DES DÉLÉGATIONS À LA SIXIÈME COMMISSION EXPRIMENT DES OBJECTIONS AUX RÉSERVES À CERTAINS TRAITÉS, CONCERNANT EN PARTICULIER LES DROITS DE L’HOMME
Communiqué de presse AG/J/3267 |
Sixième Commission
23e & 24e séances – matin & après-midi
DES DÉLÉGATIONS À LA SIXIÈME COMMISSION EXPRIMENT DES OBJECTIONS AUX RÉSERVES À CERTAINS TRAITÉS, CONCERNANT EN PARTICULIER LES DROITS DE L’HOMME
La Sixième Commission recommande à l’Assemblée d’encourager
de nouvelles ratifications des protocoles additionnels des Conventions de 1949
(Publié le 9 novembre 2004)
La Sixième Commission (Commission juridique) a abordé aujourd’hui l’examen des derniers chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI), portant sur les réserves aux traités, les actes unilatéraux des États et la fragmentation du droit international. Les travaux sur ces questions ont été présentés par le Président de la CDI, M. Teodor Viorel Melescanu (Roumanie).
Intervenant pour la plupart sur la question des réserves aux traités, les délégations ont estimé que le statut juridique des réserves incompatibles avec l’objet et le but d’un traité était très important. La Suède, qui s’exprimait au nom des pays nordiques, tout comme l’Autriche, ont clairement fait mention à cet égard des réserves substantielles concernant les traités relatifs aux droits de l’homme. Le représentant de la Suède a rappelé les conclusions d’études faites en la matière par la Sous-Commission de la promotion des droits de l’homme, qui s’oppose à toute réserve, alors que le représentant de l’Autriche rappelait que son pays déclare les réserves émises sur les dispositions de la Convention contre la torture de 1988 incompatibles avec l’objet du traité et donc irrecevables. Tout en rappelant que son pays applique la même politique, la représentante de l’Allemagne a souligné que les Conventions de Vienne sur le droit des traités ne répondent pas à cette question. Le représentant de la République islamique d’Iran a toutefois souligné que le véritable fondement du cadre consensuel des Conventions de Vienne reste le principe de souveraineté des États. En matière de droit des traités, celui-ci signifie que les États ne sont liés par une obligation d’un traité que s’ils expriment ce consentement et qu’aucun État ne peut en lier un autre contre sa volonté. Par conséquent, appuyé en cela par la représentante de la France, il s’est élevé contre le concept d’objection dite «à effet super maximum », par laquelle l’État auteur de l’objection entend paralyser les effets de la réserve en considérant que le traité doit s’appliquer dans son intégralité dans ses relations avec l’auteur de la réserve.
Lors du débat sur le rapport de la CDI, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Allemagne, Chine, Canada, Autriche, Portugal, États-Unis, Grèce, Suède (au nom des pays nordiques, sur les réserves aux traités), France, Espagne, Pologne, Guatemala, Brésil, Italie, République islamique d’Iran, Nouvelle-Zélande et Népal.
La Sixième Commission avait auparavant achevé l’examen des chapitres V et VI du rapport de la CDI, relatifs aux « Ressources naturelles partagées » et à la « Responsabilité des organisations internationales ». Sur ces questions, les représentants des pays suivants se sont exprimés: Malaisie, Paraguay, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Pérou, Fédération de Russie, Cuba, Mexique, Jordanie, Venezuela, Kenya et Grèce.
La Sixième Commission a par ailleurs adopté sans vote un projet de résolution* relatif à l’état des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés. Par ce texte, elle recommande à l’Assemblée générale d’engager tous les États parties aux Conventions de Genève qui ne l’ont pas encore fait à envisager de devenir parties aux Protocoles additionnels à une date aussi rapprochée que possible. Elle lui recommande également de demander à tous les États qui sont déjà parties au premier Protocole, ou à ceux qui n’y sont pas parties, lorsqu’ils s’y porteront parties, de faire la déclaration prévue à l’article 90. Aux termes de ce texte, les États seraient également invités à devenir partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.
La Sixième Commission a enfin entendu les représentants de l’Égypte et de l’Ukraine qui ont présenté deux projets de résolution portant respectivement sur le rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation. (A/C.6/59/L.17) et A/C.6/59/L.18).
La Sixième Commission achèvera demain, mardi 9 novembre à 9h30, l’examen du rapport de la CDI.
* A/C.6/59/L.13
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SIXIÈME SESSION (A/59/10)
Fin des déclarations sur la responsabilité des organisations internationales (Chapitre V) et les ressources naturelles partagées (Chapitre VI)
M. PEH SUAN YONG (Malaisie) a estimé que l’élaboration des projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales est nécessaire en raison des activités toujours plus nombreuses des organisations internationales dans des domaines des relations internationales qui peuvent avoir des conséquences juridiques. Il a estimé que la notion « autres entités » du projet d’article 2 devrait être clairement définie. Il a en outre estimé qu’il serait injuste d’imputer à une organisation internationale le comportement d’organes ou d’agents de celle-ci quand leur comportement dépasse l’autorité qui leur a été confiée ou contrevient clairement aux buts et objectifs de l’organisation.
Le représentant a pris note des remarques faites sur la notion de ressources naturelles partagées qui risque, selon lui, de renvoyer à des notions de patrimoine commun de l’humanité ou de copropriété, et surtout dans la mesure où elle se limite aux eaux souterraines transfrontières. Il a par ailleurs estimé que les projets d’articles élaborés par la CDI ne devraient pas préjuger de la forme finale de l’étude. Il a demandé des précisions sur la notion de « dommage significatif » utilisé au chapitre 4 du projet de texte, et sur les critères de détermination de ceux-ci. Il a suggéré que les échanges d’informations mentionnés au projet d’article 6 se fassent sur la base des considérations d’intérêt national des États, y compris en matière de sécurité.
M. ELADIO LOIZAGA (Paraguay), intervenant sur la question des ressources naturelles partagées, a souhaité que la CDI emploie l’expression « eaux souterraines transfrontières », pour éviter la référence aux notions de patrimoine commun de l’humanité ou de bien commun. Il a expliqué que, le territoire de son pays, ainsi que celui de l’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay, sont traversés par le système aquifère Guarani, l’une des plus grandes réserves souterraines d’eau au monde. Cette ressource appartient souverainement aux États sur lesquels se trouve cette nappe aquifère, a-t-il affirmé. Le Paraguay réaffirme que les eaux souterraines qui relèvent de son territoire lui appartiennent, a insisté le représentant. Il a ajouté que les pays membres du MERCOSUR ont créé un groupe de haut niveau sur l’aquifère Guarani, pour garantir leurs droits sur ce système aquifère, et pour prévoir aussi certains principes de gestion. M. Loizaga a enfin souhaité que la CDI prenne en compte les informations que le Paraguay continuera à lui fournir sur l’aquifère Guarani.
