Assemblée générale: la Cour pénale internationale réaffirme sa nature apolitique et complémentaire aux juridictions nationales
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Assemblée générale
Soixante-quatrième session
29e et 30e séances plénières – matin et après-midi
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE RÉAFFIRME SA NATURE APOLITIQUE ET COMPLÉMENTAIRE AUX JURIDICTIONS NATIONALES
Si une demande de la Cour pénale internationale pose des difficultés à un État, il ne doit pas moins respecter la décision en cause et consulter la Cour, a rappelé aujourd’hui son Président, M. Sang-Hyun Song, assurant une nouvelle fois l’Assemblée générale de l’indépendance judiciaire de la Cour et appelant à une coopération plus grande des États avec elle. M. Song présentait son rapport annuel qui précédait celui de son homologue de la Cour internationale de Justice (CIJ), M. Hisashi Owada, dans un débat où sont intervenus une quarantaine d’orateurs.
Alors que le Chili et la République tchèque ont ratifié le Statut de Rome cette année, portant à 110 le nombre d’États parties moins de cinq ans après son entrée en fonctions, la voie vers l’universalité de la Cour est balisée, a estimé le représentant de la République démocratique du Congo. La forte campagne d’hostilité à la Cour est la preuve que la CPI est effectivement à pied d’œuvre, a-t-il dit.
Ne nous retranchons pas derrière de belles paroles diplomatiques, comme c’est souvent le cas aux Nations Unies a au contraire déclaré le représentant du Soudan, estimant qu’il existait aujourd’hui « une grande préoccupation, largement répandue dans la communauté internationale, face à cet instrument de règlement de compte politique au nom de la justice, plus particulièrement en Afrique ».
Mauvaise foi déguisée, a répliqué le représentant du Costa Rica, rappelant que les situations dans trois pays, sur les quatre actuellement ayant abouti à des mandats d’arrêt, avaient été soumises à la CPI par les gouvernements africains eux-mêmes. Le rapport annuel de la Cour souligne d’ailleurs que le Bureau du Procureur a procédé à l’examen préliminaire des situations en Côte d’Ivoire et au Kenya, mais aussi sur d’autres continents, en Afghanistan, en Colombie, en Géorgie et en Palestine.
À l’instar du représentant du Liechtenstein, plusieurs délégations ont insisté sur le principe de complémentarité consacré par le Statut de Rome, qui veut que la CPI ne soit saisie des cas que lorsque les pays ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas, les juger eux-mêmes. À cet égard, les missions et les programmes de l’ONU ont été encouragés à contribuer au renforcement des capacités des systèmes judiciaires nationaux.
Lorsque d’éventuelles idées fausses continuent de circuler, les États, les organisations internationales et la société civile devraient poursuivre leurs efforts pour mieux faire connaître et comprendre la nature purement judiciaire de la Cour, a aussi déclaré le Président de la CPI. Dans cette optique, le représentant du Kenya, au nom des pays africains, a proposé la création d’un Bureau de liaison de la CPI à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine.
M. Song a souligné que le manque de coopération de certains États restait le principal obstacle au travail de la Cour. Huit mandats d’arrêt n’ont toujours pas été exécutés pour des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité commis en Ouganda, en RDC et dans le cadre de la situation au Darfour, dont un à l’encontre du Président du Soudan Omar Al Bashir. Il incombe aux États d’appréhender ces personnes et de les remettre à la Cour conformément à leurs obligations légales, a-t-il rappelé.
Le représentant de la RDC a indiqué que son pays avait choisi de parachever d’abord le processus de paix en cours et d’en finir avec le processus d’intégration des ex-mouvements armés au sein de l’armée nationale, avant de prendre une décision concernant le mandat d’arrêt de la CPI contre l’un de ses ressortissants, Bosco Ntanganda. De son côté, le Soudan a dénoncé une violation des normes relatives à l’immunité des chefs d’État et de gouvernement, et rappelé que les dispositions du Statut de Rome « ne concernaient que les États qui y étaient parties ».
L’Ouganda, où se déroulera la première Conférence de révision de la CPI du 31 mai au 11 juin 2010, à Kampala, est un État qui peut servir de modèle en matière de coopération avec la CPI, a estimé de son côté le représentant de la Suède, au nom de l’Union européenne. De nombreuses délégations, à l’instar du Pérou, ont appelé cette Conférence à se consacrer pleinement à la question du crime d’agression et des compétences de la Cour en la matière, et à ne pas se disperser.
La question de l’immunité des chefs d’État dans le cadre de la justice internationale a également été évoquée après la présentation du rapport annuel de la Cour internationale de Justice (CIJ), unique instance internationale à caractère universel avec une compétence générale, lorsque la représentante de l’Égypte a appelé la CIJ à se pencher sur les « abus » relatifs au principe de compétence universelle évoqué par certains pays pour lancer des procédures contre des chefs d’État, particulièrement africains. Ce principe est un « acte de piraterie », a tranché le représentant du Soudan, et la CIJ doit résister aux États qui souhaitent imposer des règles aux autres.
La plupart des délégations ont par ailleurs salué l’amélioration de l’efficacité de cet organe dans le règlement pacifique des différends entre États, ainsi que dans ses avis consultatifs. Sans le droit, nous ne pouvons rien construire de façon pérenne dans le cadre de la communauté internationale, a dit son Président, M. Hisashi Owada, assurant que la Cour allait continuer à travailler avec intégrité et impartialité. Plus tôt, le Président de l’Assemblée générale, Ali Abdussalam Treki, avait appelé à ne pas sous-estimer le rôle de la CIJ dans la promotion de l’état de droit.
À l’instar du représentant du Pakistan, plusieurs délégations ont néanmoins rappelé que sur les 192 États parties à la CIJ, seuls 66 en avaient imprimé un caractère contraignant à ses avis, lui donnant ainsi une compétence obligatoire. La Cour est sous-utilisée, a-t-il déploré, rappelant que le règlement pacifique des conflits, pour lequel la contribution de la CIJ a été saluée unanimement aujourd’hui, était l’un des objectifs premiers de la Charte des Nations Unies.
L’Assemblée générale poursuivra ses travaux demain, vendredi 30 octobre, à 10 heures, avec l’examen du rapport du Conseil des droits de l’homme.
RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Présentant le rapport paru sous la cote (A/64/356) M. SANG-HYUN SONG, Président de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé que le 26 janvier dernier, s’était ouvert le premier procès, celui de Thomas Lubanga Dyilo, accusé d’enrôlement d’enfants âgés de moins de 15 ans en République démocratique du Congo (RDC). Le procès de Mathieu Ngudjolo Chui et Germain Katanga devrait s’ouvrir le mois prochain pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le même pays, a-t-il précisé. Il a également souligné que pour ce qui concerne la République centrafricaine, les chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité contre Jean-Pierre Bemba ont été confirmés et que la Chambre de première instance III de la CPI se préparait à l’ouverture du procès. L’audience de confirmation des charges portées contre Abu Garda s’est également ouverte dans le cadre d’une attaque visant le personnel d’une mission de maintien de la paix de l’Union africaine au Darfour, a ajouté le Président.
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur les procédures judiciaires en cours, a souligné M. Song. Toutefois, il a insisté sur l’effort sans doute sans précédent, dans toute cour ou tribunal, accordé à la protection des témoins. Sur les 30 témoins cités dans l’affaire Lubanga, 22 ont bénéficié de mesures de protection lors de leur déposition à la Cour, a-t-il dit, indiquant que bien d’autres mesures sont déployées en coulisses pour veiller à ce que les victimes et les témoins ne courent aucun risque.
M. Song a également noté que la jurisprudence sur laquelle peut s’appuyer la Cour est pratiquement inexistante. Les chambres préliminaires et les chambres de première instance se trouvent régulièrement face à des questions fondamentales d’interprétation du Statut de Rome, dont certaines portent sur de véritables innovations en droit international, a-t-il expliqué.
