SIXIÈME COMMISSION: LES DÉLÉGATIONS S‘INTERROGENT SUR LES EFFETS DE L’OBJECTION À DES RÉSERVES INCOMPATIBLES À L’OBJET D’UN TRAITÉ
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SIXIÈME COMMISSION: LES DÉLÉGATIONS S‘INTERROGENT SUR LES EFFETS DE L’OBJECTION À DES RÉSERVES INCOMPATIBLES À L’OBJET D’UN TRAITÉ
La communauté internationale a un rôle important à jouer pour le renforcement de l’action de la CIJ, déclare son Président
À la fin de la première semaine de débats sur les travaux de la Commission du droit international (CDI) accomplis au cours de sa dernière session, la Sixième Commission (Commission juridique) a aujourd’hui mis l’accent sur les chapitres relatifs aux ressources naturelles partagées, aux actes unilatéraux et aux réserves aux traités.
Les délégations ont tenté de répondre à la question posée par la CDI relative à l’effet d’une objection d’un État qui déclare estimer une réserve incompatible avec le but et l’objet d’un traité, sans pour autant s’opposer à l’entrée en vigueur de ce traité dans ses relations avec l’auteur de la réserve. Certains États estiment que si un État a fait une réserve interdite et incompatible à l’objet du traité, il peut être lié par le traité dans son intégralité, sans qu’il ne soit tenu compte de la réserve, à partir du moment où un autre État a objecté à la réserve. Mais les États-Unis n’adhèrent pas cette conception, a affirmé leur représentante, considérant qu’un État objecteur doit indiquer s’il est souhaitable de maintenir ou non la relation de traité avec l’État réservataire. La Belgique estime pour sa part que le seul effet possible d’une telle objection est la dénonciation publique de l’invalidité prétendue de la réserve. L’objection, a-t-elle précisé, ne peut dans ce cas affecter la validité de la réserve. Le délégué chinois a, quant à lui, invité à considérer l’interdiction des réserves comme une exception à la possibilité d’émettre des réserves, afin d’encourager davantage les États à ratifier les traités internationaux et à préserver l’intégrité et l’efficacité de ceux-ci.
En ce qui concerne les actes unilatéraux des États, peu de progrès ont été accomplis pour les définir et établir une classification, a considéré la représentante des États-Unis. Tout en notant que certains émettent des doutes sur l’utilité de poursuivre l’examen de ce sujet, elle a invité la Commission à réfléchir sur ce qui pourra lui permettre d’aboutir à des résultats positifs. Il est en effet apparu que la diversité des actes unilatéraux des États rend difficile toute tentative de codification du régime qui pourrait leur être applicable. Un acte unilatéral peut prendre la forme écrite, ou orale, ou encore être le résultat de comportements des États. Compte tenu de ces options, la Commission ne devrait pas essayer de définir des règles générales, a estimé le représentant russe. En revanche, le représentant du Guatemala s’est déclaré convaincu de l’utilité de développer le droit en la matière. Reconnaissant les difficultés rencontrées, il a suggéré que la CDI abandonne l’idée de définir les actes unilatéraux, et de se limiter plutôt à l’élaboration de règles relatives à la promesse, la protestation, la reconnaissance et la renonciation. De façon générale, les délégations ont relevé que le contexte spécifique de l’acte unilatéral joue un rôle central et que l’intention est un facteur clef pour déterminer les effets juridiques de l’acte unilatéral.
Enfin, sur le sujet des ressources naturelles partagées, les représentants de trois des pays sur lesquels est situé l’aquifère du Guaraní (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), un des plus grands aquifères du monde, ont estimé que les engagements bilatéraux et régionaux permettent de réaffirmer les principes fondamentaux, tels que l’obligation de ne pas causer de dommage aux autres États de l’aquifère, celle de l’utiliser de façon équitable et raisonnable et celle de renforcer les pratiques de coopération entre les États concernés. Ils ont aussi mis l’accent sur le fait que les ressources en eau appartiennent aux États sur lesquels elles sont situées, et qu’elles sont soumises au principe de souveraineté des États énoncé par la résolution 1803(XVII) de l’Assemblée générale du 14 décembre 1962. Sur la forme que pourrait prendre le projet d’articles, la représentante d’Israël a émis des doutes sur l’idée d’adopter une convention, faisant remarquer qu’à ce jour, la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation n’a été signée ou ratifiée que par un nombre restreint d’États. Les représentants du Kenya et de la République de Corée ont fait valoir, quant à eux, que la question des aquifères ne concerne qu’un nombre limité d’États, demandant à la Commission d’accélérer ses travaux pour pouvoir passer à d’autres questions, comme le pétrole et le gaz.
Dans le cadre de l’examen du rapport de la CDI, les représentants des pays suivants ont pris la parole: États-Unis, Mexique, République de Corée, Brésil, Chine, Hongrie, Fédération de Russie, Italie, Pologne, Portugal, Chili, Paraguay, Guatemala, Israël, Grèce, Belgique, Kenya, Roumanie, Uruguay et Canada.
Auparavant, la Sixième Commission a entendu, comme chaque année, le Président de la Cour internationale de Justice qui était invité à présenter les travaux de la Cour et à répondre aux questions des délégations. M. Shi Jiuyong a indiqué qu’au cours de l’année passée, la Cour a rendu un arrêt définitif dans dix affaires. Selon lui, la communauté internationale a un rôle important à jouer pour le renforcement de l’action de la Cour. Il a ainsi appuyé les propositions figurant dans le rapport du Secrétaire général « Dans une liberté plus grande », qui suggère aux États d’envisager de reconnaître la juridiction obligatoire de la Cour et a invité les organes et institutions spécialisées de l’ONU à recourir davantage à la procédure consultative de la Cour. Le Président de la Sixième Commission, Juan Yanez-Barnuevo a, quant à lui, rappelé que la Cour célébrera l’année prochaine son 60ème anniversaire.
En fin de séance, la délégation des Pays-Bas a présenté au nom de ses coauteurs un projet de résolution* recommandant à l’Assemblée générale d’inviter la Conférence de La Haye de droit international privé à participer à ses sessions et à ses travaux en qualité d’observateur. La Conférence de La Haye est une organisation intergouvernementale qui compte 65 membres et dont la mission est de travailler pour l’unification progressive des règles du droit international privé. Son travail couvre des domaines très variés comme le droit commercial et bancaire, les procédures civiles internationales ainsi que le droit de la famille. La Conférence fournit des services consultatifs et d’assistance technique, et coopère avec le système des Nations Unies.
