Assemblée: les problèmes de personnel présentés comme un obstacle majeur à l’achèvement des travaux des Tribunaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie
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Assemblée générale
Soixante-cinquième session
27e séance plénière – matin
ASSEMBLÉE: LES PROBLÈMES DE PERSONNEL PRÉSENTÉS COMME UN OBSTACLE MAJEUR À L’ACHÈVEMENT DES TRAVAUX DES TRIBUNAUX POUR LE RWANDA ET L’EX-YOUGOSLAVIE
Le Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Dennis Byron, et son homologue au Tribunal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Patrick Robinson, ont fait part aujourd’hui à l’Assemblée générale des progrès « notables » ou « sans précédent » que leur juridiction a enregistrés malgré des difficultés « inédites » et des obstacles « majeurs », liés au manque de personnel et de fonds. Les deux magistrats ont aussi parlé des questions résiduelles sur lesquelles sont revenues les 14 délégations qui ont pris la parole.
Entre juillet 2009 et juin 2010, le TPIR a été « très productif », a souligné le juge Byron, alors que le Président du TPIY affirmait que tous les procès en appel devraient s’achever à la fin 2014, conformément aux délais fixés par le Conseil de sécurité.
Le juge Robinson a néanmoins mis en garde contre des retards inévitables, survenus récemment dans l’affaire Karadžić, qui donnent à penser que cette échéance ne pourra être tenue. Sur le temps nécessaire à l’achèvement des travaux, le Président du TPIY a relevé un malentendu chez certains qu’il a imputé à la nouveauté de l’exercice auquel se livrent les Nations Unies.
Les stratégies de sortie pour les missions de la paix ne sont pas applicables aux Tribunaux car ils n’ont rien d’un organe administratif, a prévenu le juge Robinson. Nous avons bien compris la différence entre une boulangerie et un tribunal, a ironisé le représentant de la Fédération de Russie, qui s’est dit inquiet du fait que les délais supplémentaires réclamés par les Tribunaux ne soient même pas définitifs. Il les a plutôt engagés à utiliser le plus efficacement possible leurs locaux et leur personnel.
Précisément le juge Robinson a fait valoir que si le nombre de procès menés de front est passé de 6 à 10, la taille du personnel, elle, n’a pas changé. Le taux d’attrition atteignant 21% pour les seules Chambres du TPIY, il a appelé à la mise en œuvre de la résolution pertinente de l’Assemblée générale autorisant l’octroi de contrats d’une longueur équivalente au calendrier des procès.
Le même appel a été lancé par le juge Byron qui a attribué un certain nombre de départs à la différence entre les conditions d’emploi des juges permanents et des juges ad litem. Il a rappelé à l’Assemblée générale son engagement à régler, au cours de cette session, la question liée au droit de pension des juges ad litem. Depuis juillet 2009, s’est-il alarmé, 167 personnes ont quitté le TPIR.
À la demande de crédits supplémentaires du juge Robinson, le représentant de la Belgique a, au nom de l’Union européenne, répondu en insistant sur la nécessité d’utiliser d’abord les ressources actuelles avec le plus d’efficacité possible.
Les deux magistrats ont aussi parlé des questions résiduelles, en rappelant aux États leur obligation de coopérer avec les Tribunaux s’agissant de l’exécution des peines et de l’arrestation des fugitifs dont Ratko Mladić, Goran Hadžić et Félicien Kabuga. Accusé de complaisance, le Kenya a, par la voix de son représentant, affirmé que l’enquête conjointe menée par son pays et le Tribunal n’a pu confirmer la présence de M. Kabuga au Kenya. En revanche, a-t-il aussi affirmé, l’enquête a conclu que son épouse et ses enfants vivent en Belgique où ils sont titulaires d’un passeport belge.
La tendance croissante des avocats de la défense et de certains universitaires à banaliser et à nier ouvertement le génocide a été dénoncée par le représentant du Rwanda, qui a estimé que le rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme verse de l’eau à ce moulin-là.
Le représentant a souligné que les archives du Tribunal constituaient une partie intégrante de l’histoire du Rwanda et étaient essentielles à la préservation de la mémoire du génocide et à l’éducation des générations futures. Les documents sensibles, a estimé, pour sa part, le Vice-Ministre des affaires étrangères de la République-Unie de Tanzanie, siège du TPIR, doivent être entreposées à l’ONU, dans un lieu sûr et accessible.
