En cours au Siège de l'ONU

CPSD/437

Quatrième Commission: les pays contributeurs de troupes appellent à une véritable « coopération triangulaire » entre eux, le Conseil de sécurité et le Secrétariat de l’ONU

27/10/2009
Assemblée généraleCPSD/437
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Quatrième Commission

Soixante-quatrième session

17eséance – matin


QUATRIÈME COMMISSION: LES PAYS CONTRIBUTEURS DE TROUPES APPELLENT À UNE VÉRITABLE « COOPÉRATION TRIANGULAIRE » ENTRE EUX, LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LE SECRÉTARIAT DE L’ONU


Les pays contributeurs de troupes ont fait entendre leur voix ce mardi matin lors de la poursuite du débat général sur les opérations de maintien de la paix, entamé lundi par la Quatrième Commission (Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation).  À l’instar des Philippines, elles ont toutes rappelé qu’elles souhaitaient être impliquées au maximum dans toutes les étapes des opérations de maintien de la paix, de leur conception à leur retrait.


La délégation de l’Ukraine a regretté que les pays contributeurs de troupes demeurent « le chaînon manquant ou plutôt l’angle absent d’un triangle » virtuel dont les deux autres sommets sont constitués par le Conseil de sécurité et le Secrétariat des Nations Unies.  Car, comme l’a souligné le Kenya, il est essentiel, pour assurer la réussite des missions, de « renforcer la coopération triangulaire entre les preneurs de décisions, ceux qui les planifient et les gèrent et ceux qui les mettent en œuvre ».


Si la plupart des délégations ont continué d’apporter leur appui au « Nouvel Horizon », document de travail sur la réforme des opérations de maintien de la paix dont elles sont saisies, elles ont souligné que celui-ci n’était pas une fin en soi mais bien le point de départ d’une réflexion et d’un débat de fond.  La majorité des États Membres qui se sont exprimés depuis lundi se sont dit d’avis que le Comité des 34, chargé de l’examen de toute la question du maintien de la paix, est l’instance appropriée pour ce faire.


Le document de travail dont le titre complet est « Un nouveau partenariat: définir un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies », a été présenté vendredi à la Commission par le Département des opérations de maintien de la paix et par le Département de l’appui aux missions.  Il avait déjà fait l’objet d’un débat public du Conseil de sécurité en juin dernier.


Sur le fond, la délégation du Canada, qui s’exprimait aussi au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a rappelé que trois questions fondamentales ne faisaient pas consensus entre les États Membres, à savoir le concept d’opération robuste, la problématique de la protection des civils et les processus de consolidation de la paix. 


À l’issue de ce débat, les délégations de la Fédération de Russie et de la Géorgie ont exercé leur droit de réponse.  Auparavant, les délégations suivantes avaient participé au débat: Canada au nom du CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), Brésil, Philippines, Égypte, Sri Lanka, Viet Nam, Ukraine, Chine, République islamique d’Iran, Indonésie, Géorgie, Tunisie, Fédération de Russie, Uruguay, Kenya et Pakistan.


La Quatrième Commission se réunira demain matin, à 10 heures, pour achever son débat général sur les opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects.


ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS (A/64/359-S/2009/470 ET A/64/494)


Débat général


M. CHRISTOPHER SIMONDS (Canada), au nom de son pays, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a souligné que la « nature en constante évolution des opérations de maintien de la paix » continuait de mettre à l’épreuve les forces déployées.  « De plus en plus, les conflits se caractérisent par des enjeux pluridimensionnels et par des menaces asymétriques ».  Après avoir rappelé les attaques récentes contre des Casques bleus, le colonel Simonds a souligné que « ces incidents illustraient clairement le contexte dangereux et imprévisible dans lequel les soldats, les policiers et les civils devaient œuvrer tous les jours ».  En revanche, a-t-il observé, « nous constatons une amélioration importante de la capacité de planifier et de gérer des opérations de maintien de la paix. 


Nos délégations soulignent la nécessité de poursuivre sur cette lancée.  Elles se félicitent par conséquent de la publication du document de réflexion intitulé « Un nouveau partenariat: définir un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ».  Les principes sous-jacents et les recommandations de ce document « doivent faire l’objet d’un débat élargi et approfondi entre les États Membres », a-t-il souligné.


