DEVANT LA RECRUDESCENCE DES CATASTROPHES DANS LE MONDE, LA SIXIÈME COMMISSION VEUT FACILITER L’AIDE INTERNATIONALE ET LA PROTECTION DES PERSONNES
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Sixième Commission
23e séance – matin
DEVANT LA RECRUDESCENCE DES CATASTROPHES DANS LE MONDE, LA SIXIÈME COMMISSION VEUT FACILITER L’AIDE INTERNATIONALE ET LA PROTECTION DES PERSONNES
Plusieurs délégations insistent sur l’exclusion des conflits armés du champ de la définition des catastrophes
Les délégations de la Sixième Commission (chargée des questions juridiques) ont poursuivi ce matin l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) en mettant l’accent sur la protection des personnes en cas de catastrophe, l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère et l’obligation d’extrader et de poursuivre. Ces questions continuent cette année à faire l’objet d’un intérêt soutenu de délégations qui, dans leur grande majorité, se sont toutefois dites favorables à un examen plus approfondi par la CDI de l’ensemble de ces questions.
La question de savoir si la protection des personnes en cas de catastrophe doit ou non s’appliquer aux conflits armés, a ainsi suscité des débats importants. La plupart des délégations ont estimé que les conflits armés devraient être exclus du champ d’application du projet d’articles sur ce point particulier, dans la mesure où, comme l’a rappelé le délégué de la République de Corée, ces conflits bénéficient déjà d’un régime juridique distinct. La représentante du Royaume-Uni a, pour sa part, appelé les délégations à faire preuve de pragmatisme en suivant, par exemple, les directives du Comité international de la Croix-Rouge en vue d’une amélioration du cadre juridique régissant l’aide internationale en cas d’urgence. À l’instar du délégué de l’Inde, elle a aussi demandé à la Commission du droit international de ne pas se limiter aux catastrophes naturelles de manière stricte et d’élargir la portée de son étude pour s’inspirer des textes existants.
L’examen du régime juridique de la protection des personnes en cas de catastrophe a une « incidence importante » sur le droit international, a par ailleurs rappelé la représentante de l’Espagne, en soulignant, comme l’ont fait ses homologues d’El Salvador ou du Mexique, la nécessité d’adopter une démarche fondée sur « le droit des personnes », démarche vis-à-vis de laquelle d’autres délégations, au premier rang desquelles la Chine, l’Inde ou les États-Unis, ont toutefois soulevé d’importantes réserves. La représentante du Royaume-Uni a bien résumé l’essence des débats en s’opposant à une « codification détaillée » du droit et en demandant à la CDI de faire preuve de « prudence ».
L’autre grand sujet de la matinée a été l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère. Les débats se sont concentrés sur la question de l’équilibre subtil entre le nécessaire respect de la souveraineté des États et celui de la protection de ses représentants. Si plusieurs États se sont prononcés en faveur d’un développement du droit qui tienne compte, notamment, d’un arrêt du 4 juin 2008 de la Cour internationale de Justice dans l’affaire « Certaines questions concernant l’entraide judiciaire Djibouti contre France », fixant des limites au nombre de personnes bénéficiant de cette immunité, le représentant de la Chine a, au contraire, demandé que des limites claires soient fixées à ces développements du droit. À l’instar de plusieurs autres délégations, comme celle de l’Inde, il a ainsi rejeté la possibilité de lier la question de l’immunité des représentants de l'État devant la juridiction pénale étrangère à la juridiction de la CPI, lien qui, de l’avis du représentant de la Chine, constituerait « une interprétation biaisée » du principe de complémentarité inhérent à la Cour pénale internationale.
L’obligation d’extrader et de poursuivre a été le troisième grand thème de cette matinée. Sur ce point, les délégations ont surtout partagé leurs pratiques nationales avec les autres États. Le représentant des États-Unis a adressé une mise en garde de la Commission et a jugé, à l’instar de son homologue du Mexique, que le projet d’articles ne pouvait aller « au-delà » des obligations inscrites dans la pratique et les constitutions des États Membres, et a demandé à ce que de telles mesures continuent à faire l’objet d’une étude approfondie de la Commission.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole au cours de ce débat: Norvège, Autriche, Inde, République de Corée, Chine, Espagne, Japon, El Salvador, Mexique, Royaume-Uni, Malaisie, Thaïlande et États-Unis.
La Sixième Commission poursuivra demain, mardi 4 novembre à 10 heures, son examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixantième session.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTIÈME SESSION
Déclarations
Mme INGER HOLTEN (Norvège) s’est exprimée au nom des pays nordiques sur la question de l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère. En faisant le bilan de la situation juridique en cours, notamment à la lumière de la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 4 juin 2008, « Certaines questions concernant l’entraide judicaire en matière pénale (Djibouti c. France) » qui, a-t-elle précisé, apporte plusieurs clarifications importantes sur la question de l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère, on note que cet arrêt de la CIJ a tendance à limiter le nombre de personnes pouvant bénéficier de cette immunité. La nature de l’immunité, a poursuivi Mme Holten, a été définie par le Rapporteur spécial comme une « restriction de juridiction », mais les États nordiques considèrent plutôt que l’immunité est une « restriction apportée à l’exercice de la compétence ». Le rapport du Secrétaire général est peut-être trop laxiste sur les termes dans lesquels l’immunité peut être invoquée, a ainsi expliqué Mme Holten, en appelant les délégations à examiner plus avant le jugement de la CIJ sur ce point.
Par ailleurs, la représentante a évoqué la question de l’immunité devant la juridiction pénale internationale. Elle a notamment insisté sur la question du renvoi d’un jugement d’un tribunal international vers un tribunal national. Elle a attiré l’attention des délégations sur l’article 98 du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) selon lequel, la Cour ne peut connaître d’une demande qui aurait pour résultat qu’un État « n’honore pas de manière constante ses obligations en vertu du droit international ». C’est là une clause intéressante lorsqu’il s’agit de fixer les limites qui s’imposent en matière d’immunité, a expliqué Mme Holten, et il faudrait donc que cette question soit réexaminée lors d’une prochaine session, a-t-elle suggéré. Elle a conclu en appelant à plus de cohérence dans la mise en œuvre du droit dans ce domaine.
M. KONRAD G. BÜHLER (Autriche) s’est félicité de l’inscription du sujet de la protection des personnes en cas de catastrophe à l’ordre du jour de la CDI, et ce, en dépit du fait que la question ait déjà été explorée par diverses entités telles que l’Institut de droit International. Il a ensuite soutenu la nécessité de définir avec précision les différentes notions relevant de cette étude, en mettant l’accent sur celle de « catastrophe » à laquelle sa délégation préfère d’ailleurs celle de « catastrophe d’origine naturelle ». Il a ensuite estimé que la CDI devrait, en priorité, axer ses travaux sur la protection des personnes victimes de catastrophes. Il a également souligné l’importance de réfléchir sur le statut des parties qui assistent ces personnes du fait des nombreuses questions juridiques qui se posent.
Le représentant de l’Autriche a ensuite souligné que la CDI devrait, dans un premier temps, limiter son étude aux questions de prévention. Les autres questions sous-jacentes seront examinées dans un deuxième temps. La Commission devrait en outre s’intéresser à la question de savoir si le sujet devrait être confiné uniquement aux catastrophes naturelles ou étendre le champ d’application de son projet d’articles aux catastrophes transfrontières, ce qui, dans ce dernier cas, exige la nécessité d’examiner la coordination des mesures entreprises et la coopération entre les États. Sur la question du droit à l’assistance humanitaire, il a dit partager la position adoptée par l’Institut de droit international dans sa résolution de 2003, qui demande que l’État touché donne son acceptation, et insiste sur le fait que cet État ne saurait refuser une telle requête dans ce contexte.
S’agissant de la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a rappelé que son pays avait déjà indiqué qu’il était favorable à ce que cette question soit examinée par la CDI. L’Autriche, a-t-il dit, considère que l’immunité est avant tout une question de procédure pour les tribunaux nationaux. Concrètement, a-t-il poursuivi, il y a confusion sur différents types d’immunité qui impliquent des représentants de l’État. Ainsi, il est souhaitable de recenser les catégories de personnes pouvant relever de cette question et classer les différents types d’immunité dont elles peuvent jouir, puis aborder les exceptions possibles. Enfin, il a suggéré à la CDI de s’inspirer, dans le contexte de ses réflexions, de récentes décisions de la Cour internationale de Justice, notamment l’arrêt « Certaines questions concernant l’entraide judicaire en matière pénale (Djibouti c. France) ».
S’agissant de l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère, M. RAJEEV SHUKLA (Inde) s’est déclaré favorable à ce que l’étude couvre « tous les représentants de l’État » et s’est dit également favorable à l’identification de « critères » pour identifier les « autres représentants » de l’État auxquels l’immunité rationae personae s’appliquait. La Commission ne devrait s’occuper que de la question de l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère, a-t-il souligné, indiquant que sa délégation était favorable à l’exclusion du champ d’application de l’étude de la question de l’immunité devant les tribunaux pénaux internationaux. La source de l’immunité des représentants de l’État est le droit international, a aussi rappelé M. Shukla, en insistant sur le fait que le droit concernant les agents diplomatiques et autres représentants consulaires avait déjà été codifié.
Abordant ensuite la question de la protection des personnes en cas de catastrophe, le représentant de l’Inde a indiqué que pour sa délégation, la Commission devrait essentiellement se concentrer sur les catastrophes naturelles, dans la mesure où il existait des régimes juridiques spécifiques pour les catastrophes environnementales d’origine humaine. Il a aussi souligné que la question de la « responsabilité de protéger » devrait être écartée, dès lors que la responsabilité première de la protection des personnes sur son territoire revenait à l’État concerné. Estimant que la « protection de la propriété » pouvait se révéler comme étant un point nécessaire à aborder, il a toutefois noté que la protection des personnes devrait rester la priorité du projet d’articles en cours, et a insisté sur le rôle prioritaire que devrait jouer l’État affecté par la catastrophe avant celui de la « diversité d’acteurs » susceptibles d’intervenir en cas de catastrophe.
M. Shukla a noté, en ce qui concerne la question de la responsabilité des organisations internationales, et plus particulièrement la question des contre-mesures, les divisions de la Commission du droit international sur ce point, en appelant les délégations à adopter une « approche prudente » qui tienne compte du fait que les conflits entre les organisations et ses membres devraient être réglés conformément aux procédures internes de l’organisation. Passant à la question de l’expulsion des étrangers, M. Shukla a indiqué que l’Inde estime que les personnes qui possèdent la double ou multiple nationalité ne peuvent être traitées différemment des autres nationaux. L’Inde, a-t-il ajouté, souligne également que le principe de non-expulsion de ses nationaux s’applique aussi à ces personnes.
M. SHIN BOO-NAM (République de Cor ée) a remercié la CDI pour son travail sur la protection de personnes en cas de catastrophe et a estimé qu’il était opportun de mener cette réflexion au regard des récents drames comme les tremblements de terre, tsunami ou inondations. Il a ensuite expliqué que l’on ne devrait pas considérer le terme « catastrophes » comme englobant les conflits armés qui ont déjà un régime juridique bien déterminé. Le représentant a ensuite souhaité que la Commission se penche, prioritairement, sur les réponses immédiates à prendre en cas de catastrophe et se concentre, plus tard, aux mesures de prévention. Il a aussi déclaré que l’acceptation de l’État concerné était une question bien détaillée. Faisant référence à la forme finale du document, il a soutenu qu’il était prématuré, à ce stade, de se prononcer sur la question, en ajoutant que le texte définitif devrait être pragmatique et les parties prenantes, comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), devraient être consultées.