La Sixième Commission se réunira de nouveau, lundi 31 octobre, à 11 h 30.
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* paru sous la cote A/C.6/60/L.9
PR É SENTATION DES TRAVAUX DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Déclaration du Président de la Cour
M. SHI JIUYONG, Président de la Cour internationale de Justice, invité comme chaque année à présenter les travaux de la Cour, a indiqué qu’au cours de l’année passée, la Cour a rendu un arrêt définitif dans dix affaires. Le travail de la Cour a donné matière à force de commentaires et spéculations. Tout au long de son existence, la Cour a pris soin de s’entourer d’une certaine discrétion, afin de préserver son indépendance et la confidentialité de ses délibérations. Il est indispensable de veiller à ce que la nature exacte de son travail et de sa contribution soit parfaitement comprise de tous. Bien que la Cour soit l’organe judiciaire principal de l’ONU et un de ses cinq organes principaux, il s’agit d’une très petite institution, tant par sa taille que par son budget. Son budget biennal 2004-2005 s’élevait à 35 millions de dollars et, pour l’exercice biennal 2006-2007, la Cour a fait des demandes de crédits forts modestes et espère que l’Assemblée générale voudra bien y accéder. La Cour est le seul organe principal des Nations Unies à disposer de sa propre administration, a rappelé M. Shi. Ainsi, le Greffe jouit d’un statut unique au sein de l’ONU puisqu’il est placé sous l’autorité du Greffier de la Cour. En dépit de sa taille et de ses ressources limitées, la Cour a établi des méthodes et procédures de travail qui lui permettent de s’acquitter efficacement et diligemment de sa tâche. Trois étapes jalonnent le parcours d’une affaire devant la Cour, a rappelé le Président. Il a réfuté les reproches concernant la longueur de la procédure de la Cour. Ainsi, la longueur de la procédure écrite dépend des efforts et de la volonté des parties, et non pas de la Cour. Celle-ci nourrit des exigences quant à sa propre efficacité et à la maîtrise de la procédure.
Le Président a fait plusieurs commentaires sur la partie de l’instance qui relève exclusivement de la responsabilité des membres de la Cour, à savoir la phase des délibérations. Complétant les propos d’un de ses prédécesseurs, le Juge Bedjaoui, contenus dans une contribution à un ouvrage spécialisé, il a déclaré que les fonctions d’un membre de la Cour pendant cette phase consistent à lire, écouter, délibérer, trancher et rédiger. M. Shi a rappelé que la Cour a, en permanence, deux langues de travail, aux termes de l’article 39 de son Statut. Ses travaux sont réalisés, à chaque étape, en français et en anglais. Ainsi, la Cour est amenée à affiner sa réflexion et à la formuler en des termes plus précis. Le bilinguisme propre à la Cour assure ainsi à son travail une qualité inégalée ailleurs. La délibération est une expérience exceptionnelle, a déclaré le Juge Shi. Sur la base des vues exprimées pendant les délibérations et dans les notes écrites, la Cour désigne un comité de rédaction au scrutin secret et à la majorité des juges présents, a rappelé le Président. Les débats y portent sur le fond et la forme de la décision. L’élaboration d’un arrêt de la Cour est un exercice des plus complexes et ardu, qui requiert une minutie extrême. Mais c’est précisément la complexité de cet exercice qui en garantit la qualité. Après le vote, la Cour détermine laquelle des deux versions, anglaise ou française, fera foi. La Cour a entrepris une analyse systématique de ses méthodes de travail, a déclaré le Président. Elle a récemment modernisé et réorganisé son Greffe. La communauté internationale aura un rôle important à jouer pour le renforcement de l’action de la Cour. M. Shi a appuyé les propositions figurant dans le rapport du Secrétaire général « Dans une liberté plus grande », visant à suggérer aux États d’envisager de reconnaître la juridiction de la Cour obligatoire et à inviter les organes et institutions spécialisées de l’ONU à recourir davantage à la procédure consultative de la Cour.
Commentaires et questions formulés par les délégations
À la suite de l’intervention du Président de la CIJ, dans le cadre d’un dialogue avec les membres de la Sixième Commission, le représentant du Mexique a voulu faire part d’une expérience récente. Il a en effet noté que lorsque les parties se mettent d’accord, la Cour fait le maximum pour les satisfaire, saluant l’aide efficace de la Cour et sa disponibilité. Sur la question des langues, le Mexique regrette que l’espagnol ne figure pas parmi les langues officielles de la Cour, tout en reconnaissant qu’il faudrait pour cela augmenter les ressources humaines et financières de la Cour. Le représentant a demandé au Président de la Cour d’expliquer les conséquences du choix de la langue qui fait foi dans une décision donnée. Il a aussi demandé pourquoi n’est pas autorisée l’abstention des juges lors du vote.
Le représentant du Congo a demandé des éclaircissements sur les mécanismes et les procédures. Lorsque la Cour prend une décision, est-ce qu’elle se fonde uniquement sur les documents fournis par les États ou est-ce qu’elle procède elle-même à des enquêtes? En cas de non-conformité avec l’arrêt rendu, quels sont les mécanismes qui permettent de contrôler l’exécution? a-t-il aussi demandé, évoquant une affaire entre le Cameroun et le Nigéria. Quant au représentant de l’Égypte, il a voulu savoir quelle contribution la Cour pourrait apporter à la revitalisation des Nations Unies.
Répondant à ces questions, le Président de la CIJ a expliqué que la situation actuelle concernant les langues officielles est une séquelle de la Cour permanente de justice internationale dont les langues étaient l’anglais et le français. Pour réformer cela, il faudrait amender le Statut de la Cour, ce qui aurait des incidences budgétaires difficiles en cette période de restrictions. Concernant la langue qui fait foi dans les arrêts, les membres de la Cour se sont toujours demandés pourquoi il fallait retenir une seule langue, alors qu’au cours de la procédure, les deux langues sont utilisées. C’est seulement une question de tradition, a expliqué le Président.
Il a ensuite indiqué que la Cour ne peut que se référer aux documents fournis par les deux parties, à moins qu’il y ait des documents publics qui peuvent se trouver dans n’importe quelle bibliothèque, que les juges ne peuvent examiner qu’à titre de référence. Sur la question du mécanisme de suivi de l’application des arrêts de la Cour, le Président a estimé que le bilan est satisfaisant, compte tenu de l’augmentation du nombre des arrêts. La juridiction de la Cour repose sur le consentement des parties. Dans l’affaire citée par le représentant congolais, l’arrêt est en cours d’application, a-t-il assuré. Il n’y a pas de mécanisme d’exécution en tant que tel, mais si une partie n’applique pas l’arrêt, en vertu de la Charte de l’ONU, l’autre partie peut demander au Conseil de sécurité d’aider les parties à l’appliquer. À cet égard, il a cité une affaire entre le Tchad et la Libye pour illustrer ce cas.
Enfin, le Président a déclaré que la Cour appuie entièrement les propositions faites par le Secrétaire général en vue de la revitalisation de l’ONU. Des améliorations sont possibles concernant les procédures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SEPTI È ME SESSION (A/60/10)
Déclarations
Mme CAROLYN WILLSON (États-Unis) a souligné la complexité du sujet relatif aux ressources naturelles partagées. Il reste encore beaucoup à apprendre sur les nappes aquifères en général, sur les conditions spécifiques des aquifères et sur les pratiques des États qui sont très différentes. Les arrangements adaptés aux contextes particuliers sont la meilleure façon de faire face aux pressions auxquelles font face les nappes phréatiques. Plutôt qu’une convention, il serait plus utile de développer des directives que les États pourraient prendre en considération dans l’élaboration d’accords bilatéraux. Néanmoins, le travail de la Commission sur ce sujet n’est pas un exercice de codification, car le contenu des projets d’articles proposés va bien au-delà du droit établi. Par exemple, les articles déclaratoires ne seraient pas appropriés, a déclaré la représentante. La Commission a décidé de s’attaquer à la difficile question des aquifères, mais devrait éviter de parler de questions plus controversées comme le pétrole et le gaz.
S’agissant des actes unilatéraux, les États-Unis sont conscients des difficultés de ce sujet. Peu de progrès ont été accomplis sur la question de savoir quels actes sont susceptibles d’être considérés comme des actes unilatéraux, et comment classifier et analyser de tels actes. Les désaccords perdurent et certains peuvent douter de l’utilité de poursuivre les études sur ce sujet. Il faut envisager les façons de mener à bien les travaux sur ce thème. Quant à l’importance du rôle joué par les destinataires des actes unilatéraux, le contexte spécifique de l’acte unilatéral par rapport à l’acte unilatéral lui-même joue un rôle central. L’importance de l’intention reste critique. À cet égard, a estimé la représentante, la codification et le développement progressif ne sont ni appropriés ni possibles. Pour ce qui est des réserves aux traités, la Commission a demandé aux États de faire des commentaires sur l’effet des objections aux réserves, quand la réserve est incompatible avec l’objet et le but d’un traité et si l’État objecteur ne s’oppose pas à l’entrée en vigueur du traité entre lui-même et l’État réservataire. Selon le rapport de la CDI, certains États estiment que si un État a fait une réserve interdite et incompatible à l’objet et au but du traité, il peut être lié par le traité, sans qu’il ne soit tenu compte de la réserve, à partir du moment où un autre État a objecté à la réserve. Mais les États-Unis ne sont pas d’accord avec cette conception, a affirmé la représentante. Un État objecteur doit indiquer s’il est souhaitable de maintenir la relation de traité avec l’État réservataire ou non. Dire qu’un État est lié par un traité sans tenir compte de la réserve va à l’encontre du principe de base du consentement.
M. JOEL HERNANDEZ (Mexique) a déclaré que les réserves ont pour objet de modifier ou d’exclure les effets d’une disposition du traité. La validité ou l’invalidité d’une réserve constitue le point central pour déterminer les conséquences juridiques de ces réserves. Il faut préciser la portée de ces normes par une étude du droit en vigueur, de l’interprétation et de la pratique des États. Concernant la faculté de formuler une réserve, le Mexique convient que les normes établies à l’article 19 de la Convention de Vienne sur les traités sont claires: il y a une présomption en faveur de la validité de la réserve. Néanmoins, il doit y avoir une limite à l’exclusion d’engagement. La CDI doit répondre à plusieurs questions concernant l’examen des objections. La question se pose de savoir comment appliquer le critère à la conformité à l’objectif ou au but du traité. La délégation mexicaine est d’accord avec le Rapporteur spécial pour dire que toute réserve autorisée expressément ou tacitement par le traité est obligatoirement compatible avec l’objet et le but de ce traité. Le Rapporteur spécial a suivi la bonne démarche sur le sujet de la détermination de l’objet et du but du traité, a déclaré le représentant. Une définition large et générale permet l’application de ce critère au cas par cas, en fonction du traité concerné et en utilisant les méthodes de détermination conforme aux normes d’interprétation du traité. La délégation mexicaine est très intéressée par l’étude des conséquences juridiques des réserves non valides. Deux questions en particulier sont soulevées: qui peut se prononcer sur la non-validité d’une réserve? Et quelles sont les conséquences juridiques de la non-validité? La Convention de Vienne, dans ses articles 19 à 23, est silencieuse sur les conséquences d’une déclaration de non-validité. Le Mexique se rallie au commentaire sur le projet de directive intitulé « compétences pour apprécier la validité des réserves » qui prévoit que les parties au traité et les organes de règlement des différends ou les organes de contrôle sont habilités à déterminer la validité d’une réserve.
Il est indispensable que les traités incluent des normes claires de règlement des différends et confèrent à l’organe de contrôle ou au dépositaire la faculté de déterminer la validité d’une réserve. Un tiers impartial sera toujours une garantie de certitude et évitera les controverses entre États. Le Mexique est d’accord avec les projets de directives concernant la nullité des réserves non valides et les effets de l’acceptation unilatérale d’une réserve non valide. La validité ou non d’une réserve est liée à la nature objective du traité et ne doit pas être sujette à la subjectivité des États. C’est pourquoi le Mexique n est pas d’accord avec le Rapporteur spécial sur le projet de directive concerné. L’expression « non valide » exprime la nullité de la réserve, a rappelé le représentant. Les États devraient accorder plus d’importance à la rédaction des clauses des traités, examiner les réserves émises par les autres États parties, et prévoir des organes de règlement des différends.
Mme JIN-HEE OH (République de Corée) a félicité M. Chusei Yamada, Rapporteur spécial sur la question des ressources naturelles, pour son troisième rapport qui contient un ensemble complet de 25 projets d’articles sur les eaux souterraines transfrontières. Constatant que cette question ne concerne qu’un nombre limité d’États, elle a incité la Commission à accélérer ses travaux sur cette question, afin de pouvoir passer aux autres aspects des ressources naturelles partagées, comme le pétrole et le gaz. Sur la forme que devrait prendre le projet d’articles, elle a estimé qu’il serait préférable d’arriver à un modèle de convention régionale acceptable par tous les États d’une région donnée.
Abordant la question des actes unilatéraux des États, la représentante a admis que ces actes sont généralement considérés comme liant l’État qui les émet si son intention est de s’engager publiquement. Elle a rappelé que c’est le principe pacta sunt servanda qui s’applique dans le droit des traités, basé sur la bonne foi. La représentante en a déduit qu’il ne devrait pas être permis aux États de révoquer ou de modifier des actes unilatéraux à moins que l’État qui s’est obligé et celui qui était destinataire de l’acte se mettent d’accord. On pourrait considérer la doctrine rebus sic stantibus comme une base pour régir la révocation et la modification des actes unilatéraux, a-t-elle proposé. Enfin, en ce qui concerne les réserves aux traités, Mme Jin-Hee a estimé qu’il faut souvent considérer un État réservataire comme partie au traité, même si la réserve est incompatible avec l’objet du traité, en particulier les traités relatifs aux droits de l’homme. Elle a enfin exhorté la Commission à examiner cette question avec beaucoup d’attention.
M. CARLOS DUARTE (Brésil) a félicité le Rapporteur spécial chargé de la question des ressources naturelles partagées pour son rapport qui contribue de façon substantielle au débat. Le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay ont sur leurs territoires un des plus grands aquifères du monde, l’aquifère Guarani, qui s’étend sur plus de 1,2 million de kilomètres carrés et dont l’essentiel se trouve au Brésil. Le représentant a expliqué qu’un cadre juridique a été établi pour régir les droits et obligations de ces quatre États et qu’un certain nombre d’accords ont été trouvés. Une approche progressive devrait être adoptée par la Commission sur cette question, a-t-il estimé. De l’avis de sa délégation, les États doivent assumer la responsabilité première en matière de gestion des aquifères. Les accords régionaux peuvent aussi jouer un rôle fondamental pour concilier les intérêts nationaux. Ces engagements permettent aussi de réaffirmer les principes fondamentaux, tels que l’obligation de ne pas causer de dommage et celle de renforcer les pratiques de coopération. Enfin, le représentant a réaffirmé que les ressources en eau appartiennent aux États sur lesquels elles sont situées, et qu’elles sont soumises au principe de souveraineté des États énoncé par la résolution 1803(XVII) de l’Assemblée générale du 14 décembre 1962.
M. JIAN GUAN (Chine), abordant le thème des ressources naturelles partagées, a déclaré appuyer le projet d’articles sur les principes généraux relatifs aux eaux souterraines transfrontières. Il a estimé que ce projet de texte devrait faire référence explicitement aux droits souverains des États aquifères sur leurs aquifère en tant que ressource naturelle. De l’avis du représentant, la portée du projet d’articles devrait être limité aux systèmes aquifères non alimentés ou aux systèmes aquifères qui ont une communication négligeable avec l’eau de surface, afin de ne pas empiéter sur le champ de la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation de 1997. Concernant la forme que revêtira le projet d’articles une fois finalisé, M. Guan a espéré que la Commission prendra en compte la complexité de la question et le manque de pratique des États en la matière. En outre, la Commission évitera d’imposer des contraintes trop grandes vis-à-vis de la souveraineté des États qui utilisent des systèmes aquifères.
Passant à la question des actes unilatéraux des États, M. Guan a rappelé que la Commission examine cette question depuis de nombreuses années, mais que cet examen est essentiel pour déterminer les conditions dans lesquelles ces actes unilatéraux produisent des effets juridiques, dans l’idée de préserver la stabilité et le caractère prévisible des relations internationales. Quant aux réserves aux traités, il a partagé l’avis du Rapporteur spécial soulignant que la Convention de Vienne sur le droit des traités est en général ouverte et souple en ce qui concerne cette question. Si l’on traite l’interdiction des réserves comme une exception à la possibilité d’émettre des réserves, on encourage davantage les États à ratifier les traités internationaux et à préserver l’intégrité et l’efficacité de ceux-ci. Par ailleurs, M. Guan a considéré qu’il faut continuer à étudier les relations entre les réserves, d’une part, et les normes coutumières, les normes péremptoires et les droits auxquels on ne peut pas déroger, d’autre part, la question de ces normes étant très complexe.
M. ÀRPÀD PRANDLER (Hongrie), intervenant sur la question des ressources naturelles partagées, s’est rallié à l’approche adoptée par le Rapporteur spécial consistant à suivre le modèle de la Convention de 1997 sur l’utilisation des eaux transfrontières à des fins autres que la navigation. Néanmoins, la délégation hongroise se félicite du fait que les 25 projets d’articles couvrent aussi les activités susceptibles d’avoir un impact négatif sur le système aquifère. Compte tenu de sa position vulnérable dans le bassin du Danube, la Hongrie accorde une attention particulière à tous les aspects liés à l’utilisation et à la gestion des ressources hydrauliques. La Hongrie est partie à la Convention de 1997 précitée qui, a regretté le représentant, n’est malheureusement pas encore en vigueur. Or, cela résulte principalement du fait que son entrée en vigueur est subordonnée à la ratification de 35 États au moins. L’état actuel des ratifications ou adhésion de la Convention de 1997 devrait être pris en compte par la CDI pour déterminer la forme finale du projet d’articles. La délégation hongroise est en désaccord avec le Rapporteur spécial sur deux points. Tout d’abord, au sujet de l’obligation de ne pas causer de dommage, la Hongrie réfute le fait que la question des indemnisations devrait être discutée entre les parties concernées. En effet, de telles consultations ne devraient pas remplacer les indemnisations adéquates accordées en vertu du principe « pollueur payeur ». Deuxièmement, s’agissant de la prévention, de la réduction et du contrôle de la pollution, la délégation hongroise estime, contrairement à ce que le Rapporteur spécial affirme, que le principe de précaution a déjà été établi comme une règle du droit international coutumier. Ce principe a bien été reconnu comme un principe général du droit international de l’environnement, a précisé le représentant. La délégation s’est exprimée convaincue qu’à sa prochaine session, la Commission sera en mesure de finaliser le projet d’articles.
M. IGOR PANIN (Fédération de Russie) a noté les progrès significatifs accomplis par la CDI concernant tous les chapitres traités. Sur le thème des ressources naturelles partagées, il a relevé que les dispositions du projet d’articles se chevauchent. Concernant les projets d’articles sur les eaux souterraines transfrontières, il a admis que beaucoup de principes de la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation peuvent être transposés. Cependant, les systèmes aquifères ont quand même des caractéristiques qui nécessitent une réglementation propre. Il serait donc judicieux d’insister dans leur réglementation sur la coopération bilatérale et régionale, en prévoyant aussi un système de surveillance conjoint, dans le respect de l’intégrité territoriale. Les États devraient disposer de suffisamment de souplesse, en tenant compte notamment des spécificités de l’aquifère et du niveau de développement social et économique. Quant à la forme que devrait revêtir le texte final, le représentant a proposé une convention-cadre, qui contiendrait les principes de base en vertu desquels les États établiront leurs relations concernant les aquifères.
Passant à la question des actes unilatéraux, le représentant a estimé que la codification sera difficile. Leur étude confirme cependant l’existence d’actes unilatéraux qui ont des conséquences juridiques. Un acte unilatéral peut prendre la forme écrite, ou orale, ou encore être le résultat de comportements des États. À la lumière de cette diversité, la Commission ne devrait pas essayer de définir des règles générales. On pourrait regrouper les actes sur la base de certains critères, comme les circonstances, ou encore leur degré d’engagement. De tels indicateurs pourraient aider les gouvernements auteurs à « remettre les pendules à l’heure » sur la question des actes unilatéraux, a estimé le représentant. En ce qui concerne les réserves, le représentant a estimé que le terme « validité » n’est peut-être pas le terme le plus heureux pour qualifier les réserves que l’on peut formuler. En russe, ce terme n’est pas vraiment neutre, ce qui peut entraîner des confusions. Le représentant a donc indiqué préférer le terme « admissible » ou « autorisée ». Le concept de la présomption de la validité des réserves n’est pas non plus totalement compréhensible, a-t-il ajouté. Dans le cas des réserves formulées à l’encontre de traités relatifs aux droits de l’homme, on dit que ces réserves peuvent être séparées du traité obligatoire. Le représentant a demandé qu’on examine ces questions en considérant les conséquences des réserves non valides. La délégation russe a enfin déclaré partager l’avis de la Commission quant à la définition de l’objet d’un traité.
M. IVO M. BRAGUGLIA (Italie) a déclaré qu’il est très utile que la Commission du droit international établisse un texte sur les aquifères qui puisse au moins servir comme modèle de réglementation pour les États dont relève un aquifère transfrontalier. Néanmoins, l’Italie n’a qu’un intérêt direct restreint aux aquifères transfrontaliers. Le représentant a exprimé ses regrets quant à la lenteur avec laquelle procède l’étude du sujet des réserves aux traités. Heureusement, le dernier rapport du Rapporteur spécial permet à la Commission d’aborder certaines questions centrales, concernant les réserves incompatibles avec l’objet et le but du traité. Il est difficile d’établir des règles précises pour déterminer quand une réserve est incompatible avec le but et l’objet du traité. Il serait donc prudent que la Commission s’arrête essentiellement sur les conséquences d’une objection qui considère une réserve comme incompatible avec l’objet et le but du traité. Il arrive dans la pratique que certains États, tout en considérant une réserve comme incompatible avec l’objet et le but d’un traité, déclarent que des relations contractuelles s’établissent néanmoins avec l’État réservataire. Cette pratique semble contradictoire, mais on pourrait l’interpréter dans le sens qu’elle ne considère pas la réserve comme non valide selon l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Pour éviter toute difficulté, la Commission serait avisée d’encourager les États à utiliser la formulation plus appropriée des dispositions de l’article 19 de ladite Convention.
M. REMIGISUZ HENCZEL (Pologne), intervenant sur la question des actes unilatéraux, s’est félicité de l’inclusion dans l’étude du Rapporteur spécial et du Groupe de travail de certains actes qui ne peuvent être qualifiés d’actes défendant les droits de l’auteur ou d’actes produisant des obligations pour l’auteur. Cela permettra de se faire une meilleure idée de tels actes dans le contexte international et dans la sphère du droit international. Il a toutefois souligné que toute proposition visant à inciter un État à créer des obligations à l’égard d’autres États était contraire à la souveraine égalité des États. C’est pourquoi, la Pologne est d’avis que la CDI devrait veiller à ce que les projets d’articles portent essentiellement sur les actes qui créent des obligations pour l’État qui en est l’auteur. Cela signifie que les projets d’articles ne couvriraient pas les contestations internationales. Il est difficile toutefois de comprendre comment le principe pacta sunt servanda pourrait être appliqué aux contestations, a estimé M. Henczel, ainsi qu’aux autres actes qui ne sont pas contraignants sur le plan juridique pour l’État qui en est l’auteur.
Soulignant ensuite les effets contraignants de certains actes, en particulier la reconnaissance ou la dénonciation, le représentant a affirmé que le principe pacta sunt servanda s’appliquait à ce type d’actes. Néanmoins, en gardant à l’esprit les différents types d’actes et leurs effets juridiques, il est utile d’attirer l’attention sur la caractéristique commune reflétée dans le principe pacta sunt servanda, a-t-il poursuivi. Cela est en général suffisant pour contenir tous les actes impliquant des obligations de la part de l’État auteur de l’acte. Par ailleurs, le représentant polonais a attiré l’attention sur la question des réserves aux traités, où des progrès lents, quoique conséquents, ont été réalisés. Les projet de directives 2.6.1 (définition des objections aux réserves) et 2.6.2 (définition des objections à la formulation ou à l’aggravation tardives d’une réserve), adoptés provisoirement par la Commission du droit international au cours de sa dernière session, se prêtent néanmoins à discussion, a estimé la Pologne, qui en a donc proposé une version amendée, afin de s’assurer que la réserve a effectivement un effet juridique.
Mme PATRICIA GALVAO TELES (Portugal) a salué les avancées faites sur la question des aquifères transfrontières, et déclaré que son pays portait une attention particulière à la notion de nuisance « significative » incluse dans deux des dispositions clefs des projets d’articles 7 et 14 ainsi qu’à la relation potentielle entre ces deux projets et le droit international. Elle a rappelé que le travail sur les ressources naturelles partagées devrait s’étendre au pétrole et au gaz, une fois la question des aquifères réglée, insistant sur les nombreuses similarités entre ces différentes ressources et appelant à réfléchir sur la possibilité d’étendre les principes actuellement développés concernant les aquifères au pétrole et au gaz.
La représentante a également souligné la nécessité que la Commission achève son étude des actes unilatéraux des États et espère qu’elle serait en mesure de présenter ses conclusions lors de sa prochaine session en 2006.
Concernant les réserves aux traités, Mme Galvao Teles a salué l’adoption provisoire de deux nouvelles directives sur la définition de l’objection aux réserves et sur l’objection à la formulation ou à l’élargissement de la portée des réserves. Elle a estimé qu’établir des qualifications de validité ou de non-validité des réserves était prématuré, affirmant qu’une distinction plus neutre permettrait d’éviter des ambiguïtés de langage ou de traduction et d’analyser les pratiques d’un État. La représentante portugaise a déclaré que l’expérience montrait qu’il fallait mettre plus l’accent sur la portée des effets des réserves que sur leur qualification, estimant que le fait qu’un État ne soulève pas d’objection à une réserve ne signifiait pas forcément qu’il la considérait comme valide. Elle a également souligné qu’il était préférable de conserver la séparation entre les réserves et les débats d’application, nécessaire à ses yeux dans la quête d’universalité des conventions multilatérales, et que la qualification automatique des réserves comme incompatibles avec l’objet et le but d’un traité semblait « à première vue » trop sévère. Enfin, elle a appelé le Rapporteur spécial à adopter une approche prudente sur la question, estimant fondamental de préserver une certaine flexibilité pour que les États disposent de différentes options, sans quoi « des approches juridiques et politiques différentes de certains États pourraient les tenir éloignés de la ratification ».
M. CLAUDIO TRONCOSO (Chili) a concentré son intervention sur la question des actes unilatéraux des États. Il a considéré que ces actes constituent une source d’obligations internationales. Bien que le Chili partage largement les conclusions du Rapporteur spécial sur ce chapitre, il n’est pas d’accord avec l’idée que les règles qui régissent la formulation des actes unilatéraux devraient être plus souples que celles de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Sous le régime de la Convention, la souplesse relative à la représentation de l’État est limitée à la pratique suivie par les États en question, ce qui évite qu’une telle question délicate soit décidée par un seul État, notamment par un État qui veut imposer une obligation à un État tiers, sans le consentement de ce dernier. M. Troncoso a aussi estimé que la CDI devrait tenter d’adopter une définition générale de l’acte unilatéral stricto sensu. En conclusion, il a engagé la Commission à poursuivre ses efforts, sans abandonner le travail difficile déjà accompli. Même si les délégations ne s’entendent pas sur une convention, ces projets constitueront des directives utiles pour orienter la pratique des États.
Mme ELADIO LOIZAGA (Paraguay) a fait plusieurs observations sur le troisième rapport du Rapporteur spécial concernant les ressources naturelles partagées. Le Gouvernement du Paraguay attache une importance toute particulière à cette question, car sur son territoire se trouve l’aquifère Guarani. S’agissant du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, la délégation du Paraguay estime qu’il est nécessaire de mentionner expressément la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale. La question de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles devrait faire l’objet d’un article distinct. Ce principe, soutenu par plusieurs États, est en effet essentiel et mérite de faire l’objet d’un article séparé. Le principe de l’utilisation équitable n’est viable que pour un aquifère partagé, et l’acceptation du partage de l’aquifère transfrontière entre les États de l’aquifère ne signifie pas qu’il faille internationaliser ou universaliser ces aquifères.
Le projet de convention, a estimé la représentante, doit être basé sur trois principes fondamentaux, à savoir la souveraineté, l’usage et la protection écologique de l’aquifère. Or, ce sont les trois piliers sur lesquels les quatre États de l’aquifère Guarani -l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay- travaillent, afin de prévenir l’aquifère de toute forme de pollution. Ainsi, la délégation du Paraguay estime que dans la mesure où il s’agit d’un sujet nouveau mal défini en droit international public, il serait préférable de ne pas essayer de légiférer sur la base de l’analogie.
M. ROBERTO LAVALLE-VALDES (Guatemala) s’est montré très préoccupé par l’absence de progrès réalisés dans l’étude des actes unilatéraux des États, huit ans après l’avoir commencée. Il est pourtant convaincu de l’utilité de codifier ou, du moins, de développer le droit en la matière. Ce problème reflète les grandes difficultés inhérentes au sujet qui est très complexe, a-t-il estimé, et aussi au défaut de méthodologie appropriée. La CDI semble désorientée par une méthodologie purement abstraite. Il en résulte que la Commission n’a pu adopter une seule disposition et, d’ailleurs, certains membres considèrent que ce thème ne doit pas faire l’objet d’un projet d’articles. La délégation guatémaltèque est favorable à une démarche minimaliste, qui se dispenserait de la définition des actes unilatéraux, en se limitant à quatre actes, la promesse, la protestation, la reconnaissance et la renonciation. On laisserait de côté les actes unilatéraux qui peuvent produire des effets juridiques indépendants de l’intention des États auteurs. Tous les actes qui ont été examinés jusqu’ici relèvent de ces quatre actes, a relevé le représentant. M. Lavalle-Valdes a proposé d’élaborer la partie générale de la qualification de ces quatre actes en se fondant sur les nombreux projets d’articles élaborés par le Rapporteur spécial, en s’inspirant aussi de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Mme TAMAR KAPLAN (Israël) a abordé les projets d’articles sur l’aide ou l’assistance fournie par un État à une organisation internationale dans la commission d’un fait internationalement illicite. À l’époque de l’adoption des projets d’articles sur la responsabilité des États, Israël s’était demandé s’il était approprié de limiter la responsabilité d’un État dans les situations où il avait aidé ou assisté un autre État à commettre un fait illicite aux cas où l’État assisté était lui-même lié par la même obligation juridique. Selon la représentante, cette observation est valable dans le cas de l’aide d’un État envers une organisation internationale. Pour elle, la question de l’aide d’un État à une organisation internationale, ou le cas de directives, contrôle ou coercition d’une organisation internationale dans la commission d’un fait internationalement illicite, semble soulever davantage la question de la responsabilité de l’État que celle de l’organisation internationale. Comme a conclu le Rapporteur spécial sur le sujet, il n’est donc pas approprié d’adopter des dispositions spéciales sur cette question.
Abordant le thème de l’expulsion des étrangers, Mme Kaplan a émis des réserves importantes quant au champ de l’étude qui est menée. À son avis, elle devrait être strictement limitée à l’examen de l’expulsion des étrangers présents légalement ou illégalement sur le territoire d’un État, en fonction du droit d’expulser des États en matière de droit international et en tenant compte des limites imposées par ce droit. Elle a insisté pour que soient exclues de la discussion les questions liées notamment au statut de réfugié, au refoulement, à la décolonisation et à l’autodétermination.
Enfin, en matière de ressources naturelles partagées, Mme Kaplan a relevé que, compte tenu de la diversité des aquifères, les principes qui y sont relatifs doivent être généraux et souples, sans chercher à trouver une solution applicable à tous les cas. Cependant, il est utile d’identifier certains principes généraux importants, comme celui de l’utilisation équitable et raisonnable; la prise en compte de l’utilisation existante de l’aquifère; l’obligation de ne pas causer de dommage significatif aux autres États de l’aquifère; et l’obligation pour les États de l’aquifère de coopérer en vue de l’utilisation raisonnable et la protection des aquifères transfrontières. Enfin, sur la forme finale que pourrait prendre le projet d’articles, la représentante a émis des doutes sur l’idée d’adopter une convention, faisant remarquer qu’à ce jour, la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation n’a été signée ou ratifiée que par un nombre restreint d’États.
Mme PHANI DASCALOPOULOU-LIVADA (Grèce) a déclaré que la régulation de l’usage des aquifères transfrontières satisfera un besoin juridique qui va devenir encore plus évident dans le futur. L’établissement de règles dans ce domaine influence aussi la régulation de l’usage d’autres ressources naturelles. Le projet d’article 3 encourage les États sur le territoire desquels est situé un aquifère de conclure des arrangements bilatéraux et régionaux. La délégation grecque estime que le terme « arrangement » devrait regrouper également des accords. Il y a en effet un besoin évident de réglementation sur le sujet et les accords tendent à en constituer le meilleur moyen. Il est difficile d’envisager comment les arrangements pourraient se substituer à une convention. En effet, la subsidiarité de la « convention » vis-à-vis des arrangements pourrait créer une confusion normative. Mis à part cela, il est important que ces arrangements ou accords soient compatibles avec une telle « convention ». La délégation grecque souhaiterait néanmoins qu’il soit stipulé que les arrangements ou accords bilatéraux soient adoptés de manière à ne pas être contradictoires avec les principes de base de la future convention. La représentante a rappelé que les projets d’articles reprenaient, d’une manière générale, la logique et la réglementation de la Convention de 1997 sur les eaux transfrontières.
La Grèce considère que le projet d’article 13 sur la protection des zones de réalimentation et de déversement est extrêmement important pour la pérennité et la protection de la qualité des aquifères et des systèmes d’aquifères. La délégation grecque soutient les projets d’articles 10 et 18 relatif respectivement, à l’assistance scientifique et technique aux États en développement et au suivi, qui prévoit des normes et une méthodologie harmonisées en la matière. Le principe de l’utilisation équitable et raisonnable des aquifères transfrontières est d’une importance cruciale pour leur protection et leur gestion, a ajouté la représentante. À ce titre, elle a précisé que tout acte unilatéral dans ce domaine crée le risque de réduire de manière définitive les bénéfices potentiels des autres États de l’aquifère. Ainsi, la conclusion d’un accord entre les États de l’aquifère devrait être le préalable à toute utilisation d’un aquifère non alimenté. Enfin, la représentante a déclaré que, s’agissant des aquifères non alimentés, il devrait être fait référence aux « dommages » et non pas aux « dommages significatifs », comme cela est prévu dans le projet d’article 7 sur l’obligation de ne pas causer de dommage.
M. MARC PECSTEEN (Belgique) a rappelé que la Rapporteur spécial a considéré que la contrariété d’une réserve au but du traité soulève une difficulté relative à la validité de cette réserve. La Belgique se félicite de l’emploi de cette terminologie, a-t-il indiqué. La question posée par la CDI aux États est relative à l’effet d’une objection par laquelle un État déclare que la réserve à laquelle il réagit est incompatible avec le but et l’objet du traité, sans pour autant s’opposer à l’entrée en vigueur du traité dans ses relations avec l’auteur de la réserve. La Belgique estime que le seul effet possible d’une telle objection est la dénonciation publique de l’invalidité prétendue de la réserve. L’objection ne peut dans ce cas affecter la validité de la réserve. Même si elle porte sur la validité d’une réserve, l’objection ne peut pas entraîner l’invalidité de la réserve. L’invalidité se mesure seulement en fonction du traité lui-même, a ajouté M. Pecsteen.
L’objection alléguant de la contrariété d’une réserve à l’objet ou au but d’un traité est donc une simple prétention qui donne naissance entre États concernés à un différend. Toutefois, l’accumulation d’objections semblables à l’égard d’une même réserve peut constituer un élément de pratique ultérieure au sens de l’article 31, 3, b) de la Convention de Vienne, permettant de trancher le cas échéant cette question de validité. De l’avis du représentant, l’accumulation de telles objections devrait, avant toute chose, inciter l’État auteur de la réserve à retirer celle-ci. Inversement, l’absence ou la présence isolée d’objection portant sur la validité de la réserve peut être un élément à prendre en compte pour juger de cette validité. M. Pecsteen a enfin expliqué que lorsque la Belgique objecte à une réserve en l’estimant contraire à l’objet du traité, tout en ne s’opposant pas à l’entrée en vigueur de celui-ci dans ses relations avec l’auteur de la réserve, elle entend indiquer qu’elle se considère liée par le traité, dans son entièreté vis-à-vis de l’État auteur de la réserve.
M. MICHAEL KIBOINO (Kenya) a reconnu la nécessité d’élaborer un instrument juridique international pour réglementer l’usage, l’allocation, la préservation et la gestion des aquifères transfrontières et des systèmes aquifères. Cependant, la délégation kenyane espère que ce cadre sera plus tard étendu aux autres ressources naturelles partagées, comme le pétrole et le gaz. Le Kenya soutient l’approche adoptée par le Rapporteur spécial visant à consulter les États et les organisations internationales traitant des systèmes hydrogéologiques. Le Rapporteur spécial devrait néanmoins considérer la possibilité de consulter des institutions internationales comme le PNUE. La délégation note avec satisfaction que la CDI a mis l’accent sur les arrangements bilatéraux et régionaux pour ce qui est de la gestion des aquifères transfrontières ou des systèmes aquifères. Il serait bon que le futur instrument inclue des principes directeurs qui permettraient aux États d’élaborer des arrangements bilatéraux et régionaux plus spécifiques. Le Kenya apprécie l’inclusion du projet d’article 18 relatif à l’assistance scientifique et technique aux États en développement.
S’agissant des actes unilatéraux des États, les faibles progrès enregistrés jusqu’à présent sont une indication de la complexité du sujet. L’examen de la pratique des États devrait contribuer à définir et développer les concepts importants des actes unilatéraux. Il est essentiel de formuler une définition claire des actes unilatéraux des États, susceptible de différencier les obligations juridiques des actes créant des obligations politiques. La portée d’une telle définition devrait être restreinte, de façon à ne pas empiéter sur le droit des États de faire des déclarations politiques. Elle devrait refléter l’intention délibérée de la part de l’État de créer une obligation juridique contraignante. En outre, la personne formulant l’acte au nom de l’État doit avoir la capacité et l’autorité nécessaires. La délégation du Kenya considère avec intérêt l’opinion de certains membres de la Commission qui souhaitent que la Commission se dirige vers l’élaboration de directives. L’étude devrait néanmoins se concentrer sur la formulation de projets d’articles en vue d’un instrument juridique, en laissant ouverte la possibilité de principes directeurs si un tel instrument juridique ne peut pas être achevé. S’agissant des réserves aux traités, le représentant a approuvé l’approche adoptée par la CDI et le Rapporteur spécial visant à développer un Guide de la pratique sur les réserves aux traités. Les principes directeurs et les commentaires, une fois adoptés, réduiront l’incertitude et aideront les États et les organisations internationales. La délégation du Kenya accueille favorablement l’usage du terme « validité » plutôt que les termes « d’admissibilité » ou « permissivité », en ce qui concerne les réserves allant à l’encontre de l’objet et du but du traité. Toutefois, toute directrice doit s’inscrire dans le contexte des dispositions des articles 19 à 23 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. La délégation du Kenya est convaincue que l’approche adoptée par la CDI concernant les projets d’articles assurera l’uniformité dans la formulation et l’admissibilité des réserves.
Mme VICTORIA GAVRILESCU (Roumanie) a déclaré que l’expression « validité des réserves » est utile et nécessaire pour établir le régime des réserves mais que d’autres précisions s’imposent, étant donné qu’une réserve non valide serait nulle et non avenue. La notion de l’opposabilité reste essentielle et il serait utile d’en tenir compte. Au sujet de l’acceptabilité des réserves, la délégation de la Roumanie estime qu’il est nécessaire de faire la distinction entre les réserves compatibles avec le but et l’objet du traité et les réserves incompatibles avec l’objet et le but du traité, situation dans laquelle l’État qui a formulé une telle réserve n’est pas considéré comme lié par ce traité. Un projet de directive prévoit que les réserves par lesquelles un État vise à préserver l’intégrité de son droit interne ne peuvent être formulées que si elles sont compatibles avec l’objet et le but du traité. Néanmoins, cette approche soulève des problèmes quant à l’engagement de l’État qui formule une telle réserve et rend nécessaire un libellé plus clair et précis. La question des effets que les États attachent à l’objection contre la réserve formulée par un autre État, partie au même traité, présente un intérêt particulier dans la pratique. À ce sujet, a fait remarquer la représentante, lorsqu’un État considère que la réserve formulée par un autre État est incompatible avec l’objet et le but d’un traité auquel tous deux sont parties, alors ce traité ne pourra pas produire d’effets juridiques entre les deux États parties. L’analyse des effets de la pratique par laquelle un État objecte à une réserve qu’il considère incompatible avec le but et l’objet du traité sans pour autant s’opposer à l’entrée en vigueur du traité dans ses relations avec l’auteur de la réserve.
Mme SUSANA RIVERO (Uruguay) a accordé une importance particulière au sujet des ressources naturelles partagées, en raison de la présence d’une partie de l’aquifère Guarani sur son territoire. Elle a rappelé que, depuis 2003, les quatre pays membres du MERCOSUR, pays qui partagent l’aquifère Guarani, travaillent sur un projet de protection de l’environnement et de développement durable de cet aquifère. Un groupe de haut niveau a été créé avec les experts de ces pays. Selon la représentante, il est plus approprié de parler de ressources naturelles transfrontières, puisque différents États souverains sont impliqués. Mme Rivero a souligné qu’il incombe aux États de l’aquifère de s’entendre par des arrangements bilatéraux et régionaux. Elle a aussi apprécié les projets d’articles qui prévoient les obligations d’utilisation équitable et raisonnable, de ne pas causer de dommage, et de coopérer et échanger des informations. Pour une ressource aussi importante, on ne peut travailler que sur la base de la bonne foi et de la coopération internationale, a-t-elle reconnu. Nous sommes en faveur de la procédure arbitrale dans les cas où les parties ne peuvent pas se mettre d’accord, a-t-elle enfin indiqué.
M. JOHN CURRIE (Canada) a convenu que les objectifs du projet de convention ou de protocole sur les systèmes aquifères transfrontaliers – protection des aquifères, insistance sur la coopération bilatérale et partage d’information et de données – étaient des buts importants. À titre d’observation préliminaire sur l’expérience canadienne, le représentant a déclaré que les instruments bilatéraux entre le Canada et les États-Unis comme le Traité des eaux limitrophes ne s’appliquaient pas aux eaux souterraines, bien que la Commission mixte internationale ait mené des études sur cette question. Compte tenu de la position prééminente régissant nos rapports avec les États-Unis, il est inévitable que toute considération future de l’utilisation et du statut des eaux souterraines empruntera aux principes de ce Traité, a ajouté le représentant.
Toutefois, le Canada a fait observer que l’utilisation de la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation de 1997 comme cadre pour une nouvelle convention portant sur les eaux souterraines devrait être équilibrée avec le recours à d’autres approches. Plus précisément, nous noterions que les dispositions du cadre courant qui permettraient de répartir les ressources des aquifères situées entre États sur la base d’une « utilisation équitable et raisonnable » pourraient aller à l’encontre d’autres formules préexistantes à cet instrument s’il devenait une convention ou prenait une forme juridique exécutoire, a estimé M. Currie. Le Canada a pour sa part jugé utile que le projet d’article 3 prévoit que les arrangements bilatéraux et régionaux prévaudront sur les dispositions générales de cet instrument. L’approche retenue dans les articles de ne pas établir de priorité ou de ne pas créer de hiérarchie pour les utilisations serait contraire, selon le représentant, aux rapports de son pays avec les États-Unis, alors que le Traité sur les eaux limitrophes a bien établi un régime pour les utilisations.
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