Il a également assuré que la Cour avait réglé avec diligence la question difficile de la participation des victimes au procès, précisant que 102 victimes avaient participé au procès de Thomas Lubanga, et que 345 participeront à celui de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, par l’intermédiaire de deux représentants légaux.
Le plus grand obstacle à la conduite des procès reste l’absence d’arrestation et de remise des suspects, a souligné M. Song, rappelant que les mandats d’arrêt délivrés en 2005 à l’encontre de Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo et Dominic Ongwen, pour des crimes contre l’humanité commis en Ouganda, n’ont toujours pas été exécutés à ce jour.
En outre, Bosco Ntaganda, mis en cause dans des crimes de guerre commis en RDC, est recherché depuis 2006; tandis qu’Ahmad Harun et Ali Kushayb, visés par un mandat d’arrêt délivré en 2007 pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis dans le cadre de la situation au Darfour, sont toujours en liberté. De même, le Président du Soudan Omar Al Bashir est sous le coup d’une demande d’arrestation. Il incombe aux États d’appréhender ces personnes et de les remettre à la Cour conformément à leurs obligations légales, a souligné le Président de la CPI.
Outre ces procédures judiciaires, a-t-il poursuivi, le Procureur poursuit ses enquêtes dans le cadre d’autres situations. Il a publiquement déclaré, a rappelé le Président, qu’il s’intéressait à des situations concernant la Colombie, la Géorgie, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, le Kenya, la Palestine et la Guinée.
M. Song a ensuite évoqué les priorités de son mandat, à savoir veiller au respect de l’indépendance judiciaire de la Cour; renforcer l’efficacité du système établi par le Statut de Rome; et poursuivre les efforts pour faire de la Cour un modèle d’administration publique. Détaillant la première priorité, il a souligné que la Cour se distingue certes par son indépendance judiciaire mais elle opère dans un monde politique. Elle dépend des États et d’autres instances non seulement en matière de coopération mais aussi pour faire respecter, préserver et renforcer son indépendance judiciaire.
Toute décision de la Cour doit être mise en œuvre par les États conformément à leurs obligations légales. Si une demande de la Cour pose des difficultés à un État, il ne doit pas moins en respecter la décision en cause et consulter la Cour comme le prévoit le Statut de Rome; et lorsque d’éventuelles idées fausses continuent de circuler, les États, les organisations internationales et la société civile devraient poursuivre leurs efforts pour mieux faire connaître et comprendre la nature purement judiciaire de la Cour, a souligné le Président.
Venant à la deuxième priorité, le Président a estimé que le système de justice pénale international peut encore être amélioré et devrait l’être, et ce, en trois manières. Le Président a cité la ratification globale du Statut de Rome; le renforcement des capacités et la volonté des juridictions nationales d’enquêter sur les crimes relevant de la compétence de la Cour; et l’amélioration de la coopération des États pour mettre en œuvre des décisions et des ordonnances de la Cour. La coopération est une question d’obligations légales dont il faut s’acquitter, a insisté le Président.
L’ONU joue également un rôle essentiel dans le renforcement du système de justice pénale international, a enfin déclaré le Président, estimant qu’il était dans l’intérêt commun de consolider ce système et de continuer à favoriser son intégration dans le système des Nations Unies. La Conférence de révision convoquée par le Secrétaire général l’an prochain à Kampala sera l’occasion de faire le point, non seulement pour évaluer le système actuel mais aussi pour dresser une feuille de route pour l’avenir, s’est-il félicité.
En 15 ans, la CPI est devenue une institution judiciaire solide dont les activités influent sur l’ensemble du système des Nations Unies, a-t-il dit, et leur avenir est désormais inextricablement lié.
Rapport du Secrétaire général sur les dépenses engagées et remboursements reçus par l’Organisation des Nations Unies pour l’assistance fournie à la Cour pénale internationale (A-64-363)
Le rapport indique qu’entre le 1er septembre 2008 et le 31 juillet 2009, l’ONU a fourni des services et des moyens à la Cour pénale internationale (CPI) pour un montant de 424 174,94 dollars. Sur la même période, la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (MONUC) a fourni à la Cour des services de transport et d’autres services, pour un montant de 77 634,60 dollars.
En outre, des dépenses d’un montant de 178 448,73 dollars ont été engagées par la Base de soutien logistique des Nations Unies, l’Office des Nations Unies à Genève, l’Office des Nations Unies à Vienne, l’Office des Nations Unies à Nairobi et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, au titre de services fournis entre le 1er janvier 2003 et le 31 juillet 2009. La Cour a régulièrement remboursé à l’Organisation, dès réception des factures.
Déclarations
M. CARL HENDRIK EHRENKRONA (Suède), qui intervenait au nom de l’Union européenne (UE), s’est félicité des progrès accomplis par la CPI en relativement peu de temps. Il a cependant estimé qu’il fallait œuvrer davantage pour assurer l’acception universelle du Statut de Rome et de la CPI. Tant que nous n’aurons pas atteint ce but, la justice risque de paraître inégale, voire injuste mais notre réponse à ce défi ne peut pas être « moins de justice », a-t-il insisté. La même réponse doit être apportée à un autre défi de taille à savoir: la manière de concilier la paix et la justice.
La paix et la justice se renforcent mutuellement, a-t-il estimé, en ajoutant que la reddition des comptes est la pierre angulaire du rétablissement de l’état de droit dans les situations postconflit. En outre, a-t-il aussi estimé, les victimes de conflit armé ne devraient jamais avoir à choisir entre la paix et la justice. C’est notre responsabilité de leur offrir les deux, a rappelé le représentant.
M. Ehrenkrona a reconnu que la Cour ne peut toutefois travailler sans la coopération des États. Il s’est donc dit préoccupé face au nombre de mandats d’arrêt qui n’ont pas encore été exécutés. Ce manque de coopération est « inacceptable », a-t-il averti. Il a également qualifié « d’essentielle » l’indépendance de la CPI. S’agissant de la coopération avec les organisations régionales, le représentant a encouragé des organisations comme l’Union africaine (UA) à suivre l’exemple de l’Union européenne et à institutionnaliser sa coopération avec la CPI.
M. Ehrenkrona a par ailleurs salué l’Ouganda qui accueillera, l’année prochaine, la Conférence de révision du Statut de Rome. Selon lui, ce pays illustre comment un État peut coopérer effectivement avec la CPI.
M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande), s’exprimant également au nom du Canada et de l’Australie (CANZ), a commencé par saluer le travail de la CPI, affirmant qu’elle avait franchi des étapes importantes de son développement. La Cour est maintenant pleinement opérationnelle, a-t-il lancé, notant que 2009 avait vu le commencement de son premier procès et sa première comparution volontaire. L’année prochaine verra une autre « première », s’est réjoui le représentant, en parlant de la Conférence de révision à Kampala « qui reflète l’engagement positif de l’Afrique en faveur de la Cour ». Alors que la date de cette Conférence se rapproche, nous encourageons les États Membres et les parties à continuer de travailler ensemble pour garantir son succès, a poursuivi le représentant, relevant les progrès tangibles sur les travaux liés à la définition du crime d’agression. Il a aussi encouragé les États à ne pas surcharger la Conférence d’examen avec trop de propositions d’amendement au Statut de Rome. Ces amendements, a-t-il précisé, ne doivent être présentés que s’ils bénéficient d’une large adhésion, visent à promouvoir l’universalité du Statut de Rome et répondent aux besoins les plus pressants de la Cour.
La Cour, a poursuivi M. McLay, continue à rencontrer des défis; à savoir la nécessité pour le Statut de Rome d’atteindre l’universalité et celle pour les États de coopérer avec la Cour. Le représentant a, en particulier, lancé un appel à l’Ouganda et au Soudan pour qu’ils exécutent les mandats d’arrêt lancés par la CPI et jouent leur rôle en permettant à la Cour de rendre justice.
