LA SIXIÈME COMMISSION ESTIME QUE LA CDI DOIT AUSSI S’INTÉRESSER À DES SUJETS THÉORIQUES COMME LA FRAGMENTATION DU DROIT INTERNATIONAL
Communiqué de presse AG/J/3268 |
Sixième Commission
25e séance – matin
LA SIXIÈME COMMISSION ESTIME QUE LA CDI DOIT AUSSI S’INTÉRESSER À DES SUJETS THÉORIQUES COMME LA FRAGMENTATION DU DROIT INTERNATIONAL
Elle recommande à l’Assemblée générale l’adoption de la Convention sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens
L’étude menée par la Commission du droit international (CDI) sur la fragmentation du droit international fournit une excellente occasion de réfléchir sur les relations entre les différents domaines du droit international, alors même que l’augmentation constante du nombre de conventions et leur spécialisation semblent rendre de plus en plus difficile le maintien d’une certaine cohésion entre les différents régimes juridiques, a estimé, aujourd’hui, le représentant du Japon à la Sixième Commission (Commission juridique). Selon lui, il est donc essentiel, pour les praticiens du droit, d’avoir une position claire de l’impact possible d’un traité particulier sur les normes de droit international général afin d’éviter les conflits de lois dans le processus d’élaboration des traités ou dans leur interprétation. Lundi, déjà, la représentante du Portugal avait estimé que, même si le rôle fondamental de la CDI consiste à élaborer et adopter des conventions, elle peut et doit aussi réfléchir sur de tels sujets, susceptibles de contribuer au développement progressif du droit international.
La fragmentation du droit international a été, avec les réserves aux traités et les actes unilatéraux des États, l’un des thèmes abordés, ce matin, dans le cadre de la dernière séance que la Sixième Commission a consacrée à l’examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 56e session.
L’état des travaux sur les actes unilatéraux des États ne semble pas avoir donné satisfaction à de nombreux intervenants. La majorité a cependant reconnu la nature particulièrement complexe de l’étude en raison de la grande variété des actes susceptibles de relever de cette catégorie. Comme d’autres orateurs, la veille, le représentant de la Malaisie a jugé inadaptée la méthode proposée par le Rapporteur spécial. Cette méthode prévoit le classement des actes unilatéraux en trois catégories à savoir, la promesse ou reconnaissance, la renonciation ou encore la réclamation. En effet, un acte unilatéral peut relever de plusieurs catégories à la fois, a estimé le représentant, soulignant que l’un des aspects les plus importants consistait à savoir si un tel acte produisait ou non des effets juridiques. Plusieurs délégations ont, par ailleurs, considéré que pour définir la nature juridique d’un acte unilatéral, il fallait examiner non seulement les éléments objectifs des actes eux-mêmes mais aussi des aspects subjectifs tels que l’intention ou la volonté des États concernés ainsi que le contexte dans lequel l’acte est pris. Partisan de ce type d’approche, le représentant du Japon a déclaré que sa délégation n’insisterait pas pour que la CDI poursuive son travail sur ce thème si aucun résultat n’était possible à court terme. En revanche, au cas où la Commission déciderait d’aller plus avant, elle devrait procéder à un examen très approfondi avant de se prononcer sur la question, a-t-il estimé, soutenu en ce sens par le représentant de la Malaisie.
À l’issue de la séance, le Président de la CDI, M. Teodor Viorel Melescanu (Roumanie), a de nouveau souligné l’importance des commentaires écrits des gouvernements sur les questions abordées par la Commission et, en particulier, sur la protection diplomatique et la répartition des pertes à la suite de dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, deux des autres thèmes du rapport dont les délégations avaient débattu les jours précédents.
Lors du débat de ce matin, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Japon, Inde, Belgique, Roumanie, Singapour, Fédération de Russie, République de Corée, Malaisie, Australie, Mexique, Sierra Leone et Pakistan.
La Sixième Commission a, par ailleurs, recommandé à l’Assemblée générale, aux termes d’un projet de résolution adopté sans vote[1], d’adopter la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens figurant en annexe au projet de résolution. L’Assemblée prierait le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, de l’ouvrir à la signature et inviterait les États à devenir parties à la Convention. La Convention sera ouverte à signature du 17 janvier 2005 au 17 janvier 2007 au Siège des Nations Unies, à New York.
En outre, la représentante de Trinité-et-Tobago a présenté à la Sixième Commission, au nom du bureau, un projet de résolution[2] intitulé «Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite ». Aux termes de ce projet de résolution, l’Assemblée générale recommanderait, une fois de plus, les articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite à l’attention des gouvernements, sans préjuger la question de leur future adoption ou autre décision appropriée. Elle prierait le Secrétaire général d’inviter les gouvernements à soumettre leurs observations écrites concernant la décision à prendre au sujet des articles ainsi que d’établir une première compilation des décisions des juridictions internationales et autres organes internationaux se rapportant aux articles, et déciderait d’inscrire la question à l’ordre du jour provisoire de sa 62e session.
La Sixième Commission tiendra sa prochaine séance publique le mercredi 17 novembre à 10 heures pour examiner le rapport du Comité des relations avec le pays hôte.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA 56e SESSION
Déclaration sur les chapitres VIII, IX et X
M. KOICHI HASEGAWA (Japon) a déclaré que sa délégation attache une grande importance à la question très ambitieuse de la fragmentation du droit international. Le nombre des traités internationaux a considérablement augmenté et il est devenu de plus en plus difficile de maintenir une cohésion entre les différents régimes juridiques, a-t-il rappelé. Il est donc essentiel, pour les praticiens du droit, d’avoir une vue claire de l’impact possible d’un traité particulier sur les normes de droit international général afin d’éviter les conflits de lois aussi bien dans le processus d’élaboration des traités que dans leur interprétation. Cette étude fournit donc une excellente occasion de réfléchir sur les relations entre les différents domaines du droit international, a estimé le représentant. Concernant les thèmes sélectionnés et la possibilité d’établir des directives, le représentant a estimé que la CDI devrait faire preuve de prudence en élaborant ces directives, qui ne pourraient être utiles que dans certains cas particuliers. Pour M. Hasegawa, la CDI aura peut-être à décider, à un stade ultérieur, s’il convient de réduire la portée des directives ou au contraire de se lancer dans une étude plus approfondie de chaque aspect d’un possible conflit de lois. Il a suggéré qu’on limite le champ d’application des directives par le biais de clauses de sauvegarde précisant qu’elles ne préjugent pas d’un possible développement du droit et d’accords qui pourraient être conclus par les États.
M. Hasegawa a rappelé que la notion d’actes unilatéraux des États n’est pas sans ambiguïté et a estimé que les critères proposés pour le classement des diverses catégories ne sont pas très clairs. Une analyse détaillée sur la pratique des États est donc nécessaire. Il ne faut pas oublier que les gouvernements ne définissent pas toujours très clairement la nature juridique de leurs actes. Il faudrait retenir non seulement les éléments objectifs des actes eux-mêmes mais aussi les aspects subjectifs tels que l’intention ou la volonté des États concernés. Le Japon ne souhaite pas que la CDI poursuive ses travaux sur la question si aucun résultat ne peut être obtenu dans un proche avenir, a indiqué le représentant qui a toutefois précisé que si la CDI décide de poursuivre son étude, elle devra procéder de manière prudente avant de tirer toute conclusion.
Le représentant a partagé le point de vue du Rapporteur spécial sur les réserves aux traités pour que les directives soient les plus complètes possibles. Il a toutefois souhaité que la CDI puisse terminer les travaux sur la question. Il a soutenu, dans l’ensemble, la méthode suivie par le Rapporteur spécial pour son présent rapport. Il a ainsi estimé que le Rapporteur spécial avait raison de vouloir définir l’objection avant d’en définir les effets d’une réserve. Concernant la validité des réserves qui doit être étudiée lors de la prochaine session de la CDI, le représentant a estimé que les questions de terminologie sont liées au caractère juridique des réserves. Il a rappelé que le système de la Convention de Vienne donne à chaque État une certaine latitude pour apprécier la validité d’une réserve. De ce fait, il peut arriver qu’une réserve apparaisse comme valable à un État et non à un autre. Selon les cas, le terme de recevabilité ou de validité sera le plus adapté, a-t-il expliqué.
M. BIKRAM KESARI DEO (Inde) a apprécié les progrès de la Commission sur la question de la responsabilité des organisations internationales. La diversité des organisations peut entraîner des difficultés pour élaborer des règles communes, a-t-il relevé. De l’avis de sa délégation, la CDI doit éviter d’élaborer des règles concernant les organisations internationales qui reflètent les règles de la responsabilité des États. Il a noté que le test de « contrôle effectif » qui figure au projet d’article 5 s’inspire des pratiques en matière d’opérations de maintien de la paix alors qu’il n’est pas forcément applicable à tous les cas couverts par cet article.
Abordant le thème des ressources naturelles partagées, le représentant a souhaité plus d’informations sur les aquifères transfrontières et sur la pratique des États en la matière. L’examen casuistique est, selon lui, la bonne approche. Sa délégation est d’avis que le projet de texte devrait revêtir la forme de directives préconisant des engagements bilatéraux. Il a partagé l’avis du Rapporteur spécial sur l’utilisation du terme « système aquifère » qui est préférable à « ressources naturelles partagées ». Nombreux sont les États qui ne sont pas parties à la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation, a-t-il, par ailleurs, remarqué. Ces faibles ratifications restreignent l’utilisation de cet instrument pour le thème examiné par la CDI.
Enfin, Concernant le sujet de la fragmentation du droit international, le représentant a rappelé que l’examen de cette question est encore à un stade préliminaire. Il a indiqué que la CDI s’est concentrée sur trois secteurs principaux, à savoir les droits de l’homme et le droit international humanitaire, le droit du commerce international et le droit international de l’environnement. Les rapports entre les traités dans ces domaines peuvent faire l’objet d’études, a-t-il suggéré. Pour conclure, le représentant a invité la Commission à assurer la stabilité du droit international avant tout.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a abordé la question des réserves formulées en contradiction avec l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il a estimé que l’article 19 pose bien les règles sur la condition de « validité » des réserves et qu’en ce sens, les réserves qui y sont contraires devraient être déclarées « nulles ». De l’avis de sa délégation, c’est la nullité qui explique pourquoi la réserve sans fondement ne peut produire l’effet juridique propre aux réserves. De manière plus générale, il a considéré que la réserve devrait être considérée comme nulle si son objet est illicite, soit en raison d’une violation du jus cogens, soit en raison d’un vice de consentement. La Commission pourrait attirer l’attention sur ces difficultés, a souhaité le représentant.
Pour la délégation belge, si la réserve est contraire à l’article 19 de la Convention, elle reste donc sans effet et l’auteur de la réserve est tenu par l’intégralité du traité. Sur la question de la responsabilité internationale qui pourrait engager l’auteur de la réserve, M. Pecsteen de Buytswerve a estimé qu’il est inutile de rechercher cette responsabilité en invoquant un fait internationalement illicite alors que la responsabilité est fondée sur la violation du traité qu’il commet par la réserve émise. La sanction ne trouve pas son fondement dans le droit de la responsabilité internationale mais dans la nullité, a-t-il précisé. Enfin, pour le représentant, il ne convient pas de distinguer entre les cas dans lesquels la réserve contraire à l’article 29 constitue une condition essentielle du consentement de l’État réservataire et les autres cas car un État ne pourrait pas se prévaloir du fait que la réserve exprimée au moment de son consentement au traité constitue un élément essentiel de son consentement pour échapper à ses obligations, en vertu du traité concerné.
M. THEODOR COSMIN ONISII (Roumanie) a salué les commentaires du Rapporteur spécial sur la responsabilité des organisations internationales ainsi que les observations et commentaires présentés par les États et le Secrétariat des Nations Unies, les jugeant à la fois extrêmement utiles et détaillés. Il a précisé que la Roumanie fournira, en temps utiles, à la Commission, les informations spécifiques qu’elle a demandées.
Le représentant a considéré le travail du Rapporteur spécial sur les ressources naturelles partagées comme une excellente base de travail. Il a estimé que l’instrument final devra traiter des activités susceptibles d’avoir un impact sur les ressources en question ainsi que des mesures de protection, de préservation et de gestion des systèmes aquifères transfrontières. Le point essentiel, selon lui, reste la coopération entre les États pour une utilisation équitable et raisonnable des ressources naturelles partagées qu’il faut mentionner, de manière adéquate, dans les projets d’articles.
Le représentant a estimé que le chapitre du rapport de la CDI sur les actes unilatéraux des États ne représente qu’une vue d’ensemble initiale de la pratique des États en la matière qui devrait être suivie d’une analyse approfondie afin de dégager les règles pertinentes pour la codification et le développement progressif du droit. Il a souhaité que les difficultés éprouvées par le Rapporteur spécial pour identifier la meilleure méthode de travail seront surmontées, une fois que l’étude sera menée, conformément à la grille d’analyse mise au point par le Groupe de travail.
Mme NG HWEI MIN (Singapour) a apprécié l’approche prudente et pratique qu’a adoptée la Commission dans le traitement des questions liées aux réserves aux traités. Les exemples de la pratique fournis sont très utiles, a-t-elle ajouté. En ce qui concerne les effets des réserves qui sont prévus par l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la représentante a pensé qu’une distinction pourrait être faite entre les réserves relevant des paragraphes a) (réserves interdites par le traité) et b) (réserves exclues par le traité) de l’article 19, et celles tombant sous le coup du paragraphe c) (réserves incompatibles avec l’objet et le but du traité). Elle a partagé l’avis du Rapporteur spécial sur le caractère contractuel des traités et sur la nature volontaire des engagements qui y sont pris. Mme Hwei Min s’est basée sur un avis consultatif de la CIJ sur les réserves à la convention contre le génocide qui énonce qu’un État qui a émis une réserve sur laquelle une ou plusieurs parties formulent une objection, mais pas toutes, peut être considéré comme partie à la Convention si la réserve est compatible avec l’objet de la Convention. De l’avis de la représentante, cette position permet d’assurer une plus grande participation aux traités ainsi que la stabilité du régime international des traités. Dans le cas où la réserve serait incompatible avec l’objet du traité, il serait préférable que l’État réservataire reconsidère l’objection qui lui est opposée, de bonne foi, pour décider de la suite à y donner, a conclu Mme Hwei Min.
Mme MARIA V. ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a appuyé, dans l’ensemble, le travail du Rapporteur spécial sur les réserves aux traités mais a émis des réserves sur le régime proposé en cas de modification de la portée d’une déclaration interprétative. Il ne devrait surgir aucune difficulté en cas de limitation de la portée d’une telle déclaration, a-t-elle estimé, mais des problèmes peuvent, en revanche, survenir en cas d´élargissement de cette déclaration interprétative. La représentante a souhaité que la définition des objections à une réserve soit structurée et complétée par des commentaires et observations, afin qu’on puisse distinguer entre les objections juridiques et des déclarations plus politiques, a-t-elle expliqué. En outre, elle a déclaré que la définition des objections ne devrait pas porter atteinte au régime prévu par les Conventions de Vienne.
La représentante a jugé remarquable le travail sur les actes unilatéraux des États et a souhaité qu’il soit poursuivi. Ce travail met en lumière la grande variété de ces actes unilatéraux ce qui explique que les travaux avancent lentement, a estimé la représentante. Elle a donc souhaité que la CDI concentre son travail sur l’analyse de certains actes unilatéraux pour analyser leur forme ou leur procédure. La codification en ce domaine semble une tâche extrêmement difficile, a estimé la représentante.
La représentante a déclaré suivre avec attention les discussions sur la fragmentation du Droit international. La menace de la fragmentation est plus théorique que réelle, a-t-elle estimé, ajoutant que cela ne voulait pas dire qu’on pouvait négliger le problème. Elle a appuyé, dans l’ensemble, les conclusions du groupe de recherche dans lesquelles elle a vu une base solide pour un travail futur. Elle a estimé que les régimes spéciaux et le droit international ne doivent pas fonctionner séparément car ils forment en fait un tout. Un régime spécial ne saurait être considéré isolément du régime général, a-t-elle affirmé. Par exemple, la pratique de la Cour européenne des droits de l’homme ne prouve pas une nature autonome ou un isolement du reste du droit international. En outre, la disparition d’une lex specialis ne pose pas spécialement de problème car elle cède alors la place au régime général, a précisé la représentante.
Mme HUH JUNG-AE (République de Corée) a estimé que la Commission devrait davantage guider les délégations sur le champs et la définition des actes unilatéraux des États pour faciliter les commentaires de ceux-ci concernant leur pratique. Elle a noté une certaine incertitude quant au statut normatif du concept des actes unilatéraux des États en droit international, se demandant si ces actes peuvent être considérés comme une nouvelle source de droit international. Sa délégation soutient la méthodologie du Rapporteur spécial qui mène une étude approfondie de la pratique des États et de la jurisprudence pour en tirer des règles générales sur les actes unilatéraux des États.
Sur les réserves aux traités, Mme Huh a abordé les questions relatives à l’article 19 c) de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui a pour but d’empêcher les États d’émettre une réserve incompatible à l’objet du traité. La CIJ a donné un avis très clair sur la Convention sur le génocide, a-t-elle estimé. À ses yeux, la méthode novatrice de la Commission n’a pas abouti à un consensus et, de plus, s’écarte à l’avis de la CIJ et de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Sur la question de la terminologie, pour qualifier une réserve à l’encontre de l’article 19, elle a estimé que le terme « recevabilité » reflèterait le concept d’une supervision par des États souverains égaux. Le terme « validité » pourrait, à son avis, amener à préjuger des conséquences juridiques d’une réserve et violerait les exigences de la Convention de Vienne. Elle a donc préféré le terme de « recevabilité ».
Sur la question de la fragmentation du droit international, la question de la lex specialis et des régimes autonomes donne aux États l’occasion de réfléchir, d’une façon générale, à l’extension du droit international, a conclu Mme Huh.
M. PEH SUAN YONG (Malaisie) a noté que la Commission avait exprimé, en général, l’avis qu’il manque dans le septième rapport du Rapporteur spécial sur les actes unilatéraux des États une analyse approfondie des exemples de la pratique des États. Il a également pris note de la demande faite par la CDI aux États afin qu’il fournissent des commentaires sur leur pratique en la matière, mais il a demandé des éclaircissements sur les caractéristiques des commentaires attendus. Le représentant s’est, par ailleurs, rangé à l’avis de la CDI selon laquelle la méthode de classification utilisée par le Rapporteur spécial n’est pas adaptée. Le Rapporteur spécial a classé les actes unilatéraux en trois catégories: ceux par lesquels l’État assume des obligations telles que promesses ou reconnaissances, ceux par lesquels il renonce à des droits et ceux par lesquels il affirme un droit ou présente une réclamation. Or, un acte unilatéral peut relever de plusieurs catégories à la fois, a estimé M. Peh. Le représentant a ajouté que les États doivent savoir si l’expression d’un acte unilatéral entraîne un effet juridique. Le contenu, la forme de l’acte unilatéral mais aussi le contexte de son émission doivent être pris en compte, a-t-il estimé. Le représentant a enfin demandé une étude approfondie de la recevabilité des actes unilatéraux. Reconnaissant qu’il est difficile de définir des principes et règles générales applicables aux actes unilatéraux des États, le représentant a estimé que la formulation de règles devra rester en suspend jusqu’a`ce qu’une analyse complète de la pratique des États ait été menée à bien.
Concernant les réserves aux traités, M. Peh a estimé que les réserves contraires aux buts et à l’objet d’un traité sont nulles et non avenues. Dès lors, l’État qui émet une telle réserve reste régi par le traité existant dans les relations avec les autres États parties qui devraient être encouragées à faire des objections à ce type de traité afin que leur position soit connue sur le plan juridique, a estimé le représentant. Toutefois, plutôt que de faire assumer aux États qui émettent des objections à de telles réserves le poids de leur objection et ses conséquences éventuelles, la CDI devrait tenter d’introduire une formulation selon laquelle, nonobstant l’absence de toute objection, une réserve invalide ne produit aucun effet, a proposé M. Peh.
M. MICHAEL GUMBLEY (Australie) a déclaré que la définition de ceux des actes unilatéraux des États qui emportent une obligation juridique doit être examinée avec attention. Il a estimé que, pour examiner si un acte unilatéral crée des obligations aux termes du droit international, il faut examiner l’intention de l’État. Il faut donc étudier les actes unilatéraux stricto sensu mais aussi examiner, objectivement, l’intention de l’État de créer une obligation juridique. Le représentant s’est, en outre, dit d’accord avec le groupe de travail sur les actes unilatéraux des États pour exclure, du champ de l’étude. tous les actes pris dans le cadre de conventions existantes ainsi que du droit international coutumier. Il a également soutenu l’approche tendant à formuler des lignes directrices relatives aux conséquences juridiques des actes unilatéraux. De tels actes ne constituent pas un régime juridique et ne se prêtent donc pas à une codification juridique, a-t-il estimé.
Concernant les réserves aux traités, M. Gumbley s’est félicité de l’introduction du concept d’intention de l’État dans la nouvelle définition de l’objection car l’intention est, selon lui, déterminante pour apprécier le caractère d’objection de la réaction d’un État à la formulation d’une réserve. En outre, a-t-il ajouté, ce concept est conforme aux articles 20 à 23 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Le représentant a également souhaité qu’on préserve la nature volontaire du régime des objections. De ce fait, si les réserves à un traité sont autorisées et si un État émet une telle réserve, les États objecteurs ne peuvent prétendre que le traité, lie dans son intégralité, l’État réservataire, a-t-il affirmé. M. Gumbley a, par ailleurs, estimé qu’il n’appartient pas au dépositaire d’un traité d’exprimer des vues sur l’admissibilité de réserves. Le dépositaire doit, au contraire, être neutre et impartial et son rôle doit se limiter à transmettre les réserves exprimées par un État, conformément à l’article 77 de la Convention de Vienne, a conclu le représentant.
M. ALFONSO ASCENCIO (Mexique) a abordé le chapitre relatif à la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, jugeant que les travaux de la Commission représentent une contribution importante pour aider les États à atteindre les objectifs de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement. Sur la forme finale que devrait revêtir le projet, il a tout d’abord remarqué qu’il doit s’agir d’un régime général et complémentaire. La Commission s’est prononcée en faveur du renvoi des dommages aux espaces publics internationaux, a-t-il noté, étant d’avis qu’on réserve à cette question une étude séparée. Il a souhaité que le projet de principe se transforme en projets d’articles en demandant toutefois à la Commission une élaboration plus détaillée des articles. Enfin, le Mexique a bien noté que la Commission se réserve le droit de réexaminer, en deuxième lecture, la question de la forme finale, a-t-il ajouté.
Sur le contenu du projet, M. Alfonso Ascencio est convaincu que le problème central est le principe selon lequel il ne faut pas permettre que des victimes innocentes supportent les conséquences de dommages transfrontaliers. Leur indemnisation doit être rapide et adéquate, a-t-il noté. Il a apprécié que le régime de responsabilité soit tourné principalement vers l’exploitant, sans preuve de faute. Cela est conforme aux instruments internationaux en matière de responsabilité civile, a-t-il relevé. Le représentant a toutefois souhaité qu’on envisage une indemnisation complémentaire par des fonds ou par l’État lui-même. M. Alfonso Ascencio a enfin encouragé la CDI à examiner, avec plus d’ampleur, la question du dommage à l’environnement.
M. ALLIEU IBRAHIM KANU (Sierra Leone) s’est félicité des progrès réalisés sur la protection diplomatique. Il a notamment jugé très positive l’approche de la CDI en matière d’épuisement des voies de recours. Concernant la nationalité de la société, il a toutefois demandé des précisions sur la notion de siège de la direction ou « critère similaire », cette dernière notion risquant, selon lui, de provoquer la confusion. Il a estimé que le dictum de la CIJ dans l’affaire de la Barcelona Traction expose clairement le droit en la matière. Concernant les équipages de navires, le représentant a émis des doutes sur la possibilité, pour l’État de pavillon, d’accorder une véritable protection diplomatique, surtout en cas de pavillon de complaisance. L’État de pavillon a un statut qui est mal développé, que ce soit dans le droit de la mer ou le droit international général, a-t-il noté.
Le représentant s’est dit en général d’accord avec l’approche de la CDI concernant la responsabilité des organisations internationales. Il a estimé que le Rapporteur spécial devrait ajouter le thème de la « responsabilité des États membres d’une organisation internationale pour les actes de cette organisation en tant que conséquence de leur appartenance ou de leur conduite habituelle en relation avec cette appartenance ». Il a estimé que ce sujet est susceptible d’être régi par le droit international et s’est dit conscient que la CDI l’avait abordé, mais seulement incidemment, dans le cadre de la responsabilité des États.
M. Kanu a rappelé que son pays partage certaines ressources naturelles souterraines avec des voisins et est donc très intéressé par le thème des ressources naturelles partagées. Il a jugé adaptée l’utilisation comme base de travail des principes de la Convention de 1997 sur l’utilisation des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation et s’est félicité de voir que le Rapporteur spécial utilise des règles de nature régionale. Il a déclaré n’avoir pas de position particulière à ce stade sur la forme finale que devrait prendre l’étude. Par ailleurs, le représentant se dit d’accord avec l’architecture générale des projets de principe sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Il a notamment apprécié que la responsabilité principale incombe à l’opérateur de l’activité dangereuse et que l’État puisse prendre des mesures en matière de compensation adéquate. Il a, en particulier, soutenu le principe de compensation prompte et adéquate des victimes, ainsi que l’incorporation dans les principes de la notion de dommages causés à l’environnement.
M. Kanu s’est demandé s’il serait possible de distinguer les actes unilatéraux des États de nature politique de ceux de nature juridique et s’est demandé si un tel exercice pouvait aboutir. Il a estimé que la fragmentation du droit international, avec les difficultés qui s’y rattachent, était susceptible d’affecter fortement le droit international. La CDI contribuera au débat sur l’état de droit en proposant un ensemble de principes en tant que guide, a-t-il estimé. Enfin, le représentant a souscrit aux thèmes du programme de travail futur de la CDI et a suggéré d’y ajouter un projet de code modèle de conduite professionnelle pour les avocats et conseils auprès de la CIJ. Il a ainsi estimé, qu’au vu d’exemples récents, il y avait quelque urgence à veiller à la qualité de la représentation des États auprès de la CIJ.
M. ASAD MAJEED KHAN (Pakistan) a rappelé que les règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités, par leur large acceptation, ont acquis leur statut de règle coutumière de droit international. Il ne conviendrait pas de les modifier maintenant, a-t-il estimé, jugeant en particulier que ce régime établit un bon équilibre entre les réserves et les traités, en imposant des limites aux réserves contraires à l’objectif du traité. Le Pakistan ne fait pas de distinction entre les traités relatifs aux droits de l’homme et tous les autres traités, a-t-il poursuivi. Par ailleurs, le représentant ne s’est pas déclaré en faveur de l’établissement d’un organe de contrôle pour décider de la validité des réserves. Cela irait à l’encontre de l’objectif de participation universelle aux traités, a-t-il considéré. Pour lui, c’est aux États que revient de décider si une réserve est conforme au droit des traités. Quant au projet final, il devrait prendre la forme de directives, a-t-il conclu.
CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LES IMMUNITÉS JURIDICTIONNELLES DES ÉTATS ET DE LEURS BIENS
Adoption d’un projet de résolution
Aux termes d’un projet de résolution A/C.6/59/L.16, relatif à la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, adopté sans vote, l’Assemblée générale adopterait la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens figurant en annexe au projet de résolution, prierait le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, de l’ouvrir à la signature et inviterait les États à devenir parties à la Convention.
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[1]A/C.6/59/L.16
[2]a/c.6/59/l.22