Le Procureur de la Cour pénale internationale demande au Conseil de sécurité de nouvelles mesures pour mettre fin à l’impunité au Darfour
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Conseil de sécurité
6778e séance – matin
LE PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE DEMANDE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ
DE NOUVELLES MESURES POUR METTRE FIN À L’IMPUNITÉ AU DARFOUR
« Un climat d’impunité continue de prévaloir au Darfour et le Président soudanais, Omar Al-Bashir, profite de son statut de chef d’État pour se protéger et pour protéger ses proches contre toute poursuite judiciaire pour les crimes graves commis dans cette région », a soutenu, ce matin, le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Luis Moreno-Ocampo, devant les membres du Conseil de sécurité.
Pour le Procureur, le fait que les auteurs présumés des atrocités commises au Darfour n’aient pas été arrêtés et que les autorités soudanaises n’aient engagé aucune procédure à leur sujet constitue « un défi direct » au Conseil de sécurité. Il a appelé ses membres à explorer de nouvelles mesures afin que le Soudan respecte ses obligations en la matière.
Présentant le quinzième rapport sur la situation au Darfour en application de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité -le dernier qu’il soumet en sa qualité de Procureur de la Cour pénale internationale (CPI)- M. Moreno-Ocampo a expliqué que l’arrestation des personnes poursuivies pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis au Darfour depuis le 1er juillet 2002, constituait un défi majeur pour la justice internationale.
Ces personnes sont Ali Kushayb, chef des miliciens janjaouites; Ahmed Harun, ancien Ministre délégué chargé de l’intérieur; Abdel Raheem Muhammad Hussein, ancien Ministre de l’intérieur et actuel Ministre de la défense; et le Président soudanais Omar Al-Bashir, contre lesquels des mandats d’arrêt ont été émis par la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale.
« Leur responsabilité n’est pas la conséquence de leur titre officiel, a indiqué le Procureur, qui a précisé que des témoins avaient décrit leur participation active à la stratégie visant à commettre les crimes. » Le Président Al-Bashir est, quant à lui, poursuivi pour crime de génocide « car, a rappelé M. Moreno-Ocampo, il a agi dans l’intention précise de détruire les groupes ethniques Four, Massalit et Zaghawa ».
Le 31 mars 2005, le Conseil de sécurité, estimant que la situation au Darfour faisait peser une menace à la paix et à la sécurité internationales, avait décidé, en agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, de déférer au Procureur de la CPI la situation qui prévaut dans cette région depuis le 1er juillet 2002. Ainsi, le Procureur présente, tous les six mois, aux membres du Conseil son rapport sur les activités menées par la Cour.
« La décision de déférer à la CPI la situation au Darfour a été le fruit de motivations politiques », a tenu à souligner, ce matin, le représentant du Soudan, qui a rappelé que la CPI n’était pas un organisme judiciaire des Nations Unies mais une cour réservée aux parties au Statut de Rome.
Le représentant du Soudan a rejeté la plupart des allégations avancées par le Procureur de la Cour. Il a déclaré avoir eu l’impression que M. Moreno-Ocampo parlait « d’un Darfour autre que celui qui jouit aujourd’hui de la stabilité et de la sécurité ». La situation a évolué de manière positive, comme l’a d’ailleurs constaté l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) lors de sa dernière évaluation, a-t-il fait remarquer.
M. Daffa-Alla Elhag Ali Osman a ensuite lancé un message à la nouvelle Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda, qui succédera à M. Moreno-Ocampo au cours de la deuxième quinzaine de juin, en la mettant en garde contre la « nature grave et dangereuse de l’approche de son prédécesseur ».
À ces remarques, le Procureur de la Cour a fait observer que « toute activité liée au déni de crimes commis au Darfour pourrait faire l’objet de poursuites », en ajoutant que son Bureau procéderait à une enquête pour vérifier si, dans ce cas précis, le déni de crimes pouvait être considéré comme une contribution apportée aux auteurs des crimes.
Le représentant du Soudan a estimé que ces propos constituaient une violation flagrante de toutes les normes politiques et diplomatiques en vigueur. « De telles paroles mettent en doute le rôle de l’équipe du Procureur et ses pratiques », a-t-il ajouté.
Les 15 membres du Conseil de sécurité ont, à leur tour, pris la parole, pour remercier le Procureur pour le travail qu’il a accompli au cours de son mandat.
Plusieurs membres du Conseil de sécurité, qui ne sont pas États parties au Statut de Rome, dont le Pakistan et la Fédération de Russie, ont appelé à une évaluation objective des actes commis par les différentes parties concernées au Darfour.
D’autres membres, comme le Maroc, ont salué des « avancées significatives » en vue de parvenir à un règlement pacifique du conflit.
Les États-Unis ont, quant à eux, appelé tous les États à s’abstenir de soutenir ces personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt et à leur refuser l’entrée sur leur territoire.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN
Déclarations
M. LUIS MORENO-OCAMPO, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a estimé que la promesse de ne « jamais plus » commettre les erreurs du passé était mise à l’épreuve, aujourd’hui, au Soudan. En décidant, par sa résolution 1593 (2005), de renvoyer la situation d’atrocités en cours commises au Soudan à la CPI, le Conseil de sécurité a pris une décision délibérée de lancer une enquête pour identifier les personnes responsables de ces atrocités avant même la fin du conflit, a rappelé le Procureur.
Cette enquête, a-t-il rappelé, avait constitué un défi immense pour la Cour car il s’agissait d’allégations graves et de crimes commis sur un vaste territoire par différentes parties. M. Moreno-Ocampo a souligné que le Bureau du Procureur avait mené une enquête impartiale, sans se rendre au Darfour, mais en recueillant, dans le monde entier, des témoignages de victimes et de témoins oculaires qui avaient fui le Soudan. Il a précisé que la plupart des preuves obtenues étaient confidentielles afin de protéger les victimes et leurs familles. Le Procureur a ensuite noté que, lors du dernier point sur l’état d’avancement de l’enquête relative au Darfour, le Soudan avait contesté la valeur de ces preuves. M. Luis Moreno-Ocampo s’est dit prêt, ce matin, à discuter ces preuves dans une salle d’audience et devant les juges.
Dix juges, membres de la Chambre préliminaire et de la Section d’appel, ont examiné les preuves réunies par le Bureau du Procureur et ont conclu que les forces du Gouvernement du Soudan avaient commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au Darfour, et ce, selon une stratégie approuvée au plus haut niveau de l’État, a réaffirmé le Procureur. La Chambre préliminaire a identifié les personnes qui doivent comparaître et a émis des mandats d’arrêt à l’encontre d’Ali Kushayb, dirigeant des miliciens janjaouites; d’Ahmed Harun, ancien Ministre d’État chargé de l’intérieur; et d’Abdel Raheem Muhammad Hussein, ancien Ministre de l’intérieur, qui faisait directement rapport au Président Omar Al-Bashir. « La responsabilité de ces personnes n’est pas la conséquence de leur titre officiel », a précisé le Procureur, « des témoins ont décrit que ces personnes avaient participé activement à la stratégie visant à commettre les crimes ».
Quant au Président soudanais Omar Al-Bashir, la Chambre préliminaire a conclu qu’il devait être poursuivi pour crime de génocide car il avait agi dans l’intention précise de détruire les groupes ethniques Four, Massalit et Zaghawa, et que son arrestation était par conséquent nécessaire afin de faire cesser les crimes qui lui sont reprochés. Aujourd’hui, a précisé le Procureur, la Chambre préliminaire a achevé son travail judiciaire et le défi actuel est d’arrêter ces personnes. « Or, le Président Al-Bashir profite de son statut de chef d’État pour poursuivre sa stratégie et pour se protéger et protéger ses proches contre toute poursuite judiciaire », a déclaré M. Moreno-Ocampo. La Cour, a-t-il ajouté, ne dispose d’aucune information portant à croire que de tels crimes ont cessé.
Le Procureur de la CPI a ensuite détaillé plusieurs éléments de la stratégie d’impunité mise en place par le Président Al-Bashir. Il a cité les menaces adressées contre la communauté internationale, le déni de crimes et de viols commis dans les villages et des camps de personnes déplacées, la suppression de stocks de graines ou encore l’interdiction d’accéder à des terres arables. Cette stratégie consiste aussi à forcer la communauté internationale à des négociations sans fin en vue d’obtenir un accès aux personnes déplacées ou la promesse permanente de négociations d’accords de paix. Ces promesses étaient systématiquement ignorées, a déclaré M. Moreno-Ocampo. Le Procureur a également cité, parmi ces éléments, l’annonce d’initiatives en matière de justice mais, plus de 7 ans après la mise en place d’un système judiciaire, le Gouvernement soudanais n’a engagé aucune procédure concernant les crimes commis au Darfour, a-t-il fait observer.
Pour le Procureur, tous ces éléments constituent des défis ouvertement lancés au Conseil de sécurité et s’accompagnent de déclarations publiques selon lesquelles les résolutions du Conseil de sécurité ne seront pas mises en œuvre. Le Procureur a ajouté que le Conseil de sécurité était tout à fait conscient de cette situation et avait, à cet égard, adopté récemment la résolution 2035, en demandant notamment au Gouvernement du Soudan de déployer des efforts afin d’assurer que les coupables des violations du droit international soient traduits en justice.
Avant de conclure, le Procureur a estimé que l’exécution des mandats d’arrestation produira un changement drastique au Darfour, en rappelant que les lieux où se trouvent les quatre fugitifs sont bien connus. « Le fait qu’on ne les arrête pas constitue un défi direct lancé à l’autorité du Conseil de sécurité et c’est au Conseil à déterminer les mesures à adopter afin que le Gouvernement du Soudan obtempère », a-t-il dit. C’est pourquoi, il les a appelés à explorer d’autres possibilités pour exécuter ces arrestations, notamment en demandant aux États Membres de l’ONU ou à des organisations régionales de coopérer avec la Cour.
M. DAFFA-ALLA ELHAG ALI OSMAN (Soudan) a affirmé que la présence du Soudan à la table du Conseil de sécurité ne signifiait que celui-ci reconnaissait ou dialoguait avec la Cour pénale internationale (CPI). Le Soudan, qui n’est pas partie à la Cour, réitère que sa participation à la discussion d’aujourd’hui a pour but de corriger des informations erronées, en particulier celles figurant dans le présent rapport de M. Moreno-Ocampo, a tenu à préciser son représentant. Les relations entre le Conseil de sécurité et la CPI devraient se limiter aux seules parties au Statut de Rome, a-t-il fait remarquer.
Le renvoi du conflit au Darfour devant la Cour n’est pas fondé, car il s’agit, a-t-il dit, d’un conflit interne qui n’a pas franchi les frontières du Soudan. La crise au Darfour, a-t-il estimé, ne constitue pas une menace à la paix et à la sécurité régionales, et encore moins une menace à la paix et à la sécurité internationales. La procédure entamée est le fruit de motivations politiques et d’intérêts particuliers de certains États, a-t-il ajouté. La CPI n’est pas un organisme judiciaire des Nations Unies, mais une cour réservée aux parties au Statut de Rome, a-t-il rappelé.
Le délégué du Soudan a dénoncé le comportement du Procureur de la CPI. Ses affirmations, a-t-il expliqué, ont été réfutées par des témoignages de personnalités juridiques éminentes, lesquelles, comme le Président de l’ancienne Commission d’enquête internationale au Darfour, ont affirmé qu’aucun crime de nettoyage ethnique n’avait été commis au Darfour. Toute personne qui lit le rapport aurait l’impression que le Procureur parle d’un Darfour autre que celui qui jouit aujourd’hui de la stabilité et de la sécurité, a-t-il assuré.
Les dirigeants du Darfour sont des fils du Darfour qui ont participé à la reconstruction de la région, au retour des personnes déplacées, a déclaré le représentant du Soudan. Il est nécessaire, a estimé le représentant, de demander à la communauté internationale d’aider à parachever le chemin vers la paix plutôt que d’attiser les flammes, de provoquer l’instabilité et d’intimider les habitants de la région.
L’évolution positive de la situation au Darfour vient d’être constatée par l’examen de l’Opération hybride Nations Unies-Union africaine au Darfour (MINUAD), laquelle, a-t-il dit, fait état d’une réduction de la violence, d’une diminution du nombre de crimes. Pourquoi le Procureur de la CPI souhaite-t-il monter le Conseil de sécurité contre le Soudan? a-t-il notamment demandé. Le représentant du Soudan a dénoncé avec la plus grande fermeté les recommandations de M. Moreno-Ocampo dans son rapport. Le Président du Soudan est un président élu par le peuple soudanais au cours d’élections libres et démocratiques, un fait reconnu par l’ONU, des organisations régionales et des observateurs internationaux, a-t-il rappelé.
Toute menace de s’ingérer dans les affaires intérieures des États au moyen de la force ne brisera pas la détermination des peuples libres, a souligné le représentant. Il a lancé un message à la nouvelle Procureure de la CPI, en la mettant en garde contre la « nature grave et dangereuse de l’approche de son prédécesseur ». Le peuple du Darfour fait partie intégrante du peuple soudanais, et le Gouvernement soudanais est préoccupé plus que jamais par la situation des habitants du Darfour, a-t-il soutenu, en lançant un appel au Conseil de sécurité pour qu’il exerce des pressions et adopte des mesures punitives contre les mouvements rebelles au Darfour.
M. PAUL MCKELL (Royaume-Uni) a félicité le Procureur de la Cour pénale internationale et ses équipes pour les efforts entrepris au cours de ces sept dernières années et a déploré l’absence de progrès en ce qui concerne la situation au Darfour. « Le peuple du Darfour n’a pas encore connu d’amélioration concrète au cours de son existence », a-t-il dit, en exhortant le Gouvernement soudanais à honorer ses engagements fondamentaux à l’égard du Darfour. Il a également appelé les parties et les États Membres à appuyer la mise en œuvre du Document de Doha et a aussi invité toutes les personnes au Darfour à s’engager dans un dialogue interne.
Le représentant s’est ensuite dit très préoccupé par les informations faisant état de violences persistances au Darfour, en particulier les abus et violences sexuels à l’encontre des femmes et les enfants. Rappelant que 10 Casques bleus avaient été tués et 20 autres blessés au cours d’attaques contre la MINUAD, le représentant a estimé qu’il était « inacceptable » que des entraves constantes empêchent la Mission de mener des enquêtes sur ces attaques. Compte tenu de ces éléments et de la situation persistante sur le terrain, il a considéré que la compétence de la CPI était « d’autant plus pertinente ». Rappelant que le Royaume-Uni avait appelé, à maintes reprises, le Soudan à se conformer à ses obligations, il a une nouvelle fois exhorté celui-ci à mettre un terme à l’impunité, en particulier au Darfour.
M. LOTFI BOUCHAARA (Maroc) a affirmé que son pays soutenait un règlement politique avec toutes les parties concernées et exprimait son attachement au respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Le Maroc, a-t-il ajouté, insiste également sur la nécessité de respecter le principe de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Soudan. Le représentant du Maroc a estimé que la situation au Darfour évoluait et que des avancées significatives avaient été faites en vue de parvenir à un règlement pacifique du conflit. L’inculpation du Président du Soudan, M. Omar Al-Bashir, ne fait pas l’objet d’un consensus international, a-t-il fait observer. La Ligue des États arabes a clairement exprimé sa position sur cette inculpation lors de son Sommet à Doha en 2009, a-t-il rappelé. Un règlement pacifique du conflit ne pourra pas être achevé, a estimé le représentant du Maroc, sans une coopération effective et coordonnée de toutes les parties et organisations régionales concernées.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis), saluant à son tour le travail fourni ces dernières années par le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Luis Moreno-Ocampo, s’est dit préoccupé par la situation qui persiste au Soudan et par « l’impunité continue qui paralyse les efforts de paix en faveur des peuples de la région ». Le représentant a déploré que les promesses faites aux victimes demeurent, à ce jour, lettres mortes. « Le Soudan avait pourtant promis de mettre fin à l’impunité et de poursuivre et traduire en justice les auteurs des crimes commis. Aujourd’hui, on constate que rien n’a été fait et que les personnes qui font l’objet d’un mandat d’arrêt sont toujours libres », a-t-il regretté.
L’exposé du Procureur de la Cour devrait amener les membres du Conseil de sécurité à réfléchir à ce qu’ils pourraient faire pour faire progresser cette situation car, a-t-il dit, en soulignant que cette question méritait une plus grande attention de la part du Conseil de sécurité. Il a ensuite demandé à tous les États de s’abstenir de soutenir les personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, à l’instar des États-Unis, qui « refusent de recevoir ces personnes sur leur territoire ». Il a également appelé tous les États à s’opposer à tout voyage des personnes suspectes et à collaborer sur cette question. Le représentant a ajouté que le Conseil de sécurité était encouragé à adopter une nouvelle approche qui faciliterait l’exécution du mandat de la CPI au Darfour. Il s’est aussi dit préoccupé par la poursuite de bombardements aériens par le Gouvernement soudanais, y compris dans les zones civiles, ainsi que par l’impunité des attaques dont ont été victimes des Casque bleus de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD).
M. DOCTOR MASHABANE (Afrique du Sud) a affirmé que son pays était prêt à lutter contre toute impunité. Ceux qui ont commis des crimes internationaux doivent rendre des comptes, a-t-il dit. Le Conseil de sécurité devrait utiliser tous les outils nécessaires pour promouvoir un dialogue politique et la recherche de la paix au Darfour et dans l’ensemble du Soudan, a-t-il estimé. Le représentant s’est dit préoccupé par les allégations contenues dans le rapport présenté par le Procureur concernant les bombardements aériens contre des populations, les abus et violences sexuels, et l’utilisation d’enfants soldats.
Le représentant de l’Afrique du Sud a mis l’accent sur la nécessité de traiter deux volets, l’un judiciaire pour que justice soit faite et l’autre politique pour trouver une paix durable au Soudan. Il a également mis en garde contre toute tentative visant à utiliser la MINUAD comme moyen d’exécuter les mandats d’arrêt de la CPI. Cela aurait, a-t-il dit, un impact négatif sur les activités de la Mission. Il a estimé également que des organisations régionales, dont des membres ne sont pas parties au Statut de Rome, n’étaient pas en mesure d’exécuter des mandats d’arrêt émis par la CPI.
M. MARTIN BRIENS (France) a déclaré que le constat que le Procureur de la CPI avait rappelé, dans son rapport, était préoccupant: quatre individus, inculpés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et, pour l’un d’eux, de génocide, continuent de se soustraire à l’action de la Cour, au vu et au su de tous, malgré les mandats d’arrêt émis contre eux par la Cour. Pour le représentant, et comme le souligne le rapport, l’impunité a encouragé le Gouvernement du Soudan à reprendre les mêmes méthodes au Kordofan méridional, où se déroule, « à huis clos », une crise humanitaire grave. La justice internationale doit poursuivre son cours, montrer que cette menace contre les auteurs des crimes n’est pas vaine et dissuader d’autres personnes de prendre le même chemin, a-t-il déclaré.
L’incapacité de la communauté internationale d’assurer le jugement d’Ahmed Harun, de Mohammed Hussein, d’Ali Kushayb et du Président Al-Bashir est un défi pour l’autorité du Conseil de sécurité, qui avait, avec l’adoption de la résolution 1593 (2005), demandé que justice soit faite pour les crimes commis au Darfour. Comme le suggère le Procureur, le Conseil, a poursuivi M. Briens, pourrait effectivement envisager de nouvelles mesures juridiques ou opérationnelles pour assurer la mise en œuvre effective de ses résolutions. Le Conseil doit renforcer sa cohérence, et les États parties au Statut de Rome doivent également le faire, a-t-il fait observer. Ainsi, ils ne peuvent accueillir sur leur territoire un individu sous mandat d’arrêt de la CPI sans procéder à son arrestation. Cette obligation de coopération découle du Statut de Rome, mais aussi de la résolution 1593 (2005), a conclu le délégué de la France.
M. JOÃO MARIA CABRAL (Portugal) s’est dit très préoccupé par le fait que « la situation au Darfour n’ait pas progressé ». Il a notamment regretté qu’aucun effort sérieux n’ait été entrepris sur le plan national et qu’aucune procédure crédible n’ait été engagée pour enquêter sur les crimes et sur les allégations relevant de la compétence de la CPI, en dépit des conclusions et recommandations du Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Darfour concernant les obstacles persistants et le manque de volonté à l’égard des poursuites judiciaires ».
Le représentant s’est ensuite inquiété de la réduction de la présence des institutions internationales sur le terrain, chargées d’assister les victimes des violences ou de viols, après la menace du Gouvernement du Soudan de les expulser. Il a déploré le fait que ce type d’actes, de même que ceux dont est saisie la CPI, se poursuivent. Réaffirmant que la CPI demeurait un outil essentiel pour assurer la justice dans la région, le représentant a appelé à la coopération de tous les États Membres. « Sans la coopération internationale, la Cour ne peut pas s’acquitter de son rôle », a-t-il fait remarquer, en partageant les préoccupations exprimées par d’autres délégations concernant le manque de collaboration des autorités soudanaises dans l’exécution des mandats d’arrêt émis par la Cour.
M. NÉSTOR OSORIO (Colombie) a estimé que le succès du travail de la Cour pénale internationale depuis sa création avait un lien étroit avec la façon responsable, diligente et impartiale avec laquelle le Procureur, M. Luis Moreno-Ocampo, avait exercé ses fonctions. Le représentant a rappelé que l’un des objectifs de la CPI était de dissuader les auteurs potentiels de crimes horribles dans un contexte de violences généralisées ou de conflit armé. Il a regretté que 10 ans après l’entrée en fonction de la Cour, la justice pénale internationale n’ait pu s’appliquer à la situation au Darfour. Le représentant de la Colombie a rappelé que toute obligation de coopérer avec la CPI visait également à mettre en œuvre les mandats d’arrêt lancés par le Procureur de la Cour.
M. SULJUK MUSTANSAR TARAR (Pakistan) a, tout d’abord, souligné que « l’objectivité et non la politisation devrait guider les rapports du Procureur de la Cour pénale internationale ». Rappelant que la situation au Soudan était un impératif pour la paix régionale et sous-régionale et que les souffrances de la population soudanaise suscitaient des préoccupations depuis des années, il a estimé que la communauté internationale devrait faire davantage pour y mettre un terme. Il a notamment considéré qu’une paix globale nécessitait de réaliser des progrès sur de nombreux volets, en particulier pour améliorer la sécurité et la situation en matière des droits de l’homme.
Le représentant a réaffirmé que sa délégation appuyait, à cet égard, les efforts de l’ONU. Il a estimé qu’il faudrait également prendre dûment compte les efforts de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes. Il a ensuite exhorté le Gouvernement soudanais à prendre toutes les mesures pour traduire les auteurs des violations des droits homme en justice et a invité les parties concernées à respecter leurs engagements en vue du Document de Doha pour la paix au Darfour. Avant de conclure, le représentant a également souligné qu’il était nécessaire d’appliquer intégralement le mandat de la MINUAD et réaffirmé que l’objectif global demeurait la réalisation d’une paix durable au Soudan.
M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a affirmé que toutes les parties concernées devaient coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute assistance nécessaire. Le représentant a regretté le manque de coopération que le Gouvernement soudanais continuait à afficher à l’égard de la CPI. Il s’est dit préoccupé par les informations résultant d’enquêtes judiciaires qui font notamment état de bombardements contre les populations civiles et du maintien de conditions de vie hostiles pour les personnes déplacées. On ne peut pas faire abstraction des souffrances subies par la population et des graves crimes commis, a-t-il dit. Le représentant a dit reconnaître que des efforts étaient actuellement déployés pendant le processus de paix.
M. KODJO MENAN (Togo) a constaté que des progrès n’avaient pas été enregistrés. En effet, a-t-il dit, bien que les autorités soudanaises aient exprimé leur disponibilité à œuvrer à la mise en œuvre de la résolution 1593 (2005), leur engagement n’est pas allé au-delà d’une simple manifestation d’intention. Le représentant a déploré le fait que les autorités soudanaises aient manqué de mener des actions concrètes, et ce, en dépit d’injonctions répétées dans les résolutions du Conseil de sécurité depuis 2005 ainsi que les appels par d’autres institutions, y compris le Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Darfour. Il ne sera mis fin définitivement au conflit au Darfour que lorsque la lutte contre l’impunité sera érigée en règle, a-t-il dit, en précisant que les personnes poursuivies devraient pouvoir répondre de leurs actes, conformément aux principes et normes du droit international.
Le Gouvernement togolais, a-t-il ajouté, invite les autorités soudanaises à collaborer avec la Cour, comme elles le font avec l’Opération hybride Nations Unies-Union africaine au Darfour (MINUAD) pour mettre un terme à la situation qui prévaut dans cette partie du monde. Une volonté politique des plus hautes autorités soudanaises de mettre un terme à l’impunité reste donc la clef d’un règlement durable du conflit au Darfour, a-t-il poursuivi, en les exhortant à tout mettre en œuvre en ce sens et à appliquer la résolution 2035 (2012) qui concerne notamment le travail du Groupe des experts et l’arrêt de toutes les violations des droits de l’homme.
M. AGSHIN MEHDIYEV (Azerbaïdjan) a pris note des efforts entrepris par la Cour pénale internationale pour enquêter sur tous les responsables des crimes au Darfour et a souligné qu’il était nécessaire pour la Cour d’agir dans le cadre du mandat défini par la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité. Le représentant a ensuite mis l’accent sur la mise en œuvre du Document de Doha pour la paix au Darfour et a insisté sur la tenue d’un dialogue entre les parties concernées qui soit inclusif. « Ce sont là les éléments d’une paix durable dans la région », a-t-il ajouté.
Le représentant s’est aussi félicité de la création de la Commission nationale des droits de l’homme, qui est chargée « d’enquêter sur toutes les violations des droits de l’homme commises depuis 2003 ». S’inquiétant de la poursuite d’affrontements avec des groupes rebelles, le représentant a ensuite déploré que la criminalité et le banditisme persistent au Darfour, malgré « quelques progrès, ces dernières semaines, en matière de sécurité dans la région ».
M. SERGEY N. KAREV (Fédération de Russie) a assuré que son pays appuyait les activités de la CPI afin de garantir que des sanctions soient prises pour réprimer les crimes les plus graves. Il est important d’évaluer de façon objective les actes illégaux commis par les parties concernées, en évitant toute tentative de politisation. Le recours à des mesures coercitives en invoquant le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies pour exécuter des mandats d’arrêt ne peut être la solution au problème, a-t-il souligné. La Fédération de Russie estime que justice doit être faite dans le contexte du règlement général des questions en suspens au Darfour, a-t-il dit.
M. PETER WITTIG (Allemagne) a remercié le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Luis Moreno-Ocampo, pour « ses efforts inlassables et son dévouement à la justice internationale pendant de nombreuses années ». Il a ajouté que le Procureur avait apporté une « contribution vitale à la Cour en vue de traduire les auteurs d’atrocités commises dans différentes régions du monde, en particulier au Darfour et en Libye ». Il a ensuite pris note du mandat d’arrêt lancé contre Abdel Raheem Muhammad Hussein, ex-Ministre de l’intérieur et actuel Ministre soudanais de la défense. Il a ensuite dit comprendre « le sentiment de frustration » du Procureur car le Président Omar Al-Bashir a été réélu, qu’il met au défi le Conseil de sécurité, et parce que certains des inculpés continuent de commettre des atrocités. En outre, a-t-il fait remarquer, les conflits ouverts continuent de caractériser la situation au Soudan.
Compte tenu de cette situation, le représentant a appelé le Gouvernement soudanais à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité, à coopérer avec la CPI en vue de procéder à l’arrestation des personnes poursuivies par la Cour et de les lui remettre. « La situation actuelle ne signifie pas que la justice ne sera jamais rendue », a-t-il dit, en rappelant qu’il appartenait aux Soudanais de décider ce qui était bon pour leur pays. Quant à la communauté internationale, il a estimé qu’elle devrait maintenir sa détermination contre tous les auteurs des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et autres crimes graves, afin qu’ils ne puissent jamais échapper à la justice. C’est pourquoi, il a lancé un appel à la coopération des États afin de faciliter l’exécution de tous les mandats émis par la CPI.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a rappelé que son pays n’était pas signataire du Statut de Rome et n’était donc pas membre de la Cour pénale internationale (CPI) pour des raisons bien connues. L’Inde, a-t-il dit, condamne tous les actes de violence commis contre des civils. Tous les États ont des obligations visant à protéger leurs populations, tout en maintenant l’ordre social, a-t-il ajouté. Le représentant a précisé que son pays appuyait tous les efforts visant à mettre un terme au conflit et, en particulier, les efforts déployés par la MINUAD. Toutes les parties doivent accepter qu’il n’existe pas de solution militaire à la situation au Darfour, a-t-il dit, en leur demandant de participer au processus de dialogue politique sans condition.
M. LI BAODONG (Chine) a estimé que la mise en œuvre du Document de Doha avait progressé. Il a encouragé les parties à mettre pleinement en œuvre celui-ci en assurant que les rebelles renonceront à la violence et signeront un accord de paix avec le Gouvernement. Il a réaffirmé que le processus de paix était la clef pour le règlement de la situation au Darfour et pourrait jeter les bases d’une justice équitable.
Le représentant a ensuite rappelé que la Chine avait toujours eu pour position d’espérer que les efforts de la CPI faciliteraient le règlement politique de la question. Il a aussi émis l’espoir que le Conseil de sécurité et la CPI respecteront pleinement les opinions de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes, conformément à cette question.
Le Procureur de la Cour pénale internationale, en s’adressant au représentant du Soudan, lui a fait remarquer que « toute activité liée au déni de crimes commis au Darfour, pourrait faire l’objet de poursuites ». M. Moreno-Ocampo a ajouté que son Bureau procéderait à une enquête pour vérifier si, dans ce cas, le déni de crimes pouvait être considéré comme une contribution apportée aux auteurs de ces crimes. Le Bureau du Procureur respectera les droits de l’Ambassadeur, a-t-il cependant assuré.
Réagissant à cette déclaration du Procureur, le représentant du Soudan a considéré qu’elle constituait une violation de toutes les normes politiques et diplomatiques. « Il s’agit là d’une menace qui démontre la méthode de travail du Procureur et celle de la Cour », a-t-il dit. Il a ensuite qualifié le Procureur de « terroriste qui essaie d’empêcher les voix de la justice de se faire entendre » et de « politicien qui ne reconnaît pas les normes politiques et diplomatiques qui donnent au Soudan le droit de se faire entendre devant le Conseil de sécurité ».
« De telles paroles mettent en doute l’équipe du Procureur et ses pratiques », a poursuivi le représentant du Soudan. Il a considéré que la fonction de M. Moreno-Ocampo ne lui donnait, en outre, pas le droit d’utiliser le Statut de Rome pour intimider le personnel diplomatique. « Si une telle conduite est autorisée, cela ne peut que saper la justice internationale, les travaux de l’Organisation et toutes les normes diplomatiques », a-t-il dit.
Le représentant du Soudan a également noté que le Procureur était « agité » et que son comportement était « émotionnel », et ce, « en raison de ce que la délégation du Soudan a à lui dire au sujet de sa conduite professionnelle et de son manque de crédibilité ».
Il a conclu en notant que le Procureur avait tenu des propos accusant le représentant du Soudan d’être à l’origine des crimes commis au Darfour. « C’est ainsi que le Procureur raisonne et cela témoigne de la manière dont il a abordé cette question de façon immorale et illogique », a-t-il ajouté.
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