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AG/J/3333

DEVANT LA SIXIÈME COMMISSION, LA PRÉSIDENTE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE PARLE D’UNE ANNÉE « TRÈS PRODUCTIVE » POUR LA COUR

02/11/2007
Assemblée généraleAG/J/3333
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Sixième Commission

23e et 24e séances – matin et après-midi


DEVANT LA SIXIÈME COMMISSION, LA PRÉSIDENTE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE PARLE D’UNE ANNÉE « TRÈS PRODUCTIVE » POUR LA COUR


Les délégations restent divisées sur la nature du lien

entre obligation d’extrader ou de poursuivre et compétence universelle


Le principe du dialogue et de la coopération entre États, mais aussi celui de la souveraineté étatique, ont figuré de manière prépondérante dans les débats qui se sont déroulés aujourd’hui à la Sixième Commission (chargée des questions juridiques).  La Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ), Mme Rosalyn Higgins, est aussi intervenue pour présenter, dans le cadre de son traditionnel discours annuel, ses réflexions sur le travail de la Cour.  Le Président de la Commission du droit international (CDI) est, quant à lui, venu saluer les commentaires et observations formulés par les délégations sur le rapport de la Commission.


Les délégations se sont déclarées préoccupées par la question de la compétence universelle et la relation particulière qu’entretient cette compétence avec l’obligation d’extrader ou de poursuivre, aut dedere aut judicare.  Toutes les délégations ont, à l’instar de la Malaisie, reconnu que cette obligation était l’une des pierres angulaires « d’un système de justice mondial », aussi imparfait soit-il, « où il n’y a pas de refuge possible pour les auteurs de crimes », comme l’a énoncé la représentante des Pays-Bas.  Si en écho à ces déclarations, la délégation du Chili a rappelé que l’obligation d’extrader ou de poursuivre figurait dans un grand nombre de traités bilatéraux et multilatéraux, l’approche d’autres délégations a été beaucoup plus prudente.  Ainsi, le délégué du Canada a expliqué que l’obligation d’extrader ou de poursuivre ne s’appliquait pas à tous les crimes, et a mis en garde la CDI contre l’adoption d’une conception trop large de cette obligation.  « Aut dedere aut judicare n’est pas une norme coutumière », a d’ailleurs jugé la représentante de la Fédération de Russie, en rappelant que toute autre démarche irait à l’encontre du principe de souveraineté de l’État.  Suivant en ce sens l’opinion du Rapporteur spécial, le Royaume-Uni s’est ainsi déclaré opposé à la « troisième alternative » existant en théorie entre extrader, poursuivre, et remettre un suspect à un tribunal international.


Plusieurs délégations ont aussi souhaité apporter des contributions souvent très détaillées au débat sur les réserves aux traités, dans le cadre du « dialogue réservataire » favorisé par le Rapporteur spécial.  Le représentant de la Hongrie a ainsi salué l’échange constant entre États et organisations internationales sur la formulation des réserves et les objections aux réserves, soulignant combien ce dialogue pouvait aider à clarifier les positions juridiques de chacun sur la nature des réserves et leurs relations aux traités internationaux.  Certaines délégations, comme la France, ont ainsi fait part de leurs doutes, par exemple, sur les objections « tardives » et « préventives », ou encore sur la prérogative de tout État, même celui dont l’intention est d’être partie à un traité à l’avenir, d’être l’auteur d’une objection.  Toutes ont cependant réitéré qu’elles étaient convaincues qu’un certain ordre juridique international était établi, comme elles l’ont rappelé, dans les Conventions de Vienne de 1969, 1978 et 1986 sur le droit des traités.


Les représentants des pays suivants ont pris la parole au cours de ce débat: Malaisie, Canada, Philippines, El Salvador, Hongrie, Bélarus, République tchèque, France, Chili, Nigéria, Mexique, Roumanie, République démocratique du Congo, Grèce, Pays-Bas, Slovénie, Royaume-Uni, Cuba, Israël, Japon, République arabe syrienne, Sierra Leone, Portugal, Fédération de Russie et Brésil.


La Sixième Commission poursuivra ses travaux sur le rapport de la Commission du droit international, lundi 5 novembre, à 10 heures.


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-NEUVIÈME SESSION


Déclarations


M. UMAR SAIFUDDIN JAAFAR (Malaisie) a félicité la Commission du droit international et le Rapporteur spécial pour leurs travaux relatifs aux réserves aux traités et a notamment salué la proposition selon laquelle il serait possible de formuler des objections à l’encontre de réserves qui, bien que valides, portent atteinte à l’intérêt de l’État.  Il a dit, à cet égard, attendre avec impatience l’étude qui sera faite sur l’étendue de la portée des objections formulées à l’encontre de réserves qui sont expressément autorisées par les Conventions de Vienne.  La Malaisie a elle-même émis des réserves à des traités relatifs aux droits de l’homme qui sont perçues comme incompatibles avec l’objet et le but du traité, a-t-il poursuivi.  C’est pourquoi sa délégation attend avec impatience les conclusions du Rapporteur spécial sur l’impact des réserves invalides, et des objections et des acceptations concernant les réserves, a-t-il ajouté. 


Jugeant, par ailleurs, inacceptable la directive sur les objections préventives, le représentant a souligné que les États ou organisations internationales devraient réagir aux réserves qui ont été présentées plutôt que de spéculer sur ces dernières.  Cela permettrait à un État ou une organisation internationale de déterminer la portée d’une réserve avant de prendre la décision de s’y opposer, a-t-il expliqué.  Si mon pays reconnaît l’utilité des directives pour la pratique des États et des organisations internationales en matière de réserves, il est toutefois nécessaire que la Commission poursuive en profondeur son examen de la question, a-t-il souligné.


Abordant la question des ressources naturelles partagées, le représentant a souligné qu’un lien entre les questions sur les aquifères et le pétrole et le gaz entraînerait des retards inutiles et a, à cet égard, soutenu la proposition du Rapporteur spécial d’étudier séparément les deux questions.  S’agissant de la forme finale du projet d’articles, il a invité à la prudence et a proposé que cette question soit reportée une fois la deuxième lecture du projet d’articles achevée.


Au titre du chapitre du rapport de la CDI consacré à l’obligation d’extrader ou de poursuivre, M. Jaafar a dressé la liste des traités multilatéraux pertinents auxquels son pays est partie et a indiqué que son pays avait conclu plusieurs traités bilatéraux d’extradition, notamment avec la Thaïlande ou l’Indonésie.  Au niveau national, la Malaisie a incorporé l’obligation d’extrader ou de poursuivre dans la loi sur l’extradition de 1992, dite loi n°479, a-t-il indiqué.  Il a ensuite précisé que l’extradition restait possible dans le cas où il n’y avait pas de traités, grâce à une directive spéciale contenue dans ladite loi.  Après avoir réaffirmé que son pays était engagé à combattre le crime et à lutter contre l’impunité, le représentant a souligné que l’obligation d’extrader ou de poursuivre découlait des traités et n’était pas une obligation du droit international général.


M. ALAN H. KESSEL (Canada) a, tout d’abord, indiqué que, s’agissant des réserves aux traités, sa délégation était d’accord avec la décision de la Commission de ne pas remettre en question les travaux des Conventions de Vienne.  Les directives devraient permettre d’aider les États sans créer toutefois de régime distinct pour les réserves aux traités, ce qui préserverait l’unité des règles de Vienne, a-t-il expliqué.  Il s’est aussi interrogé sur la possibilité pour les tierces parties d’évaluer la validité des réserves, ces parties pouvant par exemple, a noté M. Kessel, être des organes de surveillance constitués en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme.  Il s’est aussi demandé s’il était opportun que l’invalidité ait « pour conséquence la dissociabilité », puisqu’il revient aux États parties, en dernier ressort, de déterminer la validité et la conséquence de la validité d’une réserve émise par un autre État partie.  La pratique canadienne en matière d’objections, a rappelé M. Kessel, tient en outre compte de considérations d’ordre moral comme pratique.


