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AG/J/3417

Les délégations de la Sixième Commission débattent de la question de la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États

17/10/2011
Assemblée généraleAG/J/3417
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Sixième Commission

15e séance – matin


LES DÉLÉGATIONS DE LA SIXIÈME COMMISSION DÉBATTENT DE LA QUESTION DE LA NATIONALITÉ

DES PERSONNES PHYSIQUES EN RELATION AVEC LA SUCCESSION D’ÉTATS


Si la majorité appuie l’adoption du projet d’articles de la CDI, les délégations restent divisées sur sa forme définitive


Les délégations de la Sixième Commission (affaires juridiques) ont souligné, ce matin, l’importance de la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États, en soulignant la complexité de la question, et son lien étroit avec l’apatridie, au cours du débat qui lui était consacré ce matin.  Elles sont cependant restées partagées sur la forme à donner au projet d’articles sur ce thème, établi par la Commission du droit international (CDI), en 1999.


La question de la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États avait été inscrite à l’ordre du jour de la CDI, en 1993, sous l’intitulé initial « Succession d’États et nationalité des personnes physiques et morales ».  En 1999, la CDI avait adopté un ensemble de 26 projets d’articles sur la question, qu’elle avait recommandé pour adoption à l’Assemblée générale, par le biais de la Sixième Commission.  C’est en 2008, au cours de sa soixante-troisième session, que l’Assemblée générale avait décidé d’inscrire la question à l’ordre du jour de la présente soixante-sixième session, en vue d’examiner notamment la forme que devrait revêtir la version finale du projet d’articles.


Les projets d’articles développés par la CDI sur la question de la nationalité des personnes physiques en cas de succession d’États, ont été largement salués aujourd’hui par les intervenants de la Sixième Commission.  Certains ont soutenu qu’il s’agissait de « l’une des grandes réalisations de ces dernières années de la CDI, et un élément important pour renforcer le droit international ».  Toutes ont, par ailleurs, reconnu que l’octroi de la nationalité des personnes physiques revenait en premier lieu aux États.  La question de la nationalité, parce qu’elle est complexe, ne peut cependant être laissée aux seules législations nationales, et, c’est pourquoi, il est utile d’établir des règles internationales en la matière, a estimé le représentant du Japon.  


Cela contribuerait aussi à prévenir les cas d’apatridie, ont soutenu plusieurs délégations.  Il est nécessaire d’assurer une meilleure protection et une assistance aux personnes apatrides, ont-elles dit, tout en plaidant pour l’élimination ou la réduction des conséquences de l’apatridie.  « L’Assemblée générale est tout à fait habilitée à jouer un rôle en vue d’éliminer le problème de l’apatridie résultant de la séparation d’États, en adoptant le projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États établi par la CDI », ont estimé certains de ces États. 


S’agissant de la forme que revêtirait le texte final de la Commission du droit international, une partie des délégations, dont la Slovénie et la Fédération de Russie se sont prononcées en faveur de l’adoption d’un instrument international non contraignant.  À l’inverse, les délégations d’El Salvador et de Trinité-et-Tobago ont défendu l’idée d’élaborer une convention internationale contraignante sur la base du projet d’articles proposés par la CDI.  Plus nuancés, les représentants de la Hongrie et de la Grèce ont opté pour une solution intermédiaire, convaincus que l’adoption du projet d’articles, sous forme de résolution, par l’Assemblée générale, serait « la meilleure des voies à suivre ». 


La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 18 octobre, à 10 heures.  Elle examinera à cette occasion le droit des aquifères transfrontaliers.  


NATIONALITÉ DES PERSONNES PHYSIQUES ET SUCCESSION D’ÉTATS (A/66/178 ET A/66/178/ADD.1)