Mme MARINA ANNETTE VALÈRE (Trinité-et-Tobago), qui intervenait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a estimé que la ratification récente du Statut de Rome par le Chili et la République tchèque illustrait l’acceptation croissante de la CPI au sein de la communauté internationale. Elle s’est donc dite préoccupée par le fait que certains États n’honoraient pas leurs obligations de coopérer avec la Cour. Mme Valère s’est tout de même félicitée des progrès enregistrés dans l’affaire Thomas Lubanga Dyilo et Germain Katanga. Elle a également noté les mérites du Programme de protection des témoins.
Passant ensuite à la nomination des juges, la représentante a rappelé la candidature du juge Duke Pollard de Guyana à un des deux sièges vacants de la CPI. La représentante a noté les progrès sur la définition du crime d’agression, mais elle a souhaité que la recherche du consensus ne conduise pas les États à compromettre l’indépendance et à la placer sous l’autorité d’une autre institution. Elle a soumis aux États parties la proposition d’inclure le trafic de drogues dans les compétences de la Cour. Ces activités criminelles transfrontalières ont un tel impact que les systèmes judiciaires ne peuvent pas toujours y faire face, a-t-elle expliqué. Avant de conclure, Mme Valère a encouragé tous les États ne l’ayant pas encore fait à adhérer au Statut de Rome.
M. ZACHARY D. MUBURI-MUITA (Kenya) a, au nom du Groupe des États africains parties au Statut de Rome, rappelé que la CPI a été précédé sur le continent africain par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Il a rappelé que ce sont les gouvernements africains qui ont « volontairement » saisi la Cour de trois situations sur les quatre dont la CPI traite actuellement. Cette quatrième situation, le Darfour, a été confiée par le Conseil de sécurité et avec l’appui des États africains qui siégeaient à ce moment-là, a tenu à souligner le représentant. Le représentant a ensuite plaidé pour la création d’un bureau de liaison de la Cour au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba et a dit attendre avec impatience l’institutionnalisation de la coopération de l’Union avec la Cour. Il a enfin promis la participation active du Groupe des États africains à la Conférence de Kampala, en particulier sur les questions en suspens comme la définition du crime d’agression.
M. PAUL BADJI (Sénégal) a estimé que maintenant que la Cour est devenue pleinement opérationnelle et qu’elle amorce un tournant décisif de son existence, en s’acheminant vers sa première Conférence de révision, il n’est pas vain de revisiter les objectifs qui ont présidé à sa création et dont l’atteinte déterminera, dans une large part, l’efficacité du système mis en place. Il a jugé ce rappel d’autant plus utile qu’il permet de prendre la pleine mesure de la complexité et de l’ampleur des énormes défis à relever. Pour ce faire, il a appelé à ne jamais perdre de vue les principaux objectifs qui ont guidé la rédaction du Statut de Rome, à savoir le besoin d’une cour internationale indépendante, apolitique et représentative, qui puisse fonctionner efficacement et effectivement pour traduire devant la justice les personnes responsables des crimes les plus graves. Le représentant a cité comme autres objectifs le droit des États d’endosser la responsabilité de juger de tels crimes, s’ils sont désireux de le faire et s’ils le peuvent; et le besoin d’assurer aux victimes une réparation et une compensation adéquates.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a souligné, à son tour, que pour mener à bien son mandat, la CPI dépendait de la coopération des États, des organisations internationales et de la société civile. Dans le cadre du Conseil de sécurité, la coopération est conceptuellement équivalente à celle qu’il accorde aux deux Tribunaux pénaux internationaux, à la différence près que contrairement à ces Tribunaux, la CPI est une juridiction complémentaire. La saisine des juridictions nationales est donc toujours l’option préférée du Statut de Rome, a souligné le représentant, en insistant sur la responsabilité première des États et le rôle de leurs juridictions dans la lutte contre l’impunité. Mais, a-t-il précisé, par son effet catalytique sur les juridictions nationales et son effet de prévention et dissuasion, la Cour est au cœur de la lutte contre l’impunité. Il serait profitable de mieux étudier comment la justice internationale pourrait interagir au mieux et avec plus d’efficacité avec les systèmes judiciaires nationaux, a estimé le représentant.
Il faudrait, a-t-il poursuivi, accorder plus d’importance aux implications pratiques du principe de complémentarité et au rôle des Nations Unies en la matière. Il a suggéré que les acteurs pertinents comme l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et le Programme de l’ONU pour le développement (PNUD) se concentrent davantage sur le renforcement des capacités et l’assistance technique dans les pays qui en font la demande. Commentant également la tenue prochaine de la Conférence de révision, le représentant a estimé que la question de la fermeture des Tribunaux spéciaux et des autres mécanismes hybrides devrait ajouter une autre dimension aux discussions.
M. MORTEN WETLAND (Norvège) s’est également attardé sur la question de la coopération des États « sans laquelle la Cour ne peut fonctionner ». Il a appelé tous les États concernés à démontrer leur engagement en faveur de la justice et à exécuter les mandats d’arrêt en suspens. Se félicitant de l’arrivée de deux nouveaux États parties que sont le Chili et la République tchèque, le représentant a appelé tous les États à suivre leur exemple. Concluant sur la prochaine Conférence de révision, il a exprimé l’engagement de son pays à consolider davantage la position de la Cour comme « instrument essentiel » de lutte contre l’impunité. Il a aussi réitéré l’engagement norvégien en faveur de l’intégrité du Statut de Rome et d’une CPI efficace et crédible.
M. BASO SANGQU (Afrique du Sud) a confié que l’affaire Jean-Pierre Bemba est une affaire que son pays suit attentivement, en particulier parce qu’elle est liée à l’obligation des États de coopérer avec la Cour. Le représentant a dit avoir pris note de la décision de la Chambre de première instance relative à la liberté provisoire de Jean-Pierre Bemba et de son possible impact sur certains pays identifiés par l’accusé lui-même. Dans le contexte de cette décision et du respect qu’a l’Afrique du Sud pour l’indépendance de la Cour, le représentant a tenu à souligner que pour son pays, la coopération avec la Cour doit se faire conformément à un cadre juridique prévisible et à toute la loi nationale de mise en application du Statut de Rome. L’Afrique du Sud compte bien poursuivre ses discussions avec la Cour, à cet égard.
M. Sangqu a également évoqué le cas d’Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, en appelant une nouvelle fois le Conseil de sécurité à envisager un report, conformément aux dispositions du Statut de Rome. S’agissant des autres situations qui intéressent le Procureur, le représentant a, tout en reconnaissant la pertinence des arguments techniques sur l’existence ou non d’un État palestinien, estimé qu’une interprétation plus tournée vers les objectifs, conforme à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, pourrait influencer la décision du Procureur.
Le représentant a poursuivi en félicitant la Cour de ses efforts visant à conclure avec les États des accords bilatéraux de coopération, compte tenu de la nécessité pour les États de disposer d’un cadre de coopération solide, clair et sans ambigüité. Il a, à son tour, réclamé l’ouverture d’un bureau de liaison de la CPI à Addis-Abeba. Le représentant a souhaité le succès de la Conférence de révision, concernant notamment la définition du crime d’agression, la disposition provisoire contenue dans l’article 124 et les questions liées au principe de complémentarité.