Pour ce qui est des ressources partagées, le représentant a rappelé que le Canada ne partageant qu’une frontière terrestre internationale avec les États-Unis, la question de la pollution des eaux souterraines représentait pour ce pays un enjeu « exclusivement bilatéral » qui faisait l’objet de deux traités dont la mise en œuvre s’effectuait par l’intermédiaire d’une « Commission mixte bilatérale ».  Ces textes peuvent en inspirer d’autres, a expliqué M. Kessel, tout en signalant que la participation du Canada à l’élaboration de ces textes pourrait être remise en cause si ces travaux ou mécanismes débouchaient sur une convention type ou cadre.


S’agissant enfin de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le Canada estime qu’elle ne s’applique pas à tous les crimes, a affirmé M. Kessel, en mettant en garde la Commission du droit international contre l’adoption d’une conception trop large de l’obligation.  Au Canada, l’obligation de poursuivre ou d’extrader s’applique aux crimes relevant d’une compétence universelle, reconnue par le droit international coutumier ou par les traités.  De l’avis de sa délégation, la remise d’un prévenu à un tribunal pénal international est d’ailleurs différente d’une extradition, a noté M. Kessel, en se félicitant de ce que la CDI ait choisi de mettre un terme à l’examen de la « triple alternative ».  De manière générale, un examen approfondi des traités qui renferment cette obligation pourrait produire un « corpus d’informations » utile sur l’obligation dans son ensemble, a-t-il conclu. 


Mme MIRIAM DEFENSOR-SANTIAGO (Philippines) a estimé qu’il était difficile de concevoir l’application des réserves à des dispositions d’un traité bilatéral, faisant remarquer que leurs conséquences juridiques sur ce type de traité ne pouvaient en aucun cas se produire sans l’acceptation des deux parties.  C’est pourquoi elle s’est dite convaincue qu’une réserve formulée à l’encontre d’une disposition d’un traité bilatéral devenait une disposition du traité qui devait être acceptée par les deux parties.  Compte tenu de l’obligation d’assujettir la réserve à l’acceptation de toutes les parties aux traités, peut-on encore parler de réserve? s’est-elle interrogée, avant de recommander à cet égard de définir plus clairement le statut des réserves dans les traités bilatéraux.


Intervenant ensuite sur la question des ressources naturelles partagées, la représentante a mis en exergue la dimension du sujet relative aux incidents transfrontières dans les relations interétatiques.  Les États ont l’obligation générale d’assumer que les activités qui se déroulent sous leur juridiction et leur contrôle, respectent l’environnement des autres États ou des zones situées au-delà de leur juridiction nationale, a-t-elle rappelé en faisant référence à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice relatif à la « Licéité de la menace ou de l’utilisation des armes nucléaires ».  Elle a, à cet égard, estimé que la CDI, dans le cadre de ses travaux relatifs au développement progressif du droit et à la codification du droit en ce domaine, pourrait examiner l’impact transfrontière des ressources naturelles partagées.  C’est l’obligation de ne pas causer de dommages environnementaux importants qui devient la charge la plus importante à assumer dans le cadre des relations interétatiques, a-t-elle fait remarquer.


Mme ANA ELIZABETH VILLALTA VIZCARRA (El Salvador) s’est d’abord exprimée sur les réserves aux traités, notant que les directives de la CDI étaient importantes pour la codification du droit international.  Elle a rappelé que pour son pays, il était important que la réserve formulée par un État, et qui n’irait pas contre l’objet et le but du traité, soit respectée.  C’est pourquoi, a-t-elle poursuivi, une objection partielle à une telle réserve n’est pas acceptable, car elle altérerait la nature même de la réserve.  Un État ne peut pas non plus revenir sur une réserve après son acceptation, a fait remarquer la représentante, afin d’éviter de remettre en cause la stabilité juridique dans son ensemble.


S’agissant de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la représentante a indiqué qu’El Salvador accorde une importance particulière à ce thème, a-t-elle souligné, car cette obligation permet de lutter contre l’impunité.  Elle a rappelé que son pays était partie à plusieurs conventions où figurait cette obligation, et que la Constitution d’El Salvador avait été modifiée pour permettre l’extradition de ses propres ressortissants.  Le principe de la réciprocité doit dans ce cadre être respecté, a souligné la représentante, et s’appliquer en cas de demande formelle.  Cependant, les liens entre obligation d’extrader et obligation de poursuivre doivent être examinés plus en détail, a-t-elle conclu, soulignant que cette obligation permet de donner aux tribunaux nationaux les moyens de mieux faire leur travail, ou d’accepter, le cas échéant, la compétence d’un tribunal international.


M. ISTVÁN HORVÁTH (Hongrie) a rappelé que les traités étaient, de loin, les sources les plus importantes du droit international et qu’à ce titre, la rédaction de directives sur les réserves aux traités serait très utiles aux États pour leur permettre de s’acquitter de leurs obligations en vertu de ces traités, en particulier les traités sur la protection des droits de l’homme.  S’agissant des conséquences juridiques des réserves non valides, il a rappelé l’importance du compromis que reflètent les deux Conventions de Vienne sur le droit des traités, et que tout changement dans ce système devrait prendre en compte la question des circonstances dans lesquelles l’État qui formule une réserve invalide est lié par les dispositions de la réserve, sans violer le principe d’égalité des États souverains.  Il a indiqué qu’il était, selon lui, essentiel que la CDI achève ses travaux sur la question des réserves, et qu’elle adopte prochainement ses projets de directives. 


S’agissant de la question des ressources naturelles partagées, le représentant a indiqué que sa délégation était plutôt favorable à l’adoption d’une convention-cadre, plutôt qu’une convention type, car un tel instrument pourrait établir des principes fondamentaux et les méthodes de coopération dans ce domaine, et offrir un cadre aux pays qui en ont besoin, ou servir de base pour la conclusion d’accords régionaux ou bilatéraux.  Il a rappelé que la Hongrie partageait des aquifères avec sept pays voisins, précisant que les conventions auxquelles son pays était partie ne répondaient pas à toutes les situations.  Il a néanmoins assuré que la Hongrie était disposée à partager son expérience dans ce domaine. 


Intervenant ensuite sur la question de l’obligation d’extrader et de poursuivre, le représentant a expliqué que dans un monde de plus en plus interdépendant, cette obligation s’imposait, et que les sources de cette obligation n’étaient pas limitées aux traités internationaux.  Il s’est donc dit prêt à participer aux travaux de la CDI visant à examiner et comparer la pratique des États dans ce domaine, afin de mieux définir le contenu exact de l’obligation d’extrader et de poursuivre.


Mme LIUDMILA KAMENKOVA (Bélarus) a félicité la Commission du droit international (CDI) et le Rapporteur spécial pour leurs travaux sur les réserves aux traités.  Sur ce sujet, elle a en particulier estimé qu’avant la formulation d’une réserve, il convenait de tenir compte de l’objet du traité et a, à cet égard, jugé inacceptables les réserves qui limitent les droits de l’homme.  Il est, par ailleurs, impossible d’accepter les réserves formulées à l’encontre de dispositions d’accords bilatéraux, mais elle a ajouté que cette interdiction n’excluait pas la possibilité de formuler des déclarations interprétatives.  Puisque cette notion abstraite a commencé à être mieux circonscrite, la question de l’incompatibilité avec l’objet et le but d’un traité doit être résolue dans le cadre d’un projet de directive adopté par la Commission au cours de sa prochaine session, a-t-elle estimé.


Abordant ensuite la question des réserves relatives au droit interne, la représentante a jugé inadmissible la formulation de réserves dont l’effet juridique peut être modifié de façon arbitraire par son auteur, à la suite d’une modification de son droit interne.  Elle a toutefois précisé que les normes constitutionnelles étaient des exceptions à la règle dans la mesure où elles pouvaient constituer une entrave juridique réelle pour les États qui désirent devenir parties à un instrument juridique international.  La représentante a souhaité que le programme de travail prévu en la matière jusqu’en 2011 sera achevé dans les temps et estimé que les résultats obtenus constitueront un jalon important en la matière.


M. MILAN DUFEK (République tchèque) a salué l’importance accordée par la Commission et le Rapporteur spécial au « dialogue réservataire » des États et des organisations internationales concernées par la formulation des réserves et des objections aux réserves.  Ce dialogue peut aider à clarifier des positions juridiques sur la nature des réserves et les relations à un traité international spécifique, a-t-il indiqué.  Il a, par ailleurs, appuyé le projet de directives qui invite les États et les organisations internationales à indiquer les raisons qui les motivent à poser une objection à une réserve formulée par un autre État ou organisation internationale, de même que l’idée d’inclure dans le projet de texte une directive similaire recommandant aux États et organisations internationales de présenter les raisons qui les amènent à formuler une réserve aux traités internationaux.  Estimant de plus que les objections tardives permettent de participer au « dialogue réservataire » et sont une source d’information pour les cours internationales, le représentant a plaidé en faveur d’une reformulation de la disposition y relative qu’il a jugée trop vague.  Il a, par ailleurs, fait part des préoccupations de sa délégation concernant le projet de directive relative aux réserves préventives dont le contenu risque de donner lieu à une certaine confusion entre les déclarations politiques ou interprétatives et les déclarations visant à produire des effets juridiques spécifiques.


S’agissant des ressources naturelles partagées, M. Dufek a estimé que, compte tenu des différences existantes entre les questions des eaux souterraines et du pétrole et du gaz, les projets d’articles sur le droit des aquifères transfrontières pouvaient être achevés quel que soit le résultat obtenu suite aux débats de la CDI sur les questions juridiques relatives au pétrole et au gaz naturel.  Soulignant l’importance de connaître la pratique des États s’agissant des questions juridiques internationales relatives au pétrole et au gaz, il a jugé extrêmement importante l’idée de diffuser un questionnaire pour y parvenir.  S’agissant de l’obligation générale de coopérer, il a estimé que la référence à la bonne foi risque d’encourager certains États à prendre des mesures qui n’étaient pas négociées avec l’autre partie et qui pourraient avoir des conséquences négatives pour cette partie.  Faisant observer les similitudes entre les projets d’articles et ceux qui ont donné lieu à l’adoption de la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, il a suggéré que ce projet d’articles soit finalisé sous forme de convention-cadre.


Mme EDWIGE BELLIARD (France) a indiqué que, s’agissant du projet de directives sur la détermination de l’objet et du but du traité et sur l’incompatibilité d’une réserve avec cet objet ou ce but, sa délégation s’en remettait à la CDI.  Elle a cependant fait part des doutes de la France sur les objections « tardives » et « préventives », soulignant qu’elles risquaient de créer une situation par laquelle les États seraient incités à multiplier les déclarations aux effets juridiques incertains.  Elle a expliqué qu’elle soutenait le projet de directive sur l’acceptation des réserves, mais fait part de ses difficultés à concevoir « l’acceptation tacite comme une présomption d’acceptation », ainsi que l’inclusion dans le Guide de la pratique de la directive traitant des organisations internationales et des positions des États Membres sur la validité des réserves.


S’agissant de la non-validité d’une réserve, la France a déjà eu l’occasion d’exprimer sa position, a rappelé Mme Belliard, notamment sa réticence à user du vocabulaire de la « validité » et de la « nullité » des réserves.  Celui-ci ne permet pas, au sens de la France, de rendre compte de l’importance du rôle des États face aux réserves formulées par d’autres.  Les questions relatives aux conséquences des réserves non valides doivent trouver leurs réponses dans le mécanisme des objections et acceptations formulées par les États, a souligné Mme Belliard.  Un État peut-il, en faisant objection à une réserve qu’il juge incompatible à l’objet et au but d’un traité, prétendre que celle-ci n’a aucun effet ? s’est-elle aussi interrogée.  C’est là une question délicate, a-t-elle fait observer, à laquelle il convient de répondre conformément au principe du consensualisme.  Mais il est toujours possible, a-t-elle poursuivi, que les États ayant objecté à une réserve incompatible avec l’objet et le but du traité ne s’opposent pas à l’entrée en vigueur du traité entre eux et l’État réservataire.  Une telle réserve ne saurait en effet vicier l’intégralité du consentement de l’État réservataire à être lié par un tel traité.  Quand la France objecte à une réserve interdite par le traité sans s’opposer à l’entrée en vigueur du traité vis-à-vis de l’État réservataire, elle entend donc respecter la volonté exprimée par ce dernier, a déclaré Mme Belliard, soulignant ainsi l’importance du « dialogue réservataire » que préconise le Rapporteur spécial.  Même si les effets d’une entrée en vigueur risquent dans ces circonstances d’être limités, cette solution, a conclu Mme Belliard, est la plus respectueuse des caractéristiques de l’ordre juridique international.  


M. CLAUDIO TRONCOSO REPETTO (Chili) a concentré son intervention sur la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, estimant que ce principe était d’une grande utilité pratique.  Il a souligné le lien entre cette obligation et le principe de coopération entre les États dans leur lutte commune contre la criminalité internationale afin d’éviter que les auteurs de crimes ne parviennent à trouver un refuge et restent impunis, et a rappelé que cette obligation était présente dans divers traités bilatéraux et multilatéraux et dans d’autres instruments juridiques internationaux, comme la Convention de Palerme contre la corruption ou les Conventions relatives à la lutte contre le terrorisme.  Mon pays attend avec impatience l’étude de la Commission du droit international visant à déterminer la relation de la compétence universelle avec ce principe, a-t-il par ailleurs ajouté, avant d’estimer que le champ d’application de cette obligation devait s’appliquer à des crimes particulièrement graves.


La question des exceptions à l’obligation d’extrader est l’une des questions importantes qui devraient être étudiées par la CDI afin d’éviter les vides juridiques et empêcher les États de prendre des décisions arbitraires en la matière, a poursuivi M. Repetto.  Ces exceptions peuvent être justifiées par un manque de preuve à l’encontre de l’individu présumé coupable ou dans les cas où cette personne risque d’être soumise à des traitements cruels ou dégradants, a-t-il ajouté.  Il convient ainsi de tenir compte du lien entre ce principe et le droit d’asile, a estimé le représentant chilien en invitant le Rapporteur spécial à se pencher sur cette question.  L’examen de cette question implique la révision de la question de l’extradition dans divers domaines, a-t-il proposé.  Il convient, par exemple, d’analyser les limites à l’obligation d’extrader contenues dans les différents traités internationaux, a-t-il précisé à titre d’exemple. 


Intervention de la Présidente de la Cour internationale de Justice


Mme ROSALYN HIGGINS (Royaume-Uni), Présidente de la Cour internationale de Justice, a rappelé qu’elle avait présenté, hier, le rapport annuel de la Cour internationale de Justice (CIJ) à l’Assemblée générale et que la CIJ avait eu une année très productive, ayant rendu deux arrêts et une ordonnance et prononcé, il y avait trois semaines à peine, un autre arrêt.  Elle a choisi d’axer son intervention sur un sujet spécifique : l’appréciation judiciaire des faits.


Elle a expliqué qu’un grand nombre des travaux de la Cour étaient actuellement consacrés à ce sujet et que si la Cour était parfois appelée à se prononcer sur des questions juridiques de fond, on lui demandait souvent de constater des faits, notamment dans les différends territoriaux.  Il existe, a indiqué Mme Higgins, plusieurs sortes de « faits », qui dépendent notamment de la documentation produite par les parties, en particulier dans les affaires relatives à un différend territorial où chaque partie présente sa version des « faits ».  Elle a cité, à cet égard, l’exemple de l’affaire Qatar c. Bahreïn, dans laquelle la Cour avait dû se pencher sur la correspondance et un grand nombre de documents d’archives.  Elle a insisté sur l’importance, dans ces affaires, de bien comprendre le passé colonial des pays concernés, et le rôle du principe de l’uti possidetis juris, qui vise à assurer le respect des limites territoriales au moment de l’accession à l’indépendance.  Elle a aussi rappelé la distinction établie par la CIJ entre experts et témoins.  Les présentations des experts des parties devant la CIJ, a-t-elle expliqué, prennent généralement la forme d’une déclaration spéciale.  Il leur arrive cependant de répondre « aux éléments de preuve historique présentés par la partie adverse » et sont alors considérés comme « conseils » au sein d’une « équipe ».  Il appartient aux délégations, a souligné, par ailleurs, la Présidente, de choisir entre intégrer l’expert à leur propre équipe, annexer le rapport d’expert à la réplique de la délégation, ou demander à la Cour de nommer son propre expert, comme dans dans l’affaire Golfe du Maine entre le Canada et les États-Unis. 


En de très rares occasions, a poursuivi Mme Higgins, les parties recourent, conformément au règlement intérieur de la CIJ, à des dépositions de témoins, c'est-à-dire des témoignages personnels sur les faits.  Elle a expliqué que dans l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, les parties comptaient faire entendre des centaines de témoins, ce qui soulevait des difficultés importantes pour la Cour, compte tenu notamment de l’organisation des contre-interrogatoires de la confidentialité des témoignages ou encore de l’impact de la durée de la procédure.  De fait, les listes de témoins de deux parties ont finalement été réduites à un nombre raisonnable, a noté Mme Higgins, soulignant que dans de rares exemples, un témoignage historique, comme celui de la destruction d’Hiroshima et Nagasaki, ne pouvait être contesté.  La Cour peut enfin citer ses propres témoins, même si ceci ne s’est encore jamais produit, ou « effectuer des visites sur les lieux auxquels l’affaire se rapporte, a-t-elle ajouté.


S’exprimant sur la question du critère d’établissement de la preuve, Mme Higgins a indiqué que la Cour avait eu avant tout pour objectif de garder une certaine liberté pour évaluer les preuves présentées, en se fondant sur les faits et les circonstances propres à chaque affaire.  Elle a indiqué que la Cour avait fait des observations sur le critère de l’établissement de la preuve dans l’affaire du Détroit de Corfou en 1949, rejetant des preuves « sans force probante suffisante » et expliquant qu’il fallait tabler sur un degré de certitude.  Cela étant, la Cour a depuis préféré s’abstenir de définir le critère de la preuve à satisfaire, même dans des cas précis, a-t-elle ajouté. 


La Cour, a-t-elle poursuivi, a toutefois systématiquement indiqué, dans une série d’affaires, quel était selon elle le poids à accorder aux différents types de preuve.  Les éléments de preuve au sujet desquels elle a pu faire des observations dépendaient bien entendu de chaque cas d’espèce, a-t-elle précisé, avant de citer à titre d’exemple l’affaire Congo c. Ouganda.  Dans cette affaire, la Cour a relevé qu’une attention particulière méritait d’être prêtée aux éléments de preuve obtenus par l’audition d’individus directement concernés et soumis à un contre-interrogatoire par les juges rompus à l’examen et à l’appréciation de grandes quantités d’informations factuelles, parfois de nature technique, a-t-elle indiqué.   Citant un autre exemple, elle a indiqué que dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, la Cour avait fait observer que les dépositions de témoins produites sous la forme de déclarations sous serment devaient être traitées avec prudence.  Soulignant l’abondance des faits dans certaines affaires, elle a indiqué que l’appréciation judiciaire des faits pertinents serait toujours une tâche importante pour la Cour.  C’est pour cette raison, a-t-elle ajouté, que chaque juge a constamment besoin d’être assisté par un juriste adjoint.  La CIJ est la seule des institutions judiciaires internationales à ne pas bénéficier d’une telle assistance pour rassembler, organiser et vérifier les éléments de preuve. 


Échange de vues


M. ZÉNON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a souhaité revenir sur les activités armées entre son pays et le Rwanda, dans l’affaire République démocratique du Congo c. Rwanda.  Un arrêt a été rendu dans cette affaire l’année dernière, a expliqué M. Ngay, arrêt que respecte la RDC mais qui, a-t-il ajouté, laisse « une odeur d’inachevé ».  Il a expliqué qu’il y avait pourtant de la matière dans cette affaire rayée du rôle de la CIJ, qui ne pourra donc plus jamais être saisie à ce propos.  Cette affaire pourra-t-elle être finalement résolue, par d’autres moyens, comme l’arbitrage ou la négociation, s’est interrogé M. Ngay. 


La Présidente de la Cour internationale de Justice lui a répondu en expliquant qu’au moment où elle rendait son jugement sur l’affaire RDC c. Ouganda, la CIJ n’avait effectivement pas pu rendre de jugement sur l’affaire RDC c. Rwanda.  Mais dans la première affaire, les deux parties avaient accepté la compétence de la Cour.  Dans la deuxième, en revanche, l’une des parties avait refusé cette compétence, et il n’existait pas non plus de compétence prima facie, malgré les arguments de la RDC en ce sens, a expliqué Mme Higgins, qui s’est dite dans l’impossibilité de répondre à la question du représentant de la RDC sur le fait de savoir comment ce litige pourrait être résolu à l’avenir.


M. YURIY SHEMSHUCHENKO (Ukraine) a fait remarquer que les différends portant sur les mers et les océans étaient examinés par plusieurs organes judiciaires internationaux, notamment la Cour internationale de Justice ou le Tribunal sur le droit de la mer, et s’est, à cet égard, interrogé sur le problème de compétence concurrente qui pourrait en résulter.


En réponse au délégué de l’Ukraine, la Présidente de la Cour internationale de Justice a déclaré que le chevauchement de compétences était une réalité qui avait pour origine des raisons historiques.  Elle a indiqué qu’il incombait aux tribunaux concernés d’éviter toute divergence entre eux au moment où ils rendent un jugement.  Elle a, à cet égard, fait part de la position du Tribunal international sur le droit de la mer qui tente toujours de s’en tenir aux avis rendus par la Cour internationale de Justice (CIJ) et aux affaires concernant l’application de la Convention sur le droit de la mer.  Elle a conclu en rappelant le rôle central de la CIJ au sein du système judiciaire international.


Déclarations


M. FELIX A. ANIOKOYE (Nigéria) a souligné que pour son pays, la notion de réserve à un traité pouvait prendre la forme d’une réserve à l’intégralité du traité, ou d’une réserve à un article particulier.  En ce qui concerne le premier type de réserve, le Nigéria considère qu’un État ne peut être lié que dans la mesure de son acceptation des obligations contenues dans le traité.  Du fait de la nature contractuelle des traités, les États ne devraient pas être liés par les traités à l’égard desquels ils ont émis des réserves, sur la base de la souveraineté des États. 


M. Aniokoye s’est aussi exprimé sur l’expulsion des étrangers, en soulignant que la loi nigériane sur l’immigration permettait au Nigéria d’expulser certaines catégories de personnes, qu’il s’agisse de nationaux ou de ressortissants avec la double nationalité.  Par ailleurs, a-t-il noté, si une personne n’a pas acquis la nationalité nigériane à la naissance, elle peut la perdre si elle est condamnée pour un manquement à la loi.  Le représentant a, par ailleurs, souligné que son pays était favorable à la distinction entre étrangers respectant les lois de l’État d’accueil et les étrangers se livrant à des activités hostiles sur le territoire de cet État, sous réserve du droit au retour des étrangers dont l’expulsion a été jugée illégale par une autorité compétente.  S’agissant des dispositions concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile, il a indiqué que sa délégation était favorable à une étude plus approfondie des règles en la matière, eu égard à l’absence de régime général sur l’expulsion des étrangers dans les instruments de droit international humanitaire en vigueur.


Intervenant ensuite sur la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le représentant a rappelé que le Nigéria avait ratifié plusieurs conventions sous-régionales, régionales et internationales sur l’extradition, et avait signé avec plusieurs pays des traités d’extradition et d’assistance judiciaire mutuelle en matière pénale.  Il a rappelé que le Nigéria pouvait notamment poursuivre une personne au Nigéria même si cette personne n’était pas nigériane.  S’agissant de la question de savoir si l’extradition ou la poursuite doit être une obligation ou un principe, et s’agissant des questions relatives à la source de l’obligation, au concept de compétence universelle et de champ de l’obligation, la CDI doit analyser attentivement les traités, les législations nationales et les décisions judiciaires, a déclaré M. Aniokoye. 


Abordant la question de la responsabilité des organisations internationales, le représentant du Nigéria a noté que la pratique internationale en la matière était peu développée et que les projets d’articles, qui suivent dans leur ensemble le projet d’article sur la responsabilité de l’État, devaient faire l’objet d’une étude et d’échanges approfondis.  Concernant enfin la question des ressources naturelles partagées, M. Aniokoye s’est dit satisfait du projet d’articles élaboré par la CDI.  Toutefois, le « dommage significatif » causé à un aquifère mérite une définition précise, a-t-il conclu, dès lors que des États s’exposeraient à des poursuites en cas d’utilisation dommageable de ces ressources.


M. JOÉL HERNÁNDEZ (Mexique) a fait remarquer que l’obligation d’extrader ou de poursuivre n’était pas, en elle-même, une source du droit.  C’est pourquoi il a estimé que la comparaison entre « principe » d’une part, et « obligation » d’autre part n’était pas, dans le projet d’articles, nécessaire.  « Il existe un principe qui implique l’obligation d’extrader et de poursuivre et ce n’est pas là une contradiction », a-t-il fait observer.  Il convient, par ailleurs, de considérer cette obligation comme une norme coutumière même si, a-t-il noté, cette norme a des limites claires en droit international.  L’obligation qui découle du principe aut dedere aut judicare est donc de nature conditionnelle, a-t-il poursuivi.  Cela ne signifie pas qu’il existe une alternative entre l’extradition et le jugement, une question qui n’a pas encore été tranchée, a-t-il noté.  Le Mexique est donc d’avis que la question de savoir si un État doit extrader ou poursuivre doit faire l’objet de plus amples discussions


S’agissant des ressources naturelles partagées, le représentant a indiqué qu’il y avait, à son sens, une similitude entre l’utilisation du gaz et du pétrole en tant que ressources, et les ressources aquifères.  L’eau est une ressource essentielle à la subsistance des êtres humains, ce qui n’est pas le cas des ressources énergétiques, a-t-il rappelé.  C’est pourquoi le Mexique remet en cause l’idée que ces ressources soient traitées sur le même plan.  Néanmoins, les principes d’équité s’appliquent dans les deux cas, ainsi que l’a décidé la CIJ, en basant son avis sur des pratiques étatiques répétées.


Concernant la question des réserves aux traités, le représentant a expliqué qu’un État ou une organisation étaient considérés parties à un traité après l’entrée en vigueur du traité.  Une simple signature, a-t-il cependant noté, ne rend pas cet État partie au traité.  De même, a-t-il poursuivi, le fait pour un État de faire des objections aux réserves ne dépend pas de sa participation au traité.  La possibilité de faire des objections est offerte à tous les sujets du droit international qui ont un intérêt à la préservation de l’ordre juridique, a expliqué le représentant.  Les objections tardives, a-t-il précisé, appartenaient à une conception souple du droit: il faut les considérer comme des « communications interprétatives ».


M. COSMIN DINESCU (Roumanie) a considéré qu’une distinction doit être faite entre les réserves qui sont contraires au but et à l’objet du traité ou sont interdites par la disposition du traité, d’une part, et les réserves contre lesquelles les États font des objections pour d’autres raisons, d’autre part.  Le problème qui se pose dans le premier cas est, selon lui, lié à la validité des réserves.  En la matière, a-t-il indiqué, deux possibilités peuvent être prises en considération: soit on considère la volonté de l’État qui a formulé la réserve d’être lié par le traité comme étant gravement vicié et, par conséquent, la réserve et l’objection sont des obstacles qui empêchent l’entrée en vigueur du traité entre les deux États; soit on considère la réserve non valide comme inexistante et, par conséquent, le traité entre en vigueur entre les deux États dans son intégralité.  Dans le deuxième cas, le représentant a estimé qu’une objection faite par un État vis-à-vis d’une réserve conforme au but et à l’objet d’un traité et non interdite par ce traité ne devrait pas constituer un obstacle à l’application des autres dispositions dudit traité entre les deux États. 


Concernant les ressources naturelles partagées, le représentant a d’emblée voulu que l’on ne conditionne pas la finalisation du travail concernant les aquifères transfrontières au futur travail visant le pétrole et le gaz, compte tenu des différences évidentes entre les deux situations.  S’agissant de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, il a estimé, pour ce qui est de la source, qu’il s’agit principalement d’une obligation conventionnelle plus que d’une obligation ayant comme fondement une coutume internationale.  Pour ce qui est du lien entre cette obligation et le principe de la juridiction universelle, le représentant s’est dit favorable à la séparation du principe aut dedere aut judicare de celui de la juridiction universelle, ce dernier ayant seulement un effet limité sur le premier, même si les deux ont le même but.  Enfin, commentant à son tour la question de la « triple alternative », il a appuyé la proposition de ne pas inclure dans l’analyse le problème de la remise de personnes aux cours pénales internationales, étant donné que le but du droit international est d’encourager les États à assumer leur juridiction sur les crimes graves de portée internationale.  Il a conclu en assurant le Rapporteur spécial que son pays enverra des informations et commentaires sur les aspects mentionnés dans les paragraphes 31-33 du rapport.


M. ZÉNON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a estimé que, lorsqu’une réserve porte sur des dispositions à propos desquelles les parties contractantes ont expressément exclu cette possibilité dans le désir de maintenir l’équilibre des obligations conventionnelles prévues, une telle réserve viole les dispositions de l’article 19 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  C’est cela qui justifie le recours aux objections, a-t-il expliqué.  En outre, selon lui, le raisonnement est le même dans le cas d’une réserve « incompatible avec l’objet et le but » du traité en question.  Il a fait remarquer que c’est d’ailleurs la position de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, qui n’a admis la licéité d’une objection à une réserve que pour le seul motif de son incompatibilité.  Le représentant a aussi souligné le fait que les réserves entraînent un « fractionnement », une « divisibilité » du traité dont la portée effective devient difficile à apprécier.  C’est dans ce sens qu’il a donc soutenu le projet de directive 2.6.3 qui pose le principe que tout État ou organisation internationale a la faculté de faire des objections.  Il a, par ailleurs, apprécié la pertinence de l’inclusion de la motivation des objections dans le cadre du projet de directive 2.6.10.


Concernant la question des ressources naturelles partagées, M. Ngay a considéré qu’un large consensus sur cette question apportera une précieuse contribution à la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales.  Le but est de faciliter les négociations auxquelles les États ayant des côtes adjacentes, des frontières communes ou se faisant face, doivent recourir en cas de revendications concurrentes.  Il a reconnu la nécessité de traiter différemment le droit des eaux souterraines transfrontières et les questions touchant le pétrole et le gaz dans l’ensemble, ces dernières ayant à son avis priorité.  En ce qui concerne le droit des aquifères transfrontières, il a apprécié l’initiative de l’UNESCO de diffuser les connaissances sur la gestion et la réglementation des eaux souterraines, mais a souligné qu’elle devrait profiter à toutes les régions du monde.  Quelle que soit la forme de l’instrument qui sera adopté en la matière, il faudra s’assurer, d’une part, de l’impact réel de cet instrument sur les rapports entre les États partageant des ressources naturelles.  D’autre part, il faudra s’assurer que l’instrument influence positivement les processus de mise en œuvre des législations internes en rapport avec la gestion des ressources naturelles.


Passant ensuite à la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, M. Ngay a rappelé qu’elle constitue un principe général du droit, que le Code pénal congolais prévoit.  Il a aussi cité un projet de loi congolaise pour mettre en œuvre le Statut de Rome selon lequel « toute personne qui, hors du territoire national, est présumée avoir commis l’un des crimes visés, peut être poursuivie et jugée par les juridictions nationales ».  Il a estimé que la question de la compétence universelle qui en découle doit être placée dans le régime juridique de l’extradition et vice-versa.  Cependant, il a noté qu’une convention d’extradition, loi particulière, s’applique indépendamment de l’existence d’une loi de compétence universelle, loi générale, en vertu de l’adage specialia generalibus derogant.  Il n’a donc pas partagé la formulation du projet d’article proposée par le Rapporteur.


Intervenant sur la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, Aut dedere aut judicare, Mme PHANI DASCALOPOULOU-LIVADA (Grèce) a déclaré que cette obligation était établie dans la législation grecque, notamment depuis la ratification des conventions relatives à la lutte contre le terrorisme et de nombreux traités bilatéraux d’entraide judiciaire.  Aut dedere aut judicare est un principe ou une obligation fondée sur le droit des traités, a-t-elle rappelé.  C’est pourquoi la Grèce a des difficultés à accepter qu’il constitue un droit international coutumier. 


Cette incertitude ne devrait cependant pas gêner la Commission dans ses efforts visant à identifier les règles et la pratique existantes en la matière afin de répertorier les règles pertinentes quelle que soit la forme qu’elles revêtiront à l’avenir, a-t-elle estimé.  Ces règles ne doivent pas aller au-delà des dispositions déjà existantes, a-t-elle ajouté.  Il importe de définir les contours de l’obligation d’extrader ou de poursuivre d’une façon aussi claire que possible et sans ambiguïté, a-t-elle souligné.


Abordant la question des ressources naturelles partagées, Mme Dascalopoulou-Livada a estimé que le projet d’articles reflétait les principes fondamentaux du droit international des ressources naturelles, tels que l’obligation des États qui partagent le même aquifère de coopérer.  Tout en appuyant la décision de la CDI de procéder à une seconde lecture des projets d’articles et de traiter séparément les questions des eaux souterraines et du pétrole et du gaz, elle a estimé que l’examen du sujet relatif au pétrole et au gaz devrait être remis à plus tard, compte tenu notamment du manque de pratique en la matière.


Mme BRECHJE SCHWACHÖFER (Pays-Bas) a tout d’abord noté que, s’agissant des ressources naturelles partagées, son pays partageait de nombreuses ressources avec les pays voisins, que ce soit le gaz et le pétrole, les eaux souterraines ou encore les espèces migratoires.  Elle a noté que la Commission du droit international avait retenu plusieurs arguments pour décider de traiter le sujet indépendamment de tout travail futur sur les substances autres que les eaux souterraines: la crise de l’eau, imminente au niveau mondial et la nécessité qui en résulte d’un cadre juridique pour s’y attaquer; le fait que l’eau potable est une source de vie pour les êtres humains pour laquelle il n’existe aucune alternative; le caractère non renouvelable des ressources pétrolières et gazières et les risques de pollution et ceux, plus importants, du transport du pétrole pour l’environnement.  Néanmoins, a-t-elle noté, la validité d’une approche distincte du problème n’est pas évidente pour les Pays-Bas, dès lors que c’est précisément en examinant les eaux souterraines et les ressources énergétiques, de manière simultanée, que la qualité du cadre juridique international s’améliorera.  Quoi qu’il en soit, a estimé Mme Schwachöfer, la CDI doit examiner le sujet avec prudence.  À ce stade, les projets d’articles ne sont pas complets pour en faire une convention, du moins pas avant qu’un travail plus approfondi n’ait été fourni sur la question des ressources partagées autres qu’aquifères.


Abordant la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, Mme Schwachöfer a rappelé que cette obligation était essentielle à la mise en place d’un système de justice mondial où il n’y ait pas de refuge possible pour les auteurs de crimes.  La distinction entre cette obligation et la question de la compétence universelle doit être clairement établie par la CDI, a-t-elle souligné.  Pour être en mesure de choisir entre extradition et poursuite, les États doivent d’abord s’assurer qu’ils sont compétents pour poursuivre les crimes commis, notamment au titre de la compétence universelle, a rappelé Mme Schwachöfer.  Comme les Pays-Bas ont créé une telle compétence pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le génocide et la torture, et dans la mesure où les suspects se trouvent sur le territoire des Pays-Bas, le Gouvernement des Pays-Bas, a indiqué sa représentante, est en mesure de mettre en œuvre son obligation d’extrader ou de poursuivre.


Mme SIMONA DRENIK (Slovénie) a déclaré que la codification et le développement du droit international étaient essentiels pour garantir l’état de droit.  Toutefois, il convient de mieux promouvoir son respect, a-t-elle estimé, afin de garantir la paix et la stabilité internationales.  S’agissant du thème de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, elle s’est félicitée des projets d’articles pertinents.  En Slovénie, cette obligation s’appuie sur une disposition constitutionnelle qui permet d’extrader un ressortissant slovène à condition que l’obligation d’extrader découle d’un traité, a-t-elle indiqué.  Elle a appuyé l’avis selon lequel la Commission du droit international devrait examiner le statut coutumier éventuel de cette obligation pour les crimes graves et non exclusivement pour les crimes internationaux.  L’extradition peut être acceptée y compris en l’absence d’un traité si la procédure est acceptable pour les deux États et si elle respecte leurs législations respectives, a-t-elle estimé. 


Parallèlement, a-t-elle poursuivi, les États doivent faire attention au respect des droits de l’homme dans les pays vers lesquels ils autorisent l’extradition.  Elle a, à cet égard, estimé que le respect des droits de l’homme par l’État auteur de la demande d’extradition était une condition essentielle pour autoriser l’extradition et que cette question devait être mentionnée au moment de l’examen de la portée du principe « extrader ou poursuivre ».  Elle a, par ailleurs, estimé que les questions de l’extradition et de la remise d’un individu à une cour ou à un tribunal international étaient étroitement liées.  C’est pourquoi, depuis un amendement constitutionnel de la disposition relative à l’extradition, la Slovénie peut déférer ses citoyens à des organisations internationales sur la base des obligations d’un traité, et ce, afin de mettre un terme à l’impunité, a-t-elle conclu.


M. CHESTER BROWN (Royaume-Uni) a réaffirmé la position de son pays sur les réserves aux traités, notamment la question de la compatibilité de la réserve avec la raison d’être du traité, et fait part de son scepticisme sur la définition du but et de l’objet d’un traité dans les projets de directives.  M. Brown a ainsi indiqué que sa délégation se ralliait à la position de la Commission selon laquelle la détermination du but et de l’objet d’un traité était une question d’interprétation, et qu’elle appréciait l’approche souple adoptée par la CDI sur ce point.  Il a, par ailleurs, exprimé des doutes sur les projets de directives relatifs aux réserves vagues et aux réserves aux normes coutumières, et a souligné que sa délégation était en désaccord avec l’idée de séparer l’examen des réserves aux traités sur les droits de l’homme de celui des réserves aux autres instruments internationaux.  Il n’existe pas de raison juridique ou politique de procéder de la sorte, a-t-il expliqué, ni de prévoir des règles spéciales pour les réserves à certains traités.


S’agissant des ressources naturelles partagées, le représentant a expliqué que le Royaume-Uni n’était pas, en tant qu’État, directement affecté par ces questions mais qu’il suivait néanmoins les débats avec attention.  Une étude sur le pétrole et le gaz se révélerait sans doute très complexe, a reconnu M. Brown.  Le Royaume-Uni qui a une expérience très étendue sur ces questions, n’est pas convaincu qu’il soit nécessaire de chercher à élaborer un projet d’articles ou de directives sur les ressources pétrolières et gazières partagées.


Sur la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le représentant a rappelé que le Royaume-Uni avait demandé, l’année dernière, de faire preuve de prudence pour examiner le principe de compétence pénale universelle, et qu’il se félicitait donc de la distinction établie par le Rapporteur spécial entre l’obligation d’extrader ou de poursuivre et la compétence universelle.  Sa délégation se félicite également de la décision de la CDI de renoncer à l’examen de la question de la « troisième alternative », puisque la remise d’un individu à un tribunal pénal international relève de règles internationales et de traités distincts.  L’obligation d’extrader ou de poursuivre ne relève ainsi, de l’avis du Royaume-Uni, que du droit des traités, et n’est pas une règle de droit international coutumier, a conclu M. Brown, soulignant que même si cette règle existait en tant que règle coutumière, son application serait limitée à des cas extrêmement précis de crimes. 


Intervenant dans un premier temps sur la question des ressources naturelles partagées, Mme ARTEAGA RODRIGUEZ(Cuba) a commenté les projets d’articles élaborés par la Commission du droit international, en estimant notamment que l’expression « utilisation durable et équitable » serait préférable à « utilisation raisonnable et équitable ».  Cela permet de tenir davantage compte des instruments juridiques en vigueur en la matière, comme la Convention sur la diversité biologique de 1992.  Elle a demandé des éclaircissements sur l’expression « causer des dommages graves » contenue dans le projet d’article 14 relatif aux activités projetées.  Elle a, par ailleurs, appuyé la recommandation du Rapporteur spécial d’examiner en deuxième lecture le projet d’article sur le droit des aquifères transfrontières indépendamment des questions relatives au pétrole et au gaz.


S’agissant de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, la représentante a appelé l’attention de la CDI sur l’importance de cette question afin d’éviter toute impunité vis-à-vis des auteurs de crimes et a souligné l’importance de respecter le droit souverain des États concernant la décision de la pertinence ou non de l’extradition.  Elle a, par ailleurs, estimé que la compétence juridictionnelle exercée par une cour pénale internationale, dite « troisième alternative », ne devrait pas être incluse dans le projet d’articles.  Elle pourrait, en effet, être contraire aux législations des États, a-t-elle fait valoir avant d’ajouter que les tribunaux pénaux existants disposaient déjà de leurs propres règles en la matière.  Par ailleurs, la représentante a estimé qu’il est prématuré à ce stade de décider de la forme future à donner aux projets d’articles, a-t-elle ajouté.


Abordant la question des réserves aux traités, elle s’est dite satisfaite du projet de guide pratique qui, d’une part, orientera la pratique des États, et d’autre part, constituera un complément important aux Conventions de Vienne puisqu’elles apportent des précisions sur les déclarations interprétatives, les réserves et les différences entre les deux.  Une réserve incompatible avec l’objet et le but du traité doit être considérée comme irrecevable, nulle et non avenue, a-t-elle estimé.


Mme ADY SCHONMANN (Israël) a déclaré que la question de l’obligation de poursuivre ou d’extrader était d’autant plus délicate que peu d’informations étaient disponibles sur la pratique des États.  Cette obligation découle des obligations des traités puisque la pratique actuelle montre qu’il n’existe pas de fondements suffisants en droit coutumier international ou dans la pratique des États, a-t-elle indiqué.  Par ailleurs, elle a estimé qu’il faudrait établir une distinction claire entre la compétence universelle et l’obligation, conformément à l’avis exprimé par la Commission sur cette question.  Israël a aussi des doutes sur la question de savoir s’il convient d’examiner dans le cadre du sujet aut dedere aut judicare la « troisième alternative » relative à la compétence des tribunaux pénaux internationaux, a-t-elle ajouté, avant d’appuyer à cet égard la recommandation visant à abandonner l’examen de cette question.  La représentante a jugé prématuré de se prononcer sur la forme future des travaux de la Commission sur ce sujet et a encouragé la Commission à se concentrer dans un premier temps sur la pratique des États en la matière, compte tenu du manque d’information sur cette obligation.  S’agissant de la pratique de son pays en la matière, elle a indiqué qu’Israël pouvait extrader l’un de ses propres ressortissants si celui-ci était citoyen et résident d’Israël au moment de la commission du délit.  L’extradition est conditionnée à l’engagement de l’État demandeur que la personne faisant l’objet d’une demande d’extradition exécutera sa peine en Israël si elle est jugée coupable, a-t-elle ajouté.


Intervenant ensuite sur la question des ressources naturelles partagées, la représentante s’est félicitée des projets d’articles obligeant les États à protéger et à préserver les aquifères et leurs écosystèmes.  Elle a, à cet égard, proposé à la Commission d’adopter une formulation plus ferme pour intégrer le principe de la durabilité.  Israël n’est cependant pas convaincu de la proposition d’adopter les projets d’articles sous forme de convention, a-t-elle indiqué, avant de se prononcer en faveur d’une forme plus flexible telle que des directives.


M. TOSHIKATSU AOYAMA (Japon) a déclaré sur le thème des réserves aux traités que son pays avait soulevé des objections aux réserves incompatibles à l’objet et au but du traité, et ce, sans s’opposer à l’entrée en vigueur dudit traité entre l’État réservataire et lui-même.  Il s’est dit préoccupé de voir que l’objection à effet intermédiaire pourrait donner lieu à une utilisation abusive du droit à faire des objections aux réserves.  Il a, par ailleurs, exprimé des doutes sur la question de savoir si l’objection avec effet optimal était conciliable avec le principe du consentement, l’un des principes fondamentaux du droit international, a-t-il estimé.  Il est nécessaire, a recommandé le représentant, de poser des limites à la marge de manœuvre des États dans le cadre du système d’objections.  Son pays, a-t-il dit, a des doutes sur la formulation d’une objection à effet optimal par un État à un État réservataire, a-t-il déclaré. 


S’agissant des ressources naturelles partagées, le représentant du Japon a appuyé l’approche du Rapporteur spécial visant à traiter séparément les questions des eaux souterraines, et du pétrole et du gaz.


Passant à la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le représentant a indiqué que son pays avait conclu des traités multilatéraux qui comprenaient des dispositions autorisant l’extradition, telles que la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiant et de substances psychotropes, et qu’il n’avait émis aucune réserve à ces traités.  Afin d’appliquer l’obligation d’extrader ou de poursuivre conformément aux traités, il a indiqué que la loi nationale sur l’extradition et le Code pénal japonais seront dûment appliqués par les cours et tribunaux japonais.  Il a, à cet égard, émis le souhait d’examiner les pratiques des autres États en la matière.


M. MAZEN ADI (République arabe syrienne) s’est exprimé sur la question des ressources naturelles partagées, en appuyant la distinction effectuée entre la question des aquifères transfrontières et le pétrole et le gaz, deux sujets qui, selon sa délégation, sont distincts.  Il a proposé un changement de titre pour le projet d’articles, afin d’intégrer l’idée selon laquelle les ressources aquifères appartiennent à l’État qui exerce sa souveraineté sur son territoire et les ressources qui s’y trouvent.  Il a, en outre, demandé que des critères relatifs au respect de ces ressources, notamment sur les questions d’environnement, soient adoptés, et s’appliquent à tous les États, mêmes ceux qui n’utilisent pas les ressources aquifères mais se trouvent par exemple en amont de la source.  Il a invoqué les questions de sécurité nationale, pour souligner que, dans la mesure où les ressources aquifères étaient essentielles à la sécurité d’un État, cet État devait pouvoir exiger des États qui partagent l’aquifère des informations relatives à la pollution ou aux substances qui y sont déversées, ou sont susceptibles de l’être.  Certains États imposent, en effet, des conditions prohibitives à un tel échange d’informations, a expliqué le représentant.  La référence au droit de la propriété intellectuelle devrait dont être exclu du projet d’articles, a-t-il estimé avant de conclure.


M. ALLIEU I. KANU (Sierra Leone) a appuyé le travail de codification et de développement progressif effectué par la CDI.  Sur le thème de l’expulsion des étrangers, il a rappelé que ce droit était un aspect important de la souveraineté de l’État, mais qu’il devait être exercé en respectant les principes fondamentaux du droit international.  Soulignant le caractère complexe et délicat du sujet, il a invité la Commission du droit international à être extrêmement prudente sur le sujet.  Le représentant a indiqué que l’octroi du statut des réfugiés relevait de la législation nationale, conformément aux dispositions de la Convention de Genève de 1951.  S’agissant des effets des conflits armés sur les traités, il n’a pas jugé utile d’élargir la portée des projets d’articles aux organisations internationales, compte tenu des différences qui existent entre État et organisation internationale.   Concernant la question de la responsabilité des organisations internationales, le représentant a adhérer à la teneur des projets d’articles sur les principes généraux, regrettant toutefois l’alignement de ces projets d’articles sur ceux qui établissent la responsabilité des États, en raison des différences existant entre un État et une organisation internationale.


Abordant le thème de l’obligation d’extrader et de poursuivre, M. Kanu s’est dit convaincu que les dispositions y relatives contenues dans les traités, représentaient, pour l’heure, la première source de cette obligation.  Il est, par ailleurs, nécessaire de clarifier le lien entre ce principe et la compétence universelle, a-t-il poursuivi, puisqu’il représente un renforcement positif de l’état de droit et de la responsabilité.  Il s’est, en outre, félicité de l’inclusion dans le programme de travail à long terme des questions relatives à la « clause de la nation la plus favorisée » et à « La protection des personnes en cas de catastrophes ».  Il a, à cet égard, réitéré sa proposition d’inclure dans le programme de travail de nouveaux sujets, dont celui des conséquences juridiques résultant de l’utilisation d’armées privées dans les conflits internes.


Intervenant tout d’abord sur la question des réserves aux traités, M. LUIS SERRADAS TAVARES (Portugal) a insisté sur la formulation et le retrait des acceptations et des objections aux réserves.  Il a mis en garde contre les directives qui iraient au-delà des Conventions de Vienne sur le droit des traités, notamment en ce qui concerne les objections préventives, les objections tardives, ou encore l’interdiction de l’élargissement du champ d’application de l’objection à la réserve.  S’attachant ensuite aux procédures d’acceptation des réserves, il s’est dit favorable à ce que les termes « expresse » et « tacite » soient préservés dans le projet, et à ce que l’acceptation soit exigée non seulement de la part de l’organe compétent d’une organisation internationale, mais aussi des membres de l’organisation.  Il a indiqué que deux questions restaient en suspens sur le sujet des réserves: celle de la réserve formulée avant l’entrée en vigueur de l’instrument, et celle de compétence de l’organe chargé d’accepter la réserve.  S’agissant enfin de la question de la compatibilité d’une réserve avec « le but et l’objet » d’un traité, il a indiqué qu’il était prématuré, de l’avis de sa délégation, de discuter de la validité ou de la non-validité d’une réserve.  Il a estimé que le régime de la Convention de Vienne était, pour l’heure, suffisant pour traiter de ces questions. 


S’exprimant ensuite sur la question des ressources naturelles partagées, M. Tavares s’est dit favorable à une approche prudente, ainsi qu’à la distinction entre la question des aquifères transfrontières et le pétrole et le gaz, deux sujets qui devraient à ses yeux être traités séparément, dans l’optique finale de l’adoption d’une convention-cadre.


Passant ensuite à la question de l’obligation d’extrader ou de poursuivre, le Portugal s’est dit favorable à une approche qui permette de poursuivre les auteurs de crimes et de leur refuser tout refuge dans un autre État.  Il a cependant émis des doutes sur l’existence d’une règle de droit général en la matière, et sur la validité des hypothèses formulées par la Commission sur la « triple alternative », puisque la possibilité de remettre l’auteur d’un crime à un tribunal pénal international ne constitue pas, aux yeux du Portugal, une option qui s’ajoute à l’obligation d’extrader ou de poursuivre.  Enfin, s’agissant de la relation entre l’obligation d’extrader et la compétence universelle, le Portugal suggère que la Commission aille plus loin dans son étude des limites de cette compétence et de sa relation avec une telle obligation, a conclu M. Tavares.


Mme SARENKOVA (Fédération de Russie) a indiqué qu’en ce qui concerne la question des réserves aux traités, certains projets de directives n’étaient pas cohérents, selon sa délégation, avec le régime des réserves et des objections des Conventions de Vienne.  A l’appui de cette thèse, elle a fourni plusieurs exemples tirés des projets de directives: la liberté d’un État de s’opposer à la mise en œuvre d’un traité vis-à-vis de l’auteur d’une réserve; le temps nécessaire pour la formulation d’une objection; ou encore la prérogative de tout État, même ceux dont l’intention est de devenir partie au traité à l’avenir, d’être l’auteur d’un objection.  Elle s’est aussi dite préoccupée par le manque de clarté sur les raisons pratiques qui conduisent à reconnaître le droit des États et des organisations internationales habilités à devenir parties à un traité, de formuler des objections préliminaires.


S’agissant des ressources naturelles partagées, la représentante a expliqué qu’elle considérait qu’une approche séparée devait s’appliquer au pétrole et au gaz, malgré l’existence de certaines similitudes entre les aquifères et les hydrocarbures, et a appuyé la proposition selon laquelle une étude séparée sur ce point était nécessaire. 


Sans exclure toutefois la possibilité pour la CDI de mener en parallèle un travail de préparation sur la question du pétrole et du gaz, la représentante a salué la décision du Groupe de travail sur les ressources naturelles de préparer un questionnaire sur la pratique des États.  S’agissant de la forme future des projets d’articles sur le droit des aquifères, la Fédération de Russie continue de penser qu’ils devraient revêtir la forme d’une convention-cadre juridiquement contraignante.


Concernant l’obligation d’extrader et de poursuivre, la représentante a expliqué que son pays avait adhéré à presque tous les traités à vocation universelle ou accords régionaux concernant cette obligation.  Elle a appelé les délégations à faire preuve de prudence, estimant que la présomption d’une obligation au titre du droit coutumier d’extrader ou de poursuivre signifierait qu’il ne faudrait pas tenir compte de la souveraineté de l’État.  Pour certaines catégories de crimes, cela est envisageable, mais cette distinction ne signifie pas qu’il existe une norme universelle, a-t-elle ajouté.  La fédération de Russie n’exclut pas a priori l’existence d’une norme coutumière internationale obligeant les États à extrader ou à poursuivre en ce qui concerne une certaine catégorie de crimes, a-t-elle poursuivi.  La représentante s’est dite toutefois convaincue qu’il serait possible d’établir l’existence d’une telle norme et d’en définir la portée si la Commission du droit international établissait la pratique des États qui était en vigueur dans ce domaine en l’absence d’obligations résultant des traités.  Elle a, par ailleurs, affirmé que pour son pays, il existait un lien entre cette obligation et la compétence universelle.  Toutefois, elle n’a pas estimé nécessaire l’inclusion dans le texte de la « troisième alternative » relative à la compétence des tribunaux internationaux.


Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a tenu à réitérer sa position sur les projets d’articles sur le droit des aquifères transfrontières.  Ces projets d’articles sont une bonne base conceptuelle pour élaborer une série de principes qui guideront les États en ce qui concerne l’utilisation et la préservation d’une ressource si importante.  Cette question est d’un fort intérêt pour l’ensemble des États, et en particulier pour le Brésil, compte tenu de la présence sur son territoire de plus de 70% de la superficie de l’un des aquifères transfrontières les plus vastes du monde.  Si elle a appuyé dans son ensemble la plupart des projets d’articles, elle a toutefois fait part de certaines préoccupations.  Elle a, à cet égard, estimé qu’une formulation vague du champ d’application des projets d’articles pourrait avoir pour conséquence non intentionnelle d’imposer des limites superflues aux activités autorisées dans la région de l’aquifère et a pris note des commentaires du Rapporteur spécial selon lequel certaines activités, telles que les activités agricoles, pourraient avoir un impact négatif sur les aquifères et leurs systèmes.  Il convient donc de porter une attention particulière à ces activités, a-t-il estimé.  Souscrivant pleinement au principe de souveraineté de l’État pour l’utilisation des ressources transfrontières, conformément à la résolution 1803 de l’Assemblée générale, elle s’est dite convaincue que l’expression « ressources naturelles transfrontières » serait plus appropriée que « ressources naturelles partagées ».


Compte tenu de la complexité du sujet et du manque de clarté des effets que produiront les projets d’articles après adoption, la représentante a indiqué que le Brésil est en faveur de l’élaboration d’une déclaration non contraignante de l’Assemblée générale concernant la forme finale du texte.  Les accords régionaux sont les outils les plus appropriés pour régler la question dans la mesure où ils permettent de tenir compte des aspects spécifiques à chaque aquifère, a-t-elle souligné. C’est pourquoi il conviendrait d’élaborer une série de principes généraux, a-t-elle recommandé avant de conclure.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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