SIXIÈME COMMISSION: DANS LES LIMITES DE LEUR MANDAT, LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES POURRAIENT ENGAGER LEUR RESPONSABILITÉ POUR VIOLATION D’UNE OBLIGATION INTERNATIONALE
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SIXIÈME COMMISSION: DANS LES LIMITES DE LEUR MANDAT, LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES POURRAIENT ENGAGER LEUR RESPONSABILITÉ POUR VIOLATION D’UNE OBLIGATION INTERNATIONALE
Le droit d’un État d’expulser des étrangers,
insistent les délégations, doit tenir compte des normes en matière de droits de l’homme
Les organisations internationales ont des spécificités qui doivent être prises en compte lors de l’établissement du régime de leur responsabilité, ont souligné ce matin les délégations au sein de la Sixième Commission (Commission juridique) qui poursuivait l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI). Les délégations se sont aussi exprimées sur l’expulsion des étrangers, nouveau thème à l’ordre du jour de la CDI.
À la différence des États, les organisations internationales présentent des fonctions et structures très variées, a relevé notamment le représentant des
États-Unis, ce qui rend difficile le développement d’un ensemble de règles communes et uniformes pour régir leur responsabilité. Les États-Unis estiment ainsi que les principes applicables à la responsabilité des États ne doivent pas être transposés purement et simplement à la responsabilité des organisations internationales. Pour la représentante du Portugal, la ressemblance des articles soulève un nombre croissant de problèmes et d’incohérence. Les articles sur la responsabilité des États doivent uniquement servir de base pour les travaux sur la responsabilité des organisations internationales. Plusieurs délégations ont souhaité que la CDI continue donc à accorder une importance significative à la pratique pertinente des organisations internationales.
S’exprimant au nom de l’Union européenne, le représentant du Royaume-Uni a insisté sur le cas de la violation d’une obligation internationale par une organisation internationale. De l’avis de sa délégation, l’article 8 (2) du projet de texte, qui fixe les conditions d’existence de cette violation, ne donne pas suffisamment de précisions sur les éléments déterminant cette obligation en vertu du droit international. Dans le cas de la Communauté européenne, a fait remarquer le Conseiller juridique principal de la Commission européenne, on peut se demander si la violation d’une loi communautaire par une de ses institutions déclenche la responsabilité de la Communauté européenne.
Sur le sujet de l’expulsion des étrangers, que la CDI a commencé à étudier cette année, les délégations se sont accordées pour dire que le droit d’expulser est un droit inhérent à la souveraineté de l’État. Cependant, cette prérogative doit être exercée en conformité avec le droit international, les traités auquel l’État est partie et le droit international coutumier, ont-ils rappelé. Il ne faut pas obligatoirement élaborer des projets d’articles, a estimé le représentant des Pays-Bas, préconisant d’analyser en priorité les règles qui existent déjà, avant d’envisager de développer et de codifier ce droit.
Outre le Rapporteur spécial Giorgio Gaja, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Italie, Japon, Royaume-Uni (au nom de l’Union européenne) intervenant conjointement avec le Conseiller juridique principal de la Commission européenne, Pays-Bas, États-Unis, Portugal, Danemark (au nom des pays nordiques), Bélarus, Slovaquie, Fédération de Russie, Roumanie, Argentine, Grèce, Guatemala, Nouvelle-Zélande et Canada.
La Sixième Commission poursuivra l’examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-septième session, demain mercredi 26 octobre, à 10 heures.
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-septième session (A/60/10)
Déclarations
M. IVO BRAGUGLIA (Italie) a considéré remarquable l’introduction à l’étude de la CDI sur la question de l’expulsion des étrangers, présentée par le Rapporteur spécial, M. Maurice Kamto. Le projet de la CDI, a-t-il estimé, pourrait devenir la base d’un protocole additionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Si telle est l’intention du Rapporteur spécial, il a suggéré que la Commission S’efforce d’établir une collaboration avec les organes qui ont une compétence spécifique en matière de protection des droits de l’homme. Notant le souhait de la CDI de recevoir des informations de la part des États sur leur pratique en la matière, M. Braguglia a demandé de connaître de façon plus précise l’approche que la Commission entend suivre et les aspects spécifiques qu’elle entend aborder.
En ce qui concerne la responsabilité des organisations internationales, M. Braguglia a appuyé la solution qui a été retenue à l’article 15 du projet, qui prévoit qu’une organisation internationale est considérée responsable en cas de violation de l’une de ses obligations internationales à la suite de la conduite d’un État membre quand cette conduite trouve son origine dans le fait que l’État membre est lié par l’organisation. Pour ce qui est des travaux futurs de la Commission sur ce sujet, M. Braguglia a souligné qu’il faudrait mettre en clair, par rapport à la question de la responsabilité des États pour la conduite d’une organisation dont ils sont membres, qu’en général il n’y a pas de responsabilité des États membres en raison de la personnalité juridique internationale distincte dont jouissent les organisations internationales. Cela n’exclut toutefois pas qu’on puisse envisager certains cas exceptionnels dans lesquels la responsabilité des États membres pourrait être envisagée. M. Braguglia a enfin estimé qu’il n’est pas strictement nécessaire que la Commission du droit international formule dans son projet actuel des textes qui reprennent les articles 16, 17 et 18 en matière de responsabilité des États pour fait internationalement illicite, afin de les rendre expressément applicables aux cas dans lesquels un État aide ou assiste ou donne des directives ou contraint une organisation internationale. Toutefois, une formulation expresse de ces règles contribuerait à la transparence du projet, a-t-il conclu.
M. HIROSHI TAJIMA (Japon) s’est exprimé en premier lieu sur la responsabilité des organisations internationales. À ce sujet, il a souligné le fait que la diversité des statuts juridiques, de la structure, des activités et du statut de membre des différentes organisations internationales rend difficile l’élaboration de principes qui s’appliqueraient à toutes les organisations. La délégation du Japon considère qu’il est prudent de suivre la structure de base des projets d’articles sur la responsabilité des États, en les modifiant quand ils ne s’appliquent pas aux organisations internationales. Les projets d’articles sur la responsabilité des États peuvent servir de point de départ pour l’élaboration des articles sur la responsabilité des organisations internationales. Un acte internationalement illicite commis par un État membre d’une organisation internationale devrait engager la responsabilité à la fois de l’État et de l’organisation. Les projets d’articles présentés par le Rapporteur spécial sont ambiguës sur ce sujet, et mériteraient une analyse plus poussée. Ainsi, une clarification est nécessaire quant à l’article 15, car celui-ci ne prévoit pas la responsabilité de l’État membre qui commet un acte internationalement illicite en obéissant à une décision de l’organisation à laquelle il appartient. Il y a un manque de clarté évident s’agissant de l’attribution de la responsabilité aux organisations internationales et à leurs États membres. En particulier, le Rapporteur spécial devrait distinguer la responsabilité des États leur incombant au titre des paragraphes 1 et 2 du projet d’article 15. S’agissant de l’expulsion des étrangers, plusieurs éléments requièrent étude et discussion. Il y a beaucoup à faire sur la portée et la définition du problème, ainsi que sur les motifs de l’expulsion. Le sujet doit être examiné de façon prudente, en prenant en compte sa relation avec les régimes de droit humanitaire.
M. MICHAEL WOOD (Royaume-Uni), au nom de l’Union européenne et des pays associés, s’est félicité des progrès accomplis par la CDI au sujet de la responsabilité des organisations internationales. À cet égard, Il a également félicité le Rapporteur spécial, le Professeur Giorgio Gaja, pour son troisième rapport. Il a ensuite laissé la parole au représentant de la Commission européenne.
M. PIETER JAN KUIJPER, Conseiller juridique principal de la Commission européenne, a déclaré que la Communauté européenne, en tant qu’organisation internationale spécifique, attache une grande importance à ce chapitre du rapport de la CDI. En ce qui concerne la violation d’une obligation internationale par une organisation internationale, le représentant a relevé que l’article 8 (2) du projet de texte, qui fixe les conditions d’existence de cette violation, ne donne pas suffisamment de précisions quant à ce qui détermine l’obligation en vertu du droit international. Dans le cas de la Communauté européenne, a-t-il expliqué, cette disposition soulève certaines questions: est-ce que la violation d’une loi communautaire déclenche la responsabilité de la Communauté européenne ?
Concernant la responsabilité des organisations internationales du fait d’un État ou d’une autre organisation internationale, le représentant a apprécié que l’article 15 fasse une distinction entre les décisions et les simples recommandations et autorisations d’organisations internationales. Il a proposé cependant de faire une distinction encore plus précise. Pour donner un exemple de loi communautaire, le représentant a cité l’article 249 du Traité de Rome qui dispose qu’une loi communautaire peut être contraignante et s’appliquer directement aux États membres ou bien seulement être contraignante quant au résultat à atteindre, laissant le choix de la méthode utilisée. Pour conclure, M. Kuijper a assuré la CDI de son soutien pour ses travaux en cours.
M. JOHAN LAMMERS (Pays-Bas) s’est tout d’abord exprimé sur la question de la responsabilité des organisations internationales, et en particulier sur le projet d’article 15 relatif aux décisions, recommandations et autorisations des organisations internationales. Il existe néanmoins un problème lié à la définition des organisations internationales dans le projet d’article 2. Celui-ci prévoit que d’autres entités que les États peuvent être membres de l’organisation internationale. Le projet d’article 15 ne devrait donc pas être plus restrictif et devrait évoquer simplement les « membres » d’une organisation internationale. Aux paragraphes 1 et 2 du projet d’article 15, une organisation internationale engage sa responsabilité si elle adopte une décision, autorisation ou recommandation et que deux éléments sont réunis. Tout d’abord, l’acte commis par l’État membre concerné, s’il était commis par l’Organisation, devrait être internationalement illicite. Ensuite, cet acte doit contrevenir à une obligation internationale de l’organisation concernée. Cette seconde condition n’est pas mentionnée dans le projet d’article proposé par le Rapporteur spécial; elle a seulement été brièvement évoquée au paragraphe 44 de son troisième rapport. En outre, comment peut-on déterminer que certains faits détournent les obligations internationales d’une organisation ? La distinction entre les décisions contraignantes au paragraphe 1 et les autres décisions au paragraphe 2 est utile et nécessaire. Il serait peut-être utile d’utiliser la notion plus générale de « décisions non contraignantes » plutôt que celles d’ « autorisation ou recommandation ».
Si la CDI fait la différence entre recommandation et autorisation, l’utilisation de l’un ou l’autre de ces termes n’entraîne aucune différence quant aux implications de la responsabilité de l’organisation. La remarque la plus fondamentale de la délégation des Pays-Bas tient au fait que le paragraphe 2 du projet d’article 15 ne prévoit pas la responsabilité de l’organisation internationale pour la simple adoption d’une autorisation ou d’une recommandation. Cette responsabilité ne peut être créée que si le membre commet effectivement le fait illicite, en relation avec ces décisions non contraignantes. Or, la question est de savoir si de telles situations peuvent se présenter. En effet, le troisième rapport du rapporteur spécial ne mentionne aucun exemple de cette espèce dans la pratique.
S’agissant de l’expulsion des étrangers, les Pays-Bas estiment que cette question est liée à la souveraineté étatique, et comporte des aspects humanitaires et juridiques. Le droit de l’État d’expulser des étrangers est un droit inhérent à la souveraineté de cet État. Mais cette prérogative de l’État doit respecter le droit international, le droit des traités auquel l’État est partie et le droit coutumier international. Les projets d’article, a estimé le représentant, ne doivent pas obligatoirement être développés. Il convient tout d’abord d’analyser les règles qui existent déjà, afin de considérer ensuite si le droit doit être développé et codifié. Il devrait être clair que le résultat doit contenir une valeur ajoutée par rapport aux règles déjà existantes. Il doit traiter des problèmes et des questions que les États rencontrent au niveau national. Néanmoins, l’approche ne doit pas être trop vaste. Les Pays-Bas ne procèdent pas à des expulsions de groupe. Le représentant s’est félicité de ce que la CDI ait inscrit cette question à son ordre du jour.
M. TODD BUCHWALD (États-Unis) a reconnu que la question de l’expulsion des étrangers est complexe. Les États doivent établir un équilibre délicat entre d’une part leurs politiques et lois relatives à l’immigration, et d’autre part leurs obligations internationales et le souci de sécurité nationale et de respect de l’état de droit. De manière générale, le rapport invite à se pencher sur le droit souverain et les limites que le droit international impose à la souveraineté, a-t-il relevé. Il a souhaité que la CDI examine les questions qu’elle a identifiées à ce sujet. Les États-Unis partagent l’avis qu’il faut écarter de l’étude la question du refus d’entrée des étrangers à la frontière, en distinguant clairement entre les étrangers qui sont présents légalement sur le territoire et ceux qui ne le sont pas.
En ce qui concerne la responsabilité des organisations internationales, le représentant a fait remarquer que les organisations internationales, au contraire des États, présentent des fonctions et structures très variées, ce qui rend difficile le développement d’un ensemble de règles communes et uniformes. Les États-Unis estiment ainsi que les principes applicables à la responsabilité des États ne doivent pas être transposés purement et simplement à la responsabilité des organisations internationales. Il faut souhaiter que la CDI continue à accorder une importance significative à la pratique pertinente au cours de ses travaux, a exprimé le représentant. M. Buchwalda donné des exemples de problèmes spécifiques résultant de la nature et des différences entre les organisations internationales et les États. Il a ainsi cité les projets d’articles 12 - responsabilité internationale d’une organisation internationale pour avoir aidé ou assisté un État ou une autre organisation internationale dans la commission d’un fait internationalement illicite - et 13 -responsabilité internationale d’une organisation internationale qui donne des directives à un État ou une autre organisation internationale et qui exerce un contrôle dans la commission du fait internationalement illicite. Les organisations internationales diffèrent beaucoup en ce qu’elles sont autorisées à faire, et les conséquences juridiques sont donc différentes en termes de responsabilité internationale. Une organisation internationale ne donne pas des directives, par le biais de son Secrétariat ou de ses cadres, de la même façon qu’un État le fait par ses dirigeants, a-t-il noté.
S’agissant de l’article 15, qui porte sur la responsabilité internationale d’une organisation internationale pour les décisions, recommandations et autorisations adressées aux États membres et aux organisations internationales membres, le représentant a noté qu’il ne pose pas de condition d’illégalité de l’acte de l’État pour engager la responsabilité de l’organisation. Il en résulte qu’une organisation internationale pourrait être jugée responsable pour avoir recommandé à un État un acte qui n’est pas illégal pour cet État. Pour conclure, le délégué américain a exprimé à nouveau sa préoccupation face au risque inhérent de mettre en parallèle les États et les organisations internationales en matière de responsabilité.
M. LUIS SERRADAS TAVARES (Portugal), notant les progrès de la Commission du droit international, accomplis notamment au sujet de l’expulsion des étrangers, a estimé qu’il serait extrêmement important que la Commission fournisse des documents sur la période 2002-2006, car rien n’a été achevé depuis 2001. Le Portugal a déjà fait l’année passée des commentaires sur les interactions entre la CDI d’une part et la Sixième Commission et l’Assemblée générale d’autre part. Le Portugal est convaincu que les gouvernements jouent un rôle croissant dans toutes les étapes de codification et de développement de la CDI. Afin d’accroître l’interaction, il serait bon de procéder à un enregistrement complet des débats plutôt que de se contenter d’un condensé. S’agissant de la responsabilité des organisations internationales, le représentant a souhaité que les États se concentrent sur leurs commentaires des travaux en cours et non pas sur les travaux futurs. Concernant les neuf projets d’articles adoptés cette année, il a fait remarquer que la complexité semble prendre le dessus de la clarté. Tout d’abord, le sujet de la responsabilité des États pour les faits internationalement illicites est réservé à 2007, alors que la Commission examine trop rapidement la question de la responsabilité des organisations internationales. La CDI ne devrait pas se contenter de reprendre les projets d’articles sur la responsabilité des États pour les adapter aux exigences relatives aux organisations internationales. La ressemblance des articles soulève un nombre croissant de problèmes et d’incohérence. Les articles sur la responsabilité des États doivent uniquement servir de base pour les travaux sur la responsabilité des organisations internationales. La rédaction des articles à ce sujet ne peut pas refléter uniquement les articles sur la responsabilité internationale des États. Sur les neuf projets d’articles adoptés cette année, seuls le paragraphe 2 de l’article 8 et l’article 15 sont innovants par rapport aux articles sur la responsabilité des États. Ainsi, le paragraphe 1 de l’article 11 est trop complexe pour s’appliquer aux organisations internationales, car il soulève la question de l’attribution. La nature très diverse des organes des organisations internationales doit être prise en compte. Comment une organisation internationale peut contrôler ou diriger une autre organisation internationale, a demandé la représentant? Comment peut-elle prendre des mesures coercitives à l’encontre d’un État tiers ou une autre organisation? M. Serradas Tavares a estimé que Rapporteur spécial pour cette question succombe à la tentation de formuler des règles générales et abstraites, tout en formulant des recommandations sur un exemple précis, celui de la communauté internationale. Il serait donc bon d’envisager d’exclure du champ d’application les organisations d’intégration régionales. Concernant la question de l’expulsion des étrangers, la délégation portugaise estime que ce sujet mérite d’être traité de manière autonome. L’expulsion relève du droit interne de l’État et n’est donc pas un acte unilatéral.
S’exprimant au nom du Groupe des pays nordiques, M. PETER TAKSOE-JENSEN (Danemark) a estimé qu’en dépit de son rôle significatif, il serait judicieux que la Commission du droit international réactualise son ordre du jour en retirant un certain nombre de questions qui y figurent depuis des années. S’agissant de la question des actes unilatéraux des États, le représentant a encouragé la Commission à conclure ses travaux au cours de sa prochainesession, en 2006. Concernant la question de la « responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international », il s’est déclaré favorable à d’autres options que l’adoption d’une convention sur ce sujet, suggérant plutôt l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale. Il considère en outre que le projet d’instrument sur la prévention des dommages causés par les conséquences transfrontières des activités dangereuses devrait être adopté conjointement avec les principes de responsabilité. S’agissant des effets des conflits armés sur les traités, le représentant a estimé que l’une des questions qui restaient à examiner était la licéité de comportement des parties dans l’éclatement du conflit armé et la possible dissymétrie entre l’État agresseur et l’État victime. Le Groupe des pays nordiques est d’avis, comme le Rapporteur spécial, que ce sujet devrait faire partie du droit des traités, et non du droit réglementant l’usage de la force.
Mme LYUDMILA KAMENKOVA (Bélarus) a déclaré que l’existence de normes précises en matière de responsabilité internationale sera un facteur du renforcement de l’état de droit. Le Rapporteur spécial a raison de s’efforcer d’appliquer la responsabilité des organisations internationales par analogie à la responsabilité internationale des États. Ce travail simplifie beaucoup le travail de la CDI. Néanmoins, il n’est pas possible de simplement transférer les dispositions d’un texte vers l’autre. Trois aspects doivent être étudiés, à savoir la responsabilité de l’organisation internationale pour ses propres faits; la responsabilité de l’organisation internationale pour des faits commis par un État membre; et la responsabilité d’un État par rapport aux faits internationalement illicites d’une organisation. La représentante a souligné le caractère novateur et progressif du projet d’article 15. Cet article contient en effet des dispositions claires, et l’application de ces normes entraînera l’obligation pour les organisations internationales de bien étudier leurs décisions. Cela nécessite une élaboration détaillée et bien équilibrée du projet d’article. En effet, les organisations internationales peuvent être utilisées par des États en tant qu’arme pour mener des politiques illicites et diluer la responsabilité qui en découle entre tous les membres de l’organisation internationale. Il faut donc prévoir une norme permettant d’engager la responsabilité d’un État membre pour le comportement illicite d’une organisation illicite.
La responsabilité de l’État doit en effet entrer en jeu si celui-ci a contraint une organisation à commettre un comportement illicite, dirigé ou contrôlé l’organisation dans le processus de la commission de ce fait illicite. Le Bélarus pense que la reconnaissance de la responsabilité de l’État pour le fait illicite commis par la communauté internationale obligera les États à prendre plus sérieusement en compte leur comportement au sein des organes directeurs des organisations internationales. Il faudrait que la responsabilité soit à la fois politique et matérielle. Au plan pratique, il sera utile de dégager l’organisation internationale de sa responsabilité pour un fait illicite commis par la communauté internationale et de parler de responsabilité collective des États membres. S’agissant de l’expulsion des étrangers, la CDI devrait se pencher sur l’examen de la pratique internationale en vigueur. La délégation du Bélarus pense que les résultats des travaux de la CDI pourraient former un guide de la pratique ou alors une déclaration politique. La question de l’expulsion des étrangers traite de la présence illégale sur le territoire de l’État concerné aussi bien que de l’expulsion d’étrangers se trouvant légalement sur le territoire.
M. IGOR GREXA (Slovaquie) a apprécié la façon équilibrée et complète dont le Rapporteur spécial a introduit le sujet de l’expulsion des étrangers. Il a identifié les difficultés principales que pose cette question, a-t-il estimé. Comme la Commission, la Slovaquie admet qu’il existe, en droit international, un droit de l’État d’expulser des étrangers, mais que ce droit ne peut pas être considéré comme absolu ni discrétionnaire. Ses limites sont posées par les droits de l’homme. En ce qui concerne la portée de l’étude, M. Grexa a estimé qu’elle ne devrait pas s’étendre à l’admission des étrangers, ni au statut des personnes déplacées. S’agissant des définitions, il a approuvé la définition des termes « expulsion » et « étranger » donnée par le Rapporteur spécial.
Le représentant a ensuite fourni des précisions sur le régime de l’expulsion dans son pays. Il existe deux formes d’expulsion des étrangers en Slovaquie, administrative et judiciaire, a précisé M. Grexa. La notion d’expulsion est assez large, les motifs de l’expulsion doivent être mentionnés dans la décision et toute mesure d’expulsion doit être prise en conformité avec le droit international. Dans l’étude de la CDI, le concept d’expulsion ne fait pas de distinction entre un étranger légalement présent sur le territoire et celui qui ne l’est pas. L’expulsion collective, a rappelé le représentant, est interdite. À l’avenir, la CDI devrait commencer par identifier les règles du droit coutumier et celles concernant l’évolution progressive du droit international, a suggéré M. Grexa. Il faudrait aussi examiner les traités sur les droits de l’homme.
M. IGOR PANIN (Fédération de Russie) a estimé que les travaux accomplis par la CDI au cours de sa dernière session étaient très positifs. Abordant le chapitre du rapport sur la responsabilité des organisations internationales, il a noté qu’aujourd’hui, le rôle des organisations internationales ne cesse de s’accroître. De l’avis de sa délégation, la CDI a choisi une approche fiable pour traiter ce sujet, en se fondant sur les articles du projet de texte sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite. Il serait utile de faire des commentaires plus développés, en tenant compte de la pratique des organisations internationales. En ce qui concerne la norme figurant au paragraphe 2 de l’article 8, qui fixe les conditions d’existence de la violation d’une obligation internationale par une organisation internationale, il a estimé que la CDI a trouvé une solution élégante à une vieille discussion académique. Il s’agissait de savoir si les règles d’une organisation internationale étaient des normes de droit international. Il faudrait apporter des précisions, pour déterminer les cas précis de violation de ces règles qui engagent la responsabilité d’une organisation internationale, en examinant des cas concrets, a-t-il suggéré.
Pour établir la responsabilité d’une organisation internationale dans le cas où celle-ci aide, donne des directives ou contrôle un État dans la commission d’un fait internationalement illicite, il faut garder à l’esprit que certaines actions ne peuvent être effectuées que par un État et non par une organisation internationale, a fait valoir M. Panin. Le projet d’article 12, qui a trait à cette question, devrait, selon lui, inclure le critère de l’illicéité. La délégation russe estime qu’il n’est pas juste de transposer mécaniquement les règles de la responsabilité des États dans le cadre des projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales.
Abordant la question de l’expulsion des étrangers, le représentant a salué positivement le début de l’étude par la CDI. Il a souligné l’idée que c’est un droit souverain d’un État, limité cependant par les exigences du droit international. À son avis, il serait important de faire une différence entre les étrangers se trouvant dans une situation régulière et ceux se trouvant dans une situation irrégulière sur le territoire d’un État. Il ne faut pas a priori exclure de l’examen de ce point la situation des personnes dont le statut a changé en raison de modifications concernant l’État dans lequel elles résident. En outre, il ne serait pas justifié d’inclure la question d’expulsion dans les conflits armés, question déjà réglementée par le droit international. La Fédération de Russie est disposée à transmettre des informations sur sa législation nationale, a conclu le représentant.
Mme VICTORIA GAVRILESCU (Roumanie) a déclaré qu’en ce qui concerne la question de la responsabilité des organisations internationales, sa délégation partageait l’opinion du Rapporteur spécial de s’inspirer, dans la rédaction des articles 8 à 11 relatifs à la violation d’une obligation de droit international par une organisation, des dispositions correspondantes du texte sur la responsabilité des États. La représentante a également tenu à souligner la nécessité, exprimée dans le rapport de la CDI, de prendre en compte, lors de l’établissement des conditions de la responsabilité des organisations internationales, du caractère spécifique de certaines d’entre elles et du mode intrinsèque de répartition des compétences entre telle organisation et ses États membres. Un tel cas particulier sera celui de la Communauté européenne et de sa pratique en matière de responsabilité des États membres pour l’exécution des actes adoptés par la Communauté, a poursuivi le représentant.
En ce qui concerne l’expulsion des étrangers, la représentante s’est dite convaincue que le rapport contribuera de manière décisive à l’identification des aspects intégrant ce sujet lors de l’élaboration des projets d’articles. Elle a estimé par ailleurs nécessaire de s’appuyer sur les aspects concernant la conciliation du droit d’expulsion avec les obligations du droit international et en particulier celles relatives à la protection des droits fondamentaux, tandis que d’autres aspects liés à la politique d’immigration ou du contrôle des frontières par un État excèdent, selon elle, le cadre du projet de texte. La représentante roumaine a également affirmé que l’activité de la Commission devrait tenir compte des législations nationales en la matière, ainsi que de l’ensemble des règles qui existent en droit international coutumier, dans les traités internationaux et dans la pratique des États.
M. EUGENIO CURIA (Argentine) a rappelé que les organisations internationales sont des associations volontaires d’États chargés de défendre les intérêts collectifs. La référence à l’article 2 du projet de texte sur les « autres entités » est importante. Il faudrait cependant clarifier la notion d’« autres entités ». Il est envisageable d’attribuer la responsabilité pour les actes commis par une organisation internationale à un État. Il serait prudent que la responsabilité de l’État pour les faits illicites commis par la communauté internationale tienne compte des dispositions de la résolution A/56/83 de l’Assemblée générale, sans ajouter d’autres critères d’attribution de ladite responsabilité. L’adaptation des articles du projet sur la responsabilité des États à la responsabilité des organisations internationales est pertinente et désirable. S’agissant de l’article 4, il existe une limite concernant l’attribution de la responsabilité pour la conduite des fonctionnaires ou agents d’une organisation internationale. Il faudrait inclure le personnel qui agit de façon temporaire pour l’organisation et les personnes agissant dans le cadre d’une mission de maintien de la paix. Une autre difficulté vient du fait que les règles de l’organisation doivent toujours servir de cadre de référence pour la conduite des organes et agents, ce qui risque d’entraîner la Commission sur un terrain imprécis et subjectif. Le représentant a déclaré que le projet de la CDI constitue un excellent travail qui fait la lumière sur un sujet novateur.
S’agissant de l’expulsion des étrangers, le représentant a estimé nécessaire de préciser prudemment la portée du thème, pour formuler des principes et des règles qui permettent aux États de concilier la façon dont ils peuvent fixer les conditions de présence et de maintien dans leurs territoires. La Commission devrait entamer un examen approfondi des normes de droit coutumier et de droit conventionnel international en la matière.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a considéré que le sujet de l’expulsion des étrangers se prête à la codification et soulève des questions importantes en droit international. Le droit d’expulser, comme le droit de refuser l’entrée sur le territoire, est un droit inhérent à la souveraineté de l’État. Ce qui est particulièrement important c’est l’équilibre équitable entre les normes en matière de droits de l’homme et le droit de l’État de poursuivre des objectifs légitimes comme la protection de l’ordre public. Par ailleurs, Mme Telalian a considéré que l’expulsion ne peut être justifiée si elle est exercée de façon humiliante et dégradante. Comme limites au droit d’expulser, elle a également invoqué le droit au respect de la vie de la famille et de la vie privée consacré par la Convention européenne des droits de l’homme.
En ce qui concerne la notion large d’expulsion adoptée par le Rapporteur spécial, la représentante a noté qu’elle est conforme au concept adopté par la Commission des droits de l’homme. Néanmoins, elle a jugé cette notion trop large par rapport à la portée que la CDI entend donner à son étude. Par ailleurs, elle a considéré, comme le Rapporteur spécial, que les personnes déplacées ne doivent pas faire partie des cas examinés dans cette étude, de même que le cas des personnes refoulées et celles dont le statut de réfugié est refusé. Si la CDI choisissait finalement d’examiner le sujet de façon élargie, il faudrait énoncer un minimum de garanties comme la protection contre le mauvais traitement de l’étranger expulsé, a-t-elle estimé. Comme les motifs d’expulsion peuvent être interprétés très largement, il faut préserver le principe de la proportionnalité, a ajouté Mme Telalian. L’interdiction d’une expulsion collective, a-t-elle rappelé, est conforme à la conception de la Commission des droits de l’homme. En conclusion, elle a encouragé le Rapporteur spécial à continuer l’étude entreprise, ainsi que l’examen des lois et pratiques nationales.
M. ROBERTO LAVALLE-VALDES (Guatemala) a estimé qu’il faudrait transposer les articles 8 et 9 du projet de texte sur la responsabilité des États au texte relatif à la responsabilité des organisations internationales. Le paragraphe 2 du projet d’article 8 implique que la responsabilité d’une organisation internationale n’est entraînée que lorsque la violation d’une norme interne coïncide avec celle d’une norme de droit international. Cela implique à son tour que les normes internes d’une organisation internationale ne sont pas nécessairement des normes de droit international. Cela établirait un critère objectif pour déterminer les normes internes d’une organisation internationale qui appartiennent à la sphère du droit international. Mais il est évident que les normes internes qui appartiennent au droit international seront celles qui accordent des droits aux personnes et entités, reconnues en tant que sujets du droit international. Mais ces critères peuvent se compliquer si on considère que les relations entre une organisation internationale et une personne ou entité qui n’est pas sujet de droit international donnent lieu à quelque chose de semblable à la protection diplomatique. La réponse à cette éventualité doit être négative dans tous les cas où le droit interne de l’organisation internationale contient des dispositions comme celles de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies, et que l’État en question est membre de l’Organisation.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) s’est félicité des progrès accomplis par la CDI au cours de sa dernière session. En ce qui concerne les projets d’articles 12 à 14 sur la responsabilité des organisations internationales, sa délégation fait sienne la décision de reprendre les projets d’articles correspondant en matière de responsabilité des États, en les adaptant de façon appropriée. S’agissant de l’article 15, il est justifié de faire la distinction entre les décisions contraignantes des organisations internationales et celles consistant simplement en une recommandation. S’agissant du paragraphe 2 du projet d’article 8, qui fixe les conditions d’existence de la violation d’une obligation internationale par une organisation internationale, il a considéré qu’il n’ajoute rien et suscite même une certaine incertitude. Il a donc suggéré de le supprimer. Abordant le thème de l’expulsion des étrangers, le représentant a apprécié l’aperçu général très utile du Rapporteur spécial. La Commission, a-t-il suggéré, devrait commencer par analyser en profondeur les lois nationales.
M. ALAN KESSEL (Canada) a exprimé son intérêt pour les efforts en cours au sujet de l’expulsion des étrangers. Il a approuvé la démarche proposée par le Rapporteur spécial et attend le recueil du Secrétariat sur les normes internationales et les législations nationales. Le représentant a suggéré que le Secrétariat examine le travail important effectué au cours des quatre dernières années dans le cadre de l’Initiative de Berne, de l’Organisation internationale pour les migrations et de la Commission mondiale sur les migrations internationales. Une étude détaillée de ce sujet bien ciblé, y compris la pratique des États, pourrait être utile pour clarifier les règles de droit international applicables à ce domaine. Le travail de la CDI pourrait aussi tenir compte de l’obligation des États d’origine d’accepter le retour de leurs ressortissants, y compris le retour des apatrides. La Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles impose uniquement des obligations aux États parties.
Répondant aux commentaires formulés par les délégations, M. GIORGIO GAJA, Rapporteur spécial sur la responsabilité des organisations internationales, a voulu donner des explications sur la portée des travaux en cours, en ce qui concerne les relations complexes entre la responsabilité des États et celle des organisations internationales. Il a en effet précisé pourquoi certaines questions ne sont pas incluses dans l’étude. Certaines règles prévues sur la responsabilité des États ont trait à l’aide entre États pour commettre un fait internationalement illicite. Dans le cas où un État aide ou assiste une organisation internationale à commettre un fait internationalement illicite, on peut appliquer directement ces règles, sans avoir à les préciser dans le cadre de la responsabilité des organisations internationales, a-t-il indiqué.
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