M. MANUEL JESUS PIREZ PEREZ (Cuba) a déploré le manque d’indépendance de la CPI, compte tenu de la manière dont sont définis ses liens avec le Conseil de sécurité. Les articles 16 et 5 du Statut de Rome, a-t-il dit, remettent en question la véritable efficacité et indépendance de la Cour. Il a par ailleurs espéré que la définition du crime d’agression sera finalement agréée de manière consensuelle, en plaçant beaucoup d’espoir dans la Conférence de révision de Kampala. Pour un pays victime de plusieurs agressions de la part de la plus grande puissance mondiale, il est difficile pour Cuba d’adhérer au Statut de Rome sans une définition claire et précise du crime d’agression. Concluant, le représentant s’est dit préoccupé par le précédent qui pourrait être créé par une Cour qui initie des procédures contre les ressortissants d’États non parties au Statut de Rome qui n’ont même pas accepté la compétence de la Cour. Il faut respecter, a insisté le représentant, le principe du consentement consacré dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
M. LUIS ENRIQUE CHAVEZ (Pérou) a rappelé que si l’augmentation du nombre d’États parties au Statut de Rome était nécessaire, le renforcement de la coopération des États l’était tout autant. Malheureusement, la Cour ne reçoit pas toujours la coopération nécessaire, a-t-il déploré, s’inquiétant que des mandats datant de 2005 n’aient toujours pas été exécutés et jugeant que cette coopération est à la fois une obligation découlant du Statut de Rome et de la Charte des Nations Unies. La coopération entre la CPI et l’ONU doit, a-t-il poursuivi, être plus étroite et coordonnée, s’agissant notamment du Conseil de sécurité et des opérations de maintien de la paix. L’année prochaine sera d’une grande importance pour le Statut de Rome ainsi que pour tous les États qui y sont parties ou non. La principale question en suspens est la définition du crime d’agression, a-t-il souligné, estimant que les efforts en la matière devaient se concentrer sur la façon de parvenir au consensus. Nous devons être prudents et ne pas avoir un ordre du jour qui nous détourne de notre objectif principal qui est de définir le crime d’agression et les compétences de la Cour en la matière, a-t-il insisté.
M. PARK IN-KOOK (République de Corée) s’est tout d’abord félicité de l’adhésion de la République tchèque et du Chili au Statut de Rome, et a engagé la CPI à mettre au point un programme de sensibilisation des États qui n’y sont pas encore parties. Le représentant a ensuite relevé que huit mandats d’arrêt n’avaient pas encore été exécutés, avant d’engager les États parties à accorder les meilleures conditions de travail à la Cour. Ma délégation, a-t-il poursuivi, est convaincue que, dans un esprit d’équité, les décisions judiciaires de la CPI ne doivent pas être entachées par des intérêts ou des considérations politiques. Le représentant a conclu en soulignant, à son tour, l’importance de la Conférence de révision.
M. ABDALMAHMOOD ABDALHALEEM MOHAMAD (Soudan) a estimé que dans la vie des nations, il existait des jalons importants, par lesquels la communauté internationale s’efforçait de parvenir à la paix et à la justice. Il y a eu la Société des Nations (SDN) qui a échoué et fut remplacée par les Nations Unies que nous essayons aujourd’hui de réformer pour qu’elles soient plus efficaces, particulièrement le Conseil de sécurité, a-t-il déclaré. La CPI connait le même chemin d’échec que la SDN parce qu’elle n’a pas tiré les enseignements du passé, a-t-il dénoncé. En dépit du fait qu’elle est relativement jeune, elle est caractérisée par de nombreuses contradictions et de nombreux défauts qui en font une menace pour la paix au lieu d’en être un instrument, a-t-il dit. Ne nous retranchons pas derrière de belles paroles diplomatiques, comme c’est souvent le cas aux Nations Unies, a-t-il poursuivi. Une grande préoccupation existe, largement répandue dans la communauté internationale, face à cet instrument « de règlement de compte politique au nom de la justice, plus particulièrement en Afrique ».
Le représentant a indiqué qu’en Afrique, les dirigeants avaient fait part de cette préoccupation lors de réunions au sommet. Pour la première fois dans l’histoire du multilatéralisme, une résolution adoptée par une réunion de chefs d’État a condamné « la quête de publicité et de célébrité » d’un Procureur et son manque de professionnalisme, a-t-il dit. Ayant perdu toute conscience professionnelle, il est devenu un militant politique, a-t-il accusé. Est-il acceptable qu’il gaspille les ressources de l’institution de la sorte? Existe-t-il une justification légale ou morale qui lui permette de rester en fonctions alors que son incapacité est visible?, a-t-il fait mine de s’interroger.
La CPI est régie par le Statut de Rome et les dispositions de ce Statut s’appliquent aux États qui y ont adhéré, a aussi rappelé le représentant, avant d’accuser le Conseil de sécurité d’avoir politisé ce Statut, et de l’avoir rendu sélectif, en allant en outre à l’encontre des normes établies concernant l’immunité accordée aux chefs d’État et de gouvernement. Est-il juste que l’Afrique soit le seul lieu où la CPI brandisse l’épée de la justice?, s’est-il exclamé. Nous disons non à la politique de deux poids deux mesures, non à la sélectivité, non à la violation des choix souverains des États, a-t-il martelé. Nous disons à ceux qui ont colonisé nos peuples, qui ont amené et soutenu l’apartheid en Afrique, que nous n’accepterons pas d’être privés de notre souveraineté au nom de la justice, a-t-il enfin averti.
M. GUILHERME DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a estimé que la Conférence de révision, qui sera la première et en aucun cas la dernière occasion d’amender le Statut de Rome, devrait se concentrer sur la définition du crime d’agression. Elle sera aussi l’occasion d’engager les États parties, les observateurs et la société civile dans des discussions de fond sur l’état actuel de la justice pénale internationale, en particulier les questions de la complémentarité, de la coopération et de la mise en œuvre au niveau national, tout en tirant les enseignements des deux Tribunaux pénaux internationaux et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
S’agissant de la compétence universelle, le représentant a souligné que la CPI opère sur un autre principe selon lequel sa compétence ne s’exerce que dans trois circonstances. Il a également relevé que la CPI était une juridiction de dernier recours, avant de conclure, en soulignant l’importance qu’il y a à renforcer davantage la coopération entre la CPI et les Nations Unies.
M. NORIHIRO OKUDA (Japon) a insisté sur l’importance du principe de complémentarité, avant de s’attarder sur celui de l’« essentielle » coopération des États avec la Cour. Le représentant a aussi attiré l’attention de la Cour sur la logique des décisions judiciaires. La Cour ne pourra assurer sa crédibilité et sa réputation que si elle interprète les dispositions du Statut de Rome et autres documents pertinents avec « la plus grande prudence et la plus grande clarté ». Ce n’est qu’en rendant des décisions solidement motivées que la Cour pourra jouir du plein soutien des États parties, et plus encore, de l’acceptation de l’ensemble de la communauté internationale, y compris les États non parties au Statut, a insisté le représentant.
M. PAUL SEGER (Suisse) a estimé que les avancées notables de la CPI étaient non seulement le fruit du travail de son personnel, mais aussi celui de la coopération fructueuse qui s’est opérée entre elle et certains États. Ces avancées sont emblématiques de l’importance de la coopération des États, a indiqué le représentant, pour signaler ensuite qu’en l’absence de cette coopération la Cour se voyait dans l’impossibilité d’exécuter le mandat qui lui a été confié. Il a notamment regretté le fait que huit individus sous le coup d’un mandat d’arrêt n’avaient toujours pas été arrêtés. Cela est d’autant plus préoccupant que certains des mandats d’arrêt datent de plusieurs années, a-t-il ajouté, en soulignant aussi l’importance de la coopération avec les organisations internationales. Il a, enfin, souligné l’importance de la coopération des États pour la protection des victimes et des témoins qui font face aux accusés devant la Cour, et qui le faisaient très souvent au péril de leur vie et de celle de leur famille.
Mme NAMIRA NABIL NEGM (Égypte) a tout d’abord déclaré qu’il fallait adhérer aux normes du droit international selon lesquelles on ne peut obliger un État à mettre en œuvre une Convention à laquelle il n’est pas partie. Un État ne saurait être obligé de suivre une disposition du Statut de Rome à moins qu’il ait explicitement accepté de le faire. Le contraire constituerait une violation du principe de pacta sunt servanda et serait incompatible avec le concept de souveraineté de choisir le traité auquel il veut devenir partie, a-t-elle estimé. La représentante a ensuite insisté sur l’importance d’intensifier les efforts pour définir le crime d’agression. Elle a par ailleurs estimé que la CPI devait assurer une approche équilibrée, en adoptant une politique qui accentue sa nature juridique et en évitant toute politisation de son travail. La Cour, a-t-elle poursuivi, doit donc appliquer le principe de transparence et ne pas recourir aux listes confidentielles des noms des accusés.
