AG/EF/3201

UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION CONSTATE QUE LES PAYS EN DIFFICULTÉ ÉCONOMIQUE PEUVENT CESSER DE DÉPENDRE DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT

16/11/2007
Assemblée généraleAG/EF/3201
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Deuxième Commission

Table ronde - Matin


UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION CONSTATE QUE LES PAYS EN DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES PEUVENT CESSER DE DÉPENDRE DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT


Comment un pays peut-il cesser de dépendre de l’aide extérieure?  C’est la question à laquelle ont essayé de répondre ce matin six experts qui participaient à une table ronde organisée par la Commission économique et financière (Deuxième Commission) sur le thème: « Cesser de dépendre de l’aide ».  Les panélistes ont, au cours des débats, identifié certaines pistes qui, si elles étaient suivies, pourraient aider les pays en développement à surmonter la dépendance économique et budgétaire qu’ils ont développée envers l’aide extérieure.  Les six experts panélistes ont notamment souligné l’importance pour les donateurs d’octroyer une aide souple et d’en transformer les ressources en capacités.  Ils ont, à cet égard, cité en exemple des pays qui ont réussi à sortir de leur dépendance envers l’aide, dont notamment la République de Corée. 


L’aide est avant tout un outil, a, en premier, estimé M. Poul Engberg-Pedersen, Directeur général de l’Agence norvégienne de coopération pour le développement.  Il a, à cet égard, indiqué que les donateurs devaient notamment reconnaître la coopération qui s’établit à travers l’aide sert d’abord aussi leurs propres intérêts, car le développement des autres pays sert aussi les objectifs globaux des États donateurs.  La perception qu’ont la plupart des gens de l’aide est erronée, a-t-il poursuivi en notant, par exemple, que l’aide représentait 10 cents (dix centièmes de dollar) versés par jour pour chacun des 3 milliards de pauvres de la planète, ce qui est une somme minuscule quand on la compare à d’autres flux financiers.  M. Engberg-Pedersen a toutefois indiqué que l’aide constituait l’instrument le plus flexible et certainement le plus efficace de la coopération pour le développement.  Pour sortir de la dépendance envers l’aide, il a expliqué qu’il fallait se concentrer davantage sur les résultats obtenus par l’usage de l’aide plutôt que sur son processus.  Le Directeur général de l’Agence norvégienne de coopération pour le développement a aussi insisté sur la nécessité pour les pays bénéficiaires d’élargir le concept de l’appropriation locale afin que le processus de développement soit véritablement mené par les personnes qui en sont les bénéficiaires.  Enfin, il a affirmé que les pays en développement devaient prendre leur place légitime au sein de la gouvernance mondiale, y compris à l’ONU.


M. Roy Culpepper, Président de l’Institut Nord-Sud du Canada, a, pour sa part, rendu compte aux délégations de la Deuxième Commission des grandes conclusions d’un projet mené par son Institut.  Ce projet visait notamment à mettre en lumière et à envisager quelles améliorations les pays en développement apporteraient à l’architecture internationale de développement, si on leur en donnait la possibilité.  Ce projet, a-t-il noté, a mis l’accent sur la faible exécution des projets au niveau national et sur la prise en charge de l’aide, par les pays bénéficiaires eux-mêmes.  Rappelant que ce genre de situation était reconnu dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, il a argué que la domination des idées venant du Nord dans la réflexion politique sur le développement était le premier obstacle posé à l’appropriation nationale.  Face à ce constat, il a affirmé que les pays en développement devaient faire les investissements nécessaires pour générer eux-mêmes des connaissances en matière de développement qui soient adaptées à leurs besoins et réalités, et à leur propre contexte local.  M. Cupepper a d’autre part estimé que les stratégies de réduction de la pauvreté reflétaient la perspective imposée par des banques centrales ou des ministères des finances, mais pas celle des autorités locales ou de la société civile.  Il a par conséquent déclaré que ces stratégies ne constituaient pas le véhicule idéal pour une bonne appropriation nationale des politiques et des projets.  Les donateurs doivent permettre aux pays en développement de mener leurs propres stratégies, et ils doivent réduire et minimiser au maximum les conditionnalités liées à la définition et à l’exécution des plans de développement nationaux, a-t-il ajouté.  Par ailleurs, M. Culpepper a indiqué que le projet mené par l’Institut Nord-Sud du Canada avait mis en lumière le manque de légitimité de l’architecture internationale de développement ainsi que l’inefficacité et l’inadéquation de l’aide dans la recherche des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Il a fait valoir que les donateurs devaient être responsables de l’aide qu’ils fournissent et a plaidé pour qu’ils prennent des engagements pluriannuels de versement de leur contribution d’aide.


