Quatrième Commission: des délégations rejettent toute tentative de militarisation de l’espace extra-atmosphérique, patrimoine commun de l’humanité
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Quatrième Commission
10e séance – matin
QUATRIÈME COMMISSION: DES DÉLÉGATIONS REJETTENT TOUTE TENTATIVE DE MILITARISATION DE L’ESPACE
EXTRA-ATMOSPHÉRIQUE, PATRIMOINE COMMUN DE L’HUMANITÉ
Elles demandent une règlementation spatiale universelle et contraignante,
et un accès de tous les États aux données spatiales, potentiellement porteuses de développement
La Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) a achevé ce matin l’examen du point de son ordre du jour relatif à la « coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace ».
Au cours de la réunion de ce matin, les délégations ont mis l’accent sur l’urgence de renforcer le droit spatial international, jugeant les dispositions actuelles « insuffisantes ».
« Le volet militarisation » et la prévention de la course aux armements dans l’espace nécessitent le renforcement des normes spatiales existantes et l’adoption d’instruments juridiques internationaux, ont plaidé plusieurs délégations, à l’instar de celle du Burkina Faso. Le représentant de ce pays a d’ailleurs réaffirmé l’attachement du Burkina Faso au projet de traité présenté lors de la Conférence du désarmement en 2008 par la Chine et la Fédération de Russie, et dont les termes visaient à prévenir « le déploiement et l’installation d’armes dans l’espace extra-atmosphérique et l’usage de la menace ou de la force contre des objets placés dans l’espace extra-atmosphérique ».
Le représentant de la Fédération de Russie a, de son côté, proposé que soit adopté un « traité unique » sous l’égide de l’ONU, qui regrouperait tous les aspects juridiques liés à l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique.
M. Fausto Pocar, Juge à la Cour permanente d’arbitrage, qui est intervenu au cours du débat, s’est dit préoccupé par la multiplication des activités spatiales qui a entraîné un accroissement du nombre des litiges et des conflits liés à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. À cet égard, il a souhaité la création d’un mécanisme de résolution des conflits qui aurait une portée universelle et serait accessible à toutes les parties.
Au cours du débat, les représentants du Venezuela et de la Républiques islamique d’Iran ont plaidé en faveur de la mise à disposition des données et des technologies spatiales, notamment celles potentiellement utilisables en matière de développement et de gestion des effets des catastrophes à tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, afin de permettre au plus grand nombre de tirer profit des avantages découlant de l’utilisation de l’espace.
Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a pour sa part estimé que pendant trop longtemps l’exploration spatiale avait été le privilège des seuls pays développés et il a vigoureusement défendu les droits de son pays concernant le lancement de fusées et la mise en orbite de satellites et autres objets dans l’espace, contrairement aux dispositions de certaines résolutions du Conseil de sécurité.
La Quatrième Commission poursuivra ses travaux mardi le 23 octobre, à 15 heures, pour examiner les questions relatives à l’information.
COOPÉRATION INTERNATIONALE TOUCHANT LES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L’ESPACE (A/67/20, A/C.4/67/L.2 et A/C.4/67/L.7)
Débat général
M. FILATIENI COULIBALY (Burkina Faso) a estimé que la course vers l’espace, la multiplication des acteurs et la diversification des activités pourraient, à terme, compromettre la poursuite saine et durable des activités spatiales et la préservation du patrimoine commun qu’est l’espace extra-atmosphérique. Le principe de l’utilisation pacifique et non dommageable de l’espace extra-atmosphérique a justifié la création du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), a-t-il rappelé. Il a salué les efforts déployés par ce Comité et l’a exhorté à renforcer son action pour la non-militarisation et la non-pollution de l’espace.
« Le volet militarisation » de l’espace extra-atmosphérique constitue une des préoccupations majeures de la communauté internationale dans le domaine du désarmement, a-t-il estimé. La persistance de cette course aux armements, a-t-il poursuivi, nécessite l’harmonisation et le renforcement du droit spatial à travers la mise en place d’instruments juridiques internationaux, en vue d’encadrer l’ensemble de ces activités et de réduire les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales. Le Burkina Faso réaffirme son attachement au projet de traité visant à prévenir le déploiement et l’installation d’armes dans l’espace extra-atmosphérique, proposé et présenté par la Chine et la Fédération de Russie, lors de la Conférence du désarmement en 2008.
Enfin, M. Coulibaly a expliqué la nécessité de l’utilisation des technologies spatiales pour prévenir les catastrophes. Le Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence (UN-SPIDER), par le biais de ses images et de ses données, a été d’un apport considérable pour atténuer les conséquences humanitaires des inondations qu’a connu le Burkina, a expliqué le représentant. Concluant son propos, il a rappelé l’importance de la coopération dans le domaine spatial afin que tous les pays, surtout les plus vulnérables aux catastrophes naturelles, puissent bénéficier du soutien du Programme UN-SPIDER.
M. JORGE VALERO BRICEÑO (Venezuela) a déclaré que l’espace doit être préservé en tant que patrimoine de l’humanité, et il faut veiller à ce qu’il soit utilisé de manière rationnelle et équitable par tous les États à des fins pacifiques. Le Venezuela est activement engagé à renforcer la coopération internationale dans ce domaine sur la base des principes juridiques qui s’appliquent à l’exploitation pacifique de l’espace extra-atmosphérique. Il souhaite cependant que le cadre juridique existant soit renforcé pour éviter une militarisation de l’espace et estime que les dispositions du cadre actuellement ne sont pas suffisantes. Dans ce contexte, le Venezuela apprécie les initiatives lancées pour lutter contre une course potentielle aux armements dans l’espace. Le Venezuela rejette également les mesures qui limiteraient l’accès et les transferts de technologies spatiales aux pays en développement. Il part du principe qu’il est inacceptable que l’on puisse nier le droit de ces pays à accéder également à l’espace et à tirer profit des avantages qui découlent de son utilisation. En vue de l’indépendance scientifique et technologique des pays du Sud dans ce domaine, le représentant a estimé qu’il fallait mettre fin aux lacunes technologiques de ces pays, une voie dans laquelle le Venezuela s’est activement engagé avec la coopération de la Chine. Cette coopération s’est, d’ores et déjà, traduite par le lancement de deux satellites: le satellite Simon Bolivar et le satellite Miranda, qui a été lancé en septembre 2012, a précisé M. Briceño.
M. MANIEMAGEN GOVENDER (Afrique du Sud) a indiqué que son pays attachait une grande importance au cadre réglementaire international qui régit les activités des États dans l’exploration et l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique et dans lesquelles le COPUOS joue un rôle essentiel. L’Organisation des Nations Unies doit rester au centre de l’intégration et de la coordination des efforts de la communauté internationale en faveur de l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, a dit M. Govender.
Le Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence (UN-SPIDER) doit continuer à intégrer et coordonner les technologies spatiales en vue de faire avancer l’Agenda pour le développement, a poursuivi M. Govender. L’ONU a un rôle central à jouer dans la sensibilisation et la promotion du renforcement des capacités dans l’utilisation des applications des technologies spatiales aux niveaux international, régional et national, a-t-il estimé. Par ailleurs, M. Govender a mis l’accent sur la nécessité de renforcer le droit international relatif à l’espace.
M. MOHAMMAD REZA SAHRAEI (République islamique d’Iran) a réaffirmé l’attachement de son pays à la coopération internationale dans le domaine des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique et, en particulier, aux travaux du COPUOS, dont l’Iran est membre. En tant que patrimoine de l’humanité, l’espace devrait être accessible à toutes les nations à des fins pacifiques et pour tirer profit des applications positives des données et technologies spatiales. Préoccupé par la menace de la course aux armements dans l’espace, l’Iran préconise des efforts collectifs et des mesures concrètes pour sécuriser l’espace, a souligné le représentant. Il a également vanté les mérites des contributions apportées par les satellites au développement socioéconomique des pays.