La représentante a estimé que les procédures d’enquête, de collecte de preuves et d’authentification des documents méritent d’être améliorées. Il est également inopportun de procéder à des classifications juridiques en se fondant sur un examen partial ou incomplet des faits et ne tenant pas compte de toutes les considérations juridiques, a ajouté la représentante. La CPI devrait respecter ces principes lorsqu’elle examine les affaires africaines et éviter de donner la fausse impression que les crimes ne sont perpétrés qu’en Afrique, a-t-elle ajouté. Elle a engagé le Procureur du CPI à accélérer la décision d’enquêter sur la situation en Israël et dans les territoires palestiniens et à étudier, pour ce faire, les conclusions du rapport Goldstone, entre autres. La CPI doit travailler de concert avec l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité pour punir les auteurs des crimes dénoncés dans ces documents.
M. JORGE URBINA (Costa Rica) a estimé que la CPI s’était consolidée depuis la définition du Statut de Rome, grâce notamment au fait que 110 pays l’ont ratifié. Il a salué le respect des garanties de procédures indépendantes, de mesures très strictes dans le domaine du droit de la défense et du respect du droit des accusés, autant des mesures qui répondent aux attentes des peuples civilisés vis-à-vis de la justice. La légitimité de la CPI au niveau international s’étend également, a-t-il ajouté, saluant l’avènement d’une nouvelle ère où la primauté du droit repousse les limites nationales pour progresser sur la scène internationale.
Nous sommes tous tenus de souscrire à ce processus, a-t-il dit, car ce faisant, nous soutenons la CPI mais surtout nous nous efforçons de défendre la primauté du droit au niveau international, a-t-il déclaré, estimant que dans ce contexte, il était impossible d’ignorer l’attitude de certains États qui refusent de coopérer. En plus de violer l’obligation des États énoncée dans le Statut de Rome, une telle décision va à l’encontre de l’Article 25 de la Charte des Nations Unies, a-t-il dénoncé, disant son espoir d’un retour du bon sens et d’un esprit constructif. Bien souvent, dans les hautes sphères, des personnes visant à discréditer la Cour viennent se rajouter à l’ignorance de concepts fondamentaux pour remettre en cause son indépendance, a-t-il poursuivi, affirmant que les voix de personnes soupçonnées de crimes de guerre utilisaient les tribunes de la paix, « en déguisant leur mauvaise foi », pour clamer que tous les cas de la CPI concernent l’Afrique. Trois affaires ont été soumises par des gouvernements africains eux-mêmes, la quatrième sur le Darfour par le Conseil de sécurité, a-t-il rappelé.
Nous sommes donc contraints d’insister à nouveau sur le caractère complémentaire de la Cour, a déclaré M. Urbina. La CPI n’est pas née avec le but de voir ses salles d’audience remplies de monde, a-t-il souligné. Elle ne traite des affaires que lorsque les juridictions nationales ne peuvent ou ne souhaitent pas juger des criminels. Le Costa Rica soutient donc le renforcement des institutions judiciaires au niveau national par les missions de maintien de la paix et de consolidation de la paix et se félicite de l’engagement de l’Union africaine à renforcer ses institutions en ce sens.
M. ZENON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a souligné que dans son pays, qui a connu « la première guerre mondiale africaine », chaque individu, instruit ou non, pouvait fournir une définition des crimes odieux dont la CPI est saisie. La formulation du Statut de Rome, qui relève d’une simple théorie pour certains, est une réalité que les populations congolaises, particulièrement au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri, vivent au quotidien, a-t-il insisté. La coopération avec la CPI doit donc nous concerner tous, a-t-il plaidé, assurant que la RDC était le tout premier État partie à développer une coopération significative avec elle, notamment en exécutant correctement trois demandes d’arrestation concernant ses ressortissants. La RDC est convaincue que la paix et la justice sont complémentaires car c’est avec le concours de la justice que l’on a pu ramener la paix en Ituri et au Nord-Katanga, a-t-il expliqué.
C’est pour cette raison que les autorités congolaises ont décidé, s’agissant du dernier mandat d’arrêt lancé par la CPI, d’asseoir et de parachever d’abord le processus de paix en cours et d’en finir avec le processus d’intégration des ex-mouvements armés au sein de l’armée nationale, avant de prendre une décision, a aussi dit le représentant. Il a en outre appelé à concrétiser la proposition d’organiser les procès « in situ », l’occasion selon lui d’apporter une certaine satisfaction morale aux victimes des crimes visés et d’en dissuader les récidivistes potentiels.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les progrès dans la marche de la justice pénale internationale s’inscrivent dans un contexte de forte campagne d’hostilité à la Cour, preuve que la CPI est effectivement à pied d’œuvre, a aussi souligné le représentant. L’hostilité contre la Cour s’est d’abord manifestée à Rome au moment où 120 pays, dont la RDC, ont établi le cadre légal de la future Cour, a-t-il rappelé. Toutefois, le fait que plus de la moitié des États Membres de l’ONU ait rejoint la Cour, moins de cinq ans après son entrée en fonctions, prouve que la voie vers l’universalité de la Cour est balisée.
La Conférence d’examen de Kampala devrait être l’occasion de renforcer la conviction que la CPI est « un cadeau d’espoir pour les générations futures et une avancée importante vers le respect des droits de l’homme et de l’État de droit », a-t-il enfin estimé, appelant à accorder la priorité à l’inclusion de la définition du crime d’agression et à la détermination des conditions d’exercice de la compétence de la Cour en la matière.
Mme ANNETTE ONANGA (Gabon) a estimé que la manière dont les premiers procès de la CPI seront menés engagera la crédibilité de la Cour, car ils représentent, selon elle, une étape marquante non seulement pour le développement de la justice internationale, mais aussi pour la lutte contre l’impunité. Mme Onanga a ensuite indiqué que sa délégation pense que le succès de la Cour dépendra de l’appui que sauront lui apporter les États Membres. Sans une coopération effective de l’ensemble des États Membres, l’action de la Cour de saurait pleinement répondre aux attentes, a-t-elle affirmé.
M. JOEL HERNANDEZ GARCIA (Mexique) a commencé par saluer l’adhésion du Chili et de la République tchèque au Traité de Rome et les progrès enregistrés par la Cour qui va entamer son premier procès. Le représentant s’est joint aux propos sur l’importance de la coopération des États, avant de s’attarder sur les activités financières de la Cour. Il a estimé que sept ans d’expérience ont donné à la CPI la maturité nécessaire pour gérer ses ressources de manière adéquate et transparente. Mais, a-t-il tempéré, nous voyons que certaines zones peuvent encore être améliorées par la CPI pour qu’elle soit efficace en termes de coût, sans sacrifier à la réalisation de son mandat. Le représentant a cité la planification budgétaire, les pratiques financières, la rationalisation des ressources, et un développement plus efficace et responsable des procédures judiciaires. Il a demandé aux responsables de la Cour de proposer leurs propres mesures de rigueur budgétaire. Il a aussi estimé que toute décision qui aurait des incidences financières devrait être soumise au préalable à l’Assemblée des parties.
RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Le rapport paru sous la cote (A/64/4) couvre les activités de la Cour internationale de Justice entre le 1er août 2008 et le 31 juillet 2009. À la date du 31 juillet 2009, 192 États étaient parties au Statut de la Cour et 66 d’entre eux avaient déposé auprès du Secrétaire général une déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. En outre, environ 300 conventions bilatérales ou multilatérales prévoient la compétence de la Cour pour trancher les différends nés de leur application ou de leur interprétation.
Au cours de l’année qui vient de s’écouler, la Cour a été saisie de quatre nouvelles affaires contentieuses. En outre, en octobre 2008, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé à la Cour un avis consultatif sur la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.