Débat général


M. SHINYA MURASE (Japon) a regretté que l’Assemblée générale ait mis de côté ses projets de résolution à trois reprises durant ces 11 dernières années, à chaque fois reportant la décision à plus tard.  « Cette tendance est irresponsable de la part d’un organe chargé d’améliorer le respect de l’état de droit au niveau international », a-t-il déclaré.  « Je crains que cela ne soit perçu comme une indication montrant que la Sixième Commission ne s’acquitte pas de sa tâche ».  Il a souhaité que la Commission approuve le projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États.  La principale mesure à prendre concerne la prévention de l’apatridie en cas de succession d’États.  Le droit à la nationalité doit être clairement stipulé comme étant un droit fondamental.  Selon la dernière évaluation du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 12 millions de personnes de part le monde sont apatrides.  L’apatridie constitue un problème en Europe centrale et de l’est et il augmente en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.  La question de la nationalité des personnes physiques en cas de succession d’États constituent un problème majeur.  L’Assemblée générale est tout à fait capable d’aider à éliminer le problème de l’apatridie résultant de la séparation d’États et elle le ferait, en adoptant le projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États.  En conclusion, le représentant a formulé l’espoir que les États Membres des Nations Unies concernés par ce champ particulier vont proposer un projet de résolution qui entérinerait ces directives.  « Le Japon est prêt à soutenir un tel projet de résolution ».  


Mme MARIA DEL PILAR ESCOBAR (El Salvador) a indiqué que la nationalité des personnes physiques est un véritable problème juridique international et non seulement d’une affaire interne des États.  Le sujet est important, au lendemain des conflits armés et des processus de décolonisation qui se sont produits, au cours du siècle dernier, a-t-elle dit.  El Salvador appuie l’adoption du projet d’articles de la CDI sur la nationalité des personnes physiques, en tant qu’instrument contraignant, a ensuite indiqué la déléguée.  L’adoption d’une convention, a-t-elle soutenu, n’implique cependant pas la négation de la nationalité comme « droit fondamental et statut juridique des personnes, régie principalement par le droit interne ».  En réalité, l’instrument conventionnel va seulement permettre d’éviter, entre autres, les cas d’apatridie.  La représentante a par ailleurs rappelé que son pays avait déjà été concerné par la question, à la suite de l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) le 11 septembre 1992, dans le différend frontalier entre El Salvador et le Honduras.  Cette décision a eu des conséquences non seulement pour le territoire mais aussi pour les habitants des zones délimitées.  Cette nouvelle délimitation des frontières entre El Salvador et le Honduras impliquant cinq secteurs frontaliers a eu pour résultat le transfert d’un nombre considérable de Salvadoriens en territoire hondurien, et d’un nombre de personnes de nationalité hondurienne qui sont restées en territoire salvadorien, a-elle expliqué. 


Mme SIMONA LESKOVAR (Slovénie) s’est félicitée que les débats de la CDI concernant le projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États, soient examinés par la Sixième Commission.  Elle a rappelé que depuis la dissolution de la République fédérale socialiste de Yougoslavie, son pays avait pris de nombreuses dispositions tant au niveau national qu’au niveau international.  Après la chute du Mur de Berlin, les États ont dû trouver des solutions.  La Slovénie, qui est devenue un État souverain et indépendant en 1991, a-t-elle rappelé, a pris de nombreuses dispositions pour prévenir l’apatridie des personnes résidantes en territoire slovène.  Récemment, la Slovénie a adopté d’autres mesures pour protéger les droits de personnes physiques à la suite d’une succession d’États.  La représentante a déclaré que la règle internationale concernant la nationalité des personnes en cas de succession d’États devrait avoir la forme d’un document non contraignant, reflétant la pratique moderne des normes internationales.  Cette question étant une des plus complexes, la représentante a prôné qu’une démarche progressive soit adoptée, afin de remettre à plus tard l’examen de la possibilité d’élaborer un instrument juridique contraignant. 


Pour Mme MARIA TELALIAN (Grèce), le projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États constitue l’une des grandes réalisations de la Commission du droit international (CDI) de ces dernières années.  Cette question est importante au regard de ses implications dans l’acquisition et la perte de nationalités, comme on a pu le constater dans le cas de l’ex-Yougoslavie, a-t-elle dit.  La Grèce estime que le texte de la CDI offrira aux États des règles claires et pertinentes pour faire face aux cas d’apatridie.  Pour ce qui est de la forme à donner au projet d’articles lorsqu’il sera finalisé, la représentante a estimé que l’Assemblée générale devrait adopter ce texte sous forme de résolution et, pas simplement, pour servir de lignes directrices sur la question.  


