CONFÉRENCE DE PRESSE À L’OCCASION DU LANCEMENT DE L’OPÉRATION V-DAY « TURNING PAIN TO POWER » CONTRE LE VIOL EN RDC
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CONFÉRENCE DE PRESSE À L’OCCASION DU LANCEMENT DE L’OPÉRATION V-DAY « TURNING PAIN TO POWER » CONTRE LE VIOL EN RDC
Les violences sexuelles envers les femmes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) sont sans doute les pires au monde, en raison de leur utilisation comme armes de guerre et de l’impunité totale dont jouissent leurs auteurs, a estimé aujourd’hui le docteur Denis Mukwege, Fondateur et Directeur de l’hôpital de Panzi à Bukavu, dans le Sud-Kivu.
Lauréat 2008 du Prix des Nations Unies pour la cause des droits l’homme, le docteur Mukwege participait au Siège de l’ONU, à New York, à une conférence de presse à l’occasion du lancement de la tournée d’information « De la douleur au pouvoir » organisée par V-Day.
La fondatrice de V-Day, la scénariste et actrice, Eve Ensler, qui est l’auteur des « Monologues du vagin », participait également à la conférence de presse aux côtés de la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Ann Veneman.
Mme Veneman participera aux étapes de New York et de San Francisco de la partie américaine de la tournée, qui se rendra aussi à Los Angeles, à Atlanta et à Washington. La tournée vient soutenir une campagne conjointe de V-Day et de l’UNICEF contre les violences sexuelles faites aux femmes et intitulée « Cessons de violer notre plus grande ressource: le pouvoir aux femmes et fillettes de la RDC ».
L’UNICEF, qui mène des projets spécifiques avec V-Day en RDC, appuie aussi depuis sa création, voici 10 ans, l’hôpital de Panzi où le docteur Mukwege soigne les femmes victimes des pires violences sexuelles. L’hôpital et V-Day préparent l’ouverture de la « Cité de la Joie », un centre où les survivantes pourront bénéficier de traitements, mais aussi d’une formation qui leur permettra de gagner leur vie.
La Directrice exécutive de l’UNICEF a rappelé que parmi les victimes, dont le nombre est estimé entre 400 000 et 500 000, figurent de très nombreuses fillettes, âgées parfois de 10 ou 12 ans, qui ont subi les pires violences, rendant particulièrement compliquée leur réinsertion sociale.
Le docteur Mukwege a déclaré que 90 à 95% des femmes parvenues à l’hôpital étaient soignées avec succès, mais a rappelé que, derrière ces « très bons » chiffres, se cache une vraie personne. Il s’est félicité de voir que les femmes viennent de plus en plus vite à l’hôpital après les viols ou autres violences sexuelles.
Autrefois, a-t-il expliqué, même si elles savaient qu’elles devaient venir à l’hôpital dans les 72 heures après l’agression, elles ne le faisaient pas et n’apparaissaient qu’avec des complications comme la grossesse ou le sida, c’est-à-dire trop tard.
La Fondatrice de V-Day a précisé que si cette campagne est destinée à dénoncer l’impact dévastateur du viol sur les femmes congolaises, l’action de V-Day est mondiale, tout comme le sont les violences sexuelles envers les femmes.
Eve Ensler a déclaré s’être rendue elle-même dans une soixantaine de pays en 10 ans, et trois fois en RDC ces deux dernières années. « Je n’aurais jamais pensé entendre des histoires aussi atroces », a-t-elle affirmé. En même temps, elle a affirmé avoir assisté depuis 10 ans à de très grands changements dans le comportement face aux violences sexuelles. Les femmes congolaises sont mieux informées, en particulier sur leurs corps.
Le docteur Mukwege a rappelé que cette situation dure depuis 10 ans. « On ne peut pas dire que nous n’avons pas le temps de réagir », a-t-il dit. Soulignant toutes les tentatives pour attirer l’attention des décideurs sur cette situation tragique, il s’est demandé s’il fallait attribuer la faiblesse des réactions au fait que les victimes sont des femmes ou que les choses se passent dans une région du monde oubliée. À moins que l’on ne croie qu’il ne s’agit que d’une histoire.
Il a dénoncé l’impunité totale dont jouissent les auteurs des exactions, en expliquant qu’en 10 ans, personne n’a comparu devant un tribunal international pour de tels faits et, dans les très rares cas de jugements au niveau national, « on retrouve très vite les gens dans la rue ».
Le Fondateur de l’hôpital de Panzi a rappelé que les exactions sont aussi dues aux richesses non contrôlées de cette région, où chaque groupe armé tente de se créer un espace économique, et utilise le viol comme une arme pour disperser la population et agir en toute tranquillité.
Il a dénoncé une « absence totale de volonté politique », estimant que les gouvernements des pays de la région ont intérêt à entretenir une crise permanente, alors même qu’ils sont les seuls à avoir les moyens d’agir. Les Casques bleus de l’ONU « ne peuvent pas tout faire », et « on ne peut pas compter sur eux pendant 20 ou 30 ans », a-t-il ajouté.
Il faut, a-t-il préconisé, faire davantage pression sur le Gouvernement de Kinshasa pour qu’il se dote d’une armée capable de protéger sa population. « Aujourd’hui, ce qu’on observe c’est qu’on prend des gens qui ont violé, qui ont tué, qui ont pillé, on les brasse, on les met ensemble et on appelle cela une armée ». « Or, ils ne vont rien changer, ils vont continuer la même chose », a-t-il accusé.
Le docteur Mukwege a enfin estimé que le Prix des droits de l’homme qu’il a reçu en 2008 a permis d’attirer l’attention sur la situation en RDC. Les femmes soignées à l’hôpital de Panzi se sont appropriées un Prix qui les a aidées à comprendre la justesse de leur combat, a-t-il affirmé.
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