Au 31 juillet 2009, le nombre d’affaires contentieuses inscrites au rôle était de 131. Elles proviennent de toutes les parties du monde. Actuellement, cinq d’entre elles opposent des États européens, quatre autres des États latino-américains, deux des États africains, tandis que les deux dernières revêtent un caractère intercontinental.
L’objet de ces affaires est très varié. Il y va de la délimitation territoriale et maritime aux violations des droits de l’homme, en passant par l’environnement, les immunités juridictionnelles de l’État, la violation de l’intégrité territoriale ou encore la discrimination raciale.
Le rapport note que les affaires portées devant la Cour sont d’une complexité factuelle et juridique croissante. En outre, elles comportent fréquemment plusieurs phases, du fait du dépôt par les défendeurs d’exceptions préliminaires d’incompétence ou d’irrecevabilité, ainsi que de demandes en indication de mesures conservatoires requérant un traitement d’urgence.
Le rapport souligne que l’activité soutenue de la Cour a été rendue possible par le fait que celle-ci n’a pas hésité à prendre un nombre important de mesures aux fins d’accroître son efficacité et de pouvoir ainsi faire face à l’augmentation régulière de sa charge de travail. Elle est parvenue à résorber son arriéré judiciaire.
La Cour a sollicité à nouveau, dans ses propositions budgétaires pour l’exercice biennal 2010/2011, la création des six postes de référendaire qui ne lui ont pas encore été attribués. Elle rappelle à l’Assemblée générale que celle-ci ne lui a malheureusement pas donné les moyens de créer un service de documentation performant en fusionnant la bibliothèque et le service des archives. Dans ses propositions budgétaires pour l’exercice biennal 2010/2011, la Cour a aussi sollicité la création d’un poste P-3 d’assistant spécial du Greffier.
Aux fins de l’examen de cette question, l’Assemblée était également saisie du rapport du Secrétaire général sur le Fonds d’affectation spéciale devant aider les États à soumettre leurs différends à la Cour internationale de Justice (A/64/308). Il couvre la période allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009. Sur cette période, le Fonds n’a reçu aucune autre demande d’aide financière. Il a en revanche reçu les contributions suivantes: 20 000 dollars du Mexique et 12 619,50 de la Finlande. Au 30 juin 2009, son solde se chiffrait donc à 2 687 770,61 dollars, déduction faite des aides déjà versées.
Déclarations
Commentant le rapport de sa Cour, M. HISASHI OWADA, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a estimé qu’au cours de ces dernières décennies, la confiance et le respect que la communauté internationale avait placés dans les activités de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal de l’ONU n’ont cessé de croître. Le nombre d’affaires traitées a augmenté, 16 en tout et 2 arrêts, sur tous les continents, ce qui reflète son caractère universel et le large éventail de thèmes sur lesquels elle est amenée à travailler.
L’importance d’assurer la primauté du droit est cruciale en ces temps de mondialisation, a-t-il déclaré, soulignant que si le droit ne remplace ni la politique ni l’économie, sans lui pourtant, « nous ne pouvons rien construire de façon pérenne dans le cadre de la communauté internationale ». Il a enfin assuré que la Cour allait continuer, avec intégrité et impartialité, à déployer tous ses efforts en faveur du règlement pacifique des différends et de la primauté du droit international.
M. ALAN KESSEL (Canada) a, au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), estimé que la diversité des affaires dont la CIJ a été saisie et sur lesquelles elle a dû rendre jugement au cours de la dernière année était l’expression de l’importance actuelle de son travail. Il a exhorté les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à déposer auprès du Secrétaire général une déclaration par laquelle ils acceptent la compétence obligatoire de la Cour. Sans une telle déclaration, a-t-il ajouté, la Cour est trop souvent contrainte à examiner les arguments visant à contester sa compétence au lieu de se pencher sur les problématiques de fond dont elle est saisie. Comme la Cour, ma délégation, a poursuivi M. Kessel, demande instamment aux États parties de veiller à ce que leurs plaidoyers écrits et oraux soient les plus concis possibles, mais dans les limites compatibles avec la présentation judicieuse de leurs positions. Le représentant a par ailleurs accueilli avec satisfaction l’adoption par la CIJ de la nouvelle instruction de procédure XIII qui, a-t-il expliqué, aidera à simplifier les formalités procédurales, en permettant aux États parties de s’entendre sur les futures questions de procédure.
M. THOMAS WINCKLER (Danemark), a au nom des pays nordiques, rappelé que les pays nordiques ont été parties à un certain nombre de contentieux dont est saisie la Cour, montrant ainsi leur foi dans l’ordre juridique international et leur appui au principe de règlement pacifique des différends par des organes judiciaires internationaux. Certains des pays nordiques, a-t-il ajouté, ont aussi contribué au Fonds d’affectation spéciale du Secrétaire général pour aider les pays à saisir la CIJ. Malgré le fait que le travail de la Cour est lié à des avis consultatifs rendus bien souvent dans des circonstances difficiles et en quelque sorte politisées, les pays nordiques ont une grande confiance dans la capacité de la Cour à clarifier des questions juridiques sans s’engager dans des contentieux politiques. En conclusion, le représentant a déclaré apprécier les efforts faits par la Cour en vue d’améliorer son efficacité. La capacité de la Cour à moderniser et à utiliser les nouvelles plates-formes de communication est cruciale, a rappelé le représentant. Ces efforts doivent être reflétés dans la disposition des États à assurer à la Cour des ressources suffisantes pour lui permettre de mener à bien sa tâche. Il a donc appuyé le souhait de la Cour d’avoir un personnel d’appui suffisant et des moyens appropriés pour accomplir son travail quotidien.
M. HILARIO G. DAVIDE (Philippines) a salué les efforts déployés par la CIJ pour améliorer son efficacité, lesquels lui ont permis de rendre quatre décisions au cours de la période considérée, tout en réduisant les retards accumulés. Il a appelé les États Membres à donner à la Cour les moyens nécessaires à son fonctionnement. S’inspirant des enseignements tirés des élections à la CIJ pour 2009/2018, le représentant a appelé à un strict respect de l’article 9 sur les qualifications; et de l’article 9 du Statut sur les représentations fondées sur les principales formes de civilisation et les principaux systèmes juridiques. Ces articles ne permettent aucunement des élections sur la base de la représentation géographique ou sur la catégorie de membres du Conseil de sécurité à laquelle appartiendrait un État.
Le représentant a également estimé que l’interprétation ou l’application de l’article 4 sur les élections par les membres du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, méritait d’être réexaminée. Les Philippines, a-t-il expliqué, ne pensent pas que cet article confère aux membres du Conseil de sécurité deux voix chacun, une à l’Assemblée et l’autre au Conseil. Ce privilège est une discrimination contre les États Membres qui ne sont pas membres du Conseil au moment des élections. C’est une anomalie qu’il faut corriger, a-t-il dit, en notant que pour les élections au Conseil de sécurité, au Conseil économique et social, au Conseil des droits de l’homme et dans les autres organes du système de l’ONU, chaque membre n’a qu’une seule voix, conformément au principe d’égalité souveraine entre États.
M. PAUL BADJI (Sénégal) a plaidé que la Cour soit dotée des moyens nécessaires à l’accomplissement correct de ses nobles missions. Les Nations Unies ont une responsabilité particulière dans le domaine de la promotion du règlement des différends, y compris, a-t-il précisé, dans ceux de nature juridique notamment par le biais de la CIJ. Il a donc dit accorder beaucoup d’intérêt au Fonds d’affectation spéciale et a invité les États qui le peuvent à y contribuer, « de manière substantielle et régulière ».