Mme JENNIFER McIVER (Nouvelle-Zélande) a estimé que la question de la conduite des organes ou agents mis à la disposition d’une organisation internationale est complexe, notamment quand on songe à une mise à disposition dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. L’approche de la CDI inscrite dans le cadre de l’article 5 du projet de texte relatif à la notion de contrôle effectif est factuelle et c’est sans doute la voie à suivre, a estimé la représentante.
Mme McIver s’est dit préoccupée par le fait que l’état de nécessité puisse être invoqué par un État pour écarter l’illicéité d’un acte au regard du droit international, comme cela est prévu à l’article 25 du projet de texte sur la responsabilité des États. Elle a également exprimé sa préoccupation sur la possibilité pour une organisation internationale d’invoquer l’état de nécessité aux mêmes fins car, a-t-elle ajouté, on voit mal ce qui pourrait constituer les « intérêts essentiels » qu’une organisation internationale pourrait vouloir protéger contre un « péril grave et imminent » en invoquant cet état de nécessité. La représentante a par ailleurs estimé que, lorsqu’un État commet une violation du droit international en agissant sur la base d’une décision de l’organisation dont il est membre, l’un comme l’autre devraient être tenus responsables, et cela même quand le comportement de l’État est une simple autorité et non requis par l’organisation internationale.
En tant que pays insulaire, la Nouvelle-Zélande n’a pas de système aquifère transfrontière, mais accorde un intérêt à l’étude en cours à la Commission du droit international, a indiqué la représentante. Sa délégation appuie l’approche du Rapporteur spécial visant à s’assurer que son travail soit étayé par des expertises scientifiques et techniques. La représentante a estimé que la plupart des systèmes aquifères souterrains ont des caractéristiques très différentes des eaux de surface couvertes par la Convention de 1997. Du fait de leur très faible mouvement, il est en particulier difficile de les nettoyer en cas de pollution,
a-t-elle observé, ajoutant que la notion de compensation efficace pourrait être inefficace. Elle a donc suggéré que, si nombre de principes et règles de la Convention de 1997 sont transposables aux aquifères, on mette l’accent sur la protection des nappes souterraines et de la lutte contre leur pollution. La représentante a proposé notamment que les aquifères transfrontières non renouvelable soient exploitées de manière compatible avec la capacité des États concernés à assurer des sources alternatives d’alimentation en eau pour leur population.
Mme JUNG-AE HUH (République de Corée) a traité de la question de la responsabilité des organisations internationales, estimant que la définition des « règles de l’organisation » énoncée au paragraphe 4 du projet d’article 4 n’est pas claire. À ses yeux, les décisions, les résolutions et les autres actes de l’organisation doivent être compris dans le concept de la pratique établie de l’organisation. S’agissant du projet d’article 5, la représentante a considéré que le critère de « contrôle effectif » doit refléter le développement de la jurisprudence récente en la matière, citant l’affaire Nicaragua dans laquelle la CIJ a souligné que l’État qui donne des instructions spécifiques à un agent doit le faire dans le cadre d’un contrôle effectif pour que les actes de ce dernier soient attribuables à l’État. En revanche, a-t-elle poursuivi, le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie, dans l’affaire Tadic, a donné plus d’importance à la pratique des États qui détermine la variation du critère. C’est pour cela qu’elle a demandé à la CDI d’étudier plus avant cette jurisprudence. Mme Huh a enfin proposé la rédaction de deux dispositions distinctes dans le projet d’article 5, fondées sur le palier du contrôle par une organisation internationale sur l’organe d’un État: la première inclurait l’attribution des actes d’un organe de l’État à une organisation internationale; la deuxième devrait inclure l’attribution des actes d’un organe de l’État à cet État.
Mme YELLA ZANELLI (Pérou) a abordé le thème des ressources naturelles partagées, appréciant que l’expression « eaux souterraines transfrontières » ait été choisie, afin de ne pas entraîner de confusion avec les notions de patrimoine commun de l’humanité ou de bien commun. Elle a proposé qu’on indique dans le texte des projets d’articles, peut-être dans un préambule, que les eaux souterraines appartiennent exclusivement à l’État sur le territoire duquel elles se trouvent, et relèvent de sa souveraineté. Sur la forme définitive à donner aux projets, la représentante a préféré qu’on adopte des directives qui seraient considérées par les États dans l’élaboration de leur réglementation ou des accords bilatéraux et régionaux. Quant aux nouveaux sujets que la CDI se propose d’étudier, le Pérou soutient l’idée d’inclure le thème de l’« obligation d’extrader » dans son programme de travail, a indiqué Mme Zanelli.
Mme MARIA V. ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) s’est félicitée de l’approche retenue concernant la responsabilité des organisations internationales, selon laquelle le comportement d’une organisation internationale est considéré comme le comportement d’un de ses organes ou agents, et a estimé qu’il faut absolument inclure le critère du contrôle effectif de l’organisation internationale sur les agents ou organes mis à sa disposition.
La représentante a estimé que les « règles de l’organisation » font partie du droit international et qu’en conséquence, une violation par l’organisation de ses obligations à l’encontre de ses États membres, voire dans certains cas à l’encontre de ses agents, est susceptible de provoquer la responsabilité internationale de l’organisation. Elle a estimé qu’on ne peut pas a priori exclure la possibilité pour une organisation internationale d’invoquer l’état de nécessité pour exclure l’illicéité d’un acte normalement contraire au droit international. Enfin, la question de savoir à qui doit être attribué le comportement internationalement illicite d’un État membre d’une organisation agissant à la demande de celle-ci dépend des circonstances, a estimé la représentante. Si l’État agit en application d’une décision dont l’organisation est consciente qu’elle est illicite, on doit pouvoir parler de responsabilité partagée. En revanche, la situation sera différente si la demande de l’organisation ne contient en elle-même aucun appel à une conduite illicite de la part des États et si celle-ci résulte de la manière dont l’État applique la demande de l’organisation.
Mme MERCEDES DE ARMAS GARCÍA (Cuba) a jugé utile les travaux de la CDI qui permettent de codifier la pratique en matière de responsabilité des organisations internationales. La démarche adoptée, analogue à celle qui a été suivie pour l’élaboration des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, est appropriée, a-t-elle estimé. Sur le projet d’article 2, elle a jugé que la Commission s’écarte de la définition du terme « organisation internationale » contenue dans l’article 1er de la Convention de Vienne de 1986. De l’avis de sa délégation, les projets d’articles devraient reprendre la démarche de cette Convention, qui distingue entre État et organisations internationales et entre les organisations internationales, en particulier intergouvernementales. Par ailleurs, pour la représentante, le terme « entités autres » n’est pas adéquat, en ce qu’il semble concerner les organes qui ne sont pas des organisations internationales. La représentante a aussi abordé le paragraphe 25 du projet, qui pose trois questions aux délégations. Elle a notamment estimé qu’en principe une organisation internationale doit pouvoir invoquer l’état de nécessité, mais uniquement dans les cas où un acte illicite serait l’unique façon de préserver un intérêt essentiel face à un danger grave et imminent. Il faut maintenir un équilibre approprié pour empêcher les recours à cette notion pour justifier d’autres actes illicites des organisations internationales, a-t-elle prévenu. Mme de Armas s’est déclarée favorable au choix de nouveaux thèmes des futurs travaux de la CDI.
