AG/EF/3155

LA COMMISSION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE ORGANISE UNE TABLE RONDE SUR LES POLITIQUES SOCIALES DE LA MONDIALISATION

18/10/2006
Assemblée généraleAG/EF/3155
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Deuxième Commission

Table ronde – après-midi


LA COMMISSION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE ORGANISE UNE TABLE RONDE SUR LES POLITIQUES SOCIALES DE LA MONDIALISATION


Invitée par la Commission économique et financière (Deuxième Commission) pour débattre des politiques sociales à l’ère de la mondialisation, Laura Tyson, doyenne de la London Business School et ancienne présidente du Collège des Conseillers économiques du Président Bill Clinton, a admis que s’il y avait des gagnants dans la mondialisation, les perdants s’y comptaient aussi par millions.  Comment alors concevoir des cadres qui permettent de maintenir les niveaux de vie et des politiques sociales susceptibles de contrebalancer les effets négatifs de la mondialisation?  C’est à cette question que se sont efforcés de répondre les participants à la table ronde organisée, cet après-midi, par le Bureau d’appui au Conseil économique et social et de la coordination.


Contrairement à l’ordre économique ancien, où la concurrence s’exerçait principalement entre entreprises, l’ordre de la mondialisation met de plus en plus en compétition les travailleurs non seulement au sein de chaque pays mais aussi au niveau mondial, a déclaré Mme Laura Tyson.  La délocalisation tire vers le bas les revenus et les conditions d’emploi des travailleurs des pays industrialisés, ce qui permet à la main d’œuvre des zones en développement de prétendre aux emplois qui, autrefois, étaient réservés à des cadres et à des ouvriers spécialisés de l’hémisphère Nord.  Les travailleurs chinois et indiens ont désormais accès à des métiers qui leur auraient échappé si leur pays avaient suivi une courbe de développement « normale ».


Ce constat est responsable de la levée de boucliers contre les délocalisations.  Aujourd’hui, l’ouvrier de Shanghai ou de Bombay reçoit une formation pour fabriquer des produits grâce à des technologies qui n’ont pas été développées dans leur pays et qui ne répondent pas à ses besoins propres mais qui sont destinés à des marchés mondiaux et à des consommateurs exigeants aux habitudes plus sophistiquées.


Si les États-Unis et la main d’œuvre américaine ont des habitudes d’adaptation et de souplesse qui leur permettent de s’accommoder des changements intervenus dans les chaînes de production, il n’en est pas de même de l’Europe.  La tradition européenne, qui consiste à préserver un modèle social basé sur la sauvegarde d’emplois à plein temps et des prestations sociales, est confrontée au nouveau paysage de la mondialisation dont les mécanismes fonctionnent d’abord sur la notion de profit.  C’est pour faire face à ces changements, et aux pressions qu’ils créent sur le tissu social, qu’il faut concevoir des politiques sociales de la mondialisation, a préconisé l’ancienne Conseillère de Bill Clinton.


L’exercice n’est pas si simple, selon Kaushik Basu, Chaire C. Marks en études internationales et professeur d’économie à l’Université Cornell.  Une des victimes de la mondialisation semble malheureusement être la démocratie.  La mondialisation a enlevé aux peuples la liberté de choisir leurs modes de vie et les politiques socioéconomiques qu’ils souhaitent voir leurs gouvernements appliquer.  Aujourd’hui, une décision du Président ou du Congrès américain n’a pas seulement un impact sur la vie des Américains mais aussi sur celle des autres peuples du monde.  Le fait que la mondialisation fonctionne sur des règles et des normes que tous les pays sont obligés de suivre, sans avoir participé à leur élaboration, en fait un phénomène redoutable, que certains jugent unilatéral.  


Si les Tanzaniens n’ont pas eu voix au chapitre quand il s’est agi d’établir les règles commerciales de l’OMC, pourquoi devraient-ils les respecter et en souffrir en silence? s’est interrogé le professeur Basu.  Est-ce normal que la fortune de Bill Gates soit supérieure au revenu national de la Tanzanie? N’est-il pas temps pas de trouver des mécanismes de justice et de rééquilibrage? 


L’écart entre les plus grosses fortunes individuelles et le revenu des citoyens d’un pays comme la Tanzanie ne saurait être généralisé, a tempéré Michal Rutkowski, Directeur du Département du développement humain pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique à la Banque mondiale.  La mondialisation a plus de bienfaits que d’aspects négatifs, a-t-il déclaré, en estimant que si les pays en développement étaient mieux gérés et mieux gouvernés, on n’aurait pas vraiment besoin de s’inquiéter des impacts sociaux de cette mondialisation.  Dans les pays en développement, le principal enjeu est celui de la sécurité des revenus des travailleurs, a-t-il ajouté, en reconnaissant tout de même que la mondialisation est venue ajouter un facteur d’instabilité et de précarité à cette situation.  Le marché de l’emploi créé par la mondialisation exclut, en effet, toutes notions de protection de l’emploi, d’emploi durable et d’acquis sociaux.  Le soutien social et l’assurance sociale deviennent dans cette nouvelle réalité un luxe que peu d’entreprises sont prêtes à garantir.  


Certains pays comme le Danemark ont réussi à préserver un modèle social tout en s’intégrant dans la mondialisation.  Dans d’autres pays, dont les États-Unis, les acquis sociaux fondent comme neige au soleil.  Au vu de ces deux exemples, la mondialisation laisse une certaine marge de manœuvre aux États et aux entreprises et peut s’accompagner d’un certain type de politiques sociales même si elles sont d’un genre très particulier, a reconnu l’ancienne Conseillère économique.  Pour donner un visage social à la mondialisation, les pays et les entreprises doivent générer plus de bénéfices et de plus-values, a préconisé son homologue de l’Université Cornell.  C’est cet excédent de ressources qui, joint à une certaine souplesse dans le marché du travail, permet de maintenir des revenus élevés et des emplois plus stables.  Le niveau de ces revenus, et une certaine prévisibilité de la durée de l’emploi permettent, à leur tour, de financer les politiques sociales et les filets de sécurité.      


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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