Abordant ensuite la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a estimé que la CDI devrait se concentrer sur l’immunité en droit interne et non en droit international. Le représentant de la République de Corée a rappelé qu’à la lumière de la décision « Mandat d’arrêt » de la CIJ, les chefs d’État et de gouvernement et les ministres des affaires étrangères de son pays disposent d’une immunité devant la juridiction pénale étrangère.
Concernant le thème de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le représentant a d’abord rappelé que les traités étaient une source de cette obligation d’extrader ou de poursuivre. Il a poursuivi en expliquant que bien que l’obligation d’extrader ou de poursuivre et la juridiction pénale universelle soient des sujets étroitement liés, la CDI devrait les traiter différemment car ils relèvent de domaines juridiques différents.
M. LIU ZHENMIN (Chine), abordant la question de la protection des personnes en cas de catastrophe, a rappelé que la province du Sichuan, en Chine, avait été le théâtre, le 12 mai dernier, d’un violent tremblement de terre. Le Gouvernement chinois a déployé d’immenses efforts pour répondre à cette catastrophe, mais a pu aussi compter sur l’aide considérable de la communauté internationale, a-t-il souligné. Le représentant a également estimé que la CDI devrait porter son attention sur les catastrophes naturelles et accorder un examen prioritaire aux interventions en cas de catastrophe. Il a affirmé que la protection des personnes en cas de catastrophe devrait, en dernière analyse, être assurée grâce aux efforts du pays touché et grâce à la coopération internationale. La responsabilité première en matière d’intervention en cas de catastrophe et de protection des victimes devrait être assumée par le pays touché, a-t-il ajouté, précisant que la communauté internationale devrait respecter les principes de souveraineté des États et de non-ingérence dans les affaires intérieures dans le cadre de ses opérations de secours. L’assistance internationale ne devrait être basée que sur des considérations humanitaires et ne devrait pas être soumise à des conditions politiques ou autres, a-t-il dit. Par ailleurs, le délégué de la Chine a affirmé que garantir l’immunité à des représentants de l'État de la juridiction pénale étrangère constituait à la fois une application du principe d’égalité souveraine et une nécessité facilitant l’exercice de fonctions officielles. Le représentant a en outre jugé inacceptable de lier la garantie de l’immunité à des représentants de l'État de la juridiction pénale étrangère à la juridiction de la CPI. Aucune jurisprudence ne peut être trouvée en faveur d’un tel lien, lequel constituerait, à ses yeux, une interprétation biaisée du principe de complémentarité inhérent à cette juridiction pénale internationale.
Mme CONCEPCIÓN ESCOBAR HERNANDEZ (Espagne) a indiqué que sur le rapport sur la protection des personnes en cas de catastrophe, les délégations étaient confrontées à un thème ayant une « incidence importante » sur le droit international. Mais la gravité des catastrophes nous pousse à intervenir afin de faciliter la mise en œuvre pratique et institutionnelle des solutions à ce problème, a noté Mme Hernandez. Une démarche fondée sur le droit mais bien définie doit prévaloir, a estimé la représentante de l’Espagne. Le Rapporteur spécial devrait donc se concentrer sur les catastrophes naturelles pour l’instant, a-t-elle souhaité, en indiquant qu’à ce stade, il était encore prématuré de formuler une recommandation sur la forme que pourrait revêtir le projet d’articles élaboré par la CDI.
S’agissant de la question de l’immunité devant la juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a estimé qu’il était nécessaire de limiter la portée de l’étude à la juridiction étrangère, en excluant la juridiction internationale. L’Espagne considère que le Rapporteur spécial pourrait, néanmoins, examiner la question de la juridiction pénale universelle, a-t-elle spécifié, en soulignant que l’utilisation du terme « fonctionnaires », en espagnol, était beaucoup trop vague. Elle a indiqué que sa délégation était plutôt favorable au terme « organe et/représentant de l’État », un point essentiel pour éviter de trop grandes généralisations.
Sa délégation, a-t-elle poursuivi, estime qu’en ce qui concerne l’obligation d’extrader et de poursuivre, la compétence universelle se distingue de cette obligation, mais que ces deux catégories se recouvraient fréquemment. Le Représentant spécial doit donc analyser de manière précise ces deux concepts, a-t-elle suggéré, en précisant que s’agissant de la « troisième option » -le renvoi d’une personne devant un tribunal pénal international– cette option donnait lieu à une « nouvelle dimension » de l’obligation d’extrader et de poursuivre qu’il ne faudrait pas ignorer, a—t-elle conclu.
M. NOBUYUKI MURAI (Japon) a souhaité que dans le cadre de l’examen de la protection de personnes en cas de catastrophe, la CDI commence, d’abord, par l’examen de catastrophes naturelles avant d’aborder les autres types de catastrophe, notamment celles découlant des conflits. La CDI doit également réfléchir sur les mécanismes de coopération internationale en la matière. Concernant la notion de responsabilité de protéger, le représentant du Japon a estimé qu’elle devrait se limiter aux cas de catastrophes graves comme le génocide, et ne pas s’appliquer automatiquement en cas de catastrophe naturelle classique. De l’avis du représentant du Japon, à ce stade, il est prématuré de déterminer la forme que revêtirait le projet d’articles lorsqu’il sera finalisé.
S’agissant de la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre (autdedere aut judicare), le représentant a dit que la CDI devrait accélérer ses travaux car cette question est essentielle aujourd’hui. À cet égard, il s’est félicité de la création du Groupe de travail qui sera placé sous la direction du professeur Alain Pellet. Sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le délégué a indiqué que son pays portait un grand intérêt aux catégories de personnes jouissant de cette immunité. Par ailleurs, il a estimé que la CDI devrait examiner, de façon approfondie, la relation entre le thème de l’immunité et celui de l’impunité.
Avant de conclure, le représentant du Japon est revenu sur les réserves aux traités, en insistant sur le silence qui, de l’avis de sa délégation, ne devrait pas être interprété comme approbation d’une déclaration interprétative.
Mme PILAR ESCOBAR (El Salvador) a souhaité que la CDI respecte, en ce qui concerne la question de l’expulsion des étrangers, l’équilibre entre la nécessité de l’État et le principe du respect du droit international. La délégation d’El Salvador se félicite que le projet d’articles sur la question soit conforme avec la Constitution de son pays, a déclaré Mme Escobar. La Constitution d’El Salvador, a-t-elle précisé, prohibe l’expulsion des ressortissants salvadoriens. Il serait difficile pour El Salvador de prévoir des exceptions à ce principe, a-t-elle indiqué, car la privation de la nationalité d’une personne serait contraire à la disposition constitutionnelle selon laquelle un salvadorien ne saurait perdre sa nationalité que s’il y renonce lui-même.
S’agissant du point relatif à l’obligation d’extrader ou de poursuivre, Mme Escobar s’est félicitée du rapport du Rapporteur spécial, en indiquant que cette obligation était, de l’avis de sa délégation, essentielle à la lutte contre l’impunité. Elle a rappelé que son pays avait modifié sa Constitution en la matière afin de répondre aux exigences du droit international. La représentante a indiqué qu’il est déjà arrivé qu’un organe compétent refuse l’extradition pour protéger une personne. Dans ce cas, la personne faisant l’objet d’une demande d’extradition a été remise aux mains de la justice salvadorienne, a-t-elle expliqué. Ainsi, l’obligation d’extrader et de poursuivre est une façon de renforcer la justice au niveau national, a-t-elle noté.
Concernant la question de l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère, la représentante s’est dite favorable à la plupart des conclusions du Rapporteur spécial, notamment sur la source de l’immunité, la notion d’immunité, la liste des personnes concernées par cette immunité ou encore le champ d’application, en indiquant que de l’avis de sa délégation, tous les représentants de l’État devaient être concernés par le projet.
Passant ensuite à la question de la protection des personnes en cas de catastrophe, la représentante a indiqué que son pays accordait une importance particulière à l’examen de la question par la CDI, notant que ce type de catastrophe touche maintenant tout les pays. Sa délégation souhaite que la CDI se limite à élaborer un texte qui porte uniquement sur les catastrophes naturelles, sans toutefois exclure l’idée d’envisager, à une date ultérieure, une étude sur les autres catastrophes. Elle a indiqué que son pays disposait d’une loi de protection civile qui explique en détail cette notion. Cette loi place l’individu au centre du dispositif constitutionnel qui prévoit un service public de la protection également applicable à toutes les personnes résidentes sur le territoire salvadorien.
M. ALEJANDRO ALDAY (Mexique), s’exprimant sur la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), a reconnu les progrès substantiels accomplis par la CDI dans ce nouveau rapport. Faisant référence à l’article 1er révisé, il s’est félicité du fait que la Commission ait traité toute obligation sans qualité d’alternative. Il a souhaité plus d’éclaircissements sur l’origine de cette obligation. Est-ce qu’elle découle d’un principe de droit international ou plutôt d’une règle coutumière comme l’estime le Mexique, a-t-il voulu savoir. Concernant l’article 2 sur les définitions, il a souhaité qu’il n’y ait pas d’opinion définitive, avant l’achèvement du sujet principal.
Le représentant du Mexique a aussi partagé la préoccupation du Rapporteur spécial concernant le fait que l’État ne puisse pas s’opposer, présenter ses arguments ou refuser cette extradition. Il a appelé aussi à ce que le projet de document fasse mention des droits du détenu et de la possibilité de l’interroger si l’État dont il relève doit l’extrader, le juger ou mettre en avant des éléments dont il dispose pour empêcher cette perspective.
Concernant la notion de « triple alternative », c'est-à-dire la question du transfert à un tribunal international, le représentant a estimé que l’État où se trouve le détenu pourrait avoir le choix de le remettre soit au tribunal international, soit à l’État qui veut exercer sa compétence universelle. Ce sont là des idées qu’il faudrait analyser et incorporer au projet d’articles, a-t-il expliqué.
Passant ensuite à la question de la protection de personnes en cas de catastrophe, le représentant du Mexique a souhaité que la CDI se penche d’abord sur les catastrophes naturelles avant d’examiner les catastrophes causées par l’homme. De même, elle devrait insister sur le lien qui pourrait exister entre le principe de souveraineté nationale et l’assistance internationale en cas de catastrophe. La CDI devrait en outre examiner les mécanismes à mettre en place, les droits des personnes et ceux des entités telles que les organisations non gouvernementales (ONG) qui agissent sur le terrain.
Abordant le sujet de la protection des personnes en cas de catastrophe, Mme JESSICA GLADSTONE (Royaume-Uni) a identifié les domaines importants que la CDI devrait étudier, comme les mesures de prévention et le renforcement des capacités, la coordination des secours, la fourniture d’assistance et d’expertise technique. La représentante a soutenu les directives du CICR pour l’amélioration du cadre juridique régissant les interventions de secours internationales, et a encouragé la CDI à les prendre en compte. En ce qui concerne la portée du sujet, Mme Gladstone a proposé de ne pas se limiter aux catastrophes naturelles. La Commission, a-t-elle ajouté, peut s’inspirer des travaux déjà menés sur les catastrophes nucléaires ou maritimes. Elle a cependant demandé que la protection des personnes dans les conflits armés reste en dehors du champ des travaux de la CDI. En outre, l’assistance consulaire d’un État pour ses ressortissants doit être bien distinguée de l’aide humanitaire, a-t-elle estimé. Jugeant le terme « protection » trop imprécis, la représentante a invité la CDI à l’utiliser comme synonyme de secours ou aide (« relief » ou « assistance » en anglais). Elle a aussi souhaité qu’elle adopte une démarche prudente quant au droit à l’aide humanitaire. Mme Gladstone s’est opposée à la codification de règles détaillées pour ce sujet, du fait de l’absence de règles coutumières de droit international.
Passant à la question de l’immunité des représentants de l’État devant la juridiction pénale étrangère, Mme Gladstone s’est félicitée de l’étude de ce nouveau thème et de l’approche suivie par le Rapporteur spécial qui veut éviter de formuler des propositions abstraites. Elle a appelé à faire preuve de prudence en s’inspirant de la pratique concernant l’immunité devant les juridictions civiles. Pour ce qui est de la détermination des personnes bénéficiant de l’immunité, la représentante a indiqué que deux décisions de tribunaux britanniques ont reconnu l’immunité personnelle de représentants d’États étrangers, un ministre de la défense dans un cas et un ministre du commerce extérieur dans l’autre. Elle a estimé que l’immunité, qui s’applique en général aux chefs d’État et de gouvernement et aux ministres des affaires étrangères, devrait être étendue à tous les représentants d’État qui bénéficient de l’immunité rationae materiae, ainsi qu’aux représentants après qu’ils aient quitté leurs fonctions. De l’avis de Mme Gladstone, les membres de la famille de ces représentants ne doivent pas se voir reconnaître l’immunité, exception faite pour ceux des chefs d’État et des souverains.
Concernant l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la représentante a réitéré que cette obligation devait découler des obligations d’un traité et qu’à ce stade, on ne peut pas dire qu’elle relève du droit international coutumier. Si la CDI estime que ces règles de droit international coutumier existent, elle doit se référer uniquement à une petite catégorie d’infractions. Mme Gladstone a aussi estimé que l’existence d’une compétence universelle ne constitue pas une condition préalable à l’existence de l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Elle a réitéré que la CDI devrait éviter d’examiner la question de la compétence pénale universelle.
Mme BAIZURA KAMAL (Malaisie) a d’abord abordé la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État en se félicitant du travail fait par le Rapporteur spécial. Elle a pris note des diverses affaires sur la question qui ont marqué la scène internationale, en citant l’affaire « Mandat d’arrêt », l’affaire Pinochet et la récente décision de la CIJ relative à « Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France) ».
Concernant les limites de cette réflexion sur l’immunité de juridiction pénale, la représentante a demandé que la CDI concentre ses discussions uniquement sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et non sur l’État de nationalité du représentant. De plus, l’étude, a-t-elle dit, devrait s’intéresser avant tout aux immunités en se fondant sur les règles de droit international, en particulier de droit international coutumier, et non sur le droit interne. Elle a apporté son soutien au principe du respect de l’immunité des représentants de l’État sous réserve que ceux-ci respectent le droit interne de l’État d’accueil.
S’agissant des questions de terminologie, la représentante de la Malaisie a affirmé son attachement à l’expression « représentants de l’État », et a estimé nécessaire de définir cette notion avec celle de « service public ». Elle a aussi rappelé que les chefs d’État et de gouvernement et les ministres des affaires étrangères disposaient d’une immunité devant toute juridiction pénale étrangère. Elle s’est déclarée peu convaincue par la nécessité d’étendre le champ d’application rationepersonae.
Elle a ensuite axé son propos sur la protection des personnes en cas de catastrophe. Concernant le champ d’étude de cette question, elle a estimé que la CDI devrait se pencher sur les éléments prioritaires, en identifiant, et en s’attaquant aux lacunes qui existent dans le droit international relatif aux catastrophes. Pour ce qui est du droit à l’assistance, la représentante a déclaré que toute réflexion sur ce point ne devrait pas conduire à empiéter sur les principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Quant à la responsabilité de protéger, elle a déclaré qu’elle concernait, avant tout, les cas de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.
Avant de conclure, la représentante de la Malaisie a indiqué que sa délégation souhaitait que la CDI apporte des clarifications sur des notions comme « sous leur juridiction », et « sous le contrôle de l’État d’emprisonnement », contenues dans le projet d’articles sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre.
Mme MATTANCE KAEWPANYA (Thaïlande) s’est penchée sur la question de la protection de personnes en cas de catastrophe qui, a-t-elle dit, est d’un grand intérêt pour la sécurité des Thaïlandais et les citoyens d’autres États. Le cadre juridique réglementant les phases d’assistance, avant et après la survenance de catastrophe, doit être rapidement mis en place, a-t-elle déclaré. Sa délégation, a-t-elle ajouté, appuie l’approche fondée sur les droits qui est défendue par le Rapporteur spécial. Bien que cette approche soit basée sur les principes de droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit international des réfugiés, la délégation de la Thaïlande souligne qu’il est important de se référer à d’autres principes pertinents comme ceux de la souveraineté des États et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Abordant le champ d’étude de cette thématique, la représentante a appelé la CDI à être aussi ouverte que possible aux suggestions relatives aux champs d’application du projet d’articles concernant les personnes bénéficiant de la protection, la nature des catastrophes, les différentes phases de la catastrophe ainsi que le ou les États où la catastrophe s’est produite.
Mme Kaewpanya a aussi examiné l’obligation d’extrader ou de poursuivre, en soulevant toute la complexité de la notion de triple alternative, c’est-à-dire la question du transfert à un tribunal international. À cet égard, elle a appelé les États Membres à s’intéresser à la loi en matière d’extradition récemment entrée en vigueur dans son pays. Cette loi, a-t-elle précisé, n’autorise l’extradition que lorsqu’une demande en bonne et due forme a été faite aux autorités compétentes. Celles-ci examinent ensuite sa légalité et sa pertinence.
Revenant sur le refus d’extradition, la représentante a déclaré que pour sa délégation, un tel refus devrait se faire en conformité avec les dispositions de l’accord bilatéral ou multilatéral existant entre les parties. La représentante a souligné que, dans la mesure où la législation de la Thaïlande ne définit pas les notions d’extradition, poursuite, compétence juridictionnelle des personnes soumises à cette juridiction, son pays souhaitait que la CDI achève ses travaux sur les dispositions relatives aux différentes définitions avant de s’engager sur la formulation des autres articles du projet de document afin d’assurer la compatibilité de l’ensemble du texte. Concernant les aspects procéduraux en matière d’extradition, elle a indiqué que la procédure en matière d’extradition devrait être séparée de la procédure ordinaire en matière pénale. Cette séparation s’impose parce que la procédure d’extradition a pour objectif de renvoyer le présumé coupable vers l’État qui a lancé un mandat d’arrêt contre lui et non de s’intéresser à la véracité des accusations portées contre lui.
M. MARK SIMONOFF (États-Unis), intervenant tout d’abord sur la question de la protection des personnes en cas de catastrophe, a déclaré que sa délégation était « réservée » sur l’approche basée sur les droits des personnes qui avait été adoptée par le Rapporteur spécial et l’incorporation du concept de responsabilité de protéger dans l’examen de ce sujet. Il s’est déclaré favorable à l’élaboration d’instruments pratiques pour faciliter la « coordination » entre les différents organes qui fournissent l’aide nécessaire en cas de catastrophe.
S’agissant de la question de l’immunité des responsables de l’État devant la juridiction pénale étrangère, le représentant a rappelé que cette notion se fondait sur le principe bien établi d’égalité des États souverains. Il a déclaré qu’un ensemble de règles « claires et cohérentes » en la matière serait très bénéfique à la communauté internationale. Mais l’on doit garder à l’esprit, a rappelé le représentant des États-Unis, que pour être valides et acceptées par tous, ces règles devront réaliser un équilibre entre les intérêts de l’État qui souhaite poursuivre le représentant d’un État, et celui dont ce représentant est originaire. Il a donc appelé la CDI à faire preuve de prudence pour examiner cet aspect.
Passant ensuite à la question de l’obligation d’extrader et de poursuivre, le représentant a rappelé que la pratique des États-Unis et celle des autres États n’offraient pas de base coutumière suffisante pour la formulation de projets d’articles qui iraient « au-delà » des obligations contenues dans les instruments internationaux porteurs d’obligations pour les États et qui, dans ce cas, pourraient obliger un État à extrader ou poursuivre sans que cet État ait « d’autorité légale » en la matière. Il est préférable, a estimé le représentant des États-Unis, de poursuivre dans la voie de la collecte d’information sur la législation et la pratique dans ce domaine, rappelant, à l’appui de cette thèse, que les États s’appuyaient essentiellement sur les dispositions des traités.
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