Afin d’établir les conditions de base nécessaires à la réussite d’une opération de maintien de la paix, nous devons tendre à une conception commune de sa raison d’être.  Cela implique une compréhension des buts et objectifs d’une mission émanant d’un consensus impliquant toutes les parties, a-t-il ajouté.  Cela implique par conséquent le renforcement des partenariats entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les États Membres, et entre les institutions onusiennes et les organisations régionales.  Les trois délégations exhortent le Conseil de sécurité et le Secrétariat à continuer de mettre à contribution les mécanismes de consultation par un dialogue continu.


Le colonel Simonds a rappelé que trois questions fondamentales ne faisaient pas consensus, comme l’a souligné le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix lors de la présentation du document de travail devant le Conseil de sécurité.  Il a cité un maintien de la paix robuste, la protection des civils et la consolidation de la paix.  « Les attaques récentes contre des soldats de la paix nous rappellent, tristement mais avec acuité, la nécessité urgente de dégager un consensus à cet égard », a-t-il affirmé.  Après avoir relevé par ailleurs l’importance grandissante du rôle de la police dans les missions, il a exhorté le Secrétariat à poursuivre ses efforts pour renforcer les opérations de police.


Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a estimé que si le Conseil de sécurité est l’organe le plus visible dans le maintien de la paix, l’Assemblée joue toutefois un rôle vital dans la création et la gestion des opérations.  Pour des millions de personnes, le maintien de la paix est l’une des facettes les plus concrètes de l’effort des Nations Unies, a-t-elle souligné.  Elle a expliqué que l’action coordonnée entre le Conseil de sécurité, la Commission des questions administratives et budgétaires et le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34), est essentielle pour garantir le bon fonctionnement des missions.  Cela est important notamment lorsque nous entamons un examen global du maintien de la paix, a-t-elle mis en avant.  Elle a expliqué que les nouvelles exigences et attentes vis-à-vis des missions de maintien de la paix exigent une réflexion approfondie sur la façon dont l’ONU doit décider de déployer des Casques bleus.  La représentante a, à cet égard, mis l’accent sur le document « Nouvel Horizon », en appelant à une réflexion sur le lien entre maintien et consolidation de la paix.


M. ELMER G. CATO (Philippines) a rendu hommage aux Casques bleus tombés dans l’exercice de leurs fonctions, rappelant que le Comité des 34 avait souligné la responsabilité des Nations Unies de faire en sorte que le personnel médical affecté aux missions soit qualifié.  Des décès sont en effet survenus à la suite de négligences ou d’incompétences, a-t-il dit, après avoir mentionné le cas d’un soldat philippin mort du paludisme.  Les Philippines, a-t-il poursuivi, sont encouragées par les réformes entreprises ou envisagées afin de mieux répondre aux exigences de l’heure en matière de maintien de la paix.  Elles sont favorables à l’institutionnalisation des mécanismes de consultation entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes, en particulier.  En tant que pays contributeur, les Philippines souhaitent être « impliquées autant que faire se peut » à toutes les étapes des opérations de maintien de la paix.  Il a rappelé l’appel lancé par son pays pour que d’autres États Membres partagent le fardeau supporté actuellement par des pays en développement aux capacités limitées qui, pourtant, fournissent les contingents.


M. MAGED A. ABDELAZIZ (Égypte) a rappelé qu’à l’aune du dixième anniversaire du rapport Brahimi, le fossé entre le mandat des missions de maintien de la paix, leurs actions sur le terrain et les ressources dont elles disposent restent à combler.  Les pays qui accueillent les missions dépendent de plus en plus de celles-ci pour renforcer la capacité nationale dans le domaine de la défense et de la sécurité, a souligné le représentant.  Si un certain nombre d’initiatives ont été prises pour améliorer les opérations de maintien de la paix, un débat sur le nouveau document « Nouvel Horizon » est essentiel pour renforcer les missions, a-t-il expliqué. 


M. Abdelaziz a formulé quelques idées pour revitaliser les opérations.  Tout d’abord, il a rappelé que le maintien de la paix est un outil tout comme la diplomatie préventive, les systèmes d’alerte ou la consolidation de la paix.  Le mandat des opérations doit être clair, notamment lorsqu’il s’agit de la protection des civils.  Ensuite, a-t-il poursuivi, il faut définir une stratégie de sortie, parallèlement à un processus politique.  Il a rappelé que le maintien de la paix est une partie de la solution politique mais qu’il ne doit pas s’y substituer. 


