Cinquième Commission: face à des ressources extrabudgétaires de 14,1 milliards de dollars, le Cameroun alerte l’ONU contre « une gestion à la carte » au lieu d’une « gestion à la Charte »
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Cinquième Commission
12e séance – matin
CINQUIÈME COMMISSION: FACE À DES RESSOURCES EXTRABUDGÉTAIRES DE 14,1 MILLIARDS DE DOLLARS, LE CAMEROUN ALERTE L’ONU CONTRE « UNE GESTION À LA CARTE » AU LIEU D’UNE « GESTION À LA CHARTE »
Le représentant du Cameroun s’est dit inquiet aujourd’hui de l’explosion des ressources extrabudgétaires estimées à 14,1 milliards de dollars, donnant trop de pouvoir aux donateurs et faisant courir à l’ONU le risque d’une « gestion à la carte » au lieu d’une « gestion à la Charte ». Le représentant s’exprimait devant la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires qui terminait son débat sur le projet de budget de 5,562, milliards de dollars présenté hier par le Secrétaire général de l’ONU, pour la période 2014-2015.
Budget ordinaire, 5,562 milliards; ressources extrabudgétaires, 14,1 milliards. Si ce phénomène se conjugue avec la base contractuelle « assez instable » des ressources humaines, a dit craindre le représentant du Cameroun, les Nations Unies s’orienteraient vers une « gestion à la carte », au lieu d’une « gestion à la Charte », favorisant certains pays au détriment d’autres dans le contrôle des structures, des ressources, des programmes voire simplement du leadership au sein des Nations Unies. Quelque 80% du budget ordinaire est absorbé par les salaires et autres dépenses liées aux 10 076 fonctionnaires repris dans ce projet de budget, a rappelé le représentant du Pakistan.
Avec ses 5,562 milliards de dollars, ledit projet a essuyé les critiques de plusieurs délégations. Ce projet semble ne pas être définitif, car il ne tient pas compte d’un certain nombre de besoins, a commenté le représentant de la Fédération de Russie. Un budget à croissance nulle affectera immanquablement l’exécution des mandats, a dit son homologue du Pakistan qui a prévenu qu’« un budget qui n’augmente pas manque de flexibilité et nuit à la transparence fiscale ».
Pour assurer une croissance zéro, le Secrétariat a réduit les coûts dans 73 domaines d’activités, dont la suppression de 261 postes. Des initiatives qui ont été jugées pénalisantes par les délégations aujourd’hui, après les applaudissements des États-Unis, de la République de Corée, du Japon ou encore de l’Union européenne hier.
La suppression des postes proposée, a relevé aujourd’hui le représentant du Pakistan, touche surtout les jeunes administrateurs, alors qu’on augmente le nombre de postes de responsabilité. Cette situation, a-t-il alerté, restreindra la capacité de l’ONU à attirer les jeunes talents pour se rajeunir et se revitaliser.
Tout comme hier, les délégations ont douté de la méthodologie employée pour le projet de budget, et la question de l’actualisation des coûts prenant de plus en plus d’ampleur, le Contrôleur des Nations Unies, Mme Maria Eugenia Casar, s’est dit disposée à revoir sa méthodologie.
Retenu à la plénière de l’Assemblée générale pour un vote sur la levée de l’embargo imposé à son pays par les États-Unis, le représentant de Cuba n’a pas prononcé sa déclaration qui sera néanmoins publiée sur le site web de la Cinquième Commission.
La prochaine réunion de la Cinquième Commission aura lieu jeudi 31 octobre à partir de 10 heures.
PROJET DE BUDGET-PROGRAMME BIENNAL 2014-2015
Débat général
M. SAHEBZADA A. KHAN (Pakistan) a dit la préoccupation de son pays face à un projet de budget à croissance nulle, sans décision formelle de l’Assemblée générale. Un budget qui n’augmente pas manque de flexibilité et nuit à la transparence fiscale, a-t-il prévenu. Il a dit redouter particulièrement qu’une augmentation effective de 0,2% par rapport au précédent exercice biennal desserve la mise en œuvre des mandats de l’Organisation, notamment ceux liés au développement.
Préoccupé par le fait que le Compte de développement ne soit toujours pas suffisamment approvisionné, M. Khan a regretté que les quelque 200 millions de dollars qu’il avait été convenu d’y verser n’aient « malheureusement » pas encore été atteints. Au contraire, on note une réduction de 2,9%, soit 844 400 dollars dans les ressources allouées au Compte, ce qui affectera la mise en œuvre des projets qui dépendent de ce Compte dans les pays en développement.
En écho aux remarques du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), il a jugé qu’en l’absence d’une étude d’impact fiable, les réductions proposées dans 73 domaines d’activités auront des conséquences néfastes sur la capacité de l’Organisation à remplir ses mandats. De même, la proposition de supprimer 261 postes de grade inférieur alors que le nombre des postes de direction augmentent, restreindra la capacité de l’ONU à attirer les jeunes talents pour rajeunir et revitaliser l’Organisation, a insisté M. Khan.
Parce que la suppression de postes proposée ne comble pas le vide créé par les emplois qui vont de toute façon disparaître, il a relevé qu’il s’agit en fait d’un transfert des coûts du budget ordinaire aux ressources extrabudgétaires, estimées à 14,1 milliards de dollars pour l’année 2014-2015, a précisé le représentant. Il a dit comprendre que le recours à ces ressources se justifie par le fait que 80% du budget ordinaire est absorbé par les charges salariales et les dépenses du personnel.
Comme la majorité des États Membres, le Pakistan, a dit son représentant, condamne le fait que la préparation du projet de budget ne respecte pas comme il se doit les critères établis, sans compter qu’elle déroge à la règle 102.2 du Règlement financier et des règles de gestion financière de l’ONU. « Comme l’ont exigé la grande majorité des États Membres, il faut apporter des éclaircissements sur la méthodologie employée », a réclamé le représentant du Pakistan.
M. ASHWANI KUMAR (Inde) a espéré que l’adoption du budget se traduira par une affectation équilibrée des ressources aux priorités clefs de l’Organisation. Il a précisé que la Commission devra assumer le fardeau des décisions passées qui ne peuvent plus être repoussées et qui se traduiront par des coûts supplémentaires de 170 millions de dollars. Il a noté l’augmentation rapide du budget des missions politiques spéciales, au cours de la dernière décennie, dans un contexte de croissance nulle, au cours des derniers exercices biennaux. Il s’est dit inquiet de l’impact croissant sur le budget ordinaire du financement de ces missions dont le budget est passé de 200 millions à 1,2 milliard de dollars en une décennie.
Le représentant a déclaré que notre capacité à changer la vie des gens est liée à notre capacité d’utiliser nos ressources de la manière la plus efficace. Il a dénoncé les initiatives de reforme onéreuse, dont la mise en œuvre du progiciel de gestion intégré- Umoja qui a couté 360 millions de dollars et la rénovation du Siège qui a couté 2 milliards de dollars. Il a aussi dénoncé le fait que la branche logistique et d’appui aux missions de maintien de la paix se trouve « dans des terres lointaines, loin du regard des États Membres » et qu’elle est donc devenue le théâtre des dépassements de coûts « cachés » et des retards.
Le représentant a jugé plus urgent que jamais d’assurer un contrôle strict et une plus grande transparence dans les activités de l’ONU. Il a souhaité que l’ambition de transformer l’ONU ne fasse pas dérailler les projets à cause d’un manque de contrôle administratif. Une démarche budgétaire dominée par quelques grands donateurs et exclusivement portée sur la réduction des coûts nuit à l’espace de délibération et au contenu des mandats, a-t-il averti. Le processus budgétaire ne concerne pas seulement les ressources et les mandats, mais aussi la façon dont nous délibérons pour que les choses fonctionnent.
M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a invité le Secrétariat à appliquer une politique budgétaire disciplinée en ces temps où la communauté internationale lutte toujours contre la crise financière ambiante. Dénonçant le fait que le Secrétariat ait dérogé à la règle 102.2 du Règlement financier et des règles de gestion financière de l’ONU, qui dispose notamment que le projet de budget-programme doit comporter « un état détaillé des ressources », le représentant a appuyé la suppression des postes proposée par le Secrétariat. Il a toutefois déploré que cette suppression de poste vise surtout les jeunes administrateurs, tout en augmentant les postes de direction.
Cette tendance présente des risques et aura un impact sur l’efficacité de l’ONU, a prévenu le représentant, épousant ainsi le point de vue du CCQAB qui a estimé que toutes les propositions de réduction de postes ne pourront se faire sans porter préjudice à la réalisation de mandats de l’Organisation.
Conscient de ce que le projet de budget respecte les exigences en termes de coûts, il a exprimé son scepticisme par rapport au fait que ce budget puisse être respecté. Ce projet « semble ne pas être définitif, car il ne tient pas compte d’un certain nombre de besoins ». Dans cette perspective, il a rappelé la nécessité de contenir la croissance budgétaire. Pour économiser, « il est nécessaire de réduire les postes vacants depuis longtemps, d’éviter le recrutement de consultants et de limiter le nombre des voyages».
M. MICHEL TOMMO MONTHE (Cameroun) a salué le rôle du CCQAB qui depuis sa création le 13 février 1946 procède à un examen technique, critique et indépendant du projet de budget soumis par le Secrétaire général à l’Assemblée générale. Il a noté que le Secrétaire général s’est écarté de la méthodologie habituelle telle que prescrite par les résolutions 41/213, 42/211, 47/212 et 58/269. Si les 66e et 67e sessions de l’Assemblée générale n’ont pas actualisé les crédits en y incluant les montants découlant de l’inflation et des taux de change, compte tenu des difficultés conjoncturelles de nombreux pays, le représentant du Cameroun a estimé que cela ne devrait pas servir de prétexte au Secrétaire général pour déroger aux règles méthodologiques d’établissement du budget.
Comme l’indique le CCQAB, M. Monthe a noté que la nouvelle base choisie par le Secrétaire général comporte des éléments qui n’ont pas été approuvés par l’Assemblée générale. Il a donc souscrit à la recommandation de demander au Secrétaire général de revenir à l’orthodoxie méthodologique.
Il a rappelé que la méthodologie utilisée, dont le cadre offert par les résolutions 41/213 et 42/211, avait passé l’épreuve du temps, et demeurait pertinente pour ce qui est de la manière de gérer les dépenses supplémentaires découlant des nouveaux mandats et l’épineux problème de l’actualisation des coûts due à l’inflation et à la variation des taux de change. Sur le même ton, il a rappelé que l’esquisse budgétaire représentait une estimation préliminaire et une base provisoire et non pas un plafond comme certains le prétendent aujourd’hui. Le représentant a aussi souligné la pertinence du fonds de réserve, qui s’est révélé être un outil efficace pour faire face aux dépenses nouvelles.
S’agissant de l’inflation et des fluctuations des taux de change, M. Monthe a jugé tout aussi pertinent le mécanisme de leur actualisation. Il a rappelé que toutes les études menées après les adoptions des résolutions 41/213 et 42/211 ont débouché sur des alternatives qui n’ont pu être mises en œuvre.
S’agissant du contenu programmatique du budget, il a relevé des distorsions par rapport au texte figurant dans le plan-programme examiné par le Comité du programme et de la coordination (CPC). Il a regretté que certains descriptifs de programme n’aient pas été soumis au processus intergouvernemental, ce qui pose la question de leur conformité avec les décisions prises par les organes délibérants et les règlements régissant la planification des programmes.
Le représentant a, à l’instar du CCQAB, dit craindre que les ressources et le temps n’aient pas été consacrés à l’initiative de la gestion du changement lancée par le Secrétaire général. Il a rappelé que l’Assemblée générale par sa résolution 66/257 du 9 avril 2012, a demandé au Secrétaire général de lui soumettre un rapport complet sur cette initiative. Il est préoccupant de constater que le Secrétaire général a d’ores et déjà intégré divers éléments du plan de gestion du changement dans ses propositions budgétaires contournant ainsi les recommandations de l’Assemblée générale.
Quant aux gains d’efficacité, il a estimé que l’impact des réductions sur les programmes a été néfaste et qu’il n’était pas toujours certain que les gains obtenus seraient dirigés vers le Compte de développement.
Par ailleurs, il a regretté l’impact négatif de la suppression de 261 postes sur la pyramide des âges. Pour ce qui est du montant de 6 millions de dollars demandés au titre des activités de « continuité des opérations », il a jugé très pertinentes les remarques du CCQAB.
S’agissant des ressources extrabudgétaires estimées à 14,1 milliards de dollars pour l’exercice 2014-2015, il a dit que leur rapport avec le budget ordinaire pose l’éternel problème de l’influence et de l’impact qu’elles ont sur les priorités fixées par les États Membres. « Si l’on n’y prend garde, ces ressources risquent de changer les orientations et l’exécution du contenu programmatique du budget » a-t-il alerté. Si ce phénomène se conjugue avec la base contractuelle assez instable des ressources humaines, les Nations Unies s’orienteraient vers une « gestion à la carte » au lieu d’une « gestion à la Charte » favorisant certains pays au détriment d’autres dans la gestion de structures, des ressources et des programmes.
En ce qui concerne la cohérence de la nomenclature des services du Secrétariat, il a dit que les directives existantes doivent être systématiquement appliquées dans toutes les entités du Secrétariat et que les écarts à la règle doivent être justifiés de façon claire.
Il a rappelé que lorsque l’Assemblée générale adopte le budget, elle approuve explicitement les ressources financières, matérielles et humaines ventilées à travers les titres, les chapitres, les programmes et les sous-programmes. Elle approuve aussi les structures administratives – Départements, Bureaux, Service, Divisions, Sections, Unités, etc.- qui se doivent d’être des plus cohérents, si elles veulent encadrer avec efficacité toutes les ressources et leur exécution. Le projet de budget est le produit d’un processus à la fois administratif et intergouvernemental.
Le représentant a précisé que l’ensemble des observations et recommandations du CCQAB, en particulier le récapitulatif au paragraphe 150, ouvrent la voie et montre l’ampleur des négociations que les États Membres doivent engager pour permettre au Secrétaire général de disposer à compter du 1er janvier 2014 de l’ensemble des ressources matérielles, financières et humaines ainsi que des mesures et procédures administratives adéquates pour une gestion efficace de l’ONU pour les deux prochaines années.
M. TINE MORCH SMITH (Norvège) a demandé qu’il y ait un équilibre entre les ressources allouées aux Nations Unies et les tâches que les États Membres lui confient. Après avoir appelé l’Organisation à « trouver des moyens moins coûteux de s’assurer de ses mandats », il a dit apprécier qu’en décembre dernier, l’Assemblée générale se soit accordée sur un budget biennal 2014-2015 « qui présente une diminution nominale et réelle ».
S’il a dit apprécier les coupes budgétaires qui permettent de réduire les dépenses, il a cependant appelé à de la « stratégie ». Les coupes ne doivent pas s’appliquer systématiquement à tous les programmes, a-t-il mis en garde. Autrement, « cela impliquerait par exemple que les sommes allouées aux questions des droits de l’homme, déjà bien modestes, soient disproportionnellement affectées ». Il a aussi demandé que la procédure budgétaire soit simplifiée, pour la rendre plus efficace. Elle doit fournir des orientations stratégiques, a-t-il voulu.
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