M. DIRE TLADI (Afrique du Sud) a estimé que le nombre de cas dont la CIJ était saisie montrait l’estime et la confiance que les États lui accordent. Le recours à des mécanismes internationaux pour le règlement pacifique de différends améliore grandement l’état de droit au niveau international, a-t-il déclaré, jugeant que la CIJ est le mécanisme prééminent en la matière. Il a également fait part de sa satisfaction de voir que certains États ne se bornent plus à saisir la Cour de problèmes politiques mineurs. Il a cité l’affaire « politique sensible » qui oppose la République du Congo à la France. Le nombre et la qualité des affaires dont est saisie la Cour montrent que l’on s’est éloigné des jours où elle était regardée avec suspicion.
Il a rappelé que si les avis de la Cour ne sont pas contraignants, ils ne sont pas pour autant sans conséquence juridique. Leur non-respect est une véritable violation des décisions de la Cour. Il a donc regretté que l’avis consultatif sur les conséquences juridiques de la construction du mur dans les territoires palestiniens continue d’être ignoré. Le représentant s’est en outre félicité des fréquentes visites qu’effectuent à la Cour des juges nationaux et d’autres professionnels. Ceci ne peut que renforcer la compréhension et l’appréciation du droit international, a-t-il estimé.
M. GONZALO GUTIÉRREZ REINEL (Pérou) a rappelé que la CIJ était l’unique instance internationale à caractère universel avec une compétence générale, et s’est félicité que ses décisions mettent fin à des différends juridiques et contribuent à la paix internationale. Ses qualités juridiques, son indépendance et son impartialité lui ont conféré une grande légitimité, a-t-il estimé, ce dont le Pérou a fait la preuve personnellement en adoptant de multiples traités sur la résolution des différends qui contiennent tous le recours à la CIJ. C’est pourquoi le pays accorde tant d’importance au fait que la compétence de la Cour soit universellement acceptée, a-t-il expliqué. Le représentant a également estimé que le soutien à la Cour ne saurait se faire sans aller de pair avec la reconnaissance du travail de ses magistrats. Dans cette perspective, les efforts faits pour revoir les méthodes de travail de la Cour, en particulier ses pratiques directrices, augmentent son efficacité, a-t-il ajouté, jugeant raisonnables les demandes formulées dans le rapport en matière de ressources humaines et financières pour l’exercice 2010/2011.
Mme NAMIRA NABIL NEGM (Égypte) a jugé nécessaire de renforcer la capacité des États et des organes des Nations Unies, comme de leurs agences, et de saisir la CIJ de questions importantes, étant donné que ses avis contribuent à la codification des règles du droit international. Elle a estimé que la Cour devrait aussi pouvoir se saisir des cas d’empiètement de certains organes principaux de l’ONU sur les prérogatives d’autres principaux organes plus représentatifs et plus démocratiques. Il est donc nécessaire de surveiller l’application des décisions de la CIJ et d’évaluer les interactions internationales par rapport aux valeurs morales et juridiques des avis consultatifs. La représentante a aussi jugé nécessaire de tirer parti de l’expérience de la Cour pour consolider les règles juridiques relatives à la responsabilité des États de protéger leurs citoyens et leur respect du droit international, sous l’angle de la protection diplomatique ou des relations consulaires et de la distinction entre, d’une part, la lutte armée légitime dans le cadre du droit à l’autodétermination et d’autre part, le terrorisme.
La CIJ doit également étudier les abus au principe de compétence universelle, en contradiction avec le principe de territorialité des lois nationales. Elle a appelé la Cour à présenter la vision qu’elle a de son rôle dans les domaines juridique et judiciaire, dans le cadre de la réforme des Nations Unies. La représentante a conclu en assurant que sa délégation travaillera à la Cinquième Commission pour faire en sorte que l’Assemblée générale réponde aux demandes de la Cour en termes de ressources humaines et d’innovations technologiques.
Mme DAPHNE HONG (Singapour) a noté avec préoccupation que l’Assemblée générale n’a pas pleinement répondu aux demandes de ressources humaines supplémentaires présentées par la CIJ. Elle a aussi souligné que contrairement aux tribunaux internationaux, la Cour n’a toujours pas été en mesure d’accéder aux innovations technologiques qu’elle réclame. La Cour, qui est le principal organe juridique des Nations Unies, devrait bénéficier du plein appui des États Membres, a tranché le représentant.
M. CLAUDIO TRONCOSO REPETTO (Chili) a salué la contribution de la CIJ à l’édification et au renforcement d’un système multilatéral qui promeuve un ordre juridique international basé sur le respect du droit, et qui favorise le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sa fonction consultative est aussi particulièrement pertinente, a-t-il ajouté, et il faut donc lui accorder les moyens et les ressources nécessaires pour qu’elle puisse répondre à l’augmentation des cas dont elle est saisie. Il a en outre demandé que les décisions de la Cour soient diffusées en espagnol et a assuré de l’engagement de son pays à répondre à la convocation de la Cour.
M. ZACHARY D. MUBURI-MUITA (Kenya) a exhorté les États Membres à se servir de la CIJ pour régler leurs différends internationaux. Il a qualifié d’encourageantes les mesures prises par la Cour pour accélérer l’administration de la justice pour se féliciter ensuite de l’amélioration des méthodes de travail de la Cour. Le représentant a également estimé que le travail accompli par la Division des publications de la CIJ contribuerait à sensibiliser l’opinion publique au travail de la Cour. M. Muburi-Muita a poursuivi en affirmant qu’une interdépendance grandissante avait conduit la CIJ à relever des défis liés à des domaines qui, jusque-là, ne faisaient pas partie de la juridiction internationale. Il a ensuite fait part de la confiance qu’accorde sa délégation à la CIJ pour répondre à la question du rôle des juridictions nationales dans la mise en œuvre des normes internationales.
M. SHAIR BAHADUR KHAN (Pakistan) a estimé que la justice et l’état de droit étaient essentiels à la réalisation de tous les droits de l’homme et aux aspirations de paix et d’égalité souveraine des États. Selon le dernier rapport, 192 États sont parties à la CIJ mais seuls 66 États ont accepté la compétence obligatoire de la CIJ, a-t-il souligné, rappelant que le règlement pacifique des conflits était l’un des objectifs premiers de la Charte des Nations Unies. La Cour doit jouer un rôle auprès de tous les organes de l’ONU, y compris de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Estimant que la Cour était sous-utilisée, il a salué l’augmentation des affaires dont elle était saisie. Nous espérons qu’avec le temps, même ceux qui sont hésitants aujourd’hui accepteront la compétence de la Cour, a-t-il insisté, se félicitant que la Cour examine et améliore régulièrement ses méthodes de travail. Le représentant a demandé à l’Assemblée générale de répondre favorablement à la demande de la Cour concernant la création d’un poste d’assistant spécial du Greffier.
M. MIGUEL DE SERPA SOARES (Portugal) a jugé important pour les Nations Unies de reconnaître les besoins financiers de la Cour. Il a ajouté que même si la Cour est l’acteur principal du champ juridictionnel international, il existe d’autres cours et tribunaux internationaux dont le rôle doit être souligné. Il s’est dit convaincu qu’ils doivent tous coopérer entre eux au renforcement de l’ordre juridique international et faire face, en conséquence, aux défis posés par la fragmentation du droit international et la prolifération des cours et tribunaux internationaux.
Le représentant a dit constater une certaine tension entre le droit et le pouvoir, entre l’obligation des États de régler leurs différends par des moyens pacifiques et la nécessité d’un consentement souverain pour saisir de tels mécanismes. Il a donc rappelé que la Cour est un pilier institutionnel de la communauté internationale et a appelé tous les États à accepter la compétence obligatoire de la CIJ.
M. SYED SHAHNAWAZ HUSSAIN (Inde) a déclaré que les avis rendus par la CIJ avaient joué un rôle important dans le développement progressif et la codification du droit international. Il a également affirmé que sa délégation estimait qu’aucun autre organe au monde ne disposait de la même capacité à gérer les différends internationaux. Le représentant a rappelé que la CIJ avait prononcé des jugements dans de nombreux domaines. Il a affirmé que la diversité des contentieux dont est saisie la CIJ témoignait du respect qu’ont les États pour l’état de droit et de leur confiance dans la CIJ. Relevant par ailleurs que la charge de travail de la Cour avait augmenté, M. Hussain a estimé que cet organe devait disposer des ressources nécessaires pour accomplir son travail.
