Face aux nombreuses questions sur le concept d’économie verte, le Comité préparatoire de la Conférence Rio+20 réclame une étude
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Comité préparatoire de la Conférence
des Nations Unies sur le développement durable
3e et 4e séances – matin & après-midi
FACE AUX NOMBREUSES QUESTIONS SUR LE CONCEPT D’ÉCONOMIE VERTE, LE COMITÉ PRÉPARATOIRE DE LA CONFÉRENCE RIO+20 RÉCLAME UNE ÉTUDE
Face à l’absence d’une définition claire du concept d’économie verte, un des deux thèmes principaux de la Conférence Rio+20, la Commission du développement durable, réunie en Comité préparatoire de la Conférence, a réclamé une étude sur les contours de ce nouveau concept.
À l’origine de la proposition, le représentant de l’Égypte a argué qu’il faut évaluer les risques, les défis et les avantages de l’économie verte pour éviter que Rio+20 ne soit un exercice normatif profitable aux seuls riches.
Prévue en 2012, soit vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio et Action 21, texte fondateur qui a assis le développement durable sur les trois piliers de la croissance économique, du progrès social et de la protection de l’environnement, la Conférence Rio+20 aura pour thème « l’économie verte dans le cadre du développement durable et de l’élimination de la pauvreté ».
Elle se réfléchira également au nouveau « cadre institutionnel du développement durable nécessaire pour combler les fossés actuels entre engagements nationaux et internationaux », question qui a fait l’objet d’une autre série de discussions aujourd’hui.
L’urgence d’une transition vers une économie à faible émission de carbone ne fait aucun doute et la transition vers une économie verte se présente non pas comme une alternative, mais comme la voie obligée, a estimé le représentant du Sénégal.
Si aucune délégation ne s’est opposée à ce postulat, nombreux ont été ceux qui ont voulu en savoir plus sur le lien entre croissance verte et développement durable. Le concept est séduisant, a commenté le représentant de la Fédération de Russie, mais il ne dit rien sur les moyens de parvenir au développement durable.
Avec d’autres délégations, il a relevé que le concept ignore le pilier « progrès social » du développement durable au profit de l’économie et de l’environnement. Qu’en est-il du risque de néolibéralisme vert, craint par la Bolivie, ou de protectionnisme vert, décelé par le représentant de la Chine.
La transition vers une économie verte, a prévenu le représentant du Yémen, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, ne doit pas être assortie de conditions ni de paramètres susceptibles de générer des restrictions unilatérales ou injustifiées dans le domaine du commerce, du financement ou encore de l’aide public au développement.
À priori, une telle économie ne pourrait que profiter aux pays développés, du fait de leur maîtrise des technologies vertes et de leurs plus grandes ressources humaines et financières, a estimé la représentante de Grenade.
Premier pays à avoir élaboré une stratégie nationale de croissance verte*, la République de Corée a axé ses efforts sur l’industrie, l’énergie et l’investissement. Sa stratégie vise à maintenir des activités économiques productives tout en réduisant l’utilisation de l’énergie et des ressources; à limiter la pression sur l’environnement due à l’utilisation de l’énergie et des ressources; et à investir dans l’environnement pour relancer la croissance économique.
Si les deux premiers objectifs suivent le principe habituel de la dissociation entre croissance économique et dégradation de l’environnement, le troisième est un objectif plus stratégique qui est de faire de la République de Corée un des premiers promoteurs des nouvelles industries et technologies vertes.
La transition à l’économie verte ne se fera pas sur un modèle unique. Elle sera forcément diversifiée, a commenté le représentant du Sénégal.
Le Comité préparatoire poursuivra ses travaux demain, mercredi 19 mai, à partir de 10 heures.
* A/CONF.216/PC/2
PROGRÈS RÉALISÉS ET LACUNES RESTANT À COMBLER AU NIVEAU DE LA MISE EN ŒUVRE DES TEXTES ISSUS DES GRANDS SOMMETS RELATIFS AU DÉVELOPPEMENT DURABLE, ET ANALYSE DES THÈMES DE LA CONFÉRENCE
Discussions sur le thème « L’économie verte dans le contexte du développement durable et de l’élimination de la pauvreté »
Évoquée hier lors de l’ouverture des travaux du Comité préparatoire, la notion d’« économie verte », un des deux thèmes principaux de la Conférence Rio+20, a suscité des discussions animées aujourd’hui. Les délégations ont proposé leur définition du concept et évoqué les défis liés à la transition vers une économie de ce type.
C’est l’absence même de définition du concept qu’a critiquée en premier lieu le représentant du Yémen, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, soutenu par son homologue de la Fédération de Russie. « Il n’existe pas de définition consensuelle », a relevé le représentant yéménite qui s’est également inquiété du risque que ce nouveau concept ne fasse double emploi ou marginalise le concept de développement durable. « Sa valeur ajoutée au développement durable doit être prouvée ».
