SIXIÈME COMMISSION: LES DÉLÉGATIONS EXAMINENT LES PROJETS DE PRINCIPES SUR LA VALIDITÉ DE CERTAINES RÉSERVES AUX TRAITÉS
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Sixième Commission
16e et 17e séances – matin et après-midi
SIXIÈME COMMISSION: LES DÉLÉGATIONS EXAMINENT LES PROJETS DE PRINCIPES SUR LA VALIDITÉ DE CERTAINES RÉSERVES AUX TRAITÉS
Le Président de la CDI présente les travaux sur les « réserves aux traités » et les « actes unilatéraux des États »
La Sixième Commission (chargée des questions juridiques) a poursuivi aujourd’hui l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa cinquante-huitième session, principalement sur les chapitres des « réserves aux traités » et sur les « actes unilatéraux des États ».
Présentant les travaux sur les réserves aux traités, le Président de la Commission du droit international, M. Pambou-Tchivounda (Gabon), a indiqué que la CDI a adopté cinq projets de directives portant sur la validité des réserves. Ces projets doivent être inclus dans la troisième partie du guide de la pratique. La CDI a décidé de remplacer les termes « licéité/illicéité » par « validité/non-validité », pour préserver une certaine neutralité, a-t-il précisé. Les projets de directives portent sur la validité matérielle d’une réserve; les réserves expressément interdites par le traité; les réserves déterminées et les réserves non interdites par le traité. Le Président a invité les gouvernements à fournir leurs observations sur ces projets, en particulier en vue de la réunion que la CDI doit tenir avec des experts de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme.
Les délégations qui se sont exprimées sur ce sujet ont généralement apprécié les progrès accomplis par la Commission dans un « domaine hautement technique du droit international public », comme l’a exprimé le représentant de la Belgique, tout en soulevant qu’il subsiste encore des problèmes quant à la rédaction et à la teneur des projets de directives. Le représentant de l’Afrique du Sud a reconnu les impacts négatifs d’un certain nombre de réserves sur l’intégrité des traités multilatéraux, mais a aussi fait valoir leur utilité pour promouvoir une large participation aux traités. Pour l’Allemagne, la question des réserves non valides est particulièrement importante au regard du droit des traités, notamment les traités relatifs aux droits de l’homme et ceux dont le but est de lutter contre le terrorisme international. À cet égard, la majorité des délégations s’est montrée favorable à ce que la CDI, comme elle l’a proposé, organise une réunion d’experts des droits de l’homme, pour examiner la question des réserves sous l’angle des traités relatifs aux droits de l’homme. Le Royaume-Uni, cependant, a émis des doutes sur la nécessité d’une telle réunion, estimant que les réserves aux traités normatifs, y compris les traités relatifs aux droits de l’homme, doivent être soumises aux mêmes règles que les réserves aux autres traités.
M. Alain Pellet, en sa qualité de Rapporteur spécial de la Commission sur ce chapitre, a formulé des observations, en se basant sur les commentaires des délégations.
Concernant la question des actes unilatéraux des États, M. Pambou-Tchivounda a rappelé que la CDI a adopté un ensemble de 10 projets de directives et les a recommandés à l’attention de l’Assemblée générale. Il est important que les États puissent apprécier avec un degré raisonnable de certitude si, et dans quelle mesure, leurs comportements unilatéraux les engagent juridiquement sur le plan international. La CDI a privilégié l’étude d’un type spécifique d’actes unilatéraux, à savoir les déclarations formelles impliquant une manifestation expresse de la volonté de son auteur de s’engager juridiquement.
Les délégations des pays suivants, outre celles déjà citées, ont pris la parole: Suède (au nom des pays nordiques), Mexique, Autriche, Pays-Bas, Canada, Chine, Espagne, Portugal, Japon, Royaume-Uni, Italie, France, États-Unis, Pologne et Israël.
Ce matin, les représentants de la Jordanie, de l’Inde et de Cuba, ainsi que l’Observateur de la Commission européenne, ont présenté leurs commentaires sur les questions examinées hier et à la fin de la semaine dernière, à savoir les « Ressources naturelles partagées » et la « Responsabilité des organisations internationales ».
La Sixième Commission poursuivra l’examen du rapport de la Commission du droit international demain, mercredi 1er novembre, à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-HUITIÈME SESSION
Déclarations
M. MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a tout d’abord félicité le Rapporteur spécial de ses travaux sur les 13 projets d’articles de la responsabilité des organisations internationales. Notant la pénurie de pratique internationale relativement aux projets d’articles, il a signalé qu’il faudrait procéder avec prudence dans l’élaboration de règles sur la responsabilité des organisations internationales, en particulier lorsque l’on modèle les projets d’articles sur les articles correspondants de la responsabilité de l’État. Il a noté également que lorsque la nature distincte d’une organisation est en jeu, l’article y afférant devrait être formulé de manière à refléter ce caractère distinct. Le délégué a ensuite énuméré plusieurs des projets d’articles, notant en particulier que la notion de légitime défense émane de la souveraineté territoriale et politique d’un État, ce qui n’est pas le cas d’une organisation internationale. À propos du projet d’article 22 sur l’état de nécessité, la délégation jordanienne a demandé à la CDI de clarifier la notion « d’intérêts essentiels à l’ensemble de la communauté internationale ». Le projet d’article 25 -aide ou assistance fournies par un État dans la commission d’un fait internationalement illicite d’une organisation internationale- entraîne la responsabilité de l’État, a estimé M. Hmoud. Passant au projet d’article 29 -Responsabilité d’un État membre d’une organisation internationale à raison du fait internationalement illicite de cette organisation- il a souligné que l’État et les organisations internationales sont des personnes morales distinctes et qu’en conséquence, l’appartenance d’un État à une organisation internationale ne déclenche pas automatiquement sa responsabilité internationale à raison du fait illicite de l’organisation. Enfin, a conclu le délégué jordanien, rien ne s’oppose à ce que les organisations internationales et les États soient dans l’obligation de coopérer pour mettre fin à la violation par une organisation internationale d’une norme impérative du droit international.
M. A.K.S. VIJAYAN (Inde) a apprécié l’élaboration des 19 projets d’articles sur les aquifères transfrontières. Il a noté que la croissance de la pratique internationale et des connaissances scientifiques est un phénomène récent. Il a donc approuvé la position de la CDI qui juge prématuré de se prononcer sur une forme finale du projet. Le principe de l’utilisation équitable et raisonnable figurant au projet d’article 4 doit être examiné conjointement avec le projet d’article 5 (facteurs pertinents pour une utilisation équitable et raisonnable). S’agissant du projet d’article 11, qui demande aux États de prendre des mesures de prévention, réduction et maîtrise de la pollution,il a soutenu l’approche du principe de précaution, mais à la lumière de l’incertitude qui l’entoure, il a préféré qu’il soit supprimé. M. Vijayan a soutenu l’obligation de coopérer (projet d’article 15) mais a noté certains chevauchements de cette question qui est traitée par plusieurs projets d’articles. Les fonctions des divers mécanismes prévus pour cette obligation doivent être clarifiées, a-t-il demandé.
Concernant la question de la responsabilité des organisations internationales, M. Vijayan a fait preuve d’une certaine prudence à l’égard du projet du fait des spécificités des organisations internationales. Faisant référence aux projets d’articles 17 à 24 portant sur les circonstances excluant l’illicéité, il a rappelé que les différences de nature entre les États et les organisations internationales rendent la transposition des articles sur la responsabilité de l’État délicate. Il a invoqué le même argument s’agissant du projet d’article 18 sur la légitime défense, où il est fait mention des principes généraux du droit international consacré par la Charte des Nations Unies. De la même façon, il n’est pas certain que les organisations internationales puissent invoquer des cas d’état de nécessité. Il préférerait donc la suppression du projet d’article 22, a-t-il indiqué. Le représentant a annoncé que sa délégation fournira, ultérieurement, d’autres commentaires sur ces projets d’articles.
Mme ANET PINO RIVERA (Cuba) s’est félicitée de ce que le projet d’articles sur les ressources naturelles partagées facilite l’utilisation souveraine par les États des aquifères situés sur leur territoire ainsi que la coopération entre États aux fins de la protection et de l’utilisation équitable de ces aquifères car, a-t-elle ajouté, l’eau est une ressource vitale dont la rareté constitue aujourd’hui un problème mondial. Faisant référence aux projets d’articles 4 et 5 sur l’utilisation équitable et raisonnable, elle a proposé, conformément à la Convention sur la diversité biologique, de remplacer le terme « raisonnable » par le terme « durable ». Elle a estimé également que la Commission devait mieux expliciter l’expression « dommages significatifs » afin que cela ne soit pas laissé à l’interprétation des États. S’agissant de la responsabilité des organisations internationales, elle s’est félicitée, d’une manière générale, de la méthodologie adoptée par la CDI mais, soulignant la différence de structure entre les États et les organisations internationales, elle a rappelé que l’on ne pouvait pas transposer tous les aspects du projet sur les responsabilités des États aux organisations internationales. Elle a ensuite considéré que l’état de nécessité -projet d’article 22- ne pouvait être invoqué comme circonstance excluant la responsabilité internationale pour fait illicite uniquement lorsque la commission du fait illicite est la seule façon de protéger l’intérêt essentiel de ladite organisation. Enfin, s’agissant de l’obligation des États membres d’une organisation internationale d’indemniser la partie lésée pour fait illicite de ladite organisation, elle a signalé que les États et les organisations internationales étant des personnes morales distinctes et indépendantes, c’est à l’organisation internationale qu’incombe la responsabilité d’indemniser la partie lésée et non pas à l’État.
M. ESA PAASIVIRTA, Observateur de la Commission européenne, a commenté les projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales. En ce qui concerne les circonstances excluant l’illicéité (projets d’articles 17 à 24), il a noté qu’il existe une pratique considérable de la Commission européenne dans le soutien aux processus électoraux. Les missions d’observation des élections de la Commission sont généralement dirigées par un membre du Parlement européen et le projet d’article 17 est donc très important pour nous, a-t-il expliqué. S’agissant de la responsabilité de l’État en rapport avec un fait d’une organisation internationale (projets d’articles 25 à 30), il a simplement noté que la transposition des articles correspondants du projet d’articles sur la responsabilité de l’État doit être menée avec une grande précision. Il s’est intéressé particulièrement aux projets d’articles 28 et 29 qui sont sans précédent. Le projet d’article 28 vise la situation dans laquelle un État se soustrait à une obligation internationale en attribuant compétence à une organisation internationale dont il est membre. Pour la Commission européenne et l’Union européenne, cette approche est difficile à comprendre car les cas envisagés sont un peu tirés par les cheveux. Même la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui est invoquée par le Rapporteur spécial n’a pas semblé pertinente pour justifier l’article 28. Le représentant a aussi soulevé plusieurs questions relatives au projet d’article 29 (responsabilité d’un État membre d’une organisation internationale à raison du fait internationalement illicite de cette organisation) qui vise notamment le cas où un État est responsable pour un fait internationalement illicite, s’il a accepté sa responsabilité pour ce fait. Pour certaines organisations internationales, telle que la Communauté européenne, une telle reconnaissance de responsabilité est très limitée par le droit constitutionnel de l’organisation et donc la liberté des États Membres. En conclusion, M. Paasivirta a rappelé les nombreuses questions difficiles qui demeurent quant à ce projet d’articles, en particulier pour la Communauté européenne quant aux projets d’articles 28 et 29.
M. GUILLAUME PAMBOU-TCHIVOUNDA (Gabon), Président de la Commission du droit international, a présenté les chapitres VIII et IX du rapport de la CDI. Abordant la question des réserves aux traités, le Président a noté que la CDI a adopté cinq projets de directives portant sur la validité des réserves. Ces projets doivent être inclus dans la troisième partie du Guide de la pratique. La CDI a décidé de remplacer les termes « licéité/illicéité » par « validité/non-validité », pour préserver une certaine neutralité. Le projet de directive 3.1, qui porte sur la « validité matérielle d’une réserve », concerne d’une part la faculté de faire des réserves (comme dans la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969) et d’autre part les cas où cette faculté est restreinte (réserve interdite ou limitée par le traité ou incompatible avec l’objet et le but du traité).
La directive 3.1.1 définit trois hypothèses dans lesquelles la réserve est expressément interdite par le traité: toute réserve est interdite; les réserves sont interdites pour des dispositions spécifiques; certaines catégories de réserves sont interdites. La directive 3.1.2 concernant la « définition des réserves déterminées » prévoit le cas où le traité autorise certaines réserves: réserves en général; catégories de réserves; réserves à des dispositions particulières. S’agissant de la directive 3.1.3, sur les « réserves non interdites par le traité », elle stipule que lorsque le traité interdit la formulation de certaines réserves, une réserve qui n’est pas interdite par le traité ne peut être formulée que si elle n’est pas incompatible avec l’objet et le but du traité. Le Président de la CDI a expliqué que ce projet explicite ce qui n’est qu’implicite dans la Convention de Vienne, à savoir que toute réserve ne doit pas être incompatible avec l’objet et le but du traité. C’est le reflet d’une règle coutumière dont le contenu demeure vague, a-t-il ajouté. Quant à la directive 3.1.4, sur la « validité des réserves déterminées », elle précise que ces réserves, lorsque le traité n’en précise pas le contenu, n’en sont pas moins soumises au respect du critère de l’objet et du but du traité. Le Président a invité les gouvernements à fournir leurs observations sur ces projets, en particulier en vue de la réunion que la CDI doit tenir avec des experts de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme.
Passant ensuite au chapitre IX intitulé « actes unilatéraux des États », le Président a rappelé que la CDI a adopté un ensemble de 10 principes directeurs et les a recommandés à l’attention de l’Assemblée générale. Il est important que les États puissent apprécier avec un degré raisonnable de certitude si et dans quelle mesure leurs comportements unilatéraux les engagent juridiquement sur le plan international. La CDI a privilégié l’étude d’un type spécifique d’actes unilatéraux, à savoir les déclarations formelles impliquant une manifestation expresse de la volonté de son auteur de s’engager juridiquement. Le principe directeur 1 vise à la fois à définir les actes unilatéraux stricto sensu et à en indiquer le fondement juridique. Les deux critères de la définition sont le caractère public de la déclaration et l’expression de la volonté de s’engager juridiquement. Le principe 2 rappelle que tout État a la capacité d’assumer des obligations juridiques par des déclarations unilatérales, principe reconnu par la Cour internationale de Justice. On trouve les facteurs devant être pris en compte au principe 3, à savoir le contenu de la déclaration, leurs circonstances et les réactions qu’elle a suscitées. La compétence d’une autorité étatique à engager l’État par une déclaration unilatérale est prévue au principe 4. Selon le principe 5, ces déclarations peuvent être formulées oralement ou par écrit. Elles peuvent avoir plusieurs destinataires (principe 6) et n’entraînent d’obligations pour l’État qui en est l’auteur, que si elles ont un objet clair et précis (principe 7). Le principe 8, qui transpose l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969, affirme la nullité d’une déclaration unilatérale en conflit avec une norme impérative du droit international général. Selon le principe 9, une déclaration unilatérale n’engage que l’État qui en est l’auteur, à moins qu’un autre État n’ait clairement accepté une telle déclaration. Quant au principe 10, il traite de la question de la rétractation d’une déclaration unilatérale ayant créé des obligations juridiques, indiquant qu’elle ne peut être admise si elle est arbitraire.
Mme ELINOR HAMMARSKJÖLD (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques, a abordé le chapitre du rapport de la CDI sur les réserves aux traités. Elle a estimé que les réserves incompatibles avec l’objet et le but du traité constituent le sujet le plus intéressant et, le plus important sur le plan juridique. La représentante a noté que la définition de l’objet et du but du traité s’est révélée très difficile. Les suggestions figurant à cet égard au projet d’article 3.1.5 présentent des risques de confusion, a-t-elle jugé. Pour ce qui est des conséquences d’une réserve incompatible avec l’objet et le but du traité, elle a déclaré attendre avec impatience le onzième rapport du Rapporteur spécial. Elle a déjà indiqué qu’elle considère fondamental que les États qui deviennent parties à un traité s’engagent au moins à respecter l’objet et le but du traité. Il résulte du projet d’article 19 de la Convention de Vienne que les réserves incompatibles avec l’objet et le but du traité ne doivent pas faire partie des relations entre les États. Pour la Suède, il ne devrait donc pas y avoir besoin d’objection à une réserve de ce type, puisqu’elle devrait être nulle de fait. La représentante a ensuite déclaré soutenir la décision de la CDI de réunir des experts des droits de l’homme. Elle a rappelé qu’une réunion de ce type avait eu lieu en 2002 en Suède, ses résultats ayant été publiés sous le titre « Réserves aux traités relatifs aux droits de l’homme et à la Convention de Vienne ». Les experts avaient notamment relevé le risque de fragmenter le droit international si on considère que les traités relatifs aux droits de l’homme doivent être traités différemment dans le régime des réserves, a rappelé Mme Hammarskjöld qui a d’ailleurs abondé dans ce sens.
M. ALEJANDRO ALDAY (Mexique) a souligné la complexité de la question des réserves aux traités et que les travaux du Rapporteur spécial abordent, dans un cadre juridique, les problèmes fondamentaux de l’application du droit des traités, en particulier le projet de directive sur la définition de l’objet et du but du traité. Le Mexique a estimé que le critère de conformité de la réserve à l’objet et au but du traité est essentiel et souligné que la définition de « l’objet et du but » doit être globale afin de permettre l’application du critère au cas par cas selon les méthodes de détermination conformes aux normes interprétatives des traités. Mais la définition de « l’objet et du but » étant un processus difficile, il faudra rassembler les normes dispersées dans le corps du traité et les identifier en tant que droits et/ou obligations auxquels aucun État partie ne pourra se soustraire. C’est pourquoi le Mexique a appuyé la rédaction du premier projet de directive 3.1.5 proposé par le Rapporteur spécial qui fournit les éléments nécessaires à l’identification des normes, droits et obligations essentiels au traité.
M. GERHARD HAFNER (Autriche) a abordé le chapitre sur les réserves aux traités, en se déclarant tout d’abord favorable à une réunion d’experts des droits de l’homme comme l’a proposé la Commission du droit international. Il a ensuite examiné les projets de principes adoptés cette année. En ce qui concerne le projet de directive 3.1.2, sur la « définition des réserves déterminées », il a constaté que ce texte trouve son origine dans la Convention de Vienne sur le droit des traités qui parle de « réserves spécifiques » alors que le projet de directive considéré utilise en anglais l’expression de « specified reservations» et a expliqué que cela pose quelques problèmes. Le projet de directive 3.1.4, sur la « validité des réserves déterminées », a-t-il relevé, soulève aussi certaines questions. Il s’est demandé notamment pourquoi ce type de réserve doit quand même satisfaire à la condition de conformité aux but et objet du traité. Passant aux projets de directives sur les réserves non valides, il a indiqué qu’ils sont dans la ligne de la pratique autrichienne. À son avis, les réserves non valides sont nulles et non avenues. Les différentes catégories de réserves interdites prévues au projet d’article 19 de la Convention de Vienne devraient être placées sur un même pied d’égalité. Pour ce qui est des projets de directives sur les compétences des organes de contrôle, M. Hafner a considéré qu’ils ne sont pas vraiment cohérents. Il a encore émis d’autres observations sur les projets de directives, comme sur le projet de directive 3.3.4 relatif aux effets de l’acceptation collective d’une réserve non valide. Il a jugé notamment que ce principe invite presque à formuler une réserve interdite par un traité. Avant de conclure, M. Hafner a réitéré son appréciation des progrès récents accomplis par la Commission du droit international sur ce sujet des réserves.
M. JOHAN G. LAMMERS (Pays-Bas) a rappelé que la définition de l’objet et du but du traité continue, semble-t-il, à poser problème et, a exhorté à la plus grande prudence pour ce qui est de cette définition qui touche aux obligations, aux dispositions essentielles et à la raison d’être d’un traité. Il est parfois difficile, a-t-il ajouté, de déterminer les règles substantielles de base et il faut reconnaître la nature subjective et unilatérale de la définition, par chaque État, de l’objet et du but d’un traité. Les Pays-Bas hésitent à donner une définition plus détaillée, soulignant que la notion d’objet et de but n’est pas spécifique aux réserves mais apparaît dans nombre d’autres conventions et donc, toute définition aura un impact sur d’autres situations faisant référence à cette même notion et il faut examiner cette question plus avant. Passant ensuite aux conclusions préliminaires sur les réserves aux traités normatifs multilatéraux, y compris les traités sur les droits de l’homme, le représentant a souligné que, s’agissant du rôle des organes de surveillance, les conclusions sont essentiellement descriptives et font la distinction avec le rôle des États qui peuvent réagir à des réserves par le biais du mécanisme que constitue le droit des traités. Les Pays-Bas ont souhaité que ces conclusions préliminaires soient réexaminées afin de clarifier le point 8 sur la force juridique des résultats des organes de surveillance et même, de décrire en quoi consiste cette force. Le représentant a souhaité également que les effets juridiques des efforts importants des organes de surveillance, eu égard aux réserves sur les traités relatifs aux droits de l’homme, soient reflétés dans le futur guide de la pratique sur les réserves. Enfin, les Pays-Bas se sont interrogés sur l’utilité des travaux de la CDI pour les juristes œuvrant à la surveillance de l’application des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme, mais ont estimé que les réunions avec les organes de surveillance seront fort utiles sur le plan pratique.
Mme JOANNA HARRINGTON (Canada) a jugé importante la question de savoir qui est compétent pour déterminer la validité d’une réserve, notamment au regard des traités relatifs aux droits de l’homme. L’unité des règles consacrées par le régime de la Convention de Vienne sur le droit des traités a son utilité à cet égard. Le Canada se réjouit que la Commission ait établi une instance chargée de surveiller l’application d’un traité relatif aux droits de l’homme pour se prononcer sur la validité d’une réserve. Le fait d’être habilité à émettre un avis à valeur de recommandation sur cette validité, n’équivaut pas à l’autorisation de rendre des décisions ayant valeur contraignante, a-t-elle précisé. Il vaut donc mieux parler d’avis ou d’évaluation pour cette instance, plutôt que de règle ou de décision. La représentante s’est aussi félicitée de ce que la Commission confère expressément le droit de faire objection aux États contractants ou aux organisations internationales contractantes, lorsqu’un autre État ou une autre organisation internationale déclare qu’une réserve n’est pas valide. Le Canada a aussi émis des réserves en ce qui concerne le rôle que serait appelé à jouer le dépositaire du traité, en qualité d’instance chargée de l’examen des réserves qui, à l’évidence, ne sont pas valides.
Concernant le thème des actes unilatéraux, la représentante s’est félicitée de l’élaboration de principes qui s’avèreront utiles aux États, basés sur un aperçu instructif et fidèle de la jurisprudence internationale. La Commission constate que la notion d’actes unilatéraux n’est pas uniforme et que c’est pour cela qu’il est difficile de dégager un consensus sur la mise en place d’un régime unique. Le Canada salue donc la décision de la Commission de limiter la portée des directives sur les déclarations unilatérales officielles visant à instituer une obligation en droit international. Sur la question de savoir qui peut faire une déclaration unilatérale au nom d’un État, il est nécessaire d’examiner la notion de volonté ou d’intention, a estimé Mme Harrington. Du point de vue du droit international coutumier et de la pratique en constante évolution, elle a constaté que cette question demeure entière, mis à part la compétence des chefs d’État ou de gouvernement, ou le ministre des affaires étrangères. En conclusion, elle a averti du risque de double emploi des directives élaborées par la CDI avec les règles de la Convention de Vienne régissant la création d’obligations par un traité.
M. MA XINMIN (Chine) a rappelé que le projet de directive 3.2 stipule que les parties contractantes et les organes créés notamment par des traités sont compétents pour décider de la validité des réserves. La Chine, estimant cependant que ces fonctions attribuées auxdits organes excèdent leurs fonctions habituelles ainsi que les dispositions pertinentes de la Convention sur le droit des traités et la pratique des États, a proposé d’éliminer l’alinéa 3 du projet de directive 3.2. Le représentant a souligné ensuite que différentes entités, pouvant évaluer la même réserve différemment, ce qui peut entraîner des contradictions par rapport au traité, il serait souhaitable d’examiner les compétences décisionnelles de diverses entités et les relations hiérarchiques entre ces entités. Le représentant de la Chine a également pris note de la nouvelle définition de l’objet et du but du traité avancée par le Rapporteur spécial et souligné que, de l’avis de sa délégation, cette définition devait clarifier les liens entre les réserves, la raison d’être et les dispositions essentiels d’un traité. Concernant la question des actes unilatéraux des États, il a signalé que les Principes directeurs ne sont applicables stricto sensu qu’à des actes unilatéraux des États ayant forme de déclarations officielles faites sur la base de leur intention subjective, mais il a tout de même souligné que ces Principes ont clarifié les actes précis des États susceptibles de produire des obligations internationales, renforçant ainsi la stabilité et la prévisibilité des relations internationales.
M. WILLIAM ROELANTS DE STAPPERS (Belgique) a félicité la Commission pour la qualité des travaux accomplis sur les réserves aux traités, domaine hautement technique du droit international public. La Belgique a considéré que les conclusions préliminaires de 1997 sont, dans leur ensemble, acceptables. Il n’y a pas lieu de se départir des règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités lorsque sont en cause des traités multilatéraux normatifs, y compris les traités relatifs aux droits de l’homme. Si le régime de la Convention de Vienne est bien compris, aucune lex specialis ne lui paraît nécessaire pour les réserves aux traités. Le représentant s’est référé aux commentaires présentés par la Belgique en 2004 et 2005. Il a déclaré accepter les paragraphes 3 et 5 des
conclusions préliminaires. En ce qui concerne le paragraphe 5, il a estimé que la compétence des organes de contrôle pour formuler des observations et des recommandations sur la validité des réserves doit se comprendre conjointement avec les autres paragraphes des conclusions préliminaires et sans préjudice des acceptations ou objections formulées par les États parties.
Mme CONCEPCIÓN ESCOBAR HERNANDEZ (Espagne) a signalé que, s’agissant des réserves aux traités, la CDI a choisi l’utilisation générale du terme « validité » des réserves face à l’admissibilité ou à l’opposabilité, expression qualifiée de « matérielle » ce qui permet d’éviter toute interprétation relative aux effets de la réserve. Passant ensuite à la question de la définition de l’objet et du but du traité, elle a estimé qu’un guide sur les réserves aux traités se doit d’incorporer cette notion, et a appuyé l’adoption d’une directive dans ce sens. Approuvant les projets de directives 3.2.1 à 3.2.4 qui donnent aux organes de surveillance et de contrôle la compétence nécessaire pour se prononcer sur la validité des réserves formulées eu égard à un traité, la délégation espagnole a néanmoins jugé nécessaire de mieux examiner le lien entre le projet de directive 3.2 qui envisage un modèle de pluralité des sujets et d’organes compétents pour se prononcer sur la validité des réserves, et le projet de directive 3.2.4 qui ne donne pas de réponse au cas où il y aurait contradiction entre deux avis émis sur la même réserve. Passant à la question des actes unilatéraux des États, la représentante de l’Espagne a lu avec intérêt le texte des « directives applicables aux déclarations unilatérales des États susceptibles de créer des obligations juridiques » mais a relevé que les « directives » contiennent des dispositions susceptibles de créer un parallèle entre les actes unilatéraux et les traités, ce qui n’est pas souhaitable. C’est pourquoi la délégation espagnole a jugé que le texte des « directives » exige une plus grande réflexion.
Mme PATRÍCIA GALVAO TELLES (Portugal), abordant le chapitre des réserves aux traités, s’est félicitée des travaux accomplis par la CDI sur la question. Elle a cependant estimé que les solutions proposées par la Commission vont trop loin, compte tenu de la pratique actuelle en matière de traités. Concernant la validité des réserves aux traités, elle a juge prématuré d’adopter la formulation « validité/non-validité ». Elle a cité, à cet égard, un arrêt récent de la CIJ, dans une affaire entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, qui utilise plutôt les termes « interdit », « permet », « non compatible » et « compatible ». Elle a ajouté que le fait qu’un État ne formule pas d’objection à une réserve ne signifie pas nécessairement qu’il la considère valide, et si aucun État n’objecte pas à une réserve, cela ne veut pas dire qu’elle est valide. Examinant les projets de directives 3.1, 3.1.1, 3.1.2, 3.1.3 et 3.1.4, la représentante a exprimé un accord général de sa délégation avec les propositions formulées par la CDI avant de présenter ses commentaires. Sa délégation approuve que les réserves implicitement autorisées et les réserves déterminées permises doivent aussi passer le test de leur compatibilité avec l’objet et le but du traité. Mme Galvao Teles s’est ensuite déclarée favorable à la proposition de la Commission d’organiser une réunion d’experts en droits de l’homme sur la question des réserves aux traités.
Passant à la question des actes unilatéraux, la représentante a reconnu la difficulté de codifier le sujet, notamment du fait de l’absence d’uniformité du concept des actes unilatéraux. Elle s’est félicitée de l’achèvement des travaux de la Commission sur cette question, avec l’adoption des projets de directives. Pour le Portugal, le rôle joué par les actes unilatéraux des États est très riche et a des effets très variés, en fonction des besoins de la communauté internationale. La représentante a estimé qu’il serait préférable d’étudier en même temps les différents actes, à savoir ceux qui constituent une source autonome de droit international et ceux qui ne sont pas autonomes et dépendent d’une autre norme.
M. HIROSHI TAJIMA (Japon) a estimé, comme le Rapporteur spécial, que les directives sur les réserves aux traités doivent être aussi globales que possible afin d’être pratiques et, rappelant que la Commission travaille sur cette question depuis 10 ans, il a souhaité qu’elle présente, dans un avenir proche, un tableau général de ces directives. Il s’est félicité de ce que le Rapporteur spécial ait axé ses efforts sur la définition de l’objet et du but du traité, mais comme la validité matérielle des réserves dépend de la nature de chaque traité, il sera peut-être difficile d’arriver à une seule définition de cette notion. Le Japon a jugé que la compétence nécessaire des organes de surveillance pour évaluer la validité des réserves doit être décidée au vu des traités pertinents de ces organes. S’agissant des actes unilatéraux des États, la délégation japonaise s’est félicitée de l’achèvement des projets de directives applicables aux déclarations unilatérales des États susceptibles de créer des obligations juridiques, estimant que la Commission s’était concentrée, à juste titre, sur une seule catégorie de ces actes.
M. THOMAS FITSCHEN (Allemagne) a relevé que la question des réserves non valides est particulièrement importante au regard du droit des traités, notamment les traités relatifs aux droits de l’homme et ceux dont le but est de lutter contre le terrorisme international. Il a apprécié que la CDI considère elle-même le sujet très pertinent. M. Fitschen a lu avec intérêt le passage du rapport de la Commission qui traite des organes de contrôle et de leur rôle dans la détermination de la validité des réserves, notamment parce que la région à laquelle il appartient, où s’applique la Convention européenne des droits de l’homme, a accepté depuis longtemps ce rôle. Depuis 20 ans, la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme a été reconnue pour juger de la validité des réserves. Les conclusions préliminaires de la Commission sur les réserves aux traités multilatéraux, qui datent de 1996/1997, ont suivi une approche conservative en suivant la Convention de Vienne sur le droit des traités. Du fait de l’absence de consensus aujourd’hui à la CDI sur ce sujet, il a proposé que lorsqu’un organe de contrôle des traités a la compétence de déterminer la validité ou non des réserves, cette compétence devrait prévaloir sur d’autres mécanismes qui tendent au même but.
Mme SARAH WILLIAMS (Royaume-Uni) a rappelé que la Commission du droit international avait recommandé au Secrétariat d’organiser une réunion avec des experts de l’ONU des droits de l’homme afin d’examiner les questions portant sur les réserves aux traités de droits de l’homme et demandé aux gouvernements leurs vues sur les ajustements qu’ils jugent nécessaires ou utiles d’apporter aux « Conclusions préliminaires ». Le Royaume-Uni, a-t-elle dit, a cependant des doutes sur la nécessité d’une telle réunion, estimant que les réserves aux traités normatifs, y compris les traités relatifs aux droits de l’homme, doivent être soumises aux mêmes règles que les réserves aux autres traités. Pour ce qui est des organes de surveillance des traités relatifs aux droits de l’homme, le Royaume-Uni a estimé que ces organes ne sont habilités à décider du statut ou des conséquences d’une réserve donnée lorsque ce pouvoir est attribué par le traité. Examinant certains des projets de directives, la représentante a exprimé ses doutes quant à la possibilité de clarifier la notion de définition de l’objet et du but du traité et demandé, en ce qui concerne le projet de directive 2.1.8, des éclaircissements sur la signification de « manifestement non valides ». S’agissant enfin des actes unilatéraux des États, le Royaume-Uni a réitéré qu’il ne voyait pas l’utilité de poursuivre les travaux sur cette question.
M. DIRE TLADI (Afrique du Sud), abordant la question des réserves aux traités, a félicité la Commission de son travail. Le projet de directives est, pour l’essentiel, fidèle à la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il a reconnu les impacts négatifs d’un certain nombre de réserves sur l’intégrité des traités multilatéraux mais a aussi fait valoir leur utilité pour promouvoir une large participation aux traités. Le représentant a apprécié que la Commission se base sur l’Article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, pour préserver un équilibre délicat entre l’intégrité du droit des traités et une plus grande participation. M. Tladi a commenté le projet de directive 2.1.8 sur les procédures en cas de réserve manifestement non valide dont, à son avis, les dispositions posent des problèmes. Dans la deuxième partie des directives, il a noté que lorsque l’auteur d’une réserve non valide décide de la maintenir, le dépositaire doit indiquer la nature des problèmes juridiques en transmettant le texte de la réserve aux autres États. Cette disposition aussi pose un problème, selon lui, car cela dépasse largement le rôle des dépositaires tel que défini par la Convention de Vienne. Le représentant a conclu en expliquant qu’il n’est pas opposé à la présentation de réserve non valide, mais plutôt inquiet de ce qui pourrait trop modifier le rôle des dépositaires.
M. VALERIO ASTRALDI (Italie) a souligné que, s’agissant de la question des réserves aux traités, la Commission du droit international est sur le point d’examiner les questions les plus controversées, notamment la définition de l’objet et du but du traité en vue d’évaluer la validité d’une réserve. En conséquence, la Commission devra examiner la façon dont la validité d’une réserve doit être évaluée et déterminer la signification des objections ou du manque d’objections des États parties au traité autre que l’État qui a fait les réserves. La délégation italienne s’est félicitée, par ailleurs, de l’adoption par la Commission d’un ensemble de projets de directives sur les actes unilatéraux des États, premier texte produit par la Commission sur un sujet difficile, mais s’est demandée si ces projets de directives visent à conclure l’examen de la question ou s’il s’agit d’un texte préliminaire. Ces projets d’articles, a ajouté le représentant de l’Italie, indiquent clairement que les conséquences juridiques sont souvent liées aux espoirs que le comportement d’un État a suscités dans d’autres États.
Mme ANNE-LAURE DURING (France) a rappelé que la Commission du droit international a poursuivi l’examen du rapport consacré à la validité des réserves aux traités. Elle a souligné que les projets de directives adoptés cette année ne diffèrent pas des projets de l’année dernière. Elle a cependant rappelé que le projet de directive 2.1.8 a été remanié et ne reflète pas, du point de vue de la France, l’état du droit et de la pratique concernant les fonctions du dépositaire. Les projets de directives relatifs à la compétence des organes de contrôle de l’application des traités, a-t-elle ajouté, soulèvent également des questions. Dans le projet de directive 3.2.1, l’appréciation de la validité des réserves paraît découler directement de la compétence conférée à l’organe pour contrôler l’application du traité. Il conviendrait donc de retenir une formulation qui n’établisse pas un tel lien d’automaticité. Elle s’est ensuite interrogée sur l’utilité des projets de directives qui traitent de la coopération entre les parties et les organes de contrôle pour apprécier la validité des réserves. Elle a rappelé que la Commission avait souhaité avoir les commentaires des États membres sur les ajustements à apporter aux « Conclusions préliminaires » lesquelles, de l’avis de sa délégation, sont tout à fait pertinentes. La non-validité des réserves, a continué Mme During, pose problème. C’est pourquoi la Commission doit clarifier, autant que possible, les conséquences de la non-validité d’une réserve ou encore l’effet d’une objection à une réserve. Elle a estimé que la nouvelle définition de la notion d’objet et de but du traité que la Commission adoptera, apportera des améliorations au regard de la proposition initiale. Elle a appuyé le projet de directive 3.3 même si son titre met l’accent sur les conséquences de la non-validité d’une réserve et ne semble pas refléter le contenu de ce projet qui porte davantage sur les causes de la non-validité, et elle a rappelé pour finir que, quant aux conséquences de ces causes, le projet de directive 3.3.1 souligne qu’elles relèvent du droit des traités et non pas du droit de la responsabilité internationale.
Mme ELIZABETH WILCOX (États-Unis) a apprécié le travail de la Commission sur la question difficile de la validité des réserves aux traités et sur le concept de l’objet et du but du traité. Elle a engagé la Commission à la prudence dans la considération des types de réserves qui peuvent être non valides parce qu’elles sont incompatibles avec l’objet et le but du traité. En ce qui concerne les réserves aux traités relatifs aux droits de l’homme, elle a aussi appelé à examiner avec soin les déclarations sur les prérogatives des organes d’application des traités. Elle a noté que le travail de la Commission devra permettre de dire que les organes de contrôle ne devraient pas prendre de décision sur les réserves, sauf dans des circonstances exceptionnelles où ils se sont vus attribuer cette compétence par le traité lui-même.
En ce qui concerne les actes unilatéraux, Mme Wilcox a indiqué que les États-Unis ont toujours relevé les défis particuliers qu’ils soulèvent. Elle s’est félicitée de la décision de la Commission de faire porter ses conclusions sur les déclarations formelles d’un État avec l’intention de créer des obligations en droit international. Les États devraient pouvoir faire ce genre de déclaration, a-t-elle jugé, s’ils ont bien l’intention d’être liés par cette déclaration. Mme Wilcox a considéré que les obligations doivent être interprétées de manière restrictive. La nécessité de cette interprétation restrictive est conforme au principe suivant lequel les États peuvent faire ce type de déclarations sans craindre qu’elles soient vues comme créant des obligations en droit international. La représentante s’est ensuite dite préoccupée par le problème du retrait des déclarations unilatérales. À son avis, des changements essentiels intervenant dans ces circonstances peuvent suffire à justifier la révocation d’une déclaration, même s’il y a une manifestation claire de l’intention d’être lié. Après tout, les déclarations unilatérales sont distinctes des accords négociés entre des États et, de ce fait, elles ne suivent pas obligatoirement les règles de révocation des traités, a-t-elle fait valoir.
M. ANDRZEJ MAKAREWICZ (Pologne) a fait remarquer que la multiplication de directives de plus en plus détaillées sur les réserves aux traités fait perdre lentement l’espoir de finaliser le projet dans un futur proche. Concernant la possibilité de formuler des réserves, il lui a semblé que la directive 3.1 pourrait paraître superflue car elle énonce un principe qui n’est pas controversé. Il a souhaité plus de clarté sur les règles applicables aux réserves. Le représentant a ensuite évoqué la procédure en cas de réserves manifestement non valides, les dispositions à ce sujet lui paraissant controversées. Selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, le dépositaire d’un traité est un administrateur neutre du traité et doit agir de façon impartiale, a-t-il rappelé. De l’avis du représentant, le dépositaire ne peut donc pas porter un jugement sur la validité ou non des documents qui lui sont confiés, sauf pour une question technique. Avec l’adoption des projets de directives applicables aux déclarations unilatérales des États susceptibles de créer des obligations juridiques, a-t-il ajouté, la CDI a finalisé 10 années de travaux sur les actes unilatéraux des États. Les 10 projets de directives, a dit le représentant de la Pologne, sont plus descriptifs que strictement juridiques. La Pologne n’est pas entièrement satisfaite des conclusions de la Commission du droit international sur ces travaux, mais reconnaît que c’était le seul moyen de concilier de sérieuses divergences d’opinion, mais croit néanmoins que les projets de directives aideront les États à évaluer dans quelles mesures leur conduite unilatérale peut créer pour eux des obligations juridiques internationales.
Mme TAMAR KAPLAN (Israël) a émis des réserves sur le projet de directive sur la définition de l’objet et du but du traité, lequel ne lui semble apporter aucune clarification. Mme Kaplan a ensuite proposé d’apporter des changements de libellé au projet de directive 3.2., afin d’éviter d’accorder l’autorisation implicite à un organe de contrôle de juger de la validité des réserves. Israël, a-t-elle indiqué, a demandé des clarifications quant à la pertinence de l’arrêt d’un tribunal national sur la validité d’une réserve au droit international. D’après le système juridique d’Israël, l’arrêt d’un tribunal national n’affecte que le droit interne. La représentante a également noté qu’Israël considérait que la fonction de dépositaire était purement technique, que l’élargissement de cette fonction appelait à la plus grande prudence et que, dans certains cas, il faudrait une acceptation unanime et non pas seulement collective. Passant aux actes unilatéraux des États, Israël a rappelé qu’elle estimait que la Commission devait déterminer si les responsables qui ne sont pas chefs d’État ou ministres des affaires étrangères ont la capacité juridique de contraindre l’État par le biais d’actes unilatéraux. Au regard du droit israélien, les ministres ou autres hauts fonctionnaires ont besoin d’une autorisation expresse pour engager la responsabilité de l’État par le biais de déclarations et d’actes unilatéraux. Compte tenu des malentendus possibles que peut susciter la déclaration d’un État, la représentante a exhorté la Commission à restreindre l’interprétation de ces déclarations car, en cas de doute quant à l’intention d’un État, mieux vaut interpréter sa déclaration comme étant non contraignante au regard du droit international. Le Gouvernement israélien n’accordera une signification juridique à ses actes unilatéraux ou à ceux d’autres États uniquement s’il y a intention claire d’entraîner des conséquences juridiques.
M. ALAIN PELLET, Rapporteur spécial sur les réserves aux traités, a noté que les observations des États exprimées à la Sixième Commission arrivent ex post facto, c’est-à-dire après que la Commission du droit international a pris position sur un sujet donné par le biais de son Rapporteur spécial. Il a rappelé la technicité et la précision des termes choisis par le comité de rédaction, avant que la Commission adopte en première lecture les projets d’articles. Pour la deuxième lecture, un « bon rapporteur spécial » reviendra lire les débats de la première lecture, ce qui lui permet parfois de dégager des tendances d’opinions. Les États peuvent aussi exposer leurs positions à la Sixième Commission et le rapporteur spécial pourra alors rectifier son rapport en fonction de ces commentaires. Les États peuvent aussi influencer la Commission en suggérant des sujets et « le silence assourdissant de la Sixième Commission » à cet égard est décevant, de l’avis de M. Pellet. L’autre manière de peser sur la tendance générale d’un sujet est de se concentrer sur les questions posées par la Commission dans le chapitre III de son rapport, a-t-il ajouté. La seconde limite générale au dialogue entre la CDI et la Sixième Commission, c’est qu’une fois que la CDI a adopté un projet, ce n’est plus le projet du rapporteur spécial mais celui de la Commission qui peut être en désaccord avec l’opinion du rapporteur spécial sur des points importants.
Être rapporteur spécial est une charge assez lourde, voire ingrate, et il est réconfortant de voir que les sujets sont pris au sérieux par les délégations, a poursuivi M. Pellet. Indépendamment des débats théoriques, les États réagissent aussi en fonction de leurs besoins. Il a été surpris des réactions pour la plupart négatives en ce qui concerne la directive 2.1.8 (procédures en cas de réserves manifestement non valides). Cette levée de boucliers soudaine l’a en effet étonné car la Sixième Commission avait déjà discuté de cette question il y a 3 ou 4 ans. Après des hésitations exprimées, il avait été décidé de remplacer les termes « licéité/illicéité » par « validité/non-validité ». Qu’une réserve soit valide ou non aura forcément un effet sur l’objection à la réserve, a-t-il expliqué. Je crois donc que la Commission a eu raison et qu’on ne peut pas poursuivre ce projet sans faire une distinction entre réserve valide et réserve non valide, a-t-il affirmé.
M. Pellet s’est aussi étonné des remarques des délégations sur « l’objet et le but du traité », notant que les trois variantes qu’il a proposées pourraient permettre de cerner cette notion fondamentale non seulement dans les réserves aux traités mais aussi dans tout le droit des traités. Il a indiqué avoir pris bonne note de tout ce qui a été dit à la Sixième Commission et assuré que la Commission et son comité de rédaction en discuteront. Sur les projets de directives sur le rôle des organes de contrôle de l’application des traités, en particulier des traités relatifs aux droits de l’homme, il a estimé que l’orientation générale a été plutôt approuvée. Enfin, M. Pellet a apprécié la quasi-totalité du soutien apporté à la proposition de la Commission d’organiser une réunion avec des experts de droits de l’homme. Il a expliqué à ce propos que toutes les rencontres bilatérales que la Commission a pu avoir avec des organes des droits de l’homme ont été très intéressantes. Nous ressentons vraiment le besoin de se réunir avec les experts des droits de l’homme, a-t-il insisté.
Sur le chapitre des actes unilatéraux, M. Pellet a remarqué que les délégations avaient noté la lenteur des travaux sur la question. Le sujet s’est révélé d’une difficulté énorme et il a eu du mal à le cerner, a-t-il expliqué. Les implications pratiques sont notamment très importantes. Nous essayons que le guide de la pratique ne soit pas le reflet de la pratique effective mais puisse guider les États lorsqu’ils veulent adopter des actes unilatéraux. Il a aussi noté que plusieurs délégations ont relevé que la Commission avait limité l’étude du sujet aux déclarations unilatérales. Après avoir mûrement pesé le pour et le contre, le Groupe de travail sur les travaux à long terme a décidé de ne pas étudier la question de l’acquiescement, qui est une façon d’aborder les actes unilatéraux, a-t-il aussi indiqué. M. Pellet a enfin considéré qu’en l’absence d’instructions précises de la Sixième Commission, la Commission du droit international ne pourra sans doute pas poursuivre les travaux sur ce sujet.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel