupes rebelles continuent à opérer dans l’est du pays et à menacer les communautés locales en toute impunité.
M. Moussa a précisé qu’en République centrafricaine, les autorités nationales étaient toujours incapables de maîtriser les éléments de la Séléka, ce qui crée des tensions le long des frontières du pays avec les États voisins et affecte la vitalité économique. Il a ajouté que le flux de réfugiés centrafricains dans les pays voisins de la RCA était un fardeau de plus à gérer pour une sous-région qui est déjà confrontée au problème des personnes déplacées. Le risque que la crise en RCA déborde sur la sous-région est réel, a-t-il prévenu.
Le Représentant spécial a ensuite évoqué la criminalité transnationale organisée qui demeure, a-t-il dit, un défi à la sécurité en Afrique centrale, le nombre d’actes de piraterie commis dans le golfe de Guinée dépassant l’incidence observée dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes. Il a également signalé que les activités criminelles de groupes terroristes, en particulier les militants de Boko Haram basés au Nigéria, causaient des déplacements préoccupants, 8 000 réfugiés nigérians ayant récemment fui vers le Cameroun, pays limitrophe. M. Moussa a expliqué que, dans ce contexte, le Bureau qu’il dirige s’efforçait, aux côtés de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), d’apporter des solutions aux problèmes de sécurité qui se posent dans la région. Notre collaboration nous permet de faciliter le dialogue entre les États de l’Union africaine, a-t-il dit, en notant que c’était grâce aux efforts conjoints que la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) avait pu être déployés. « C’est encore par une collaboration accrue, entre notamment mon Bureau et le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest que la déclaration de Yaoundé sur la lutte contre l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée a pu être adoptée dans les meilleurs délais », a également souligné M. Moussa.
Il a également déclaré qu’en tant que membre du Secrétariat du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale, le Bureau avait plaidé en faveur d’une intensification de la lutte contre le commerce illégal d’ivoire, en insistant qu’un tel trafic était une menace directe à la sécurité des États. Lors de la trente-sixième session du Comité à Kigali, les États membres ont reconnu cette réalité et décidé de continuer de faire figurer cette question à leur ordre du jour, s’est-il réjoui. S’agissant de l’Armée de résistance du Seigneur, M. Moussa a indiqué que grâce à l’appui militaire des États-Unis, l’Équipe régionale spéciale était désormais pleinement opérationnelle. Les opérations militaires ont réduit ses capacités d’action et de mouvement, a-t-il assuré. Les attaques commises au Soudan du Sud par l’Armée de résistance du Seigneur nous rappellent que le groupe représente toujours une menace grave et imprévisible aux communautés de la sous-région. « C’est pourquoi, nous devons par conséquent rester vigilants et poursuivre la mise en œuvre de la Stratégie régionale de l’ONU afin de mettre un terme à cette menace et réduire son impact », a déclaré M. Moussa. Avant de conclure, il a annoncé que le Bureau organiserait prochainement un sommet de haut niveau sur l’Armée de résistance du Seigneur et le renforcement de la coopération régionale en vue de lutter plus efficacement contre ses agissements.
M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a indiqué que l’Armée de résistance du Seigneur demeurait une menace en Afrique centrale, en dépit des progrès accomplis dans la lutte contre ce fléau. « Le BRENUAC doit remplir son rôle de coordination des différentes entités du système des Nations Unies luttant contre la menace que pose l’Armée de résistance du Seigneur », a-t-il insisté. Le représentant a souhaité que la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) adoptent des normes opérationnelles communes afin de mieux anticiper les menaces posées par l’Armée de résistance du Seigneur. Le délégué du Royaume-Uni a également demandé une intensification des efforts afin d’éliminer les sources de financement de ce groupe armé, notamment les activités de braconnage et de contrebande. Il a demandé plus de précisions sur les réalisations du BRENUAC, en particulier pour faire face aux actes de piraterie dans le golfe de Guinée.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a souhaité que Joseph Kony et ses complices soient traduits en justice. « Nous attendons le jour où l’Armée de résistance du Seigneur appartiendra au passé, même si ce jour paraît encore loin », a-t-il dit. La communauté internationale doit se montrer unie dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur. Il a ensuite indiqué que les progrès enregistrés dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur auraient des incidences positives dans toute la région, avant de saluer la coopération entre le Soudan du Sud, l’Ouganda et la République démocratique du Congo (RDC) dans la lutte contre ce fléau.