« L’économie verte est une économie qui optimise la durabilité des ressources tout en minimisant ses incidences sur la santé humaine », a proposé comme définition le représentant de la Chine, alors que son homologue du Népal, au nom des pays les moins avancés (PMA), a estimé que ce concept devrait plutôt s’articuler autour de l’interdépendance entre élimination de la pauvreté et développement durable.
« L’économie verte est un concept dont la mise en œuvre permettra d’accélérer la mise en œuvre et de renforcer les objectifs d’Action 21 », a affirmé pour sa part le représentant du Canada.
Le concept est séduisant, a ironisé le représentant de la Fédération de Russie, mais il ne contient pas de plan pour assurer le développement durable. En outre, a-t-il estimé, l’économie verte écarte le pilier « progrès social » du développement durable, en se concentrant uniquement sur l’économie et l’environnement.
Au contraire, a rétorqué le représentant de la République de Corée, l’économie verte s’occupe du développement social de manière fondamentale. La croissance verte, s’est-il expliqué, favorisera la création d’emplois et offrira des avantages spécifiques aux plus démunis en leur fournissant, entre autres, des services énergétiques propres. Ce concept est entièrement compatible avec celui de développement durable, ont renchéri les représentants des États-Unis et de l’Arabie saoudite.
Tout en convenant de la validité de la position de son homologue de la Fédération de Russie, le représentant de la Suisse a estimé que le concept d’économie verte devait servir avant tout d’outil concret pour permettre à la communauté internationale d’aller de l’avant. « L’économie verte ne doit pas être perçue comme une menace mais bien comme l’occasion de résoudre nos problèmes communs et de garantir la pérennité des solutions », a-t-il dit. Ces propos ont conduit le Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), à réclamer d’emblée une feuille de route de l’économie verte.
Plus pragmatique, la représentante de Grenade, au nom de l’Alliance des petits États insulaires en développement, a appuyé la proposition de l’Égypte qui a réclamé une étude sur le concept d’économie verte et son interaction avec le développement durable. « Il faut évaluer les risques, les défis et les bénéfices potentiels de l’économie verte. Rio+20 ne doit pas se borner à définir de nouvelles normes plus profitables aux pays les plus riches », a prévenu ce représentant.
En introduisant des concepts nouveaux, nous devons nous assurer qu’ils respectent les textes adoptés lors des sommets précédents, a souligné le représentant de Cuba.
Également partisan de la proposition égyptienne, son homologue de la Fédération de Russie a estimé qu’il importait avant tout de mieux comprendre tous les aspects de l’économie verte, y compris ses aspects négatifs, ainsi que son lien avec le concept de découplage. « Réduire notre dépendance à l’égard des ressources naturelles semble être une utopie pour le moment », a-t-il observé.
Le représentant de la Bolivie a avoué être extrêmement préoccupé par la perspective que, dans le cadre d’une économie verte, la nature risquait de devenir une marchandise. « Que devons-nous entendre lorsqu’une délégation affirme qu’il faut évaluer la valeur des services des écosystèmes », s’est-il inquiété tout en disant craindre le risque de voir émerger une forme de néolibéralisme vert.
Un néolibéralisme qui pourrait être servi par un protectionnisme vert, ont dit craindre, à leur tour, les représentants de l’Uruguay et de l’Argentine, avant que le Directeur du Département du développement durable n’admette que la question mérite d’être posée.
« La communauté internationale doit savoir instaurer un climat propice à l’épanouissement d’une économie verte », a plaidé le représentant de la Chine, alors que son homologue de l’Inde a mis en garde contre le fait que l’économie verte ne se transforme en « corset normatif ».
La transition vers une économie verte ne doit être assortie ni de conditions ni de paramètres susceptibles de générer des restrictions unilatérales ou injustifiées dans le domaine du commerce, du financement ou encore de l’aide public au développement (APD), a acquiescé le représentant du Yémen.
Évitons que cette économie verte ne devienne un fardeau supplémentaire pour notre croissance, a averti le représentant de la Fédération de Russie, alors que son homologue de l’Uruguay a tout de même estimé qu’il n’y avait pas lieu d’abandonner ce concept qui « doit être mis au profit de la promotion du commerce international ».
L’urgence d’une transition vers une économie à faible émission de carbone ne fait aucun doute et la transition vers une économie verte se présente non pas comme une alternative mais comme la voie obligée, a déclaré le représentant du Sénégal, à l’instar de son homologue des États-Unis.
« Stimuler l’économie mondiale en mettant l’accent sur une approche durable pourrait être un atout notable », a semblé approuver la représentante du Brésil. En l’occurrence, il est impératif de synchroniser l’économie verte et l’élimination de la pauvreté; le rôle du secteur privé étant fondamental, à cet égard, a affirmé la représentante de l’Espagne, au nom de l’Union européenne.