M. ALEJANDRO RODILES BRETÓN (Mexique) a souscrit à la démarche du Rapporteur spécial tendant à se fonder sur les articles concernant la responsabilité des États pour traiter de la responsabilité des organisations internationales. Il a estimé que le critère du contrôle effectif de l’organisation sur un agent ou un organe mis à sa disposition est le plus pertinent pour imputer éventuellement la responsabilité d’actes illicites de ceux-ci à l’organisation. Le représentant a estimé que la violation des obligations à l’encontre de ses États membres ou ses agents devrait déclencher la responsabilité internationale de l’organisation dans la mesure où ces obligations existent en vertu du droit international et indépendamment des règles internes de l’organisation. Il a estimé que la notion d’état de nécessité doit être applicable aussi aux organisations internationales mais qu’elle ne peut l’être que dans des circonstances encore plus exceptionnelles que pour un État. La notion d’intérêts essentiels ne peut avoir la même importance pour une organisation internationale et pour un État, a-t-il estimé.
Le représentant a affirmé que les travaux sur les ressources naturelles partagées viendront combler d’importantes lacunes juridiques. Il a estimé qu’il faudra dans un premier temps se consacrer aux eaux souterraines transfrontières avant de traiter ultérieurement d’autres ressources telles que le pétrole ou le gaz. Selon lui, les dispositions de la Convention de 1997 sur les eaux de surface peuvent servir de base pour l’étude sur les eaux souterraines. Toutefois, il faudra ensuite mettre au point un régime spécifique applicable aux aquifères transfrontières non renouvelables ou qui se renouvellent lentement, a-t-il ajouté. Il a estimé qu’on devrait parler « d’exploitation équitable » plutôt que de « partage équitable » comme le prévoit la Convention de 1997. Il a également souhaité des références aux principes d’utilisation viable ou durable de la ressource et a souhaité qu’on s’intéresse au type de conséquences découlant d’une violation de l’obligation de ne pas causer de dommages.
M. MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a relevé la jurisprudence limitée qui existe sur la responsabilité des organisations internationales, contrairement à la responsabilité des États. À ses yeux, le travail de la CDI sur ce sujet est donc particulièrement important, en ce qu’il aidera les États, les organisations internationales et les organes judiciaires ou d’arbitrage à traiter de cette question. Le choix de codifier les règles coutumières existantes et des principes judiciaires sur la question, tout en développant des nouvelles règles, est aussi apprécié par sa délégation, a-t-il ajouté. Il a toutefois exprimé des réserves quand il s’agit de considérer les règles internes non publiées des organisations internationales comme « règles existantes ou pratiques établies ». Le représentant a considéré que l’imputation d’un certain comportement à une organisation internationale n’exclut pas que ce comportement puisse être imputé à une autre entité. Il a souhaité qu’une disposition en ce sens soit ajoutée. Sur les projets d’articles 4 et 5, il s’est rallié à l’idée des « tests factuels ». Le test factuel ne doit pas s’appliquer seulement au comportement mais aussi à la question de savoir si l’agent ou l’organe a été mis à la disposition de l’organisation internationale, a expliqué M. Hmoud. Enfin, il a relevé que ni le projet d’article 5 ni le commentaire le concernant n’apporte de réponse à la question de l’attribution, dans une situation de commandement conjoint d’opération, et a souhaité que la deuxième lecture y remédie. Sur le projet d’article 7, il a considéré qu’il contredit le test factuel de l’imputation prévu aux projets d’articles.
Mme MIRNA MASYRUBI (Venezuela), intervenant sur la question des ressources naturelles partagées, a fait sienne l’avis du Rapporteur spécial d’utiliser plutôt l’expression « eaux souterraines transfrontières ». Elle a observé que l’expression « ressources naturelles partagées » est large, générique et imprécise, ce qui peut entraîner des conflits. La représentante a réitéré la position de sa délégation dans les négociations internationales, qui est de ne pas intégrer l’expression ressources naturelles partagées dans les instruments juridiques qui ont été négociés et adoptés par la communauté internationale.
Mme KAREN MOSOTI ODABA (Kenya) a félicité le Rapporteur spécial sur les ressources naturelles partagées d’avoir limité l’examen de ce thème à la question des eaux souterraines transfrontières. Elle a rappelé que la Convention de 1997 sur l’utilisation des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation établit des principes fondamentaux qui peuvent guider la Commission dans ses travaux, regrettant toutefois que cet instrument fait à ce jour de rares ratifications. Elle a souhaité qu’on accorde davantage d’attention aux aquifères captifs et à leur caractère non renouvelable. Elle s’est cependant demandé s’il n’était pas préférable de leur imposer un régime particulier plus comparable à celui adapté pour des ressources partagées non renouvelables comme le gaz ou le pétrole. Elle a souhaité que le texte final de l’étude prenne la forme d’un instrument-cadre utilisable par les États lors de négociations bilatérales ou régionales.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a abordé la question de la responsabilité des organisations internationales, en se félicitant de la définition large d’« agent d’une organisation internationale » pour l’attribution de comportement. Cette définition est inspirée par l’avis consultatif de la CIJ sur la réparation des dommages subis dans le service des Nations Unies, en mettant l’accent sur le fait que c’est une personne par laquelle l’organisation agit. La représentante a aussi apprécié l’inclusion d’« autres actes de l’organisation internationale » de sa pratique établie, dans le projet d’articles 4 (4), en tant que « règles de l’organisation ». Le critère de contrôle effectif prévu au projet d’article 5 est aussi satisfaisant, a-t-elle ajouté. Elle a précisé que c’est un critère qu’on retrouve dans la pratique des Nations Unies, notamment dans les opérations de maintien de la paix. Pour ce qui est du comportement ultra vires d’organe ou d’agent d’une organisation internationale, elle a noté que la Commission a souligné que le projet d’article 6 vise les comportements qui vont au-delà de la compétence de l’organisation et qui excèdent l’autorité de l’organe ou de l’agent. La représentante a adhéré au contenu du projet d’article 7 qui attribue le comportement fondé sur la reconnaissance et l’adoption d’un certain comportement par une organisation internationale. De l’avis de sa délégation, lorsqu’un État agit pour mettre en œuvre une mesure qu’il doit prendre conformément aux règles de l’organisation, il est concevable qu’il soit responsable en cas de violation du droit international. Elle a ajouté que, pour déclarer l’organisation responsable en droit international, il faut établir un lien direct entre l’organisation elle-même et la violation de l’obligation. Cette question ne devrait pas être traitée dans le projet de texte élaboré par la CDI, a-t-elle estimé.
