SG/SM/10375-AFR/1343

GUIDE DU MONDE EN DÉVELOPPEMENT, L’AFRIQUE DU SUD JOUE UN RÔLE DÉTERMINANT DANS LES NÉGOCIATIONS RELATIVES AU SUIVI DU SOMMET MONDIAL DE 2005, DÉCLARE KOFI ANNAN

14/03/2006
Secrétaire généralSG/SM/10375
AFR/1343
Department of Public Information • News and Media Division • New York

GUIDE DU MONDE EN DÉVELOPPEMENT, L’AFRIQUE DU SUD JOUE UN RÔLE DÉTERMINANT DANS LES NÉGOCIATIONS RELATIVES AU SUIVI DU SOMMET MONDIAL DE 2005, DÉCLARE KOFI ANNAN


On trouvera ci-dessous le discours prononcé au Cap, le 14 mars 2006, par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, devant les deux chambres du Parlement sud-africain réunies:


Nane, mon épouse, et moi-même sommes très heureux d’être de retour en Afrique du Sud, premier État Membre de l’ONU où je me suis rendu quand j’ai pris mes fonctions de Secrétaire général en 1997.


En m’invitant à prendre la parole devant les deux chambres du Parlement sud-africain réunies en congrès, vous nous faites pour la deuxième fois un grand honneur non seulement à moi personnellement, mais aussi à l’Organisation des Nations Unies.  Il y a deux ans, vous m’avez décoré de l’ordre des compagnons d’Oliver Tambo.  Je vous en remercie une nouvelle fois.  Compter parmi les compagnons d’un homme de cette stature, un homme qui n’a cessé de lutter pour la liberté et la justice et a joué un rôle décisif dans le combat contre l’apartheid, est un honneur insigne.


Dans une semaine, vous célébrerez la Journée des droits de l’homme, en hommage à ceux qui se sont sacrifiés pour cette cause, en particulier les 69  personnes qui ont trouvé la mort et les 180 qui ont été blessées à Sharpeville le 21 mars 1960.


L’Afrique du Sud, comme toute l’Afrique d’ailleurs, a bien changé depuis.


Les peuples d’Afrique ont fait valoir leur droit à l’indépendance et constituent aujourd’hui le plus grand groupe d’États Membres de l’Organisation des Nations Unies.


Votre combat contre l’apartheid fut le plus long et le plus âpre de tous. L’Afrique entière, et l’Organisation des Nations Unies elle-même, étaient avec vous dans cette épreuve.  Le monde entier s’est réjouit, en 1994, quand vous êtes enfin devenus un État indépendant réellement multiracial.


Mais quand vos pays ont émergé, un par un, de la lutte pour l’indépendance et contre l’apartheid, ils ont dû se lancer dans un autre combat, non moins ardu, pour l’unité, la paix et le développement.


Dans ce combat aussi, il y a eu des victoires, mais elles ont côtoyé de nombreux échecs et de grandes déceptions. Nous pouvons être fiers de certaines des choses que nous avons accomplies, mais il reste beaucoup à faire.


En septembre dernier, les dirigeants politiques du monde entier l’ont reconnu.  Ils ont dit, dans le Document final du Sommet mondial des Nations Unies, que l’Afrique est « le seul continent à ne pas être sur la voie de réaliser un seul des objectifs de la Déclaration du Millénaire qui ont été fixés pour 2015 » et le Président Mbeki a appelé l’attention sur cette déclaration dans le discours qu’il a prononcé au Sommet.  Comme nous le disons à l’ONU, l’Afrique a encore d’énormes défis à relever.


Nous savons tous quelles montagnes de souffrance se cachent derrière cette formule polie: la misère et le travail épuisant; la faim, et la soif qui force les parents à donner de l’eau polluée à leurs enfants; les millions de victimes de la tuberculose, du paludisme, du sida et d’autres maladies évitables; la violence et les humiliations que les femmes subissent aux mains des hommes et les citoyens à celles des hors-la-loi, des seigneurs de la guerre et des fonctionnaires corrompus; le détournement des ressources naturelles; les ravages causés par les conflits ethniques et les troubles sociaux.


Il est aisé de mettre ces maux sur le compte du passé et des autres, de les attribuer aux déprédations des impérialistes et des esclavagistes et à la répartition inégale du pouvoir et des richesses dans un monde où règne l’injustice la plus flagrante.  Mais cela ne nous dégage pas, nous les Africains d’aujourd’hui, de notre responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes et de nos enfants.


Le fait est que le développement de l’Afrique appelle de nouvelles orientations.  Heureusement, l’Afrique du Sud montre la voie.


Premièrement, vous montrez la voie par ce que vous faites chez vous.


L’Afrique du Sud d’aujourd’hui personnifie cette remarquable capacité qu’ont les Africains de pardonner et de se réconcilier après avoir souffert de la discrimination et de l’oppression.


Une économie robuste, un régime démocratique stable, une volonté de voir primer le droit et peut-être surtout une constitution qui met tout le monde sur le même pied font de l’Afrique du Sud un modèle de tolérance, de coexistence pacifique et de respect mutuel entre personnes de races, de langues et de traditions différentes.


La forme et la composition de cette assemblée montrent bien que vous avez une nation « arc-en-ciel ».  À regarder autour de moi dans la salle, je suis impressionné non seulement par le nombre de races et de couleurs représentées, mais aussi par le nombre de femmes.  Vous êtes un reproche vivant à l’Assemblée générale des Nations Unies!  Mais je ne devrais pas être surpris, puisqu’il semblerait, Madame la Présidente, que tous vos prédécesseurs étaient du même sexe que vous, et puisque ce parlement a été le premier du monde à adopter un dispositif budgétaire visant à donner des pouvoirs aux femmes et à améliorer la condition de la femme.


Deuxièmement, vous montrez la voie par ce que vous faites dans la sous-région, dans le cadre de la Communauté de développement de l’Afrique australe et des activités de maintien et de consolidation de la paix au Burundi et en République démocratique du Congo.


C’est de la plus haute importance, car il n’est pas un seul pays, aujourd’hui, qui ne soit pas touché par ce qui se passe autour de lui; il appartient aux pays les plus forts du « voisinage » de prêter main forte aux plus faibles sans chercher à les dominer.


Quand un pays, quel qu’il soit, est pris dans l’engrenage de la pauvreté, de la mauvaise gouvernance et de la violence, ses voisins ne peuvent qu’en pâtir.  Les meilleurs voisins sont ceux qui aident à bloquer l’engrenage avant que la situation ne dégénère complètement.


Troisièmement, vous montrez la voie en jouant un rôle de premier plan à l’échelle de votre continent.


Sur le plan économique, l’Afrique du Sud est le plus gros investisseur étranger dans le reste de l’Afrique subsaharienne.  Elle a aussi joué un rôle moteur dans l’instauration du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, nouveau modèle fondé sur la prise en main par l’Afrique de ses stratégies de développement et sur un partenariat avec la communauté internationale qui repose sur l’égalité et le respect mutuel.


Sur le plan politique, votre pays a pris la tête du mouvement de transformation grâce auquel l’Organisation de l’unité africaine a fait place à l’Union africaine.  Il a aidé à établir le mécanisme d’évaluation intra-africaine, qui devrait garantir une amélioration constante des normes de gouvernement en Afrique; et il joue un rôle prépondérant au sein du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui offre aux Africains un moyen d’aider les autres pays du continent à régler leurs conflits.


L’Union africaine est devenue un partenaire des plus utiles pour l’Organisation des Nations Unies dans le domaine de la paix et du développement.  Je tiens à souligner l’énorme importance de la coopération étendue et des étroites relations de partenariat qu’entretiennent l’UA et l’ONU, dont je donnerai pour exemple le rôle clef que joue le Président Mbeki dans le processus de rétablissement de la paix en Côte d’Ivoire, en étroite coopération avec la mission de maintien de la paix des Nations Unies et avec moi-même, et les efforts conjoints que déploient les deux organisations pour faire revenir la paix et protéger la population au Darfour et à la frontière entre le Soudan et le Tchad.


Enfin, Madame la Présidente, l’Afrique du Sud montre la voie par ce qu’elle fait dans le monde, au-delà du continent africain.


Dans le discours qu’il a prononcé au Sommet mondial de septembre dernier, le Président Mbeki a dit que les États Membres de l’ONU avaient des conditions d’existence complètement différentes et des intérêts divergents, et que la répartition du pouvoir entre eux était tout à fait déséquilibrée.  C’est d’après lui principalement pour cette raison que nous ne sommes pas encore parvenus, sur le plan de la sécurité, au consensus dont nous avons besoin pour maintenir la paix dans le monde sur la base de la concorde et de l’action collective plutôt que de l’imposition d’une volonté unilatérale.


Je suis d’accord avec lui.  Il faut remédier au déséquilibre du pouvoir.  Or, ceux qui voudraient y remédier n’ont justement pas les moyens d’imposer leur volonté au reste du monde. Seules une bonne stratégie et une direction avisée leur permettront de progresser vers cet objectif.


Sur le plan économique, il importe que les pays en développement s’aident eux-mêmes, s’entraident, et dans la mesure du possible, présentent un front uni dans les négociations avec le monde industrialisé.


Là encore, l’Afrique du Sud montre la voie, avec les nouveaux géants économiques du monde en développement –la Chine, l’Inde, le Brésil– en redessinant la carte du monde des échanges et des investissements.


Les pays du nord investissent des sommes colossales dans ces pays, mais ceux-ci sont à leur tour devenus de gros investisseurs dans leur propre région, comme je l’ai dit précédemment à propos du rôle que joue l’Afrique du Sud sur le continent africain.  Et au sein de l’Organisation mondiale du commerce, ils mènent au nom de tous les pays en développement la lutte pour l’accès aux marchés des pays du nord et pour un marché mondial sur lequel les pays en développement puissent se mesurer à armes égales avec les pays développés, sans avoir à concurrencer des produits subventionnés des pays du nord.


L’Afrique du Sud a par ailleurs accueilli de nombreuses conférences internationales, dont le douzième Sommet du Mouvement des pays non alignés en 1998, la Conférence mondiale contre le racisme en 2001 et le Sommet mondial pour le développement durable en 2002, auxquels j’ai eu l’honneur d’assister.


Particulièrement en cette année charnière pour l’Organisation des Nations Unies, l’Afrique du Sud est donc très bien placée pour présider le Groupe des 77, lequel réunit plus des deux tiers des États Membres de l’ONU et tous les pays qui, malgré leur diversité, ont en commun le souhait de voir le pouvoir mieux réparti dans le monde.


Le Groupe des 77 s’occupe principalement de questions économiques et sociales mais, allié avec le Mouvement des pays non alignés, il joue un rôle politique de plus en plus significatif.  Ici aussi, le rôle d’entraînement que joue l’Afrique du Sud et l’exemple qu’elle donne peuvent avoir toute leur importance.


Même avant la victoire contre l’apartheid, le combat lui-même a façonné les débats à l’Organisation des Nations Unies et dans le monde.  Il nous a appris à ne jamais sous-estimer l’importance des droits de l’homme, car l’apartheid était de toute évidence à l’opposé des valeurs énoncées dans la Déclaration des droits de l’homme.

Aujourd’hui, ce que l’Afrique du Sud fait chez elle et promeut sur la scène africaine montre aux pays en développement qu’elle est peut-être la meilleure façon de faire face aux réalités d’aujourd’hui.


Dans le discours d’adieu qu’il a adressé aux deux chambres du Parlement il y a près de deux ans, Nelson Mandela a déclaré: « Le souvenir d’un passé fait de divisions et de haine, d’injustice et de souffrance, et d’inhumanité des uns envers les autres devrait nous inspirer de saluer la démonstration que nous avons faites nous-mêmes de l’aptitude des êtres humains à progresser, avancer, s’améliorer et faire toujours mieux. »


Je crois en effet, mes chers amis, que ce souvenir vous a inspirés et qu’à votre tour, vous avez inspiré l’Afrique et le monde.


Avec la Commission de la vérité et de la réconciliation, vous avez donné naissance à une idée et à un mécanisme auxquels beaucoup d’autres pays ont recouru, et continuent de recourir, pour faire face à un passé douloureux.


Vous avez montré que les nations ne sont pas nécessairement prisonnières de leur histoire, et que les peuples dont différents groupes se sont déchirés et ont subis ou commis les injustices les plus graves peuvent s’unir dans l’édification de leur avenir.


Je crois que votre exemple peut être utile non seulement aux autres pays, pris individuellement, mais aussi au monde dans son ensemble, qui bouillonne aujourd’hui de ressentiments issus d’injustices passées et présentes et de malentendus résultant de différences entre les cultures et les convictions des uns et des autres.


Aujourd’hui, la mission la plus importante de l’ONU est peut-être d’aider les États Membres à surmonter ces ressentiments et ces malentendus entre les différents groupes qui coexistent dans les pays et entre les différentes régions du monde.  L’Afrique du Sud a beaucoup de choses à nous apprendre à ce sujet.


Comme l’a dit Frederik de Klerk en 1993 dans son discours d’acceptation du prix Nobel, la paix est « l’état d’esprit des pays, des groupes, des partis et des personnes qui s’efforcent de régler leurs différends en se mettant d’accord, en négociant et en faisant des compromis plutôt qu’en recourant à la menace, à la contrainte et à la violence ».


Forte de la sagesse particulière qu’elle a acquise en surmontant elle-même le ressentiment et la méfiance, l’Afrique du Sud pourrait convaincre d’autres pays que l’injustice et les malentendus ne se règlent pas par l’affrontement et les menaces, lesquels ne font que renforcer la volonté des puissants de conserver le pouvoir.


L’Afrique du Sud est la preuve vivante qu’au contraire, le rééquilibrage passe par le dialogue et l’instauration d’une confiance mutuelle, seul climat dans lequel les faibles obtiendront l’attention et le respect des forts.


L’Afrique du Sud peut apprendre aux autres pays en développement à tirer parti de l’Organisation des Nations Unies, enceinte par excellence pour un dialogue mondial propre à renforcer la confiance et la compréhension entre les riches et les pauvres, entre les faibles et les forts, et donc à créer une situation dans laquelle les décisions qui touchent l’humanité tout entière sont prises de façon équilibrée, avec la participation du plus grand nombre.


L’Afrique du Sud, en tant que guide et porte-parole du monde en développement, joue déjà un rôle déterminant dans les âpres négociations relatives à la mise en œuvre des engagements pris au Somment mondial de 2005: les engagements qu’ont pris les pays en développement et les pays développés en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, l’engagement de mettre en place de nouvelles institutions chargées de la consolidation de la paix et des droits de l’homme, et d’élaborer une nouvelle stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme; l’engagement de renforcer l’Organisation des Nations Unies–moyennant notamment la poursuite des efforts visant à parvenir à une décision concernant la réforme du Conseil de sécurité– afin qu’elle soit mieux à même d’aider ceux qui en ont besoin : les affamés, les malades, et les victimes de catastrophes naturelles ou autres.


C’est pourquoi j’ai bien l’intention de continuer à coopérer étroitement avec vous, Président Mbeki, et avec l’Afrique du Sud, jusqu’à la fin de mon mandat.  C’est aussi pourquoi je sais que mes successeurs continueront de se tourner vers votre pays pour obtenir conseils et appui, et de compter sur vous pour jouer un rôle d’entraînement au sein de la communauté des nations.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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