On ne peut pas régler tous les problèmes du monde sur la base de l’économie, s’est énervé le représentant du Venezuela. « Verte ou pas, l’économie reste l’économie. »
C’est la raison pour laquelle, les politiques et stratégies de transition doivent être prises au niveau national et ne pas être imposées comme mesure de développement, a mis en garde son homologue de l’Indonésie, tandis que le représentant de l’Australie a jugé que le pilier « progrès social » du développement durable devait figurer en première ligne des initiatives lancées dans le cadre de l’économie verte, ainsi que l’approche « droits de l’homme », a ajouté le représentant du Grand groupe des peuples autochtones.
Un des premiers pays à appliquer l’économie verte à l’échelle nationale, la République de Corée a, par la voix de son représentant, appelé à une nouvelle architecture économique et environnementale adaptée à la situation de chaque pays.
Les mesures préconisées pour ce faire ne doivent cependant hypothéquer le développement des pays du Sud, a néanmoins averti le représentant du Sénégal. « La transition ne sera pas un modèle unique mais forcément diversifiée ». Son homologue de Grenade a évoqué d’emblée le manque de capacités humaines, financières et technologiques dans les pays comme le sien.
Ce débat était animé par M. Park In-kook, de la République de Corée, Coprésident du Comité préparatoire de la Conférence des Nations Unies pour le développement durable.
Discussion sur le thème « Cadre institutionnel du développement durable »
« L’efficacité du cadre institutionnel pour le développement durable est cruciale pour la mise en œuvre d’Action 21 », tel est le constat unanime des participants à ces discussions.
Certains d’entre eux, comme celui du Yémen, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, et son homologue de la Suisse, ont noté qu’il existait un consensus international sur le besoin d’améliorer la coordination entre les différentes activités en matière de développement durable. Mettant en avant le fait que les trois piliers de ce développement ont une valeur égale, le représentant du Yémen a insisté sur l’idée qu’un meilleur cadre institutionnel doit précisément traduire la nécessité d’une action simultanée sur les trois piliers.
Si de nombreux intervenants ont reconnu le rôle central des Nations Unies dans la gouvernance internationale du développement durable, certains ont dénoncé la structure morcelée qui caractérise actuellement le système des Nations Unies, divisé en nombreux organes directeurs et agences propices aux doubles emplois et aux échecs.
Les représentants de la Norvège, du Japon et du Sénégal ont souligné que, 18 ans après le Sommet de la Terre de Rio, l’environnement restait toujours le parent pauvre des trois piliers du développement durable. Pour renforcer la gouvernance internationale, le représentant du Sénégal a proposé que le PNUE assume un rôle non plus seulement normatif mais bien opérationnel, centralisant les efforts dans ce domaine, alors que celui de l’Australie s’est dit favorable à la création d’une organisation mondiale de l’environnement qui regroupe tous les acteurs, y compris ceux qui sont en dehors de l’ONU.
Reprenant le discours du PNUE, les intervenants ont également insisté sur la nécessité de fixer des jalons clairs en matière d’environnement d’ici à Rio 2012, à l’instar de ce qui a été fait pour les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
Se ralliant à ce propos, la représentante de l’Espagne, au nom de l’Union européenne, qui, tout en reconnaissant l’autorité des Nations Unies en matière de développement durable, a expliqué que l’efficacité réelle passe par la réalisation des objectifs déjà agréés, notamment les OMD, tâche à laquelle il faut donner une priorité absolue.
Pour ce qui est du renforcement du rôle de la CDD, de nombreuses interventions ont réaffirmé que cela passe par un processus de suivi et d’évaluation des progrès accomplis dans la réalisation d’Action 21. Pour y arriver, il va sans dire pour le Groupe des 77 et la Chine que les Nations Unies doivent disposer de ressources plus importantes, en particulier pour les chapitres du budget ordinaire consacrés au financement du développement.
Les délégations ont semblé se mettre d’accord sur le fait que la Conférence Rio+20 offre l’occasion de réfléchir sur l’efficacité et la cohérence du système des Nations Unies. Cette réflexion doit être menée dans le but de renouveler la volonté politique nécessaire à la réalisation des objectifs fixés et de trouver des moyens efficaces de conjuguer défis écologiques et nouvelles opportunités économiques.
Résumant le sentiment général, le représentant de la Suisse a affirmé que les progrès en matière de développement durable dépendent, d’une part, d’institutions fortes et efficaces et, d’autre part, d’objectifs clairs.
Les discussions étaient animées par M. John Ashe d’Antigua-et-Barbuda, Coprésident du Comité préparatoire.
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