Présentation des chapitres VIII (Actes unilatéraux des États), IX, (Réserves aux traités) et X (fragmentation du droit international)
Présentant les Chapitres VIII, IX et X du rapport de la CDI portant respectivement sur les actes unilatéraux des États, les réserves aux traités et la fragmentation du droit international, le Président de la CDI, M. VICTOR MELESCANU (Roumanie), a notamment relevé que le manque d’informations sur la pratique des États constitue une difficulté majeure sur le thème des actes unilatéraux des États. Rappelant que l’étude sera axée sur l’évolution ou la vie de ces actes, M. Melescanu a donc invité les gouvernements à fournir des commentaires sur leur pratique. Concernant les réserves aux traités, il a rappelé que la CDI avait adopté cinq projets de directives, relatifs à l’aggravation de la portée d’une réserve, à la modification et au retrait des déclarations interprétatives. Là encore, M. Melescanu a sollicité les commentaires et observations des gouvernements, notamment en matière de terminologie.
S’agissant de la fragmentation du droit international, M. Melescanu a indiqué que le Groupe de travail établi en 2002 a prévu de soumettre en 2006 à la CDI un document complet sur les résultats de ses recherches concernant la fonction et le champ de la lex specialis. Il a présenté l’état des débats au sein de la CDI, notamment sur l’existence, rejetée, d’une sorte de hiérarchie informelle des normes en droit international, ou encore sur les « régimes autonomes ». M. Melescanu a rappelé que l’approche générale du Groupe de travail insistait sur l’unité du système juridique international et sur l’importance du droit général.
Déclarations sur les chapitres VIII, IX et X
Mme DANIELA SCHLEGEL (Allemagne) a reconnu que la grande variété des actes unilatéraux et la complexité de la question rendaient difficile la formulation de lignes directrices claires par la CDI. Elle a toutefois jugé absolument nécessaire de faire une distinction claire entre les actes qui constituent une expression de volonté ou de consentement et ceux qui portent des effets juridiques. Il a souhaité que la CDI adopte une certaine souplesse pour l’examen des actes unilatéraux de nature politique. Elle a reconnu que la définition actuelle ne permet pas d’établir une distinction claire entre les actes purement politiques et ceux qui portent des effets juridiques. Elle a salué les efforts du Rapporteur spécial pour établir trois catégories d’actes unilatéraux, à savoir ceux par lesquels un État assume une obligation, ceux par lesquels il renonce à un droit, et ceux par lesquels il réaffirme un droit ou une prétention. Une analyse cohérente de cas spécifiques contribuerait utilement à une telle classification, a-t-elle estimé en suggérant qu’on examine le contexte dans lequel l’acte unilatéral est pris, et en se félicitant de la liste établie par le groupe de travail.
Mme Schlegel a rappelé que son pays attache une grande importance à la question des réserves aux traités. Une fois achevé, le travail de la CDI constituera une contribution majeure au développement progressif du droit international et un instrument utile pour les praticiens, a-t-elle ajouté. La question la plus importante pour l’Allemagne est de savoir, face à une réserve, s’il faut réagir ou faire une objection, a déclaré la représentante. L’accord qui se dégage sur les définitions pourrait servir de base pour l’examen de questions plus substantielles. Les questions prioritaires, en raison de leurs conséquences possibles, traitent des conséquences possibles des réserves et objections, et en particulier des objections aux réserves contraires aux exceptions prévues à l’article 19 a), b) ou c) de la Convention de Vienne. La représentante a notamment rappelé que la Convention de Vienne laisse ouverte la question des conséquences juridiques d’une réserve lorsqu’un autre État partie la juge incompatible avec l’objet et les buts de la Convention concernée. Elle a jugé cette question particulièrement importante et a rappelé que l’Allemagne, comme de nombreux États, font des objections aux réserves à un traité justement lorsqu’elles estiment ces réserves incompatibles avec l’objet même du traité.
La représentante a constaté que les États acceptent de plus en plus de soumettre leurs relations bilatérales et multilatérales à un cadre juridique international. Cela, a-t-elle constaté, a eu l’effet positif de contribuer au renforcement du droit international, mais a aussi abouti à des conflits de normes et de régimes juridiques de plus en plus nombreux. Les États ont donc besoin de lignes directrices concrètes qui leur garantissent la stabilité et la certitude juridique afin de traiter les conflits résultant de la fragmentation du droit international. S’il n’est pas possible d’envisager des normes, une étude substantielle de la question combinée avec des propositions sur la manière de traiter les conflits de normes sera très utile, a estimé Mme Schlegel. Elle a donc suggéré que l’étude tienne compte du facteur temps et fixe notamment une date à laquelle on peut appliquer la lex posterioris. Est-ce que cette application doit se faire à la date de ratification ou à celle de l’entrée en vigueur de la Convention? s’est-elle interrogée. Tout en souscrivant à la position du Groupe de travail selon laquelle on ne peut fixer de règles formelles pour l’application de la lex specialis, la représentante a toutefois souhaité que la question soit étudiée plus avant, notamment en ce qui concerne les traités de droit commercial international et de droit international de l’environnement.
M. JIAN GUAN (Chine) a considéré que les actes unilatéraux des États sont une forme stricto sensu de droit international. Il a noté que le rapport de la Commission du droit international (CDI) énumère de nombreux faits sans traiter de la question du critère de validité des engagements des États. M. Jian Guan a approuvé l’idée de création d’un groupe de travail pour étudier un certain nombre de cas. Les actes unilatéraux des États peuvent prendre différentes formes,
a-t-il poursuivi. Il a noté à cet égard les points de vue divergents, notamment en ce qui concerne la question de savoir si les actes politiques unilatéraux des États devraient également être traités. Il est difficile d’établir une différence entre actes politiques et juridiques, a-t-il jugé. S’agissant des auteurs d’actes unilatéraux des États, il a considéré que, pour empêcher les actes unilatéraux des États non autorisés, il devrait y avoir des limites sur la qualité de ceux qui peuvent prendre des actes au nom des États. Le sujet est lié au droit des traités, a fait remarquer le représentant, et devrait donc s’inspirer de la Convention de Vienne. M. Jian Guan a par ailleurs reproché au Rapporteur spécial de citer des actes d’entités non étatiques comme des actes d’États, qui, selon lui, ne peuvent pas être assimilés à des actes unilatéraux des États.