« Le BRENUAC a un rôle crucial à jouer dans la coordination des entités du système des Nations Unies qui luttent contre l’Armée de résistance du Seigneur », a-t-il estimé. Il a ainsi invité le Secrétaire général à fournir au Bureau les ressources suffisantes, notamment en nommant un conseiller pour la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur. Il a ensuite encouragé les Missions de l’ONU au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo (RDC) à coopérer davantage avec l’Union africaine pour lutter contre l’Armée de résistance du Seigneur. « Nous sommes fiers du rôle que jouent nos forces spéciales contre l’Armée de résistance du Seigneur », a-t-il déclaré. Avant de conclure, le représentant a plaidé pour une solution « opportune » en République centrafricaine afin de protéger les civils dans ce pays, en précisant que l’Accord de paix global de Libreville demeurait le cadre de règlement de la crise.
M. AGSHIN MEHDIYEV (Azerbaïdjan) a regretté que les crises politique, sécuritaire et humanitaire en République centrafricaine continuent d’avoir un impact sur la stabilité et la paix de toute la sous-région d’Afrique centrale. Il s’est dit profondément préoccupé par la détérioration de la situation, causée par l’escalade de la violence, la criminalité transnationale organisée et les flux de personnes déplacées et de réfugiés vers les pays voisions. Il est urgent, a-t-il souligné, de restaurer l’état de droit et l’ordre constitutionnel.
Saluant ensuite les efforts de médiation déployés par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, ainsi que les décisions du Conseil de sécurité et de l’Union africaine de déployer une Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, le représentant a défendu « une réponse multidimensionnelle aux niveaux national, régional et international ». Il a estimé que la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel constituait « un cadre solide pour s’attaquer aux racines de l’instabilité chronique ».
« Une attention spéciale doit être portée au renforcement de la coordination et à la mobilisation des ressources nécessaires à la promotion d’une croissance économique au Sahel », a-t-il également déclaré, avant de dénoncer l’augmentation des actes de piraterie dans le golfe de Guinée qui menacent aussi la sécurité et le développement de toute la sous-région. L’augmentation du trafic illicite de l’ivoire, qui « constitue une source majeure de financement de la criminalité transnationale organisée et des groupes armés, dont l’Armée de résistance du Seigneur », est une autre source de préoccupation, a-t-il dit. Dans ce contexte, il a appelé les États concernés à renforcer leur coopération régionale pour contrer ces menaces à l’établissement d’une paix et d’une stabilité pérenne.
En conclusion, le représentant a toutefois salué les progrès réalisés par l’Union africaine dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur, en appelant les États d’Afrique centrale et la communauté internationale à se concentrer sur le renforcement des capacités, les besoins de développement, l’assistance humanitaire et la promotion de programmes de reconstruction.
M. JOON OH (République de Corée) a noté avec satisfaction que les territoires contrôlés par l’Armée de résistance du Seigneur ont baissé en superficie. « Les défections se poursuivent et, dans ce contexte, les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) doivent être mis en œuvre avec l’appui financier adéquat », a-t-il ajouté. Le représentant a indiqué que pour éradiquer définitivement l’Armée de résistance du Seigneur, une coopération accrue de l’ONU avec les pays où elle sévit était indispensable, « en particulier pour faire cesser les activités transfrontières de ce groupe ». Le représentant a salué les initiatives visant à relancer les économies de la région pour s’attaquer aux causes sociales profondes du crime transnational et de la prolifération des groupes armés. « Les autorités centrafricaines doivent coopérer avec le BRENUAC et la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) pour trouver des solutions à la crise humanitaire qui sévit dans le pays et éviter que la situation ne s’aggrave », a souligné à son tour le représentant de la République de Corée.
Mme PHILIPPA JANE KING (Australie) a plaidé pour un règlement rapide de la crise humanitaire en République centrafricaine. « La situation, comme l’a déclaré M. Moussa, risque d’évoluer dans des violences incontrôlables ». « Elle nécessite une réponse globale et coordonnée de la part du Conseil de sécurité, dont nous soutenons la résolution 2121 », a-t-elle poursuivi. La représentante a demandé le renforcement du BRENUAC et souhaité que le Conseil examine les moyens de transformer la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine en une opération de maintien de la paix. « L’action envisagée et définie devra déterminer la forme de cette mission », a-t-elle insisté. En ce qui concerne les activités de l’Armée de résistance du Seigneur, elle a déclaré qu’il faudrait continuer de faire pression sur ce groupe et mettre en œuvre la Stratégie régionale des Nations Unies. « Cela nécessite l’implication active de tous les pays affectés par les activités criminelles de l’Armée de résistance du Seigneur, y compris le Soudan du Sud ».
M. GÉRARD ARAUD (France) a tout d’abord souligné la « gravité exceptionnelle » de la crise en République centrafricaine, qui présente des risques réels que des crimes de masse soient commis. « La population centrafricaine se trouve dans une situation épouvantable », a-t-il indiqué, en prévenant que cette situation pouvait dégénérer en affrontements interconfessionnels. Il faut donc « agir et réagir rapidement ».
« Il n’y a plus d’État en République centrafricaine, mais plutôt des milices qui obéissent à leur propre loi. » Le délégué de la France a ainsi voulu lancer un appel à la communauté internationale, en soulignant que la RCA était un pays souvent ignoré. « C’est aujourd’hui le lieu d’une tragédie qui peut avoir des conséquences pour toute la région », a-t-il affirmé. La RCA risque de se transformer en État failli au cœur de l’Afrique, a-t-il averti. « Les récents incidents à la frontière entre la République centrafricaine et le Cameroun sont inquiétants », a-t-il fait remarquer, avant de saluer le déploiement en cours de la force africaine, la MISCA.
Concernant la menace que pose l’Armée de résistance du Seigneur dans la région, le représentant de la France s’est félicité que les actions coercitives de lutte de l’Union africaine contre ce fléau soient désormais une réalité. Il est nécessaire, a-t-il dit, de veiller à ce que l’Armée de résistance du Seigneur ne bénéficie pas davantage du vide sécuritaire en République centrafricaine pour prospérer. « Le BRENUAC a un rôle important à jouer dans la mise en œuvre de la Stratégie régionale des Nations Unies pour la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur », a estimé M. Araud, en insistant pour que Joseph Kony soit traduit en justice. À cet égard, il a encouragé les États concernés à renforcer leur collaboration avec la Cour pénale internationale (CPI). En conclusion, le délégué a indiqué que la France soutenait à titre bilatéral les États affectés par l’Armée de résistance du Seigneur, « comme en témoigne notre engagement majeur, politique et militaire, en République centrafricaine ».
M. KODJO MENAN (Togo) a déclaré que la tenue des élections législatives, sénatoriales et locales apaisées en Guinée équatoriale et au Cameroun, ainsi que la défaite militaire du groupe rebelle M23 en République démocratique du Congo montraient les progrès de certains pays d’Afrique centrale en matière de stabilité et de gouvernance politique et économique. S’agissant tout particulièrement de la RDC, marquée par près de deux décennies de conflit, il a émis l’espoir que les pourparlers de Kampala aboutissent à la signature d’un instrument de paix qui ne permette pas l’impunité des auteurs de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
Malgré les progrès de ces pays, le représentant du Togo s’est inquiété de la situation de la République centrafricaine où règne le chaos depuis la prise du pouvoir par la rébellion de la Séléka. Il a prévenu que la République centrafricaine risquait de sombrer dans l’anarchie totale sans une intervention robuste de la communauté internationale. Il a salué l’action de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), de l’Union africaine, de l’ONU et d’autres partenaires pour assurer la protection de la population civile. Il a estimé que le retour à l’ordre constitutionnel à travers l’organisation, dans un délai de 18 mois, d’élections libres, transparentes et démocratiques constitue l’une des voies de sortie de la crise en RCA. Il a ajouté que la décision autorisant le déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) et l’adoption de la résolution 2121 du Conseil de sécurité de l’ONU illustrent la menace de déstabilisation de toute la région. Cependant, a-t-il fait remarquer, il va de soi que, dans la situation actuelle, la MISCA ne pourra pas être efficace sans un solide appui logistique et financier des Nations Unies et de la communauté internationale dans son ensemble.
