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AG/EF/3215

LES MENACES QUE FAIT PLANER LA CRISE FINANCIÈRE SUR LA DETTE EXIGENT UNE ACTION CONCERTÉE, SOULIGNE UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION

10/10/2008
Assemblée généraleAG/EF/3215
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Deuxième Commission

Table ronde - matin


LES MENACES QUE FAIT PLANER LA CRISE FINANCIÈRE SUR LA DETTE EXIGENT UNE ACTION CONCERTÉE, SOULIGNE UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION


Le monde va payer cher les erreurs d’une poignée de spéculateurs de Wall Street aux appétits insatiables, déplorent les participants à une table ronde


Quel avenir pour la restructuration de la dette extérieure dans le contexte de la crise financière actuelle?, se sont demandées, ce matin, les délégations de la Deuxième Commission, réunies à l’occasion d’une table ronde, animée par M. Paul Lolo, du Ministère des affaires étrangères du Nigéria.  Alors que les appels pour une régulation des marchés financiers se font plus insistants, la redéfinition des rôles que jouent les différents acteurs de la sphère financière et l’établissement d’une autorité indépendante d’arbitrage pourraient faire partie de la solution à adopter, ont souligné les participants.


Gérer la crise financière actuelle, qui se répand à travers le monde, et limiter son impact sur l’économie réelle doivent être une priorité, a souligné Mme Stephany Griffith-Jones, Directrice exécutive de l’Initiative for Policy Dialogue de l’Université Columbia, de New York, aux États-Unis.  Les solutions à trouver au problème doivent également veiller à ce que d’autres crises ne surviennent pas à l’avenir, a-t-elle préconisé.  Elle a expliqué que l’instabilité est inhérente aux marchés financiers du simple fait que les opérations financières se font sur la base d’hypothèses et d’espoirs de résultats que l’on veut obtenir dans l’avenir, mais qui ne peuvent être envisagés ou prévus avec certitude.  La crise actuelle, a poursuivi Mme Griffith-Jones, s’explique par les comportements à risque et les spéculations débridées lancées par les opérateurs des marchés, le tout combiné à une grande instabilité.  Les institutions et les investisseurs ont fini par paniquer, et les réglementations lacunaires existantes n’ont pu enrayer la crise, a-t-elle souligné.  Elle a ainsi expliqué qu’au moment de l’éclatement de la crise, seules les banques, ou plus précisément seuls certains secteurs de ces banques, étaient réglementés.  Les activités des prêteurs d’hypothèques, par exemple, dont le rôle est pourtant essentiel, n’étaient pas réglementées, a relevé la panéliste.  Un système de régulation qui relève d’une partie seulement de l’industrie bancaire et ne couvre aucun autre domaine du système bancaire, voire du système financier dans sa totalité, ne peut absolument pas fonctionner, a-t-elle averti.


Dans ce contexte, elle a plaidé pour l’établissement d’une régulation transparente, complète, et plus efficace des marchés, en se réjouissant que, face aux risques posés par les marchés financiers dérégulés, le consensus grandisse sur la nécessité de disposer d’un tel cadre de régulation.  Aujourd’hui, alors que les gouvernements interviennent de plus en plus pour sauver les entreprises en faillite ou au bord de la banqueroute, l’idée de mettre en œuvre des mesures de régulation est devenue plus acceptable politiquement, a-t-elle fait remarquer.

M. Sony Kapoor, Directeur exécutif de Re-DeFinE (Rethinking Development, Finance & Environment), a estimé impératif de mettre au point un mécanisme international de gouvernance qui traitera également du problème de la dette, puisque la crise financière actuelle montre qu’« on ne peut continuer comme avant ».  Il a noté que ce mécanisme pourrait être établi sous les auspices de l’ONU qui, par sa nature intergouvernementale, jouit de la légitimité nécessaire à la crédibilité que devra avoir ce type d’outil.  C’est la seule voie à suivre pour pouvoir aller de l’avant, a-t-il insisté. 


Le panéliste a également mis en avant la nécessité, pour les pays en développement, d’obtenir des ressources pour faire face aux retombées négatives de la situation actuelle, ceci afin de ne pas recourir à des emprunts et sombrer de nouveau dans les déficits et le surendettement.  Il a indiqué que les promesses concernant un flux d’aide financière en faveur des pays défavorisés n’étaient toujours pas honorées, et que les investissements étrangers directs étaient en train de se réduire comme peau de chagrin.  Les flux financiers de la plupart des pays en développement sont depuis un certain temps négatifs ou proches de zéro, a-t-il constaté en arguant qu’on ne pourra jamais résoudre la dette si on ne règle pas la question des flux de ressources financières et de la fuite des capitaux.  Plus d’argent est en effet chaque année drainé des pays en développement vers les pays industrialisés que ces derniers n’en transfèrent vers les pays pauvres sous forme d’aide ou d’investissements, a rappelé le panéliste. 


Mme Geske Dijkstra, Professeure associée d’économie à l’Université Erasmus de Rotterdam, aux Pays-Bas, a, pour sa part, attiré l’attention sur les conditions d’allégement de la dette qui se font avec l’accord du Fonds monétaire international (FMI).  Les conditions imposées, a-t-elle noté, ne sont pas toujours bonnes et peuvent entraîner une faible croissance et la mise en place de mauvaises politiques.  Elle a estimé que, d’une manière générale, en tant qu’institution, le FMI ne peut pas jouer un rôle de sentinelle financière puisqu’il est dans son intérêt de fournir de nouveaux prêts aux pays.  Elle a également regretté que le nouveau cadre de viabilité de la dette, établi par le FMI et la Banque mondiale, qui est basé sur des critères prenant en compte le niveau de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB), et sur la qualité des politiques « récompense les pays pour leurs mauvaises politiques », puisque ce sont les États à problèmes ayant une faible viabilité de leur dette qui reçoivent des subventions au lieu de nouveaux prêts. 


Face à ce sombre constat, Mme Dijkstra a estimé que la Banque mondiale devait octroyer des prêts sans intérêt et des dons, pour augmenter la viabilité de la dette des pays pauvres.  De plus, elle a proposé que le rôle du FMI soit limité dans les pays pauvres et qu’un mécanisme indépendant d’arbitrage soit établi, afin de régler les conflits d’intérêts nés des différents rôles qu’il joue.


Sur cette lancée, M. Steven Kargman, Président de Kargman Associates (New York, États-Unis), a suggéré d’établir un tribunal indépendant de la dette souveraine, qui serait chargé d’arbitrer les différends.  Une telle approche, a-t-il précisé, permettrait de trouver un consensus entre les différents acteurs clefs.  Elle offrirait un forum neutre pour le règlement des différends, fournirait une structure cohérente au processus de restructuration de la dette, et créerait la perception que le monde dispose d’une réserve d’expertise pour traiter de ces différends très complexes. 


Soulignant l’importance de faire en sorte que cette institution soit légitime et ne soit pas le créditeur potentiel d’un État souverain, M. Kargman a proposé que le mandat en soit octroyé aux Nations Unies.  Outre la vérification des créances, ce tribunal pourrait être chargé d’autres questions, comme la viabilité de la dette, la faisabilité des plans de restructuration, ou l’évaluation de la bonne foi dans les négociations.  Il faudrait également régler d’autres détails, comme par exemple, la juridiction de ce tribunal, les motifs de saisine, ou la représentation des différentes parties.  Il est nécessaire de développer de nouvelles approches à mesure que la mondialisation accroît le nombre d’acteurs dans la sphère financière, a cependant averti le panéliste.


Le représentant de la France, intervenant en tant que représentant du Secrétariat du Club de Paris, a tenu à apporter quelques précisions et a notamment souligné que la mise en œuvre de l’Initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE) n’était pas achevée.  Il a rappelé que cette Initiative concernait 41 pays, 23 ayant atteint le point d’achèvement, 10 le point de décision, tandis que 8 autres pays n’avaient pas encore bénéficié d’annulation de la dette, puisqu’ils n’avaient pas encore franchi le point de décision.  Il a assuré que les pays membres du Club de Paris avaient rempli toutes leurs obligations dans le cadre de l’Initiative.  En comparaison, les créditeurs bilatéraux non-membres ont contribué à hauteur de 40% de ce qui était attendu d’eux, et les créanciers commerciaux à 33% de leurs engagements a-t-il constaté, affirmant qu’il y avait donc encore des marges de progression. 


Alors que les effets de la crise financière actuelle sur le panorama de la dette sont difficiles à prédire, il importe d’éviter la tendance à gérer cette crise « en interne ».  Il faut plutôt trouver des solutions collectives, ont souligné les participants à la table ronde.  Dans ce contexte, ils ont été nombreux à souhaiter que la Conférence de Doha sur le financement du développement s’attache à débattre, et à trouver des solutions à la question de la réforme de l’architecture financière internationale. 


Le représentant du Brésil a fait valoir que son pays, à l’instar de beaucoup d’autres, a « fait son travail » en renforçant sa position financière extérieure et en luttant, à l’intérieur, contre les inégalités et la pauvreté.  « Nous n’avions rien à voir avec ces jeunes gens de Wall Street, mais maintenant nous devons tous payer le prix de leurs erreurs », a-t-il déploré. 


L’utilisation des forums mondiaux est très importante pour éviter que de telles crises ne se reproduisent à l’avenir, a reconnu Mme Griffith-Jones, tandis que M. Sony Kapoor estimait pour sa part que la Conférence de Doha arrivait à un moment opportun.  Il ne faudra pas ressasser les mêmes arguments, a averti M. Paul Lolo, parce que les modèles classiques ont montré qu’ils ne sont plus crédibles.


Les représentants des États suivants ont participé à la discussion: Autriche, Tanzanie, France, Brésil et Philippines.


La Deuxième Commission se réunira lundi, le 13 octobre, à 10 heures, pour entamer son débat relatif aux questions de politique macroéconomique.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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