Sur la question des réserves aux traités, la définition des objections aux réserves ne devrait pas préjuger de leurs effets juridiques, a considéré le représentant de la Chine. Il a aussi estimé que les objections qui n’ont pas d’effet en vertu de l’article 21 de la Convention de Vienne sur le droit des traités devraient toutefois être reflétées dans la définition. Il est inacceptable pour un État présentant une objection à une réserve de réclamer unilatéralement la pleine application du traité entre l’État réservataire et
lui-même, a estimé le représentant.
M. DON McRAE (Canada) a relevé les difficultés qui se posent dans les questions relatives à la fragmentation du droit international, comme le principe de la lex specialis et les régimes autonomes. Ce sont ces derniers, a-t-il estimé, qui posent les plus grands risques de fragmentation. Il y a lieu de se demander d’abord en quoi un régime autonome est « autonome », a-t-il poursuivi. Le droit relatif aux droits de l’homme et le droit de la mer ne sont autonomes, selon lui, que dans un sens très général car, si ces régimes sont dotés de principes et, d’institutions et une téléologie qui leur sont propres, force est de constater que leurs règles sont aussi invoquées plus largement dans différentes instances. Le représentant a attiré l’attention sur une catégorie très différente de régimes autonomes, pour lesquels il existe aussi des principes, des institutions et une téléologie, mais qui sont plus fermés, comme le « droit de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) ». Il a poursuivi ses observations en s’interrogeant sur le rôle précis du droit international général dans le régime juridique autonome de l’OMC. Le droit relatif aux droits de l’homme s’inscrit dans la tradition de droit public international et ses liens avec le droit international général sont nombreux, a relevé M. McRae. Il a ajouté que le droit de l’OMC est, quant à lui, un régime fondé sur un traité qui fonctionne indépendamment du droit international public.
En ce qui concerne les actes unilatéraux des États, M. McRae s’est demandé si la définition qui leur est donnée rend bien compte de la pratique des États dont le Rapporteur spécial a fait la synthèse. Il a aussi émis des doutes sur le fait que le concept de promesse permette d’établir différentes catégories des actes unilatéraux des États présentés dans le rapport. La distinction entre actes juridiques et actes politiques que font certains États ne semble pas nécessaire, a-t-il estimé. Aussi, a-t-il proposé de créer des catégories d’actes sur la base de leurs effets juridiques de la façon suivante: les actes qui contribuent au développement des règles de droit international coutumier; les actes qui créent d’autres obligations juridiques spécifiques; les actes qui produisent d’autres effets juridiques en vertu du droit international. Le Canada estime qu’il est trop tôt pour rédiger des projets d’articles, a considéré son représentant, en suggérant que la Commission approfondisse sa réflexion sur le sujet.
M. KONRAD GEORG BÜHLER (Autriche) a tenu à rectifier quelques erreurs dans l’interprétation de certains de ses actes unilatéraux cités par le Rapporteur spécial dans son rapport sur la question. Concernant les réserves aux traités, le représentant a rappelé qu’il est incompatible avec la règle pacta sunt servanda qu’un État puisse à tout moment remettre en cause unilatéralement le champ de son engagement international par le biais de réserves tardives ou en modifiant la portée de celles-ci. Concernant les réserves incompatibles avec l’article 19 de la Convention de Vienne, l’Autriche, a-t-il rappelé, a toujours suivi la même position: en devenant partie à un traité, un État doit en respecter les obligations fondamentales qui reflètent les buts et objectifs de l’instrument. Les réserves incompatibles avec un traité doivent donc être jugées non recevables.
Quand un État fait des réserves à la Convention contre la torture de 1988, ces réserves sont incompatibles et donc irrecevables, a estimé le représentant. Tout autre position irait à l’encontre de l’essence même du traité, a-t-il poursuivi. La solution serait une objection qualifiée à la réserve avant l’entrée en vigueur du traité, a remarqué le représentant qui a toutefois ajouté qu’elle ne pourrait intervenir que dans certains traités, et en aucun cas dans le cas de traités créant des obligations erga omnes. Certes, il n’est pas facile de définir
dès le début si une réserve est incompatible avec un traité, a concédé M. Bühler, tout en estimant qu’un dialogue devrait alors s’engager entre l’État auteur de la réserve et ceux qui en contestent la validité.
Félicitant le Groupe de travail sur la fragmentation du droit international pour son analyse, le représentant a fait remarquer que dès le début, il était clair que ce travail ne devait pas aboutir à un processus de codification. Il a jugé malheureuse l’expression « régime autonome » si celle-ci devait aboutir à l’isolement d’un régime juridique spécial du reste du droit international mais a apporté son plein soutien au Groupe de travail sur l’orientation de ses recherches.
Mme PATRÍCIA GALVÃO TELES (Portugal) s’est déclaré convaincue que les actes unilatéraux des États jouent un rôle très divers et ont des effets multiples. Ces actes répondent aux besoins des États et de la communauté internationale, a-t-elle estimé, en rappelant que le Portugal avait insisté l’an dernier sur la nécessité de se concentrer sur la pratique des États. Elle s’est réjouie à cet égard de l’adoption d’un tableau analytique. Concernant les réserves aux traités, elle a estimé que peu de progrès ont été faits par rapport à l’an denier, tout en prenant note des cinq projets de directives adoptés cette année. Elle a estimé que les travaux devraient être achevés au plus tôt et présentés comme un ensemble de directives. Le Portugal continue d’avoir des doutes sur la nécessité de définir les réserves ou les objections. Les définitions de la Convention de Vienne suffisent à cet effet, a-t-elle estimé. La représentante s’est demandé s’il y avait un intérêt à qualifier les réserves de valides ou non. Là encore, la Convention de Vienne suffit et il serait souhaitable de s’interroger sur la portée des réserves, a-t-elle estimé.
La représentante s’est félicitée de la manière novatrice dont la CDI a procédé à l’examen de la question de la fragmentation du Droit international. Même si la CDI a pour rôle fondamental d’adopter des conventions, elle peut et doit aussi réfléchir sur de tels sujets, susceptibles de contribuer au développement progressif du droit international, a-t-elle estimé. Elle a félicité la CDI d’avoir inscrit deux nouveaux sujets à son programme de travail, à savoir l’expulsion des étrangers et les effets des conflits sur le droit des traités. Le Portugal, a-t-elle indiqué, préfère toutefois attendre les premiers exposés des Rapporteurs spéciaux pour formuler ses premiers commentaires sur ces sujets. Dans le cadre de ses travaux futurs, la CDI devrait s’interroger sur les conditions dans lesquelles la communauté internationale et les États ont l’obligation de protéger en cas de violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a suggéré la représentante.
M. ERIC A. ROSAND (États-Unis) a estimé que les divergences de vues sur les actes unilatéraux des États sont justifiées, notamment sur la façon dont ces actes doivent être classés et analysés. Il s’est félicité de la décision de confier les questions relatives aux actes unilatéraux des États à un groupe de travail qui les examinera de manière approfondie, pour essayer d’établir des critères communs. Il s’est toutefois interrogé sur l’utilité de codifier cette matière. En ce qui concerne les réserves aux traités, il a fait ses remarques sur la terminologie à utiliser pour les situations dans lesquelles une réserve est formulée, qui, selon lui, diffère des critères établis par la Convention de Vienne sur le droit des traités. La notion de validité nous convient pour les réserves aux traités, a-t-il indiqué, notant que ce concept est déjà utilisé dans d’autres articles et ne semble pas présenter les inconvénients de termes comme licéité ou admissibilité.
S’agissant de la fragmentation du droit international, il a déclaré attendre les résultats des autres études en cours. Le sujet est intéressant mais ne se prête pas, à son avis, à la forme d’un projet d’articles ou de directives.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a salué les efforts du Rapporteur spécial dans la recherche d’une définition acceptable du terme « objection » en matière de réserves aux traités. Elle a noté qu’une nouvelle formulation du but des objections, qui est de « modifier les effets attendus d’une réserve », ne provient pas tellement de la jurisprudence actuelle mais en réalité d’un seul exemple de la pratique. C’est pourquoi, elle a jugé difficile d’accepter cette nouvelle proposition et a suggéré de retenir comme solution intérimaire la définition alternative donnée par le Rapporteur spécial dans son huitième rapport. Mme Telalian est en faveur d’une définition large pour couvrir de nombreux cas, ce qui correspond bien à la pratique actuelle. À ses yeux, la définition doit comprendre l’intention d’un État objectant de considérer que le traité a force obligatoire à l’égard de l’État réservataire, comme dans le cas des traités sur les droits de l’homme. La représentante a invité la CDI à examiner cette question ainsi que celle de l’application des règles de la Convention de Vienne sur l’acceptation d’une objection à de telles réserves. Quant à la qualité pour formuler une objection, elle a considéré que seuls les États signataires d’un traité doivent pourvoir le faire. Ces États devraient réitérer leur objection au moment de la ratification, a-t-elle ajouté. Enfin, la représentante a exprimé sa préoccupation quant à l’hypothèse d’élargir le champ d’application des réserves comme prévu dans les directives adoptées cette année par la Commission.
M. JERZY MAKAROWSKI (Suède), au nom des pays nordiques, a mentionné le document de travail établi par Mme Hampson, de la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme de la Commission des droits de l’homme sur les réserves aux traités relatifs aux droits de l’homme. Dans ce document, a-t-il rappelé, l’auteur conclut qu’en cas de formulation de réserves incompatibles avec l’objet du traité, l’auteur de la réserve doit, soit ne pas devenir partie au traité, soit devenir partie sans bénéficier des conséquences de sa réserve. Le représentant a conseillé aux délégations de prendre connaissance de ce document et a estimé que les questions qui y sont mentionnées pourraient servir de base pour la recommandation du Rapporteur spécial. Il s’est en outre félicité des contacts pris entre la CDI, le Rapporteur spécial et la Sous-Commission. Pour les pays nordiques, la question des réserves incompatibles avec l’objet et le but d’un traité est l’une des plus intéressantes au plan juridique, a souligné le représentant, qui a demandé au Rapporteur spécial de l’examiner en priorité.
M. Makarowski a apporté un ferme soutien à la nouvelle définition des objections aux réserves présentées par le Rapporteur spécial dans son neuvième rapport. Il a toutefois suggéré d’y introduire un peu de souplesse en prenant en compte la règle pertinente de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Mme BRIGITTE COLLET (France) a signalé que le projet de directive 2.6.2 sur l’objection à la formulation ou à l’aggravation tardive d’une réserve pourrait paraître redondant, par rapport aux projets de directives sur la formulation tardive ou l’aggravation de la portée d’une réserve, qui précisent les effets de l’objection. Cependant, a-t-elle noté, il présente l’avantage de lever une ambiguïté potentielle entre les deux acceptions du terme « objection » utilisées par le Guide de la pratique et éviter ainsi les risques de confusion entre les deux types d’objections aux effets distincts (objection à la formulation ou aggravation tardive, objection à une réserve). S’agissant de la définition de l’objection aux réserves figurant au projet 2.6.1, la représentante a considéré que la définition élargie n’est ni satisfaisante, ni neutre. À son avis, le problème en cause est très différent selon qu’il s’agit de la définition de la réserve ou de la définition de l’objection. Dans le cas de l’objection, c’est l’effet recherché par celle-ci qui peut être de nature à entraîner son invalidité, a-t-elle observé.
La représentante a aussi abordé l’objection dite « à effet super maximum », par laquelle l’État auteur de l’objection entend paralyser les effets de la réserve en considérant que le traité doit s’appliquer dans son intégralité dans ses relations avec l’auteur de la réserve. Aux yeux de Mme Collet, il ne fait aucun doute qu’une telle objection ne saurait avoir un tel effet sous peine de remettre en cause le principe cardinal du consensualisme qui anime le droit des traités. De l’avis de sa délégation, il est donc préférable que la définition ne suggère pas qu’une objection peut avoir un effet « super maximum ». Elle estime en effet qu’un compromis entre une définition extensive des objections aux réserves et une définition stricte pourrait résider dans une définition qui caractérise l’objection comme réaction visant à rendre inopposable les effets de la réserve dans les relations entre l’État auteur de l’objection et l’État auteur de la réserve. Pour conclure, Mme Collet a souhaité que la CDI distingue clairement la validité de l’opposabilité pour qualifier les réserves formulées en contravention avec l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Elle a également suggéré que les termes « licéité » ou « illicéité » soient évités dans la mesure où ils sont rattachés à l’institution de la responsabilité internationale et non à la formulation des actes juridiques et risqueraient donc d’engendrer des confusions.
Mme CONCEPCIÓN ESCOBAR HERNÁNDEZ (Espagne) a considéré essentielle la question examinée dans le cadre des réserves aux traités, qui a trait aux effets des réserves et qui est étroitement liée à l’institution des objections. Elle a jugé positive la méthode choisie de séparer le concept de l’objection de ses effets. Cependant, a-t-elle observé, la question centrale des effets des réserves aux traités en relation avec les objections reste ouverte. À cet égard, elle a indiqué qu’il n’est pas possible d’établir un parallèle absolu entre la nature des réserves et la nature des objections. Sur la question relative à la qualification des réserves qui ne peuvent pas être formulées conformément à l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, Mme Escobar Hernández a indiqué que sa délégation rejette l’idée d’utiliser les termes « admissible » et « opposable ». Le premier a un sens purement procédural qui ne convient pas à la situation, a-t-elle estimé, préférant le terme valide. Quant aux actes unilatéraux des États, la délégation espagnole a apprécié la collaboration intensive et désintéressée entre la CDI et les professeurs de droit international public de l’université de Malaga. Concernant la question de la fragmentation du droit international, la représentante a suggéré que la CDI étudie le caractère systémique du droit international contemporain.
M. ANDRZEJ MAKAREWICZ (Pologne) a apprécié les progrès accomplis dans les travaux sur le thème des réserves aux traités. Concernant la définition des objections aux réserves, il a fait remarquer que l’objection la plus fréquente était celle qui produisait des effets minimum et, de ce fait, elle ne devait pas être exclue de la définition. Par ailleurs, du fait du caractère de plus en plus détaillé du projet de directive, il serait plus approprié d’inclure des éléments supplémentaires, comme le moment où les objections doivent ou peuvent être formulées. S’agissant de la question de la « validité » soulevée par la Commission, il a partagé l’avis de celle-ci selon lequel l’application de concepts tels que validité et licéité à la formulation des réserves comporte certains inconvénients. Il a ainsi suggéré d’ajouter les expressions « efficacité » ou « efficacité juridique », en expliquant que des réserves inefficaces seraient exclues de la procédure ordinaire concernant les réserves aux traités.
En ce qui concerne le thème de la fragmentation du droit international, le représentant a exhorté la CDI à traiter de la question avec beaucoup de précaution, en abordant tant les aspects positifs que les aspects négatifs. Il a averti que la fragmentation peut aboutir à un conflit de jurisprudence et mettre en danger la stabilité et la prévisibilité des relations internationales.
M. ROBERTO LAVALLE-VALDÉS (Guatemala) s’est dit préoccupé par les faibles progrès réalisés dans le cadre des travaux sur les actes unilatéraux des États. Malgré ses efforts, la CDI n’a pas pu adopter la moindre définition. La seule façon de progresser serait, selon le représentant, de renverser la conception actuelle en la remplaçant par une démarche concrète et minimaliste consistant à se passer de la définition d’un acte unilatéral et à se concentrer sur quatre catégories concrètes d’actes unilatéraux: la promesse, la protestation, la reconnaissance et la renonciation.
M. SYDNEY LEON ROMEIRO (Brésil) a exprimé son intérêt pour la question de l’admissibilité des réserves aux traités. Il faut veiller à ce qu’une réserve ne porte pas atteinte à l’efficacité d’un traité, a-t-il averti. En ce qui concerne la fragmentation du droit international, il a estimé le sujet très pertinent, compte tenu de l’incidence de la multiplication des régimes juridiques internationaux sur la cohérence du droit international général. Le représentant a soutenu l’étude de questions comme la hiérarchie des normes de droit international et la lex specialis. Ces questions pourraient être traitées sous forme de projets d’articles, a-t-il suggéré.
M. IVO M. BRAGUGLIA (Italie) a souhaité que la question des actes unilatéraux des États consiste désormais en une analyse des événements qui se prêtent davantage à offrir quelques éléments utiles pour les États. La CDI devrait continuer dans la voie actuelle, a ajouté le représentant qui a souhaité qu’elle soit l’an prochain en mesure de parvenir à de premiers résultats sur un sujet dont, a-t-il estimé, l’indiscutable complexité ne semble pas tout à fait justifier le temps pris jusqu’ici pour son examen.
Concernant les réserves aux traités, le représentant a souhaité que la CDI aborde finalement la partie la plus importante de la question, à savoir le régime des réserves qui ne sont pas permises et des objections à ces réserves. Ce problème, qui, a-t-il rappelé, n’est pas traité par la Convention de Vienne de manière claire, n’a jusqu’alors été abordé que dans le premier rapport du Rapporteur spécial, a-t-il constaté. Il a souhaité que la CDI adopte une définition large de l’objection aux réserves, de manière à y inclure toutes les réactions critiques qu’un État pourrait formuler à une réserve.
M. Braguglia a estimé que l’analyse réalisée par le Groupe de travail sur la fragmentation du droit international concernant la lex specialis et les régimes autonomes est importante non seulement du point de vue théorique mais aussi pour éclairer certaines questions qui se posent dans la pratique. L’approche suivie est acceptable, a-t-il ajouté, tout en estimant que certains aspects pourraient faire l’objet de mises au point, comme l’hypothèse de l’effondrement d’un régime autonome, sur laquelle il a demandé quelques éclaircissements. Le représentant a demandé à la CDI de garder à l’esprit que son travail sur le sujet doit avoir des retombées facilement accessibles aux États, et lui a demandé de soumettre quelques propositions concrètes qui puissent contribuer à orienter la pratique.
M. MOSTAFA DOLATYAR (République islamique d’Iran) a félicité le Rapporteur spécial pour la souplesse et son efficacité à prendre en compte les commentaires sur la définition des réserves aux traités, formulés notamment à la Sixième Commission. Le Rapporteur spécial a montré comment la CDI et la Sixième Commission pouvaient coopérer et débattre des sujets à l’ordre du jour, a estimé le représentant. Il a ajouté que l’objection devait être définie avant que la CDI puisse discuter de ses effets juridiques, quitte à ce que cette définition soit ensuite amendée. La définition de l’objection devrait se faire à la lumière de principes établis du droit international, y compris le principe de souveraineté des États, a précisé M. Dolatyar. Ce principe, qui est le véritable fondement du cadre consensuel des Conventions de Vienne, signifie que les États ne sont liés par une obligation d’un traité que s’ils expriment ce consentement, et qu’aucun État ne peut en lier un autre contre sa volonté, a-t-il rappelé. L’objection doit être définie à la lumière de ce principe, a-t-il ajouté.
Le représentant a donc estimé que les objections « à effet super maximum » n’ont pas de place dans le droit international. Prétendre que des objections auraient pour effet de créer une relation contraignante entre l’auteur d’une réserve et l’État objecteur concernant l’ensemble d’un traité, y compris à propos des dispositions à l’encontre desquelles la réserve est formulée, reviendrait en fait à imposer à un État des obligations sans le consentement préalable de ce dernier, a expliqué M. Dolatyar. Un tel effet modifierait le régime de Vienne concernant les réserves aux traités et ne serait pas conforme à la pratique générale des États, a-t-il affirmé.
Le représentant a estimé que la réserve d’un État et l’objection à cette réserve de la part d’un autre État créent des liens bilatéraux entre les deux. En conséquence, seules les parties à un traité peuvent formuler des objections à des réserves faites à ce traité, a-t-il affirmé. Une telle solution est également fondée sur le principe de l’équilibre nécessaire entre les droits et les obligations des parties à un traité: une entité non partie ne peut pas faire d’objection car elle n’a pas contracté d’obligation, a argumenté le représentant. Ainsi, un État seulement signataire d’un traité, qui n’est obligé que de s’abstenir de tout acte allant à l’encontre de l’objet ou du but du traité, n’est pas liée par l’ensemble des obligations du traité, a-t-il rappelé. Alors que le champ des réserves comme des objections peut varier largement. Un État signataire au traité devrait tout au plus être autorisé à émettre des objections à des réserves considérées comme contraires à l’objet et aux buts du traité, a estimé M. Dolatyar.
Mme JENNIFER McIVER (Nouvelle-Zélande) a estimé que l’examen détaillé de la fragmentation du droit international doit permettre de contribuer à une meilleure compréhension du système juridique international et que la CDI est l’organe idoine pour procéder à une telle étude. Elle s’est félicitée que la Commission ne se soit pas trop interrogée sur la forme finale de son travail, estimant que l’étude sera productive, même si elle n’aboutit pas à un texte normatif. Elle s’est dit impressionnée par la démonstration sur l’omniprésence du droit international derrière toute règle spéciale ou régime particulier, et donc sur l’impossibilité de distinguer un quelconque domaine séparé du droit international et sur le caractère inadapté de toute notion de régime autonome. La représentante en a déduit que l’émergence de régimes particuliers de traités dans des domaines spécialisés, tels que le droit international commercial, ne nuisent pas à la cohérence du système juridique international et que les règles établies par les Conventions de Vienne sur le droit des traités gardent donc toute leur pertinence pour interpréter et régler les conflits de normes. Cela montre aussi que les traités sont eux-mêmes un produit du droit international, que leur légitimité dérive de ce dernier et qu’ils doivent être interprétés dans le contexte de ce droit international général, a-t-elle ajouté.
M. SHARADA PRASAD PANDIT (Népal) a félicité la Commission du droit international pour les travaux qu’elle a accomplis, notamment la finalisation en première lecture des projets sur la protection diplomatique, d’une part, et la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, d’autre part. Il a noté la relation étroite qui existe entre les projets d’articles sur la responsabilité des États et ceux sur la protection diplomatique. En ce qui
concerne la protection diplomatique qui est prévue pour les personnes morales, il a relevé que les articles ne prévoient pas le cas des sociétés qui ont plusieurs nationalités. Sur l’épuisement des recours, il a noté que la CIJ a déjà reconnu la règle, comme préalable à toute présentation de requête internationale.
Concernant la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Prasad Pandit a considéré que les projets de principes fournissent une bonne base pour les travaux futurs de la Commission. De l’avis du représentant, le régime juridique devrait prendre en considération le développement économique sans porter atteinte aux règles de la responsabilité des États. La CDI a trouvé le bon équilibre entre l’État et l’opérateur lors d’une activité dangereuse, a-t-il poursuivi, en suivant le principe du pollueur-payeur.
Le représentant a aussi évoqué les projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales qui, selon lui, constituent une bonne base pour les travaux futurs sur la question. Le Népal estime que la responsabilité d’organisations gouvernementales et non gouvernementales devrait être exclue du champ de l’étude. S’agissant des ressources naturelles partagées, il a considéré que la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation, même si elle ne comprend pas les eaux souterraines dans son champ d’application, fournit une base utile pour à l’élaboration d’une régime pour celles-ci. M. Prasad Pandit a enfin salué les efforts de la CDI pour l’examen de la lex specialis et des régimes autonomes. Pour conclure, le représentant a évoqué le séminaire de droit international annuel qui permet aux pays en développement de former les jeunes professionnels, remerciant les pays qui y ont contribué financièrement.
Documentation
Réserves aux traités
Le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-sixième session rappelle que le thème des « réserves aux traités » est à l’examen depuis 1994. Dès l’origine, le Rapporteur spécial sur cette étude, M. Alain Pellet, a présenté celle-ci sous la forme d’un guide de la pratique des États contenant des directives parfois assorties de commentaires. Au fil des
années, la CDI a adopté à titre provisoire quelque 65 projets de directives portant sur les définitions et les procédures liées aux réserves, dont cinq en 2004.
Selon la définition proposée, la réserve est une « déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État ou par une organisation internationale à la signature, à la ratification, à l’acte de confirmation formelle, à l’acceptation ou à l’approbation d’un traité ou à l’adhésion à celui‑ci. Il y a également réserve quand un État fait une notification de succession à un traité, par laquelle cet État ou cette organisation vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État ou à cette organisation. » La réserve se distingue de la déclaration interprétative qui, elle, « vise à préciser ou à clarifier le sens ou la portée que le déclarant attribue à un traité ou à certaines de ses dispositions ».
En 2004, la CDI a examiné le neuvième rapport qui constitue, selon le Rapporteur spécial lui-même, un « rectificatif » aux dispositions du rapport précédent relatives à la définition des « objections » aux réserves, terme non clairement défini par les Conventions de Vienne de 1969 et 1986 sur le droit des traités. Aux termes des directives adoptées, une objection est « une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État ou par une organisation internationale, en réaction à une réserve à un traité formulée par un autre État ou une autre organisation internationale. Par cette réserve, cet État ou cette organisation vise à modifier les effets attendus de la réserve [par l’auteur de celle‑ci].» ou encore « s’oppose à la formulation ou à l’aggravation tardive d’une réserve ».
ÉTAT DES PROTOCOLES ADDITIONNELS AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949 RELATIFS À LA PROTECTION DES VICTIMES DES CONFLITS ARMÉS
Adoption d’un projet de résolution (A/C.6/59/L.13)
Aux termes du projet de résolution, relatif à l’état des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés, et adopté sans vote, l’Assemblée générale se féliciterait de l’acceptation quasi universelle des Conventions de Genève de 1949 et noterait qu’une tendance analogue se dégage en ce qui concerne l’acceptation des deux Protocoles additionnels de 1977. Elle engagerait tous les États parties aux Conventions de Genève qui ne l’ont pas encore fait à envisager de devenir parties aux Protocoles additionnels à une date aussi rapprochée que possible. Elle demanderait à tous les États qui sont déjà parties au premier Protocole, ou à ceux qui n’y sont pas parties, lorsqu’ils se porteront parties, de faire la déclaration prévue à l’article 90.
L’Assemblée générale prierait tous les États qui ne l’ont pas encore fait d’envisager de devenir parties à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954 et aux deux Protocoles y relatifs, ainsi qu’aux autres traités pertinents dans le domaine du droit international humanitaire relatif à la protection des victimes des conflits armés. Elle inviterait tous les États parties aux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève à faire en sorte que ceux-ci soient largement diffusés et pleinement appliqués. Elle demanderait à tous les États d’envisager de devenir partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.
Enfin, l’Assemblée générale prierait le Secrétaire général de lui présenter à sa soixante-et-unième session un rapport, établi à partir des renseignements reçus des États Membres et du Comité international de la Croix-Rouge, sur l’état des Protocoles additionnels relatifs à la protection des victimes des conflits armés et sur les mesures prises en vue de renforcer le corps de règles en vigueur constituant le droit international humanitaire, notamment pour en assurer la diffusion et la pleine application au niveau national. Elle déciderait d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa soixante-et-unième session la question intitulée « État des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés ».
* *** *