Par ailleurs, M. Menan s’est inquiété des conséquences négatives de l’instabilité en République centrafricaine sur la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur. Tout en saluant l’opérationnalisation de la Force régionale de lutte contre ce groupe armé et l’aval donné à l’Armée du Soudan du Sud de traquer ses combattants jusqu’en RDC, le représentant du Togo a estimé que ce groupe serait déjà anéanti si la communauté internationale faisait plus sur les plans logistique et financier.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) s’est inquiété du fait que le « mouvement génocidaire des Forces démocratiques de libération du Rwanda-FDLR » continue de déployer « ses forces négatives » dans la région, et ce, « bien des années après le génocide au Rwanda ». Ces forces négatives et d’autres, a-t-il ajouté, opèrent dans les zones transfrontalières, déstabilisant l’ensemble de l’Afrique centrale. Le représentant a regretté la faible mobilisation internationale à l’appui des efforts régionaux consentis par les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et les autres mécanismes régionaux pour assurer une stabilité durable dans la région. Concernant l’Armée de résistance du Seigneur, il s’est réjoui de la diminution des attaques menées par ce groupe. Cependant, leurs activités criminelles ont conduit à des déplacements massifs de la population. « La Force régionale d’intervention de l’Union africaine continue d’affaiblir la capacité de nuisance de l’Armée de résistance du Seigneur, mais la communauté internationale doit intensifier sa contribution », a-t-il préconisé. Le représentant rwandais a également exhorté la communauté internationale à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations les plus vulnérables, en particulier les déplacés centrafricains.
M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc) a appelé à faire face « collectivement » aux défis sécuritaires qui entravent le développement de la région. « La situation en matière de sécurité en Afrique centrale exige des réponses coordonnées et urgentes, notamment pour stopper la dégradation de la situation humanitaire en République centrafricaine », a-t-il estimé, en saluant le rôle exemplaire que joue en ce sens la CEEAC. « Les États membres de la CEEAC doivent prendre des mesures drastiques pour démanteler le braconnage de l’ivoire, dont les revenus financent la criminalité transnationale organisée et les activités de l’Armée de résistance du Seigneur ». Le représentant du Maroc a par ailleurs appelé à la mise en place de réseaux de coopération entre les douanes des pays d’Afrique centrale et du Sahel pour lutter plus efficacement contre la recrudescence des activités terroristes à cette échelle.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a partagé les inquiétudes exprimées par les autres membres du Conseil devant la détérioration de la situation en République centrafricaine, laquelle est, pour lui, une conséquence de la crise libyenne, en raison du flux de combattants et d’armes que celle-ci a entraîné. Il a ensuite salué le renforcement de la coopération des pays concernés afin de lutter contre les actes de piraterie commis dans le golfe de Guinée. Il s’est aussi félicité des progrès enregistrés dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur, en mentionnant la diminution du nombre de personnes déplacées dans les zones affectées par ce groupe armé. Le délégué de la Fédération de Russie a ensuite appuyé le déploiement en cours de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), afin de lutter contre « l’anarchie totale » qui règne dans ce pays. En conclusion, il a salué le rôle important joué par le BRENUAC dans la coordination des différentes entités onusiennes qui font face aux nombreux défis que connaît la région.
M. MASOOD KHAN (Pakistan) a indiqué que la menace principale en Afrique centrale était la détérioration de la situation en RCA qui exige une réponse bien coordonnée de la communauté internationale. « Le BRENUAC doit jouer tout son rôle dans la coordination d’une telle réponse en adaptant ses efforts en fonction de la situation sur le terrain », a-t-il dit.
« La lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur est loin d’être gagnée, en dépit des progrès qui ont été accomplis », a-t-il affirmé, avant de souligner les lacunes déficitaires dont pâtit la force opérationnelle de l’Union africaine chargée de lutter contre ce fléau. Il a indiqué que cette force avait notamment besoin d’éléments habilitants pour exercer une pression « continue » sur l’Armée de résistance du Seigneur. Avant de conclure, le délégué du Pakistan a rappelé que la responsabilité de la protection des civils vivant dans les zones affectées par l’Armée de résistance du Seigneur incombait en premier lieu aux États concernés.
Mme MARIA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a déclaré que le Conseil de sécurité devrait examiner, au préalable, toutes les étapes à franchir pour engager une action robuste visant l’amélioration rapide et durable de la situation en République centrafricaine. « Les autorités des États de la région doivent faire appliquer les embargos en vigueur sur les armes », a-t-elle souligné. La représentante a également salué les efforts inlassables du BRENUAC pour promouvoir l’état de droit et la consolidation de la paix en Afrique centrale, en particulier auprès des États membres de la CEEAC. « Le Bureau doit à présent mettre l’accent sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration des nombreux militants de l’Armée de résistance du Seigneur ayant fait défection », a-t-elle déclaré. La lutte doit être renforcée dans les zones où sévit l’Armée de résistance du Seigneur, a-t-elle ajouté.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a appelé à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre la stratégie régionale des Nations Unies visant à contrer la menace de l’Armée de résistance du Seigneur, en notant que des attaques de ce groupe avaient été signalées pour la première fois depuis deux ans au Soudan du Sud. Elle a salué les progrès réalisés par l’Union africaine contre l’Armée de résistance du Seigneur, en notant que les contingents de l’Ouganda, du Soudan du Sud et de la RDC de la Force régionale d’intervention sont désormais pleinement opérationnels. Elle a précisé que le Luxembourg a décidé, lors de la réunion du Groupe de travail international sur l’Armée de résistance du Seigneur, qui s’était tenue à Bruxelles le 4 octobre 2013, d’appuyer le fonctionnement du quartier général de la Force régionale d’intervention situé à Yambio, au Soudan du Sud. Mme Lucas a invité les États de la région à coopérer à l’exécution des mandats d’arrêt délivrés par la Cour pénale internationale (CPI), en juillet 2005, contre Joseph Kony, Okot Odhiambo et Dominic Ongwen. Elle a appelé à mettre en œuvre les quatre recommandations du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés concernant la situation des enfants victimes de l’Armée de résistance du Seigneur, qui avaient été adoptées le 19 avril 2013.
Par ailleurs, la représentante du Luxembourg s’est particulièrement inquiétée de l’aggravation de la situation en République centrafricaine, huit mois après la prise de pouvoir par les rebelles de la Séléka. Elle a appelé le Conseil de sécurité à se mobiliser pour éviter le pire et soutenir la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) et l’Union africaine en République centrafricaine. Elle a salué le rapport du Secrétaire général du 15 novembre, qui expose en détail les options envisageables pour soutenir la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), y compris l’option de transformer la MISCA en opération de maintien de la paix. En outre, elle a salué le travail accompli conjointement par le BRENUAC et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest en matière de lutte contre la piraterie au large des côtes des États du golfe de Guinée.
M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a déclaré qu’il était évident que la dégradation de la situation en République centrafricaine « doit être au cœur des préoccupations du Conseil de sécurité ». « Malgré l’adoption de la résolution 2121 du Conseil sur la RCA et les efforts louables du BRENUAC pour accélérer la planification et le déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, il n’y a guère d’amélioration de la situation sur le terrain. » « Le Bureau doit par ailleurs redoubler d’efforts pour faciliter la lutte contre l’exploitation illicite des ressources naturelles, en particulier l’ivoire, qui, dans la région, profitent directement aux groupes armés », a ajouté le représentant. Il a ensuite salué le rôle « majeur » de la Force régionale d’intervention de l’Union africaine, qui a permis une diminution importante des attaques de l’Armée de résistance du Seigneur. Pour réduire à néant ce groupe armé et remédier aux effets de ses activités au plan régional, le mandat d’arrêt lancé par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale à l’encontre de Joseph Kony doit être exécuté. La communauté internationale doit, pour sa part, soutenir financièrement la mise en œuvre de la Stratégie régionale des Nations Unies visant à contrer la menace que représente l’Armée de résistance du Seigneur, a exhorté le représentant du Guatemala.
M. LIU JIEYI (Chine) s’est dit préoccupé par la volatilité de la situation en République centrafricaine, avant d’appeler toutes les parties à régler pacifiquement leurs différends. Le représentant s’est dit encouragé par les progrès enregistrés dans l’est de la République démocratique du Congo. C’est pourquoi, a-t-il souligné, il est nécessaire de renforcer la coordination des efforts nationaux et internationaux pour lutter contre les actes de terrorisme dans la région du Sahel et les actes de piraterie dans le golfe de Guinée. Il a ensuite appuyé les efforts de l’Union africaine pour lutter contre l’Armée de résistance du Seigneur et s’est félicité du concours apporté à ce titre par les Nations Unies. La Chine, a-t-il assuré, appuie les efforts du BRENUAC.
M. FRANCISCO MADEIRA, Observateur de l’Union africaine, a indiqué que la Force opérationnelle régionale de l’Union africaine chargée de la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur avait achevé avec succès sa première phase. Il a néanmoins affirmé que la deuxième phase connaissait des difficultés, en raison des défis logistiques sérieux auxquels font face les contingents de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo et du Soudan du Sud. Le contingent ougandais, soutenu par les forces spéciales des États-Unis, a dû conduire les opérations contre l’Armée de résistance du Seigneur en République centrafricaine jusqu’en juillet, en réalisant d’ailleurs des succès majeurs, a-t-il assuré.
Le coup d’État à Bangui le 24 mars 2013 a néanmoins constitué un revers majeur, si bien que les opérations ont été suspendues en République centrafricaine, a déclaré M. Madeira, en précisant que l’Armée de résistance du Seigneur en avait profité pour se réorganiser et attaquer des villages dans le pays. Il a ensuite expliqué que la situation avait été davantage compliquée par l’attaque perpétrée par un groupe de combattants armés venant du Soudan du Sud dans la ville d’Obo le 24 mai dernier. « Devant la situation à Obo, les autorités de Bangui ont menacé d’y déployer des troupes de la Séléka », a-t-il indiqué. Les efforts diplomatiques avaient permis de dissiper les tensions entre l’Union africaine et la République centrafricaine.
La Force opérationnelle régionale, grâce à un appui accru des États-Unis, avait repris, le 9 août, ses opérations militaires en République centrafricaine, tandis que les contingents congolais et sud-soudanais avaient été opérationnalisés en septembre. « Les opérations en cours sont soutenues et s’appuient sur des échanges intenses de renseignements », a assuré M. Madeira. Il a fait remarquer qu’en raison de la pression continue, Joseph Kony avait essayé de gagner du temps en attirant par la ruse les autorités centrafricaines dans des « négociations » qui n’en avaient que le nom. « Joseph Kony a saisi en fait cette occasion pour masser davantage de combattants dans le nord-est du pays », a-t-il précisé.
Avant de conclure, l’Observateur de l’Union africaine a estimé que les progrès enregistrés dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur devraient être consolidés, notamment, en fournissant un soutien logistique et financier adéquat à la Force opérationnelle régionale.
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