M. Sahraei a cependant mis l’accent sur le fait que ces activités « satellitaires » devaient rester compatibles avec la notion du respect de la souveraineté des États, y compris le principe de la non-ingérence. Dans la mesure où l’utilisation de l’espace devient un véritable pilier du développement durable, le représentant a estimé que, pour promouvoir la coopération scientifique et technologique, il était nécessaire d’éliminer les lacunes existant actuellement dans les traités et principes qui s’appliquent aux activités spatiales. Il a souligné que cela devenait d’autant plus urgent que ces activités étaient en rapide augmentation, tout comme l’est le nombre d’acteurs intervenant dans l’espace. L’Iran estime que toute initiative relative à l’espace extra-atmosphérique, qui pourrait avoir un impact sur les activités pacifiques des Etats Membres dans l’espace, devrait être négociée sur une base multilatérale dans le cadre du COPUOS, a-t-il indiqué. Il a également réitéré le soutien de l’Iran au Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence (UN-SPIDER) dans la mesure où l’Iran est régulièrement frappé par des catastrophes naturelles.
M. ANDREY V. KALININ (Fédération de Russie) a débuté son propos en déclarant que l’année 2013 sera marquée par le cinquantième anniversaire du vol de la première femme dans l’espace. Chaque année, de nouveaux défis liés à l’espace apparaissent et exigent que la communauté internationale consacre ses efforts à maintenir l’utilisation de l’espace à des fins pacifiques. Il est donc nécessaire de parvenir à développer des activités spatiales tout en préservant cet espace à long terme, a dit M. Kalinin.
Au cours de la cinquante-cinquième session du COPUOS, la Fédération de Russie a présenté un document de travail intitulé « durabilité à long terme des activités spatiales » qui porte sur les différentes activités spatiales, y compris les activités humaines, a souligné M. Kalinin. Des progrès ont été enregistrés dans la surveillance et la gestion des catastrophes dans le cadre du Programme UN-SPIDER, a-t-il noté. Il a estimé urgent de traiter la question des débris et d’adopter des mesures efficaces afin de s’assurer que les débris spatiaux n’auront pas un impact négatif sur l’avenir des activités spatiales. Il est urgent et nécessaire de réduire la quantité de débris dans l’espace, et il faut renforcer le fondement juridique des activités spatiales, a ajouté le représentant. Enfin, M. Kalinin a mis l’accent sur la nécessité d’adopter un traité unique sous l’égide de l’ONU qui engloberait toutes les questions liées à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.
M. RUSTEM ZHUMABEKOV (Kazakhstan) a réaffirmé que l’espace extra-atmosphérique est le patrimoine de toute l’humanité. Le COPUOS est une enceinte précieuse pour encourager la coopération internationale dans les domaines de la recherche dans l’espace et le droit spatial, a-t-il estimé. Il a rappelé que, le 7 avril 2011, l’Assemblée générale avait adopté la résolution 65/271 pour commémorer le premier vol habité dans l’espace, dont le Kazakhstan était co-auteur. Ce vol a eu lieu à partir du territoire du Kazakhstan, plus précisément, il est parti de la base de lancement de Baïkonour, qui est l’une des stations spatiales les plus importantes au monde, a précisé le représentant. Cette station spatiale témoigne de l’importance que le Gouvernement du Kazakhstan accorde aux programmes et activités spatiales. Dans cet esprit, le Kazakhstan appuie la coopération internationale dans le domaine de la recherche spatiale, et notamment la nécessité d’utiliser les données spatiales pour la gestion des ressources naturelles et la prévention et la gestion des catastrophes naturelles. En conclusion, il a mis l’accent sur la nécessité de limiter les utilisations de l’espace uniquement à des fins pacifiques.
M. RI KWANG NAM (République populaire démocratique de Corée RPDC) a noté que, ces dernières années, la conquête de l’espace est devenue une tendance mondiale, alors que, par le passé, elle était le privilège des pays développés. Aujourd’hui, les pays en développement prennent eux aussi part aux programmes spatiaux, grâce à la disponibilité des ressources financières et des technologies spatiales. Les pays en développement procèdent au lancement de satellites, visant différents objectifs, dont celui de leur propre développement, a encore observé le représentant. C’est dans ce contexte que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a mis en place son propre programme spatial et lancé ses propres satellites avec ses propres ressources, a-t-il indiqué.
Les efforts de la RPDC visant à accéder à l’espace extra-atmosphérique ne sont pas seulement un exercice lié à la souveraineté du pays, mais aussi un droit légitime au regard du droit international. La RPDC est en effet un État partie au Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 et à la Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique de 1975, a rappelé le représentant. La RPDC a donc le droit de mener des activités spatiales pacifiques dans le respect du droit international, a-t-il ajouté, indiquant qu’il faisait allusion aux positions des délégations qui estiment que son pays ne devrait pas procéder à des lancements spatiaux, sous prétexte « des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ». Il est important, a-t-il conclu, de garantir un accès non discriminatoire à l’espace extra-atmosphérique à tous les pays, et de promouvoir la coopération mutuelle et l’échange de technologies spatiales.
M. FAUSTO POCAR, Juge à la Cour permanente d’arbitrage, a déclaré que les règles relatives au statut de l’espace extra-atmosphérique sont le produit de deux années de travail du Groupe international d’experts qui a œuvré conjointement avec le Bureau international de la Cour permanente d’arbitrage, organisation intergouvernementale composée de 115 États Membres, dont la fonction est de faciliter la résolution de conflits et de rendre des arbitrages dans des affaires opposant différents acteurs, dont des États, des organisations intergouvernementales ou encore le secteur privé. M. Pocar a ensuite observé que la multiplication des activités spatiales a nécessairement entraîné un accroissement des litiges et conflits. Or les mécanismes actuels de résolutions des conflits présentent des lacunes, en raison notamment de leur portée limitée, et de leur manque en personnel et en matériel. Ce qui les limite à un nombre restreint de cas et de litiges, et les rend inaccessibles au secteur privé, a-t-il ajouté. Dans ce contexte, tout mécanisme de résolution doit par conséquent avoir une portée internationale, accessible à toutes les parties, a plaidé M. Pocar.
Il a estimé que l’arbitrage présente non seulement le mérite d’être une méthode ouverte, qui nécessite le consentement des parties, mais également permettant d’aboutir à des décisions obligatoires, contrairement aux recommandations des systèmes actuels. C’est une méthode qui permet aussi aux parties de bénéficier d’une reconnaissance internationale de la part de tous les signataires de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, dite Convention de New York. De plus, les parties peuvent choisir elles-mêmes les décisionnaires du processus d’arbitrage qui, en contrepartie, offre une flexibilité pouvant être modifiée par l’accord des parties. Enfin, l’arbitrage garantit la confidentialité de certaines informations, a encore souligné le juge, ajoutant que plusieurs de ces critères ont été intégrés aux règles relatives au statut de l’espace extra-atmosphérique. Les experts ont également pris soin de rendre conformes ces règles aux instruments internationaux pertinents, posant ainsi les bases des principes du droit international spatial. Telles qu’elles sont rédigées, elles peuvent servir de cadre procédural, qui peut être adopté par les parties, et, d’ores et déjà, servir à la résolution des litiges, a encore déclaré M. Pocar. Ces règles intègrent par ailleurs le potentiel de complexité technique et scientifique des conflits et leurs différents angles, a conclu M. Pocar, ajoutant que leur succès dépend entièrement de la confiance qu’elles inspirent à la communauté internationale.
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