Le représentant a appelé à la poursuite de cette réflexion, en prenant en compte le fait que le partenariat entre le Conseil de sécurité et les pays fournisseurs de contingents est essentiel.  Il a défendu l’idée d’élargir la base des pays fournisseurs de contingents et de renforcer la coopération avec les organisations régionales et leur capacité à développer leur propre système de règlement pacifique des conflits. 


M. PALITHA KOHONA (Sri Lanka) a souligné que les opérations de maintien de la paix constituaient un exemple évident de la manière dont le multilatéralisme pouvait se révéler fructueux.  « Le consentement des parties -particulièrement des gouvernements élus-, l’impartialité et la neutralité continuent d’être des règles de base y compris dans le contexte du maintien de la paix multidimensionnel et robuste », a-t-il souligné.  Par ailleurs, en améliorant les règles d’engagement entre les pays contributeurs de troupes, le Secrétariat et le Conseil de sécurité, il est possible d’opérer un changement positif dans l’approche du maintien de la paix, a-t-il aussi souligné.


Le représentant du Sri Lanka a estimé nécessaire une auto-évaluation des initiatives passées, avant de se féliciter, en conséquence, du débat sur le « Nouvel Horizon ».  Après avoir rappelé la contribution de son pays, notamment en Haïti, M. Kohona a évoqué brièvement les domaines où des améliorations étaient nécessaires.  Il a souhaité une meilleure coordination entre les décideurs au Siège et les responsables sur le terrain, particulièrement dans les situations d’urgence.  Il a aussi souhaité une meilleure diffusion de l’information s’agissant des contributions positives des Casques bleus dans les régions qui les accueillent.  Il a souligné que le site Web des opérations de maintien de la paix de l’ONU constituerait un portail adéquat, à cet égard.


Avec quelque 117 000 militaires et civils engagés dans 17 opérations dans le monde, M. HOANG CHI TRUNG (Viet Nam) a rappelé l’ampleur, la complexité et le niveau de risques des opérations de maintien de la paix.  Les missions doivent aujourd’hui aller au-delà des mandats qui leur sont confiés, a-t-il déploré, la demande croissante ayant dépassé les capacités des Nations Unies.  Le représentant a rappelé que les opérations de maintien de la paix doivent respecter les principes de la Charte des Nations Unies, tels que le consentement des parties concernées, l’impartialité ou encore la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays. 


Le représentant a poursuivi son propos en mettant l’accent sur le « Nouvel Horizon ».  Près de 10 ans après le rapport Brahimi, ce document constitue une base pour poursuivre les discussions, a-t-il estimé, en jugeant que ces discussions doivent s’attacher à la cohésion des politiques, des stratégies et des objectifs.  Pour que les missions réussissent, elles doivent être dotées de mandats clairs et réalisables et disposer des ressources adéquates, a insisté le représentant.  Enfin, il a conclu son propos en condamnant les attaques ciblées et les actes de violence contre les Casques bleus.


M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) s’est félicité des recommandations formulées dans le « Nouvel Horizon », tout en notant qu’il y avait souvent loin de la coupe aux lèvres.  « Il y a toujours un long chemin entre l’élaboration des idées et leur mise en œuvre, particulièrement ici, aux Nations Unies », a-t-il dit.  L’Ukraine se félicite et adhère totalement à la philosophie sous-jacente du « Nouvel Horizon ».  Mais, bien qu’aux côtés de nombreux autres États Membres elle ait plaidé depuis longtemps pour l’établissement d’un plus grand niveau de coopération entre le Conseil de sécurité, les pays contributeurs de troupes et le Secrétariat, elle constate, à son grand regret, que lesdits pays contributeurs demeurent « le chaînon manquant ou plutôt l’angle absent de ce triangle » virtuel.  La délégation ukrainienne espère par conséquent que le processus entamé par le « Nouvel Horizon » contribuera à redresser la situation.


M. Kyslytsya a ensuite évoqué les problèmes de sécurité, rappelant qu’en mars dernier son pays avait perdu un policier au Kosovo tandis qu’une vingtaine d’autres avaient été blessés.  Il convient d’assurer un niveau adéquat de sécurité et en faire une donnée centrale de toute opération de maintien de la paix, a-t-il souligné.  Il a indiqué au passage une lacune dans le document de travail, à savoir la nécessité pour les pays contributeurs d’avoir de la compétence pour mener des enquêtes sur des crimes commis contre leurs ressortissants qui œuvrent sous le drapeau de l’ONU.


Face à l’ampleur et à la demande croissante des opérations de maintien de la paix, M. LIU ZHENMIN (Chine) a estimé que des changements sont nécessaires.  De nombreuses tentatives ont été entreprises, mais l’aspect multidimensionnel des missions n’a pas permis aux Nations Unies de répondre aux défis, a-t-il ajouté.  Afin de consolider les opérations de maintien de la paix, l’appui des États Membres est indispensable, a-t-il estimé, en mettant en avant quelques principes nécessaires à la réussite des missions.  Des mandats clairs et réalisables sont la condition préalable, a dit M. Liu Zhenmin, en jugeant que les Secrétaires généraux adjoints aux opérations de maintien de la paix et de l’appui aux missions ont identifié et présenté clairement les priorités.  Il a souhaité que des décisions rationnelles soient prises sur la base des ressources humaines et des moyens logistiques disponibles. 


Le représentant a, par ailleurs, mis en avant les recommandations du document « Nouvel Horizon » sur la stratégie de sortie des opérations de maintien de la paix.  Ce point aidera le Secrétariat à gérer et à fixer les objectifs et le développement des opérations en fonction de leurs capacités, a-t-il dit.  Renforcer la formation des Casques bleus est une priorité, a-t-il aussi estimé, en appelant les pays développés qui disposent de ressources financières à contribuer aux opérations.  Les pays en développement sont les plus grands fournisseurs de contingents et consentent aux plus grands sacrifices, a noté le représentant.  Si les États Membres ont pour obligation de fournir les ressources adéquates aux opérations, le Secrétariat doit, quant à lui, évaluer et gérer au mieux les dépenses, a-t-il souhaité.  Comme l’objectif ultime est d’optimiser et d’accélérer le déploiement des missions de maintien de la paix, il faut utiliser de nouveaux outils pour accroitre cette efficacité, a-t-il suggéré, en pointant du doigt l’instrument que constituent les organisations régionales, telles que l’Union africaine (UA). 


M. AMIR HOSSEIN HOSSEINI (République islamique d’Iran) a rappelé que les Nations Unies ne devraient pas perdre de vue le fait que les opérations de maintien de la paix ne seraient pas pleinement fructueuses tant que les causes sous-jacentes des conflits ne seraient pas traitées.  Il a souligné par ailleurs qu’il convenait de mettre un terme aux actes unilatéraux décidés sans l’aval des Nations Unies et en contradiction avec le droit international et la Charte de l’ONU.  Cela signifie qu’il est grandement nécessaire de prendre des mesures nouvelles et d’adopter des démarches novatrices pour invalider de tels actes afin d’empêcher qu’ils ne se répètent dans l’avenir, a-t-il ajouté.


Le représentant de l’Iran s’est félicité des « initiatives positives » prises par le Conseil de sécurité, le Département des opérations de maintien de la paix et le Département de l’appui aux missions.  Il a jugé qu’un dialogue sérieux et significatif doit s’instaurer entre les États Membres -y compris le Mouvement des pays non alignés- et le Secrétariat sur le « Nouvel Horizon ».  Il a estimé que le Comité des 34 est la meilleure instance pour la tenue d’un tel dialogue.


M. HASAN KLEIB (Indonésie) a indiqué que les opérations de maintien de la paix ont gagné en nombre et en complexité et que les défis que doivent relever les Casques bleus sont de plus en plus importants.  Le représentant a mis l’accent sur la volonté de son pays, principal fournisseur de contingents, d’assumer ses responsabilités.  L’Indonésie, a-t-il ajouté, participe aux opérations de maintien de la paix depuis 1956, avec aujourd’hui quelque 1 770 Casques bleus déployés dans six missions de maintien de la paix, a souligné le représentant. 


Le partenariat mondial et unique que représentent les opérations de maintien de la paix doit, avant tout, se baser sur le consentement des parties, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et le non-recours à la force, a rappelé M. Kleib.  Selon lui, la priorité doit être de définir des mandats clairs et réalistes, car la situation sur le terrain et la situation des civils sont en jeu.  Il faut, a demandé le représentant, que le Conseil de sécurité prenne des mesures appropriées et que des orientations réalistes et pragmatiques soient données en matière de protection des civils.  M. Kleib a jugé essentiel la formation des Casques bleus.  Il est indispensable de disposer d’une capacité civile qui puisse déployer ses compétences rapidement, a-t-il dit. 


Par ailleurs, le représentant a appuyé une plus grande collaboration des Nations Unies avec les organisations régionales.  Ces dernières sont un atout et contribuent d’une manière importante aux opérations de maintien de la paix, telle que l’Union africaine en Somalie, a mis en avant le représentant.  Il s’est saisi de cette occasion pour indiquer que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), en tant qu’organisation régionale, est un partenaire essentiel.  Il a conclu son propos en indiquant que les soldats de la paix ne peuvent réussir que s’il y a une paix à préserver, et que, sans un processus de paix suffisamment appuyé, c’est la vie des Casques bleus qui est en danger. 


M. GIORGI TEVZADZE (Géorgie) s’est félicité des exposés de M. Le Roy et de Mme Malcorra, avant d’évoquer précisément le cas de l’opération de maintien de la paix ayant eu pour cadre l’Abkhazie, en Géorgie.  Il a rappelé que deux éventualités avaient été envisagées au départ par le Conseil de sécurité, au tout début des discussions relatives à cette région, en 1994.  La première prévoyait le déploiement d’un contingent onusien, ce qui impliquait qu’aucun pays contributeur ne fournissait plus du tiers du contingent; la seconde consistait en une force militaire multinationale, non dirigée par l’ONU et consistant en des unités fournies par les États Membres intéressés dont la Fédération de Russie.  « Malheureusement, c’est la deuxième option qui a été retenue, ce que l’on doit certainement considérer comme une erreur historique », a-t-il observé.  Car cette opération, officiellement menée par la Communauté des États indépendants pendant une quinzaine d’années, était en fait l’œuvre d’un seul pays voisin de la Géorgie.  Cela était dès le départ en contradiction avec l’esprit d’impartialité des opérations de maintien de la paix, selon la délégation géorgienne.


L’une des tâches principales des forces de maintien de la paix était de créer les conditions permettant le retour des personnes déplacées, parties à la suite du nettoyage ethnique dont l’Abkhazie avait été le théâtre.  Malheureusement, aucune d’entre elles n’a pu rentrer en l’absence de garanties en matière de sécurité et de protection.  « Il a été largement reconnu que le format de l’opération de maintien de la paix n’était tout simplement pas adéquat pour faciliter un véritable processus de réconciliation », a ajouté l’orateur.  Il suffit pour cela de constater que la majorité de la population abkhaze s’est vue accorder la citoyenneté du seul pays contributeur de troupes.  Cela démontre clairement que la force de maintien de la paix n’était pas une formation impartiale accomplissant les responsabilités prévues dans son mandat, mais plutôt une force œuvrant à détacher une partie du pays.  En outre, en août 2008, l’opération de maintien de la paix a servi l’objectif d’annexion, les agents de la paix devenant alors partie intégrante des forces étrangères ayant envahi la Géorgie, a expliqué le représentant géorgien.


M. Tevzadze a conclu que cette expérience douloureuse pouvait constituer un enseignement utile alors qu’une réflexion de fond est entamée sur l’avenir des opérations de maintien de la paix.  Il s’agit là « malheureusement du seul élément positif d’une mission mal conçue menée pendant 15 ans en Géorgie ».


S’exprimant au sujet du « Nouvel Horizon », M. GHAZI JOMAA (Tunisie) a indiqué qu’il était important que tous les États Membres participent aux débats.  C’est le bon fonctionnement et l’efficacité des missions qui demeurent la priorité, a-t-il rappelé.  À cet égard, l’Assemblée générale est le cadre propice pour discuter des questions relatives au maintien de la paix, a-t-il poursuivi et insisté: « il faut promouvoir le partenariat entre les États Membres, le Conseil de sécurité et le Comité des 34 ». 


La Tunisie, en tant que fournisseur de contingents, appuie les opérations de maintien de la paix, a indiqué le représentant.  À cet égard, a-t-il poursuivi, de nombreuses questions doivent être débattues et notamment la question du cadre structurel général qui régit l’organisation des missions.  Il faut, par ailleurs, garantir la transparence des opérations et modifier les mandats en fonction des circonstances, a souhaité le représentant.  Nous devons conjuguer nos efforts et harmoniser le contenu des opérations, a-t-il indiqué.  À cet effet, le représentant a rappelé que l’approbation des parties concernées lors d’une opération de maintien de la paix, le non-recours à la force et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États sont des principes de base. 


M. NITIKA ZHUKOV (Fédération de Russie) a estimé que le document de travail constituait « une bonne base » de réflexion.  Il s’agit pour le Conseil de sécurité d’élaborer des mandats clairs, a-t-il souligné, afin de maintenir non seulement la paix, mais aussi d’entreprendre la stabilisation et la réforme des sociétés concernées.  Ces opérations de maintien de la paix doivent se faire en accord avec les États concernés, en impliquant les organisations régionales, a estimé le représentant.  Il convient de se pencher sur le concept de maintien de la paix robuste, en gardant à l’esprit que l’élargissement des mandats n’est pas toujours justifié, a-t-il ajouté.  Il convient d’améliorer la concertation entre pays contributeurs, Conseil de sécurité et Secrétariat, a-t-il dit, à son tour.


S’agissant de l’interaction avec les pays contributeurs, il a espéré leur plus grande participation dans la prise de décisions, notamment sur les aspects militaires des missions.  Le plein respect du Conseil de sécurité en tant que premier responsable du maintien de la paix et de la sécurité doit être garanti, a estimé le représentant.  Une attention particulière doit être accordée à l’expertise militaire, a-t-il ajouté, rappelant que son pays était favorable à la revitalisation du Comité d’état-major des Nations Unies.  Dans le contexte de la restructuration du DOMP et du DAM, le Secrétariat dispose de toutes les capacités pour s’acquitter de toutes ces tâches. 


M. Zhukov a évoqué par ailleurs la participation russe aux opérations de maintien de la paix, soulignant en particulier l’apport des unités d’hélicoptères.  Répondant à la délégation géorgienne, il a estimé que le fait d’affirmer que l’on avait commis une « erreur historique », et que l’opération de maintien de la paix en Abkhazie était d’emblée vouée à l’échec, constituait une affirmation étrange, alors que la paix a pu être maintenue dans cette région pendant une quinzaine d’années.  Nous connaissons tous les raisons des événements survenus l’an dernier, lesquels ont été provoqués par une action militaire unilatérale qui a entraîné la mort de soldats de la paix, a-t-il conclu.


M. MARTÍN VIDAL (Uruguay) a indiqué que la complexité des missions a mis à l’épreuve l’efficacité du maintien de la paix, mais également le rôle joué par les pays fournisseurs de contingents.  Il a salué, à cet égard, la volonté du Conseil de sécurité de discuter avec les pays fournisseurs de contingents, « car il faut les associer à tout processus de prise de décisions ».  Concernant « Nouvel Horizon », le représentant a demandé qu’un débat ait lieu entre les États Membres, le Conseil de sécurité et le Comité des 34 sur ce document.  « Nouvel Horizon » ne propose pas de solutions définitives mais encourage les discussions, a-t-il noté.  Le document nous est d’ailleurs soumis avec un délai suffisamment long pour que l’on entame des discussions et que l’on parvienne à un consensus avant son examen par le Comité des 34.  « Nouveau Horizon » est, selon lui, une réalité qui va s’intensifier dans un avenir proche.  Nous devons renforcer le Comité des 34 et revitaliser la question du maintien et de la consolidation de la paix, en prenant en compte l’importante question de la protection des civils, a souhaité le représentant.


M. ZACHARY D. MUBURI MUITA (Kenya) a rappelé que son pays avait fourni des hommes et des femmes à de nombreuses missions de par le monde dont cinq actuellement en Afrique.  La relation entre pays contributeurs, Conseil de sécurité et Secrétariat est vitale pour le succès des opérations de maintien de la paix, a-t-il estimé.  Afin d’assurer la réussite des missions, il est essentiel de « renforcer la coopération triangulaire entre les preneurs de décisions, ceux qui les planifient et les gèrent et ceux qui les mettent en œuvre », a-t-il insisté.