Il a exprimé la disposition de son pays à héberger les archives du TPIR et le mécanisme résiduel sur lequel réfléchit un groupe de travail du Conseil de sécurité. Le représentant de la Belgique a, au nom de l’Union européenne, appuyé l’idée de créer des centres d’information dans les pays de l’ex-Yougoslavie et au Rwanda pour faciliter l’accès du public aux archives des Tribunaux.
L’Assemblée générale tiendra sa prochaine séance mardi le 12, à partir de 10 heures, pour élire cinq membres non permanents du Conseil de sécurité.
RAPPORT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES D’ACTES DE GÉNOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS ACCUSÉS DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DÉCEMBRE 1994: NOTE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (A/65/188); ET RAPPORT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991: NOTE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (A/64/205)
Présentation et débat général
Présentant le quinzième rapport annuel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) (A/65/188), le juge DENNIS BYRON, Président du TPIR, a indiqué que des « progrès notables » avaient été réalisés malgré la présence d’obstacles « majeurs », s’agissant en particulier du personnel. Entre juillet 2009 et juin 2010, a-t-il expliqué, le Tribunal a été « très productif ». Les Chambres ont prononcé sept jugements et quatre jugements et un autre jugement a été prononcé au mois d’août. Trois autres procès devraient intervenir d’ici à la fin de l’année ainsi que quatre jugements en appel. Il a ajouté que quatre procès supplémentaires devaient être conclus d’ici à la première moitié de 2011, et qu’un autre procès devait démarrer prochainement. Tous les jugements sont attendus avant la fin de 2011, a-t-il assuré.
Revenant à la question du personnel, le juge Byron a réitéré ses préoccupations face à la différence entre les conditions d’emploi des juges permanents et des juges ad litem. Il a rappelé qu’au mois de mai dernier, l’Assemblée générale avait adopté une résolution dans laquelle elle s’engageait à régler, au cours de cette session, la question liée au droit à la pension des juges ad litem. Il a engagé les États à pleinement appuyer ce processus.
M. Byron a poursuivi sur sa lancée en indiquant que le TPIR continue de perdre du personnel. Il a précisé qu’à juillet 2009, 167 personnes avaient quitté le Tribunal, souvent pour occuper des postes dans des institutions similaires qui leur offrent des contrats à plus long terme. Ces départs et la perte de la mémoire institutionnelle qui en résulte, provoquent immanquablement des retards, a-t-il souligné. Le juge a également indiqué que le Tribunal peinait à attirer suffisamment de bons candidats, notamment aux positions P4 et P5, car il ne pouvait leur offrir que des contrats temporaires.
Malgré ces contraintes et au titre des bonnes nouvelles, le Président du TPIR a rappelé l’arrestation, le 1er juillet, en Ouganda de l’ancien fugitif Jean Bosco Uwinkindi et son transfèrement deux jours plus tard au Tribunal. Cette affaire, a-t-il dit, est un cas d’école pour la question du renvoi aux juridictions nationales à laquelle le Procureur et le Greffier travaillent, en mettant l’accent sur le renforcement des capacités judiciaires du Rwanda dont les arrangements liés à la protection des témoins.
Après cette dernière arrestation, a précisé le juge, il ne reste plus que 10 fugitifs, dont Félicien Kabuga, Protais Mpiranya et Augustin Bizimana. Il a, une nouvelle fois, exhorté tous les États, en particulier ceux de la région des Grands Lacs et le Kenya, à intensifier leur coopération avec le TPIR. Nous ne pouvons attendre que justice soit rendue, a prévenu le juge. Sans leur arrestation, nous ne pouvons pleinement remplir notre mandat et nous ne devons pas, a ajouté le juge, donner aux auteurs présumés de crimes graves le « signal fatal » que le fait qu’ils aient réussi à se cacher pendant 16 ans sera récompensé par l’impunité. Le juge a aussi rappelé qu’un engagement total à l’état de droit implique que l’acceptation du fait que les personnes acquittées ou qui ont purgé leur peine doivent pouvoir recommencer leur vie. Il a donc réclamé l’appui des États Membres sur ce point.