Mme CONCEPCIÓN ESCOBAR HERNÁNDEZ (Espagne) a rappelé que l’Assemblée générale avait été saisie cinq fois de ce projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États, sans qu’aucune décision n’ait été prise.  « Cela préoccupe très gravement ma délégation » a-t-elle déclaré.  La représentante a estimé que le projet d’articles est équilibré et constitue une contribution positive au développement du droit international.  Sa délégation ne souhaite ajouter aucun commentaire concernant son contenu.  Elle a cependant souligné qu’il était important de se prononcer sur la forme à donner au projet d’articles.  L’Espagne ne s’opposerait pas en principe à l’élaboration d’une convention internationale sur la base du projet d’articles établi par la Commission du droit international, a-t-elle dit.  « Mais les réponses diverses et rares communiquées par les États Membres au Secrétaire général préoccupent ma délégation et nous obligent à réfléchir de nouveau à cette question », a-t-elle regretté.  C’est pourquoi, la représentante a estimé qu’il était prématuré, à ce stade, d’initier des travaux pour adopter, sous les auspices des Nations Unies, une convention sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États.  Elle a indiqué que sa délégation était favorable à l’idée d’adopter un projet d’articles sous la forme d’une déclaration, car cela offrirait la possibilité de répondre aux cas d’une succession d’États qui auraient une incidence sur la nationalité et renforcerait la jouissance des droits fondamentaux.  « Cela permettrait surtout d’établir un nouvel instrument utile pour prévenir les nouveaux cas d’apatridie », a-t-elle conclu.


M. MATEUS KOWALSKI (Portugal) a lui aussi salué la Commission du droit international pour avoir préparé un ensemble de projets d’articles, dont l’objectif est d’éviter l’apatridie dans le cas de la succession d’États.  Tout en reconnaissant que l’attribution de la nationalité relevait en premier lieu de la souveraineté des États, le représentant a cependant estimé que cette prérogative devrait s’exercer dans les limites imposées par le droit international.  Par conséquent, sans rejeter la compétence première des États, le Portugal estime qu’il est important d’identifier ces limites, comme le font, selon lui, de manière adéquate ces projets d’articles.  Le représentant a estimé qu’il existe trois options, soit faire figurer ces projets d’articles en annexe de la résolution de l’Assemblée générale A/RES/59/34; soit adopter ces projets d’articles en tant que déclaration de l’Assemblée générale, comme le recommande la Commission du droit international; ou encore élaborer une convention internationale sur la base de ces projets d’articles.  La deuxième option est, aux yeux de ma délégation, la plus adéquate en l’état actuel des choses, à condition toutefois qu’elle rencontre un large soutien de la part des États Membres, a indiqué le représentant.


Mme RITA SÁRA SILEK (Hongrie) s’est félicitée du travail effectué par la Commission du droit international sur la question de la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États.  Depuis ces dernières années, l’Assemblée a eu à discuter du projet d’articles soumis par la CDI et, à toutes les occasions, la possibilité de conclure une convention sur ce point n’a jamais bénéficié d’un large soutien.  En dépit de ce manque de soutien, le projet d’articles a servi de référence, et de lignes directrices, aux travaux du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi qu’aux États européens concernés par la question.  Pour la Hongrie, l’adoption d’un projet de résolution reprenant ce projet d’articles est la meilleure voie à suivre.


M. ANDREY V. KALININ (Fédération de Russie) a déclaré que sa délégation avait toujours approuvé le travail concernant le projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États.  « L’individu a le droit de connaître rapidement sa nationalité » a-t-il déclaré.  Lorsqu’il existe des modifications territoriales, la situation des individus doit être réglée rapidement, a-t-il insisté.  Mais cela n’est possible que s’il existe une règle internationale en la matière, a-t-il fait remarquer.  Le représentant a estimé que le projet d’articles a été largement accepté par un grand nombre d’États.  Cependant, sa délégation souhaite en savoir plus sur la proposition faite par la Slovénie concernant l’adoption d’un document non contraignant, a-t-il dit, en ajoutant: « nous serions disposés à accepter cette proposition ».  


Mme SARAH KHALILAH ABDUL RAHMAN (Malaisie) a réaffirmé son soutien aux travaux de la Commission du droit international s’agissant de la nationalité des personnes physiques et de la succession d’États.  Toutefois, a-t-elle dit, avant que les projets d’articles ne puissent être considérés comme la base d’un instrument juridique international, des clarifications supplémentaires sont nécessaires concernant plusieurs dispositions qui touchent à des questions complexes relatives à la nationalité, notamment l’attribution, l’acquisition, ainsi que le droit d’option à la nationalité dans le cas de la succession d’États.  La Malaisie a, en particulier, exprimé des préoccupations au sujet de la question de la double nationalité ou de nationalités multiples qui, a fait remarquer Mme Rahman, ne sont pas autorisés par la législation de son pays.  Elle a estimé que la disposition du projet d’article 14, qui concerne les résidents habituels, ne semble plus relever du champ d’application des projets d’articles, dans la mesure où elle vise à inclure les lois nationales applicables aux résidents étrangers.  Même si elle suppose que l’inclusion de cette disposition n’est destinée qu’à atténuer les conséquences problématiques des déplacements de population qui seraient le résultat possible de la succession, la Malaisie considère cependant que la question du statut des résidents habituels va au-delà du champ couvert par les projets d’articles, a indiqué la représentante.


M. STEVEN HILL (États-Unis) a souligné que l’apatridie, dans le contexte de la succession d’États, pouvait avoir des conséquences sur la démocratisation, le développement économique et la stabilité régionale.  Il s’est dit d’accord avec l’idée de fond défendue par le projet d’articles, selon laquelle l’individu touché par la succession d’États doit bénéficier d’au moins d’une des nationalités des États successeurs.  C’est dans ce contexte qu’il a exhorté les États Membres à revoir leur droit interne afin de veiller à ce que les personnes apatrides présentes sur leur territoire ne soient pas victimes d’abus et qu’elles aient accès aux services de base.  De même les gouvernements se doivent de prévenir toute discrimination contre les femmes, les minorités et autres groupes vulnérables.  Les démarches sur l’apatridie, à la suite de la succession d’États, doivent inclure à la fois le droit de l’individu et les préoccupations légitimes des États, a-t-il reconnu.  Avant de conclure, le délégué des États-Unis a souhaité que la Sixième Commission procède à l’examen d’autres observations d’États Membres, afin d’avoir une plus grande vue sur la question.


M. ESMAEIL BAGHAEI HAMANEH (République islamique d’Iran) a pris bonne note des commentaires des États Membres sur la question du projet d’articles sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États.  La question de l’octroi ou du retrait de la nationalité fait partie du droit souverain de chaque État, a-t-il souligné, en estimant que les États devraient redoubler d’efforts pour prévenir l’apatridie.  Cependant, la question de la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États ne peut être laissée aux législations nationales et c’est pourquoi, il est nécessaire d’établir des règles internationales en la matière.  La position de la République islamique d’Iran n’a pas changé sur cette question, a-t-il réaffirmé.  « Nous soutenons l’idée d’élaborer un instrument international, pour réglementer les questions de la nationalité des personnes physiques, basé sur les articles contenus dans l’annexe de la résolution 55/153 du 12 décembre 2000 ».  Le représentant s’est cependant dit préoccupé par le fait que la question de la double nationalité, qui n’est pas reconnue dans son système juridique, ne fasse pas l’objet d’un examen approfondi. 


M. EDEN CHARLES (Trinité-et-Tobago) a indiqué que la question de la nationalité des personnes était associée, depuis longtemps, au débat général de la succession d’États.  Peu de progrès ont cependant été réalisés sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États, alors que la succession d’États a, par essence, un impact grave sur la capacité d’une personne à exercer ses droits inaliénables.  Pour Trinité-et-Tobago, « chacun a un droit à la nationalité et on ne peut nier le droit de l’individu à changer de nationalité ».  L’octroi de la nationalité, a dit le représentant, incombe en premier lieu à l’État.  Cette entité peut, cependant, bénéficier de règles directrices internationales.  Le projet d’articles de la CDI, s’il était adopté, serait un outil fort important pour ces États, a-t-il estimé.  C’est pourquoi, sa délégation appelle la Sixième Commission à redoubler d’efforts en vue d’élaborer une convention internationale sur la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États, a indiqué le représentant. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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