Il s’est dit préoccupé par les questions de sécurité qui se posent aux missions.  Même si, de par sa nature, ce type d’exercice comporte des risques, « il est essentiel que tous les efforts soient faits pour assurer le bien-être du personnel ».  « La meilleure assurance contre ces risques est de faire en sorte que les missions de maintien de la paix soient déployées sur la base d’une évaluation réaliste de la situation.  Les mandats doivent être définis de manière claire et recevoir les ressources adéquates », a insisté le représentant.  Il a par ailleurs appelé à ce que le problème posé par le non-versement des indemnités aux proches de Casques bleus morts dans l’exercice de leurs fonctions soit réglé rapidement.


M. AMJAD HUSSAIN B. SIAL (Pakistan) a rappelé qu’au cours des quatre dernières décennies, la participation de son pays aux opérations de maintien de la paix avait été la plus cohérente.  Aujourd’hui, avec 11 000 soldats de la paix, il est le plus gros contributeur de troupes, les Pakistanais représentant jusqu’à 10% de tous les Casques bleus dans le monde.  « Le maintien de la paix étant considéré comme l’activité phare des Nations Unies, les succès des Casques bleus ces dernières années ont galvanisé la confiance dans l’ONU », a-t-il affirmé.  Mais cela constitue en même temps un défi multiple en matière de planification, de déploiement et de gestion des opérations de maintien de la paix.


Depuis la présentation du rapport Brahimi en 2001, jusqu’aux propositions de réforme présentées par le Secrétaire général en 2007, les États Membres ont consacré du temps, de l’énergie et des ressources à cet objectif prioritaire, a—t-il rappelé, le document officieux « Nouvel Horizon » étant la dernière initiative de réforme en date.  Le Pakistan est d’avis qu’il est nécessaire d’accroître la synergie et d’identifier les complémentarités entre toutes les initiatives passées dans le but « d’assurer la continuité du processus de réforme ».


La délégation du Pakistan a rappelé que les missions de maintien de la paix devaient être basées sur des mandats clairs, réalistes et atteignables.  Cela suppose un haut degré de cohérence entre les preneurs de décisions au sein du Conseil de sécurité qui rédigent les mandats, et les pays contributeurs de troupes qui doivent les mettre en œuvre sur le terrain.  Cela suppose aussi naturellement que les ressources adéquates soient fournies, a-t-il rappelé.  Enfin, toute mission de maintien de la paix serait vaine en l’absence d’efforts pour résoudre les conflits et pour consolider la paix par la suite.  Le représentant du Pakistan a conclu son intervention en rappelant la priorité à accorder aux questions de sécurité, soulignant que 15 Casques bleus pakistanais avaient été tués depuis janvier 2008.


Droits de réponse


Le représentant de la Géorgie a répondu à la délégation russe en rappelant que la Commission d’établissement des faits avait démontré que l’on avait assisté à une concentration de troupes russes autour de l’Abkhazie.  Les forces russes sont entrées de manière illégale sur le territoire géorgien, a-t-il ajouté, alors que la Fédération de Russie fournissait une assistance militaire à l’Ossétie du Sud dès avant le 7 août.  Le rapport de la Commission d’établissement des faits fait également état de toutes sortes de provocations avant cette date, a insisté le représentant.


Le représentant de la Fédération de Russie a souligné que le représentant de la Géorgie avait évoqué la question de manière « très sélective ».  La Commission d’établissement des faits de l’Union européenne a montré de manière non équivoque qui était le responsable de la tragédie.  Ses conclusions montrent que le début des événements dans le Caucase était attribuable aux initiatives militaires géorgiennes qui ont fait des victimes parmi les agents de la paix russe, ainsi que dans la population ossète.  Par ailleurs, a poursuivi le représentant, l’action de la Fédération de Russie peut être justifiée par l’Article 51 de la Charte des Nations Unies relatif à la légitime défense individuelle et collective.  La Commission a en revanche souligné le caractère totalement illégitime des actions de la Géorgie, a-t-il souligné.


Le représentant de la Géorgie a rétorqué qu’il était d’accord avec son collègue sur le fait qu’il suffisait de relire ce fameux rapport pour comprendre ce qui s’était passé et comment.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.