Basant principalement son intervention sur sa connaissance de la République de Corée, Mme Irma Adelman, Professeur à l’Université de Californie à Berkeley, s’est dite d’avis que le moteur de la politique du développement tient en la création d’un avantage comparatif dynamique.  Elle a précisé que les pays en développement devaient passer d’une production axée sur l’exploitation des ressources à une production axée sur la main-d’œuvre, pour passer ensuite à des systèmes basés sur l’usage d’une main d’œuvre qualifiée et d’une main-d’œuvre hautement qualifiée.  Mme Adelman a expliqué que le développement de la République de Corée a suivi plusieurs étapes.  La première phase a été caractérisée par la substitution des importations, phase durant laquelle l’accent a été mis sur le remplacement des importations par des produits issus de l’économie nationale.  Ensuite, la croissance a été basée sur les exportations et sur la promotion de la main d’œuvre.  La République de Corée a ensuite mis en œuvre des stratégies de promotion de l’industrialisation lourde, avant de se stabiliser par la libéralisation et le développement d’une économie de plus en plus mature.  En dépit de la crise financière de 1997, le pays a réussi à rétablir la croissance, a souligné Mme Adelman.  Pour conclure, elle a fait observer que les règles de l’Organisation mondiale du commerce limitent sérieusement aujourd’hui l’usage de la plupart des mesures utilisées par la République de Corée au cours des différentes phases de son développement, comme la limitation des importations ou la promotion des exportations.  L’aide accordée à la République de Corée n’était pas, en son temps, assortie de conditions, a-t-elle ajouté, en soulignant que, par contre, les flux actuels le sont. La République de Corée a ainsi pu promouvoir un développement accéléré pendant une période qui était particulièrement favorable à ce genre de mouvement, a-t-elle insisté.


M. Michael Atingi Ego, Directeur exécutif de la Banque de l’Ouganda, a dans sa présentation, insisté sur l’importance d’utiliser l’aide pour favoriser la participation des pays qui en sont bénéficiaires aux échanges économiques commerciaux.  Toutefois, il a noté que la majorité de l’aide était utilisée pour des dépenses sociales et pour mener des projets qui permettraient aux pays de parvenir aux OMD.  Les gains productifs des dépenses ainsi effectuées mettent longtemps à se matérialiser, a-t-il noté.  Il a rappelé que la plupart des pays qui étaient sortis de leur dépendance à l’aide avait réussi cette transformation par le développement de leur commerce, qui lui-même leur avait permis de générer les ressources de financement de leur développement dont ils avaient tant besoin.  S’inspirant de ces exemples, M. Atigi Ego a affirmé que les pays en développement devraient promouvoir le commerce, notamment en se concentrant sur la productivité du capital et de la main d’œuvre.  Il a aussi insisté sur l’importance d’améliorer l’accès aux marchés, ainsi que la compétitivité du secteur privé et la mobilisation des ressources au niveau national tout en d’adoptant des politiques macroéconomiques prudentes et saines.  Il a estimé que pour renforcer l’efficacité de l’aide, il fallait qu’existe une véritable volonté nationale de réforme.  Sans cela, aucun volume d’aide ne sera jamais efficace, a-t-il insisté.  Il a déclaré que les pays en développement devaient concevoir et appliquer des cadres de développement d’ensemble qui soient durables, et que pour leur part, les donateurs devaient réduire les conditionnalités qu’ils lient à leur aide.  Par ailleurs, il a aussi souligné que pour améliorer l’aide, il fallait en accroître la prévisibilité et s’assurer que celle-ci serve à améliorer la productivité des pays bénéficiaires.


Mettant en lumière la situation qui prévaut au Bangladesh, M. Debapriya Bhattacharya, Ambassadeur et Représentant permanent du Bangladesh auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, a fait remarquer que la diminution enregistrée de l’aide publique au développement au Bangladesh suggérait que le pays avait réduit son niveau de dépendance envers l’aide publique au développement.  L’APD a été progressivement remplacée par les exportations et les envois de fonds des travailleurs bangladais vivant à l’étranger, a-t-il précisé.  Toutefois, si la part de l’aide a baissé de manière substantielle, le ratio revenu/PIB n’a pas augmenté en conséquence, a fait remarquer M. Bhattacharya.  Le Représentant permanent du Bangladesh a ainsi relevé la nécessité que le pays élargisse son assiette fiscale et règle le problème de la mobilisation de ressources de financement au niveau national.  Il a expliqué que le Bangladesh, qui a cessé de dépendre de certaines formes d’aide extrêmes, reçoit aujourd’hui une aide plus modérée.  L’APD a été remplacée par les ressources provenant des exportations, des envois de fonds et des partenariats, a précisé M. Bhattacharya, en soulignant cependant que son pays avait toujours besoin de l’APD.  Il a déclaré, que d’une manière générale, l’amélioration de l’efficacité et de la qualité de l’aide pourrait contribuer à mettre fin aux besoins que le pays a.  La mise en œuvre de la Déclaration de Paris est donc cruciale, a-t-il insisté.  En outre, a-t-il ajouté, il convient de promouvoir les exportations, d’améliorer l’accès aux marchés en conséquence et de renforcer la mobilisation des ressources internes.


Dans la dernière présentation, Mme Benu Schneider, Chef de la Division de la dette, des finances et des questions systémiques, au Bureau du financement du développement du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU (DESA), a rappelé les grandes lignes de la table ronde.  Elle a souligné que l’aide était un outil qui servait aussi certains intérêts des pays donateurs et que la souplesse était cruciale dans son octroi et son utilisation.  Ainsi, elle a donné l’exemple de l’Ouganda, pays dépendant de l’aide, qui n’avait pas pu absorber toute l’aide reçue après l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PTTE, car cette assistance devait seulement être dépensée dans les secteurs sociaux et non pour développer les capacités d’échanges et de production.  Mme Schneider a déclaré qu’il fallait simplifier l’architecture de l’aide ; et que si les pays bénéficiaires devaient rendre des comptes, les bailleurs de fonds devaient également être responsabilisés.


Dialogue interactif


Dans le débat qui a suivi les présentations des panélistes, le représentant de l’Afghanistan a expliqué que les conditionnalités de l’aide et le manque d’accès aux marchés, sont les obstacles les plus importants auxquels fait face son pays, et qui entretiennent sa dépendance envers l’aide.  Le représentant de la Guinée a estimé que les pays africains n’ont pas réussi à couper les relations extérieures qu’ils ont historiquement tissées avec quelques puissances extérieures et, partant, ont eu plus de peine à développer leurs propres stratégies de développement et à ne plus dépendre de l’aide et de plans définis à l’extérieur.  S’il a reconnu que réduire la dépendance à l’aide est au cœur des préoccupations des pays en développement, il a toutefois fait observer que l’Afrique a encore besoin de cette aide, et a demandé aux panélistes comment assurer le passage de l’aide au développement.


Les panélistes ont attiré l’attention des délégations sur l’importance de mobiliser davantage de ressources financières nationales.  À cet égard, M. Michael Atingi Ego, de la Banque de l’Ouganda, a fait observer que pour réduire la dépendance à l’épargne étrangère, il faut que les pays en développement promeuvent leur épargne nationale, notamment par une bonne politique fiscale, l’augmentation des exportations, les envois de fonds et la réforme du secteur financier.  M. Roy Culpepper, de l’Institut Nord-Sud du Canada,  a pour sa part tenu à mettre en garde les pays en développement contre les dangers d’une libéralisation trop rapide.  Il a souligné que les politiques de libéralisation des échanges adoptées par de nombreux pays pauvres ont eu pour effet de réduire les recettes qu’ils tiraient des droits de douane.  Il a ensuite été extrêmement difficile pour ces pays de remplacer ces recettes par d’autres forme de prélèvements, a-t-il averti.  Il est difficile d’obtenir des résultats rapides, a souligné Mme Benu Schneider, du DESA, en arguant que le renforcement des institutions et la mise en œuvre d’une bonne gouvernance prennent du temps.


Au représentant de la République de Corée qui demandait des précisions sur la manière dont un changement d’attitude pouvait contribuer à la réduction de la dépendance à l’aide, M. Poul Engberg-Pedersen, de l’Agence norvégienne de coopération pour le développement, a expliqué qu’en laissant un plus grand espace au dialogue politique, l’aide prend la place qui lui revient en tant qu’instrument et non pas en tant que but en soi.  L’aide doit être considérée et utilisée comme telle.  L’aide n’est pas si importante, a-t-il souligné, en rappelant qu’au fond, elle atteint tout au plus quelques centimes par jour et par personne.  Son seul avantage peut être trouvé dans sa souplesse, a-t-il relevé.  L’intérêt de l’aide, a renchéri M. Debapriya Bhattacharya, Représentant permanent du Bangladesh auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, est sa capacité à permettre la mobilisation de nouvelles ressources, notamment à travers des partenariats.


L’Ambassadeur bangladais a ensuite relevé la grande diversité des pays qui bénéficient de l’aide publique au développement, et a attiré l’attention des délégations sur la difficulté de concilier les priorités de tous les acteurs et partenaires: pays en développement; la communauté internationale, et bailleurs de fonds.  Il a plaidé pour une plus grande ouverture et une plus grande transparence, et a appelé la communauté internationale à arrêter de se retrancher derrière le principe selon lequel le pays doit être lui-même « maître de son développement » pour accepter de le financer.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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