Le juge a indiqué que depuis juillet 2009, le Bureau du Procureur a répondu à 114 demandes d’aide juridique de la part de 13 pays et concernant 58 personnes. Le nombre de ces requêtes continue d’augmenter et l’aide du Tribunal aux procureurs nationaux devient de plus en plus importante puisque ce sont eux qui poursuivront la lutte contre l’impunité une fois que le Tribunal aura fermé ses portes, a-t-il souligné. Il faut donc, a insisté le juge, que le mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux soit en place pour poursuivre cet appui important. Il a encouragé le Conseil de sécurité à adopter très rapidement une résolution en ce sens pour assurer une transition sans heurt entre les Tribunaux et ce mécanisme.
Le juge PATRICK ROBINSON, Président du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a présenté le dix-septième rapport annuel de son Tribunal paru sous la cote A/65/205. Il a indiqué que le Tribunal, malgré des difficultés inédites, a accompli des progrès « sans précédent » dans la mise en œuvre de sa stratégie d’achèvement des travaux. Au total, a-t-il indiqué, tous les procès en appel devraient s’achever à la fin 2014, mais des retards inévitables, survenus récemment dans l’affaire Karadžić, donnent à penser que cette échéance ne pourra être tenue, a cependant noté M. Robinson, en estimant qu’il faudra la réexaminer en temps utile. Pour expliquer ces retards, le Président a cité l’intimidation des témoins, la défaillance de certains d’entre eux, les problèmes de santé des accusés, les questions complexes à résoudre lorsqu’un accusé assure lui-même sa défense et enfin, la réduction des effectifs du Tribunal.
Le juge a pris pour exemple le cas de l’affaire Radovan Karadžić, au cours de laquelle le temps d’audience alloué à Karadžić pour le contre-interrogatoire des témoins a dû être considérablement revu à la hausse en raison du volume sans précédent des documents produits par l’entremise des témoins. M. Robinson a fait remarquer que le malentendu chez certains États Membres concernant le temps nécessaire à l’achèvement des travaux du Tribunal est dû en grande partie à la nouveauté de l’exercice dans lequel les Nations Unies sont engagées. La pratique et la culture en matière de stratégies de fin de mandat pour des missions de la paix ne sont pas applicables au Tribunal car ce dernier n’a rien d’un organe administratif. Il s’agit d’un organe judiciaire dont la mission sera toujours empreinte d’un élément d’imprévisibilité, en particulier dans des affaires aussi complexes que celles dont le Tribunal est saisi. « Le Tribunal ne peut être liquidé comme une entreprise qui fabrique du pain », a insisté le juge qui, se disant préoccupé a ajouté: « les juges sont en droit et ont même l’obligation d’exercer leur mandat en dehors de toute pression extérieure, afin que leur indépendance judiciaire ne soit ni compromise ni perçue comme telle ».
Abordant l’autre problème qu’est celui des effectifs, M. Robinson a noté que le nombre de procès menés de front est passé de 6 à 10, alors que le personnel garde la même taille. Il s’est alarmé du nombre de juges et autre personnel quittant le Tribunal pour des emplois plus sûrs, ajoutant que le taux d’attrition des effectifs s’élève à 21% pour les seules Chambres. Le Tribunal connaîtra un ralentissement de ses activités s’il ne parvient pas à retenir son personnel et s’il doit constamment recruter et former de nouveaux collaborateurs. Malgré de nombreux appels en direction des Nations Unies, très peu de progrès ont été faits, a constaté le juge. Par exemple, la résolution 63/256 adoptée par l’Assemblée générale, qui permettait d’offrir des contrats à son personnel en fonction du calendrier des procès, n’a pas été appliquée parce que, a-t-il accusé, les autorités budgétaires du Siège considèrent que le Tribunal ne peut pas offrir à son personnel des contrats débordant les propositions budgétaires approuvées. Le Tribunal continue donc de réclamer des mesures alors qu’il continue de perdre des fonctionnaires clefs hautement qualifiés et que les procès souffrent de retards qui pourraient être évités.
Invoquant le calendrier actualisé des procès, M. Robinson a également présenté une demande de crédits supplémentaires, élément absolument indispensable pour ne pas compromettre l’achèvement rapide de sa mission. Il a fait noter que le niveau d’efficacité et de productivité du Tribunal dépassait de loin celui de toute institution analogue.
Le juge a enfin abordé la question de la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des crimes commis en ex-Yougoslavie, à l’instar de la Cour pénale internationale (CPI) dont le Statut montre que la justice ne doit pas être simplement répressive mais aussi réparatrice si l’effort de paix veut être durable. Il n’y a pas si longtemps, la justice pénale internationale n’était qu’une chimère, mais aujourd’hui cette chimère est devenue réalité. Il appartient donc à chaque membre de l’Assemblée générale d’aider le Tribunal dans sa détermination à achever ses travaux de manière rapide et équitable, a conclu M. Robinson.
M. SEIF IDDI, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République-Unie de Tanzanie, a rappelé qu’en tant que pays hôte, la Tanzanie a continué à faciliter le bon fonctionnement du TPIR et continuera à le faire jusqu’à la fin de son mandat. Il a constaté « avec préoccupation » que les Tribunaux affrontaient de nombreux défis, notamment en matière de rétention du personnel. Il a engagé l’Assemblée générale à se prononcer sur cette question qui, a-t-il indiqué, entrave une transition sans heurt vers la fin des mandats des Tribunaux. Il a également encouragé les États à se porter volontaires pour accueillir les personnes acquittées ou qui ont purgé leur peine. M. Iddi a aussi appelé les États Membres à continuer de coopérer à l’arrestation des fugitifs.
Après avoir exhorté l’Assemblée à fournir aux Tribunaux les ressources nécessaires, le Vice-Ministre a estimé que les archives sensibles des Tribunaux qui contiennent des informations confidentielles devaient être entreposées dans un lieu sûr et accessible aux Nations Unies et auprès des personnes autorisées, et ce, sans goulets d’étranglement administratifs, préoccupations sécuritaires ou contraintes politiques. Il a indiqué que la Tanzanie se tenait prête à continuer d’héberger le mécanisme résiduel et les archives du TPIR; les infrastructures déjà en place étant tout à fait adéquates et pouvant servir d’institution importante pour enseigner l’histoire aux générations futures.
M. JAN GRAULS (Belgique) au nom de l’Union européenne, a salué la coopération de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda avec le TPIR en regrettant néanmoins que malgré les appels incessants de la communauté internationale, il y ait toujours 10 fugitifs pour le TPIR et 2 pour le TPIY dont Félicien Kabuga, Ratko Mladić et Goran Hadžić.
M. Grauls a noté que la coopération avec le TPIY de la Serbie, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine avait été « de manière générale adéquate ». Tous les États doivent coopérer de manière « inconditionnelle » avec les deux Tribunaux, a-t-il rappelé, en rappelant que cette coopération est au demeurant essentielle eu égard au processus de stabilisation et d’association avec l’Union européenne.
S’agissant du TPIR, le représentant a regretté que la coopération du Kenya reste un défi. Il s’est, en revanche, réjoui des efforts en cours au Rwanda pour renforcer le système judiciaire national et a espéré que ces efforts permettront le renvoi d’affaires de moindre importance.
Tout en reconnaissant l’importance des ressources financières pour les deux Tribunaux et leurs difficultés à garder leur personnel le plus qualifié, M. Grauls a insisté sur la nécessité d’utiliser les ressources actuelles avec le plus d’efficacité possible.
M. Grauls a salué le travail du Conseil sur le mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles et a appuyé l’idée de créer des centres d’information dans les pays de l’ex-Yougoslavie et au Rwanda pour faciliter l’accès du public aux archives des Tribunaux.
Mme SUE ROBERTSON (Australie), intervenant également au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a souligné que la jurisprudence des deux Tribunaux internationaux pour le Rwanda et l’Ex-Yougoslavie a d’ores et déjà considérablement enrichi notre compréhension des crimes contre l’humanité et des pratiques de la justice pénale internationale afin qu’ils ne restent pas impunis. Ces deux Tribunaux sont en outre la preuve que paix et justice peuvent être conjointement poursuivies.
Des sources de préoccupations néanmoins demeurent, la première d’entre elles concernant les 12 accusés qui sont toujours en fuite. Ces individus doivent être présentés devant la justice, a rappelé Mme Robertson, et notamment ceux qui occupaient les plus hautes fonctions à l’époque des faits tels que Ratko Mladić, Goran Hadžić, Félicien Kabuga, Protais Mpiranya et Augustin Bizimana.
Mme Robertson a ensuite souligné que la fin prochaine des mandats du TPIR et du TPIY ne signifiait pas la cessation de toutes les activités des deux Tribunaux. Le procès des fugitifs lorsqu’ils auront été capturés, l’exécution des peines, la protection des témoins, l’assistance aux autorités nationales et la gestion des archives devront notamment être poursuivis. Mme Robertson a conclu en rappelant que toute discussion autour de ces deux Tribunaux sera d’une précieuse aide pour les activités à venir des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, de la Cour spéciale pour la Sierra Leone et du Tribunal spécial pour le Liban.
M. SHIN BOO-NAM (République de Corée) a estimé que le legs des deux Tribunaux aura été de jeter les bases du droit pénal international, de planter les graines d’autres cours pénales internationales et d’offrir un sentiment de justice et de réconciliation aux victimes et à la société. Mais comment préserver cet héritage? a demandé le représentant, en insistant sur l’importance des droits de tous les individus et sur l’appui aux autorités nationales. Les Tribunaux, a-t-il estimé en conséquence, doivent intensifier leurs efforts pour renvoyer plus d’affaires aux juridictions nationales, ce qui pourrait non seulement renforcer ces juridictions mais aussi enclencher des réformes juridiques. Dans ce contexte, le représentant a souligné la continuité entre les Tribunaux et le futur mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles.
Il a suggéré que le personnel des Tribunaux partage ses connaissances institutionnelles avec le mécanisme résiduel, notamment dans la gestion des archives des Tribunaux. Il a soutenu la création d’un régime distinct régissant la gestion et l’accès à ces archives. Nous devons nous assurer que les juges, procureurs et juristes de chaque pays puissent avoir un accès facile à ces documents ainsi qu’aux outils pour les décrypter, a-t-il ajouté.
M. Shin a enfin noté que plusieurs fugitifs importants sont toujours en liberté. En tant qu’individus, leur sort n’a pas grande conséquence, mais pour nous et pour les communautés affectées, ils sont les symboles vivants de l’atrocité et de la cruauté. Nous ne pouvons permettre à une culture de l’impunité de gagner du terrain. Ces individus seront appréhendés et le mandat des Tribunaux sera pleinement rempli, a-t-il conclu.
M. EBENEZER APPREKU (Ghana) s’est félicité des progrès réalisés par les Tribunaux et estimé que la jurisprudence qu’ils ont créée avait fortement contribué au renforcement du système de justice pénale international. Il a salué la constitution d’archives, qui, de son avis, permettront aux États Membres d’adopter des mesures de prévention. M. Appreku a, en effet, rappelé que l’Union africaine avait pris des mesures plus dynamiques en matière de prévention. Le représentant a aussi rappelé que le 24 septembre dernier, le Ghana et le Danemark avaient organisé une réunion ministérielle sur les moyens de passer de la parole à l’action dans la protection des populations contre le génocide et le nettoyage ethnique.
Mme MIRSADA ĆOLAKOVIć (Bosnie-Herzégovine) a mis en garde contre une fermeture précoce des Tribunaux qui risquerait de ternir leurs legs, « jalon historique sur lequel repose le système de justice pénale internationale ». On peut toujours appeler les Tribunaux à respecter la stratégie d’achèvement mais, a-t-elle prévenu, cela ne servira à rien sans des mesures fermes pour traduire les fugitifs en justice. La représentante a donc appelé à la coopération des États, en assurant de celle de son pays. Elle a précisé que cinq des six procès qui ont été transférés à la Bosnie-et-Herzégovine avaient été conclus.
M. IGOR A. PANIN (Fédération de Russie) a fait part d’un « élément négatif » qui dévalue, à ses yeux, la contribution positive des Tribunaux. Ces derniers ont dépassé depuis longtemps leur délai d’existence et cette situation n’est utile ni à la communauté internationale ni aux Tribunaux eux-mêmes, a-t-il estimé. Il s’est dit inquiet du fait que les délais supplémentaires réclamés par les Tribunaux ne semblaient même pas définitifs. Il a critiqué, en particulier, la durée des procédures du TPIY, en arguant qu’un procès qui va au-delà de 2010 doit être l’exception. Ma délégation conçoit parfaitement la différence entre une boulangerie et un tribunal, a-t-il ironisé en répondant au juge Robinson. Il a néanmoins estimé que le problème des retards pouvait être résolu en coordonnant les activités entre les Tribunaux, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Il a engagé les Tribunaux à accélérer le rythme des procès et à utiliser le plus efficacement possible leur personnel et leurs locaux. Le représentant a dénoncé le fait que Vojislav Šešelj attend son procès depuis plus de six ans, ce qui viole son droit à être jugé dans les meilleurs délais. Il a rappelé que l’affaire Popović avait pu être conclue grâce à une intensification maximale du travail du TPIY.
M. FEODOR STARČEVIĆ (République de Serbie) a réitéré l’engagement total de la Serbie dans sa coopération avec le TPIY. Cette volonté a été démontrée par le fait que le 31 mars dernier, l’Assemblée nationale de la République de Serbie a adopté une déclaration condamnant le crime de Srebrenica, un acte d’une importance exceptionnelle pour la Serbie et la région tout entière. Par cette déclaration, l’Assemblée nationale a donné son soutien complet aux organes du Gouvernement en charge de traiter des crimes de guerre et de coopérer avec le TPIY, tâche dans laquelle la localisation et l’arrestation de Ratko Mladić revêt une importance toute particulière.
M. Starčević a déclaré qu’un très haut niveau de coopération a été atteint et maintenu avec le Tribunal au cours des dernières années, comme le prouvent les rapports du Procureur du TPIY au Conseil de sécurité. La Serbie a répondu pleinement à presque toutes les requêtes du Tribunal, s’agissant des documents, en particulier les notes de guerre manuscrites de Ratko Mladić qui, couvrant la période 1991-1996, constituent des preuves d’une grande importance.
La Serbie, a continué M. Starčević, a transféré 43 personnes et seuls MM. Mladić et Hadžić restent en fuite. Il ne devrait y avoir aucun doute sur la volonté des autorités serbes d’arrêter ces deux fugitifs, a affirmé le représentant, en ajoutant que les services de sécurité serbes sont ouverts à toute recommandation et suggestion venant des représentants du Tribunal. Il est de première importance que le Bureau du Procureur reçoive une information détaillée sur toutes les mesures qui sont prises à cet égard.
La Serbie, a conclu M. Starčević, considère que la coopération avec le Tribunal et le traitement des crimes de guerre dans les tribunaux nationaux sont des conditions préalables pour établir la vérité sur les crimes de guerre commis durant les conflits armés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. Ceci, a-t-il ajouté, est également une contribution importante en vue de la normalisation des sociétés dans la région.
M. MORTEN WETLAND (Norvège) a félicité les deux Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda pour la mise en œuvre de leur stratégies de fin de mandat, et ce, dans le plein respect des principes qui gouvernent la conduite d’un procès équitable. L’attrition du personnel qualifié, constatée au sein des deux Tribunaux, reste néanmoins un obstacle, a constaté M. Wetland.
Le représentant norvégien a insisté sur la pleine coopération des États avec les deux Tribunaux, s'agissant notamment de l’exécution des peines et de l’arrestation des fugitifs. En matière d’exécution des peines, la responsabilité doit être partagée entre tous les États, s’est-il expliqué en encourageant ces États à signer des accords avec les Tribunaux. Il aussi appelé les États concernés à arrêter et transférer les fugitifs. Quant aux questions résiduelles, il a appelé les Tribunaux à en régler autant que possible avant la date d’achèvement de leurs travaux. S’agissant de la mise en place des mécanismes résiduels, il a plaidé pour une approche intégrant les besoins des autres tribunaux qui mènent leurs activités avec l’assistance des Nations-Unies. Il faut tirer pleinement parti des synergies possibles, a-t-il conclu.
M. OLIVIER NDUHUNGIHERE (Rwanda) a souligné que son pays continuera à collaborer avec le TPIR pour lever tout obstacle au transfert vers les juridictions nationales des affaires qui seront en suspens après la fin du mandat du Tribunal. Des réformes judiciaires et pénales, reconnues par le Tribunal lui-même, ont été accomplies, a souligné le représentant. Il a remercié le Tribunal pour le transfert au Rwanda des dossiers de 25 suspects. Il a réitéré le fait que la requête de transfert de dossiers est principalement fondée sur le fait que les crimes jugés par le TPIR ont été commis au Rwanda, par des Rwandais sur des Rwandais.
S’agissant des fugitifs, le représentant a regretté que certains pays n’aient pas encore fourni la coopération nécessaire au TPIR ou au Gouvernement rwandais et réitère son appel à cet égard. Venant à la question des archives, M. Nduhungihere a rappelé que ces documents constituaient une partie intégrante de l’histoire du Rwanda et étaient essentiels à la préservation de la mémoire du génocide et à l’éducation des générations futures.
Le représentant rwandais s’est donc dit préoccupé par la tendance croissante, de la part des avocats de la défense et de certains universitaires, à banaliser et à nier ouvertement le génocide. « Ces juristes, qui s’expriment librement dans les médias internationaux, se basent sur une interprétation erronée des jugements du Tribunal, renforcée par le rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme », a déclaré M. Nduhungihere. Cette tendance « inquiétante », a-t-il ajouté, n’est pas de nature à favoriser la paix et la réconciliation que les Rwandais ont si chèrement gagnées. Le Gouvernement rwandais renouvelle sa détermination à faire en sorte que ceux qui nient le génocide des Tutsis soient présentés devant la justice, a prévenu le représentant.
M. S.K. MAINA (Kenya) a noté « avec préoccupation », les « allégations persistantes » du Procureur du TPIR selon lesquelles le fugitif Félicien Kabuga résiderait au Kenya. Il a indiqué que le Kenya n’aurait rien à gagner à cacher M. Kabuga, d’autant moins qu’il entretient des relations « excellentes et cordiales » avec le Rwanda, a souligné le représentant. Il a indiqué que le Kenya avait toujours coopéré avec le TPIR, et a rappelé que son gouvernement avait arrêté et transféré le nombre le plus grand de suspects au TPIR, soit 14 personnes. M. Maina a également évoqué la conclusion, en 2009, d’un traité d’extradition avec le Rwanda, et le rôle que joue son pays dans la protection des témoins.
M. Maina a notamment expliqué qu’en 2007, le Kenya avait créé une équipe d’enquête conjointe avec le TPIR pour arrêter Félicien Kabuga. Il a expliqué que l’enquête avait conclu que la femme de M. Kabuga avait des placements immobiliers et que les loyers perçus était versés dans une institution financière locale puis transférés vers la Belgique, où la femme et les enfants de M. Kabuga résident et sont détenteurs d’un passeport belge. Le Kenya, a-t-il ajouté, a rapidement gelé les comptes bancaires de M. Kabuga au Kenya. En conséquence, a conclu le représentant, les accusations persistantes selon lesquelles le Kenya fait preuve de complaisance sont trompeuses, calomnieuses et injustifiées. Il a donc appelé le Bureau du Procureur à élargir ses enquêtes à d’autres pays.
M. RANKO VILOVIĆ (Croatie) a souligné que les tribunaux ad hoc mis en place par les Nations Unies n’ont jamais eu vocation à remplacer les systèmes judiciaires nationaux, a rappelé le représentant, mais, bien au contraire, à les renforcer. Il a donc appuyé les appels aux transferts des affaires aux juridictions nationales. Mon pays, a-t-il dit, a clairement prouvé sa capacité à mener des progrès même dans les affaires les plus sensibles, y compris dans une affaire transférée par le TPIY.
Il a ensuite fait part de sa vive préoccupation concernant les accusés, Ratko Mladić et Goran Hadžić, qui se trouvent toujours en fuite. M. Vilović a souligné avec force que le procès de ces deux individus ne dépendait pas de la stratégie d’achèvement des travaux du TPIY. Leur arrestation et leur transfèrement à la Cour restent une urgence pour chaque État Membre.
Il a salué le projet « procureurs de liaison » financé par l’Union européenne qui permet à des procureurs de la région de travailler avec le Bureau du Procureur du TPIY. Il a conclu en saluant la réflexion menée sur les questions résiduelles du TPIY
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