À LA SIXIÈME COMMISSION, DES DÉLÉGATIONS S’INQUIÈTENT DE L’USAGE UNILATÉRAL DU RÉGIME DES SANCTIONS
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Sixième Commission
9e séance – matin
À LA SIXIÈME COMMISSION, DES DÉLÉGATIONS S’INQUIÈTENT DE L’USAGE UNILATÉRAL DU RÉGIME DES SANCTIONS
Elles réclament des procédures équitables et transparentes, même en cas de sanctions ciblées
Dénonçant la pratique des « deux poids deux mesures » et le recours fréquent aux sanctions, plusieurs délégations de la Sixième Commission (chargée des questions juridiques) se sont, ce matin, déclarées favorables à l’examen d’un document de travail sur les « Normes et principes fondamentaux régissant l’adoption et l’application de sanctions imposées par les Nations Unies », préparé par la Fédération de Russie. Les délégués du Yémen et de la République arabe syrienne ont ainsi souligné que cette proposition pourrait contribuer à imposer des sanctions plus justes et conformes aux principes de la Charte de l’ONU. Le pouvoir du Conseil de sécurité en matière de sanctions n’est pas discrétionnaire, a pour sa part rappelé le représentant de la République islamique d’Iran, qui s’est indigné de ce que « certains membres permanents du Conseil » cherchent à utiliser cet organe à des fins politiques pour prendre des mesures coercitives contre d’autres pays.
Rappelant la contribution importante du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation au renforcement des principes juridiques du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le représentant de la Fédération de Russie a indiqué que l’objectif du document de travail présenté par son pays était d’élaborer un mécanisme pour atténuer les conséquences humanitaires et renforcer les mécanismes juridiques du régime des sanctions. Préconisant l’adoption de cette proposition par l’Assemblée générale en annexe au projet de résolution sur le rapport du Comité spécial, le représentant russe a proposé la création d’un groupe de travail qui serait chargé d’examiner de manière approfondie la question.
De son côté, le représentant de la Suisse a expliqué que son pays s’était toujours engagé avec force et conviction en faveur de sanctions ciblées efficaces et qui n’affectent pas les populations civiles, mais a demandé de faire preuve de prudence dans leur mise en œuvre, afin de garantir les principes fondamentaux de l’état de droit. « Le régime des sanctions ne fonctionne correctement que lorsque tous les États parlent d’une même voix », a pour sa part déclaré le délégué du Kenya, en demandant aux États d’éviter d’agir unilatéralement lorsqu’ils appliquaient des sanctions contre un pays.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole au cours de ce débat: Fédération de Russie, République islamique d’Iran, Kenya, Yémen, Suisse et République arabe syrienne. Le représentant de l’Argentine a exercé son droit de réponse.
Après l’examen de cette question, et à la demande des délégations -notamment le Portugal (au nom de l’Union européenne), les États-Unis, l’Algérie, l’Égypte, le Maroc, le Nigéria, le Pakistan, le Bélarus, la Norvège, la Chine, la Namibie, le Yémen et le Myanmar- le Président de la Sixième Commission, M. Alexei Tulbure (Moldova) a proposé de tenir, au cours de la présente session, des consultations informelles pour parvenir à un consensus sur la création d’un groupe de travail qui serait chargé d’examiner la proposition de la Fédération de Russie intituléE « Normes et principes fondamentaux régissant l’adoption et l’application de sanctions imposées par les Nations Unies ».
La Sixième Commission poursuivra ses travaux, vendredi 19 octobre, à 10 heures. Elle devrait commencer l’examen de la question relative à la protection diplomatique.
RAPPORT DU COMIT É SP É CIAL DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES ET DU RAFFERMISSEMENT DU R Ô LE DE L’ORGANISATION
Déclarations
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a indiqué que le Comité spécial de la Charte avait été créé comme l’une des instances les plus importantes et avait contribué au renforcement des bases juridiques de l’ONU dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Auteur du document de travail « Normes et principes fondamentaux régissant l’adoption et l’application des sanctions imposées par les Nations Unies », il a indiqué que l’objectif était d’élaborer un mécanisme pour atténuer les conséquences humanitaires et renforcer les mécanismes juridiques. Il a proposé que l’Assemblée générale adopte ce document en tant qu’annexe à son projet de résolution et que soit établi un groupe de travail pour l’examiner.
S’agissant de l’assistance aux pays tiers qui ont souffert de l’imposition de sanctions, il a regretté que peu d’efforts aient été déployés par l’Organisation. Notant que le Secrétariat n’a fourni aucune information sur le sujet, il a souhaité que le Comité spécial continue à examiner cette question.
Abordant la question des Répertoires de la pratique suivie par les organes des Nations Unies et de la pratique du Conseil de sécurité, le représentant a estimé que ces publications étaient des sources précieuses pour préserver la mémoire institutionnelle de l’Organisation et un outil utile pour les chercheurs. Son pays, qui contribue au Fonds d’affectation spéciale du Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité, a noté que ce Fonds était très peu alimenté par d’autres contributions, ce qui rendait difficile le financement du Répertoire.
S’exprimant sur les conclusions du Secrétaire général, le représentant a souligné que le recours aux experts devrait être transparent, équitable et ouvert à tous les États Membres. Il ne faudrait pas cependant oublier qu’il incombait au Secrétariat de garantir la qualité du Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité. Au titre des nouvelles questions à l’ordre du jour, a-t-il proposé, le Comité devrait examiner les aspects juridiques de la réforme de l’Organisation.
M. ESMAEIL BAGHAEI HAMANEH (République islamique d’Iran) a rappelé que le maintien de la paix et de la sécurité dépendait en grande partie du bon vouloir des États, et notamment des grandes puissances. Toutefois, a-t-il noté, le recours à la menace ou à l’usage de la force par certaines puissances comme instrument de politique étrangère met en péril les principes de base de la Charte de l’ONU, à savoir la paix et la sécurité. Le Conseil de sécurité est lié par les dispositions de la Charte ainsi que par les résolutions sur le mandat et la compétence de l’Assemblée générale. Le travail du Comité spécial sur le raffermissement du rôle de l’Assemblée générale dans le maintien de la paix et de la sécurité est à cet égard essentiel, a-t-il poursuivi. Dans ce contexte, a-t-il précisé, le Comité spécial de la Charte doit agir face aux empiétements du Conseil de sécurité sur les pouvoirs et le mandat de l’Assemblée, et face aux tentatives de celui-ci de fixer les normes et définitions qui sont du ressort de l’Assemblée.
Le pouvoir du Conseil de sécurité en matière de sanctions n’est pas discrétionnaire, a-t-il rappelé, bien que, dans la pratique, certains membres permanents du Conseil aient tenté, à plusieurs reprises, d’utiliser cet organe comme outil politique, en prenant des mesures coercitives, parmi lesquelles les sanctions économiques.
Le document de travail de la Fédération de Russie est à ce titre une initiative importante qui mérite toute l’attention du Comité spécial de la Charte, a-t-il noté, en soulignant que le Conseil de sécurité devait être tenu responsable dans le cas où des sanctions étaient imposées à un pays sur la base d’informations purement spéculatives, ou en raison des pressions de certains membres permanents. Dans de tels cas, a-t-il précisé, les États ciblés doivent pouvoir obtenir réparation pour les dommages causés par des sanctions qui leur ont été illégalement imposées. Dès lors, la République islamique d’Iran soutient le document de travail de la Jamahiriya arabe libyenne en vue de renforcer des principes relatifs à l’impact et à l’application des sanctions, a-t-il indiqué, en souhaitant que la Commission du droit international se penche sur les conséquences juridiques, en particulier à long terme, des sanctions illégales.
L’imposition de sanctions économiques unilatérales par certains États contre d’autres États, ou groupes d’États en développement préoccupe la République islamique d’Iran, a déclaré le représentant, en indiquant que son pays soutenait aussi la proposition conjointe de la Fédération de Russie et du Bélarus qui vise à demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les conséquences juridiques du recours à la force, sans autorisation préalable du Conseil de sécurité. Selon la CIJ, a-t-il rappelé, la légitime défense n’est applicable qu’en cas d’agression armée. Or ces dispositions sans ambiguïté ont été ignorées par « certaines puissances », a-t-il conclu, qui choisissent d’attaquer d’autres États pour répondre à des menaces qui n’ont jamais existé.
M. WANJUKI MUCHEMI (Kenya) a indiqué que sa délégation, comme d’autres, était préoccupée par le fait que le Conseil de sécurité ait mis fin au Groupe de travail sur le régime des sanctions avant la fin de son mandat. Il a souligné l’impact de cette décision sur les relations entre le Conseil de sécurité, les autres organes des Nations Unies et les États Membres. Le régime des sanctions joue un rôle crucial dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a estimé M. Muchemi, dans la mesure où des procédures et critères justes et transparents sont appliqués à l’imposition, la gestion du régime des sanctions et à la levée de ces sanctions. Le Kenya, a-t-il indiqué, est favorable à l’utilisation par le Conseil de sécurité de sanctions ciblées, ainsi qu’à l’évaluation régulière de leur impact sur les États, qu’ils soient visés par les sanctions, ou qu’ils soient des États tiers. Le régime des sanctions ne fonctionne correctement que lorsque tous les États parlent d’une même voix, a-t-il fait remarquer, en demandant aux États d’éviter d’agir unilatéralement lorsqu’ils décident d’appliquer des sanctions.
M. ADEL HAMOUD HAMOUD AL-SHEIKH (Yémen) a appuyé le rapport soumis par le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation sur les travaux de sa session de février 2007. Il a estimé que les sanctions devraient être imposées en dernier recours, lorsque tous les moyens de règlement pacifique des différends ont été épuisés. Les sanctions doivent être assorties de critères et d’un calendrier précis afin d’y mettre fin lorsque l’objectif visé a été atteint. Il a appuyé le document de travail présenté par la Fédération de Russie sur la question et souscrit à la poursuite de l’examen de cette question.
Le représentant s’est, par ailleurs, dit préoccupé par l’imposition unilatérale de sanctions sans accord préalable du Conseil de sécurité. Il importe d’examiner avec attention et transparence les noms des personnes visées et de procéder à une révision régulière des listes de noms établies par les comités des sanctions, a-t-il déclaré. Des critères doivent être clairement définis pour imposer des sanctions, a-t-il rappelé. Le représentant a indiqué que sa délégation attachait une grande importance à l’Article 8 de la Charte de l’ONU relatif au règlement pacifique des différends et souligne, à cet égard, le rôle de la Cour internationale de Justice. Il a estimé également qu’il était nécessaire de renforcer le rôle de l’Assemblée générale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.
M. CLAUDE SCHENKER (Suisse) a déclaré que son pays s’engageait toujours avec force et conviction sur la question des sanctions, notamment pour qu’elles soient ciblées, efficaces et n’affectent pas les populations civiles. Il a fait part d’une initiative lancée en coopération avec l’Allemagne et la Suède en vue de garantir aux personnes et organisations concernées une procédure équitable et transparente d’inscription sur les listes établies par les comités de sanctions et de radiation de ces listes. Cette initiative a permis de progresser vers des méthodes et procédures plus respectueuses des droits des personnes visées, a-t-il indiqué. Le représentant a, à cet égard, salué l’adoption par le Conseil de sécurité des résolutions 1730 et 1735 en décembre 2006.
M. Schenker a toutefois estimé que davantage de mesures devraient être prises afin de garantir les principes de base de l’état de droit. Assurant de l’engagement de son pays en la matière, il a annoncé la tenue d’une table ronde organisée conjointement avec le Danemark, le Liechtenstein et la Suède le 8 novembre prochain afin de discuter plus avant de ces questions. Saluant le document de travail révisé présenté par la Fédération de Russie, qui contient de l’avis de sa délégation des éléments intéressants, M. Schenker a déclaré qu’il importait par ailleurs d’éviter d’affaiblir l’instrument efficace que constitue le régime des sanctions mis en place par le Conseil de sécurité.
M. LOUAY FALOUH (République arabe syrienne) a exprimé sa profonde préoccupation quant à l’utilisation de la pratique des « deux poids deux mesures » et le recours fréquent aux sanctions. Leur imposition, a-t-il rappelé, ne peut être appliquée que dans certains cas précis, notamment après avoir épuisé tous les recours en vertu du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Il a appuyé la proposition de la Fédération de Russie « Normes et principes fondamentaux régissant l’adoption et l’application de sanctions imposées par les Nations Unies », qui devrait contribuer à l’imposition de sanctions plus justes, conformément aux principes de l’Organisation des Nations Unies.
Il a, par ailleurs, appuyé la proposition du Bélarus et de la Fédération demandant un avis consultatif à la Cour internationale de Justice quant aux effets juridiques du recours à la force par des États sans l’autorisation préalable du Conseil de sécurité, en dehors des cas où serait exercée la légitime défense. Sa délégation, a-t-il assuré, est favorable à la revitalisation de l’Assemblée générale, en tant qu’organe délibérant afin de veiller à ce que celui-ci exécute son mandat comme il se doit dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Droit de réponse
En réponse à la déclaration faire hier par les États-Unis concernant les sanctions ciblées contre les individus et les entités, le représentant de l’Argentine a souligné que deux résolutions avaient en effet été adoptées par le Conseil de sécurité en la matière, qui réglaient un certain nombre de questions soulevées par les délégations. Néanmoins, en tant que Président du Comité des sanctions contre Al-Qaida et les Taliban, l’Argentine estime que si ces résolutions ont permis certaines améliorations, il reste encore beaucoup à faire pour rendre le régime des sanctions plus efficace.
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