M. ABDALMAHMOOD ABDALHALEEM MOHAMAD (Soudan) a estimé, entre autres, que la CIJ symbolisait le rejet du recours à la force dans les relations internationales, pour se féliciter ensuite des résultats obtenus par cette dernière. C’est un outil important pour maintenir la paix et la sécurité internationales, a-t-il ajouté, et il importe de renforcer l’appui à la CIJ ainsi que ses capacités. La première chose à faire est d’accepter sa compétence et ses arrêts, a-t-il dit. Évoquant ensuite la situation dans les territoires palestiniens occupés, le représentant a estimé que la CIJ devait protéger les principes fondamentaux du droit et les accords internationaux. Il a ensuite déclaré que le principe de compétence universelle était un « acte de piraterie » et que la CIJ devait savoir résister aux États qui tentent d’imposer des règles aux autres. Pour ce qui est de l’immunité des chefs d’État, il a dit espérer que la CIJ joue son rôle approprié concernant, notamment, les responsables africains. Il a conclu en appuyant fermement le Fonds d’affectation spéciale.
M. NORIHIRO OKUDA (Japon) a rappelé que son pays a accepté la compétence obligatoire de la CIJ dès 1958, immédiatement après son accession en tant qu’État Membre des Nations Unies. Il a demandé à tous les États de faire de même dans le but de faciliter la consolidation de l’état de droit dans le monde.
M. GUILHERME DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a estimé que la CIJ était un élément clef des efforts déployés par l’ONU pour réaliser les objectifs énoncés dans sa Charte. La diversité géographique des contentieux portés à l’attention de la CIJ témoigne de son caractère universel et de la large adhésion dont elle jouit. Afin de maintenir cette confiance, a-t-il ajouté, les États parties doivent respecter les décisions prises par cet organe. Le représentant a également signalé que le Brésil appuyait la demande de création, par la CIJ, de six postes supplémentaires d’assistants juridiques.
M. ZENON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a commenté l’évolution des négociations tenues par les parties pour régler la question de la réparation pour dire que sa délégation s’attend, à la faveur des relations amicales et de coopération qui se rétablissent progressivement entre les deux anciennes parties belligérantes, que cette question trouve une solution juste, prompte et équitable par les moyens prévus par l’arrêt du 19 décembre 2005 concernant l’affaire des « activités armées sur le territoire du Congo ». Rappelant que depuis une décennie, son pays est l’un des principaux plaideurs devant la CIJ dont elle a enrichi l’agenda avec cinq affaires presque tranchées à l’exception d’une seule, M. Mukongo a encouragé les États à souscrire à la déclaration d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour. Relevant que nombre de ces déclarations étaient assorties de réserves et de limitations, le représentant a affirmé que cette pratique ne saurait être encouragée par sa délégation.
M. SHIN BOONAM (République de Corée) a estimé que le budget proposé par le Président Hisashi Owada pour 2009/2010 devrait être accueilli favorablement, y compris sa demande de création de six postes d’assistance pour aider les juges à faire face au nombre croissant des affaires. Une Cour revitalisée, efficace et dotée de fonds suffisants serait dans l’intérêt de la communauté internationale, dans son ensemble, a dit le représentant.
M. JAIRO HERNANDEZ MILIAN (Costa Rica) a estimé que l’établissement de la CIJ et l’avènement des Nations Unies avaient permis de confier la paix et la sécurité internationales au droit et aux mécanismes multilatéraux de coexistence. L’existence de mécanismes légitimes pour régler les différends juridiques a marqué pour nous une différence importante dans les relations internationales, a-t-il insisté, rappelant que le Costa Rica avait fait appel à la Cour dans le cadre d’un différend avec le Nicaragua sur les droits de navigation. Ce cas fut réglé de manière satisfaisante, il y a quelques mois, a-t-il indiqué, et les deux pays ont immédiatement annoncé qu’ils acceptaient intégralement ce jugement rendu par la CIJ.
Lorsque le Costa Rica a reconnu le Kosovo, il l’a fait sur la base de sa conviction que cette reconnaissance se fondait sur les Accords de Rambouillet et d’autres instruments juridiques, a-t-il expliqué, mais le pays a aussi appuyé la demande de la Serbie pour un avis consultatif de la CIJ sur la question. Même si la reconnaissance d’un État est une prérogative souveraine, l’opinion de la Cour a pour nous une valeur intrinsèque qui sera l’objet d’une étude approfondie, a-t-il assuré. Le Costa Rica se félicite de la mention faite de la CIJ dans de nombreux traités. Il appelle à accepter la primauté de la compétence de la Cour et à abandonner les calculs nationaux afin de garantir un ordre juridique international chaque jour plus crédible, dans une époque marquée par le mélange des civilisations et le caractère interdépendant des sociétés, a dit son représentant, rappelant que seules des normes et règles transparentes entre les nations permettront de créer l’environnement juridique dont le droit international contemporain a besoin.
M. COSMIN DINESCU (Roumanie) a estimé que le recours de plus en plus fréquent des États à la CIJ témoignait de la confiance qu’accorde la communauté internationale au professionnalisme et à l’impartialité de la Cour et des contributions « uniques » de cet organe pour faire avancer le droit international. Il a ensuite expliqué que la CIJ avait rendu, le 3 février dernier, un jugement dans une affaire opposant la Roumanie à l’Ukraine et qui traitait de la délimitation des zones économiques exclusives et du plateau continental dans la mer Noire. Ma délégation est pleinement satisfaite du jugement prononcé, lequel reflète l’application la plus précise des normes pertinentes du droit international. Il s’est également félicité de l’unanimité dont a bénéficié le jugement. Ce jugement, a-t-il ajouté, présente un développement notable en ce qui concerne la délimitation du droit maritime et renforce la jurisprudence en vigueur dans ce domaine. M. Dinescu a ensuite affirmé que la CIJ serait à la hauteur de son professionnalisme et de son impartialité lorsqu’elle devra se prononcer au sujet de la question du Kosovo.
M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) s’est félicité du rôle « essentiel » que joue la CIJ dans le règlement pacifique des différends. Il a indiqué que sa délégation était satisfaite du jugement rendu par la Cour dans l’affaire de la mer Noire, pour ensuite se pencher sur la diversité des affaires sur lesquelles la Cour doit se prononcer. De son avis, il faut réfléchir davantage aux meilleurs moyens de renforcer et d’améliorer l’efficacité de la Cour. Il a notamment évoqué la nécessité de créer des postes supplémentaires pour appuyer le service de documentation et le bureau du greffier, entre autres. Il a par ailleurs encouragé l’Assemblée générale, entre autres, à demander conseil auprès de la CIJ, demande qui, de son avis, assurerait ainsi la primauté de l’état de droit. Il a ensuite rappelé l’avis prononcé par la CIJ au sujet de la construction d’un mur de séparation dans les territoires palestiniens occupés, avis qui, a-t-il affirmé, a consacré l’inadmissibilité de l’acquisition d’un territoire par la force.
M. EBENEZER APPREKU (Ghana) a estimé que les questions administratives et les défis logistiques soulevés dans le rapport requièrent une attention urgente. Il a appelé l’Assemblée générale à répondre urgemment aux diverses requêtes soumises par la Cour. Il a encouragé la Cour à poursuivre ses programmes de sensibilisation et à renforcer sa coopération avec les autres organes judicaires régionaux et sous-régionaux. Concluant, il a estimé que la Cour continuait de jouer un rôle indispensable dans la promotion de la paix et de la sécurité, surtout lorsqu’elle règle des différends entre pays voisins. La Cour a permis d’éviter l’escalade des conflits, a-t-il insisté.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel