LA SIXIÈME COMMISSION S’INTERROGE SUR LA PERTINENCE D’UNE TRANSPOSITION AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES DES RÈGLES SUR LA RESPONSABILITE DES ÉTATS
Communiqué de presse AG/J/3266 |
Sixième Commission
21e et 22e séances – matin et après-midi
LA SIXIÈME COMMISSION S’INTERROGE SUR LA PERTINENCE D’UNE TRANSPOSITION AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES DES RÈGLES SUR LA RESPONSABILITE DES ÉTATS
La Sixième Commission (Commission juridique) a commencé aujourd’hui l’examen des questions relatives aux ressources naturelles partagées et à la responsabilité des organisations internationales. En présentant ces points, le Président de la Commission du droit international (CDI), M. Teodor Viorel Melescanu (Roumanie) a vivement encouragé les gouvernements et, le cas échéant, les organisations internationales concernées, à faire part de leur expérience et de leur pratique, ou encore à répondre aux questions précises posées par les rapporteurs spéciaux.
Concernant la responsabilité des organisations internationales, les intervenants se sont notamment interrogés sur le bien-fondé d’une transposition « mutatis mutandis » des règles relatives à la responsabilité des États adoptées par la CDI en 2001. Certains, comme la représentante de l’Espagne, y ont vu une approche valable et positive qui permettra d’aboutir à une construction plus systématique et cohérente de la responsabilité internationale en tant que catégorie, alors que le représentant des États-Unis a jugé important de garder constamment à l’esprit les différences entre organisations internationales et États, faisant notamment remarquer que la relation entre un individu et son État de nationalité est sensiblement différente de celle d’un individu avec l’organisation internationale qui l’emploie. Le représentant des États-Unis a en outre fait remarquer que, contrairement aux États qui ont en commun certaines caractéristiques fondamentales, les organisations internationales varient beaucoup dans leurs fonctions et leur structure, ce qui rend difficile la mise en œuvre de règles pour les diverses organisations susceptibles d’être concernées. Ce dernier point de vue a été partagé notamment par les représentants de pays européens qui ont mis en avant les spécificités d’une organisation telle que l’Union européenne.
Les représentants ont par ailleurs estimé que la question des ressources naturelles partagées est très technique et ont constaté que la pratique des États en la matière est peu abondante. Le représentant de l’Argentine a rappelé que cette notion ne devait pas être assimilée à celle de patrimoine commun de l’humanité ni à quelque forme de condominium que ce soit sur les eaux souterraines transfrontières, et que l’exploitation des systèmes aquifères transfrontières devaient seulement être le fait des États dans le sol desquels ces ressources sont situées, charge à eux de les exploiter en veillant à ne pas causer de dommages aux autres États qui bénéficient de la même ressource. Les délégations se sont divisées sur l’opportunité et la possibilité de transposer aux systèmes aquifères transfrontaliers tout ou partie des dispositions de la Convention de 1997 sur l’utilisation des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation. Alors que le représentant de l’Italie a suggéré de rédiger un projet de protocole facultatif à cette Convention concernant les systèmes aquifères, le représentant des États-Unis s’est dit favorable à une forme finale plus souple, comme des directives susceptibles d’être utilisées pour la conclusion d’accords bilatéraux ou régionaux, solution qui a été soutenue par l’Uruguay, le Brésil et l’Argentine, trois pays particulièrement concernés puisqu’ils partagent, avec le Paraguay, l’important système aquifère guarani.
Lors du débat, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Pays-Bas (en leur nom propre sur les ressources naturelles partagées et au nom de l’Union européenne sur la responsabilité des organisations internationales), Allemagne, Argentine, Italie, Brésil, Chine, Uruguay, Canada, Japon, Pologne, République islamique d'Iran, France, Fédération de Russie, Autriche, Royaume-Uni, Portugal, Bélarus, Espagne, Singapour, Danemark (au nom des pays nordiques), Jamahiriya arabe libyenne, États-Unis, Belgique et Chili.
Le matin, la Commission avait entendu une déclaration du Président de la Cour internationale de Justice, le juge Shi Jiuyong (Chine), consacrée à la fonction consultative de la CIJ. Le juge a estimé que la procédure consultative constitue pour la Cour un moyen très concret de participer à la réalisation des objectifs généraux des Nations Unies car elle lui permet de jouer un rôle dans la prévention et le règlement des différends internationaux et aide à préciser et développer le droit international. Il s’est donc étonné qu’au vu des nombreuses potentialités que recèle cette procédure, la CIJ n’ait été priée de donner un avis que 24 fois depuis sa création en 1945. Il a donc rappelé quelques suggestions faites pour développer cette fonction consultative, en ouvrant la procédure à un cercle plus large d’organisations internationales ou encore au Secrétaire général, et a souhaité qu’on les considère dans un esprit d’ouverture.
Par ailleurs, le représentant de l’Autriche a, au nom du Bureau, présenté à la Commission un projet de résolution* relatif à la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens. Aux termes de celui-ci, l’Assemblée générale adopterait la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens figurant en annexe au projet de résolution. Le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, serait appelé à l’ouvrir à la signature et inviterait les États à devenir parties à la Convention. La Sixième Commission se prononcera sur ce texte, lundi 8 novembre.
La Commission a recommandé par ailleurs sans vote à l’Assemblée générale d’inviter l’Association sud-asiatique de coopération régionale à participer à ses séances et travaux en tant qu’observateur**.
La Sixième Commission poursuivra lundi 8 novembre, à partir de 9 h 30, l’examen des chapitres du rapport de la CDI relatifs aux ressources naturelles partagées et à la responsabilité des organisations internationales. Elle devrait également aborder dans la journée l’examen des derniers chapitres du rapport, portant sur les réserves aux traités, les actes unilatéraux des États et la fragmentation du droit international.
* (A/C.6/59/L.16)
** (A/C.6/59/L.21)
DÉCLARATION DU PRÉSIDENT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Le Juge SHI JIUYONG, Président de la Cour internationale de Justice, a rappelé que la Cour a rendu en 2003-2004 trois arrêts et un avis consultatif. Actuellement, 21 affaires sont inscrites à son rôle, touchant toutes les parties du globe et portant sur tout un éventail de questions. Le Président de la CIJ a ensuite consacré son discours à la fonction consultative de la Cour, éminente mais moins connue que sa fonction contentieuse, et trop peu utilisée. Pourtant, a rappelé le Juge Shi, chacun a pu se rendre compte de l’importance de cette fonction consultative à l’occasion de la procédure sur les « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé », qui a fait la « Une » des journaux du monde entier.
Le Juge Shi a tout d’abord retracé l’historique de la procédure consultative de la Cour, qui remonte à la Cour permanente de justice internationale créée par l’article 14 du Pacte de la Société des Nations. Si les avis de la CPJI n’étaient ni contraignants ni dotés de l’autorité de la chose jugée, ils n’en ont pas moins été invariablement considérés par les organes et États concernés comme faisant autorité, a rappelé le Juge, qui a ajouté que le Conseil de la SDN avait, à plusieurs reprises, saisi la CPJI de questions juridiques. Les 27 avis rendus en 17 ans par la CPJI ont apporté une contribution exemplaire au développement du droit international au cours de la période de l’entre-deux-guerres, a affirmé le Juge Shi.
Le Juge a ensuite rappelé les conditions d’exercice de la compétence consultative de la CIJ, précisant que, si le Conseil de sécurité ne l’a saisie qu’une seule fois, dans l’affaire de la Namibie, l’Assemblée générale a été à l’origine de près d’un tiers des demandes d’avis consultatifs et a également autorisé à de nombreuses reprises d’autres organes de l’Organisation à demander de tels avis.
Rappelant que l’article 65 du Statut de la CIJ prévoit que celle-ci « peut » donner un avis consultatif, ce qui signifie qu’elle a aussi la faculté de ne pas le donner. Toutefois, a-t-il ajouté, la Cour a toujours considéré qu’elle devait coopérer avec les autres organes de l’Organisation et contribuer à l’action de celle-ci. Les doutes exprimés quant à l’opportunité pour la Cour d’exercer ses activités consultatives tenaient en général au fait que la demande d’avis pouvait être rattachée à un différend entre États. Or, si la procédure contentieuse requiert le consentement des parties, celui-ci n’est pas requis dans le cas de la compétence facultative, a rappelé le Juge. Toutefois, contrairement à la CPJI, la CIJ n’a jamais refusé de donner un avis consultatif au seul motif qu’il existe un lien entre l’objet de la requête et un différend entre États, a souligné le Juge Shi.
En cas de demande d’avis consultatif, la Cour, a rappelé le Juge, doit, au moment de statuer sur la compétence, s’assurer que la question qui lui est posée est d’ordre juridique. Toutefois, a-t-il précisé, la Cour n’a jamais vu dans les considérations politiques entourant une question juridique dont elle était saisie une raison impérieuse de refuser d’exercer sa compétence consultative. Même si l’avis consultatif n’est pas contraignant, le Juge Shi a fait observer que le Conseil de la SDN, et plus tard les organes de l’ONU et les institutions spécialisées ont toujours accepté les prononcés de la Cour. En outre, plusieurs traités entre États et organisations internationales prévoient qu’en cas de différend, l’Organisation demandera à la Cour un avis consultatif que les parties, d’un commun accord, considèreront comme décisif ou obligatoire.
Le Juge a estimé que la procédure consultative constitue pour la Cour un moyen très concret de participer à la réalisation des objectifs généraux des Nations Unies car elle permet aussi de jouer un rôle dans la prévention et le règlement des différends internationaux et aide à préciser et développer le droit international. Dans l’affaire de l’édification du mur dans le Territoire palestinien occupé, le juge a rappelé que la Cour, ayant estimé que la construction du mur et le régime qui lui était associé étaient contraires au droit international, elle avait conclu que l’Organisation des Nations Unies, et en particulier l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité devaient « examiner les nouvelles mesures qui devraient être prises afin de mettre fin à cette situation illicite ». Dans certains cas, a-t-il aussi rappelé, les États s’étaient montrés plus disposés à demander un avis consultatif qu’à engager une procédure contentieuse. Il a en outre estimé que l’avis consultatif peut jouer un rôle indirect dans la prévention et l’apaisement des différends en apportant des éclaircissements sur le cadre juridique, ou encore contribuer au développement du droit international en précisant l’état actuel de certains principes et règles particuliers. Les avis consultatifs de la Cour se sont également révélé extrêmement utiles pour résoudre certaines questions relevant du droit des organisations internationales, d’autant que la procédure contentieuse n’est pas ouverte aux organisations internationales, a ajouté le Juge Shi. Il a cité à cet égard l’avis de 1949 sur la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, dans lequel il a vu une première étape ayant permis de définir quelques caractéristiques essentielles de la personnalité juridique internationale des organisations internationales.
Le juge s’est donc étonné qu’au vu des nombreuses potentialités que recèle la procédure consultative, la CIJ n’ait été priée de donner un avis que 24 fois. Il a suggéré d’ouvrir la procédure consultative à un cercle plus large d’organisations internationales comprenant des organisations extérieures au Système des Nations Unies, par le truchement de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité. Le Secrétaire général de l’ONU pourrait demander de sa propre initiative des avis consultatifs à la Cour, a estimé le Juge Shi, faisant remarquer que le Secrétariat général est le seul des organes principaux de l’Organisation à ne pas disposer de cette prérogative. Toutefois, il est intervenu à plusieurs reprises à l’Assemblée générale pour lui demander de formuler des demandes d’avis consultatif. Le Juge Shi a rappelé que ces suggestions, et d’autres, plus marginales, ont reçu un accueil plus ou moins favorable. Il a souhaité qu’on les considère dans un esprit d’ouverture et qu’elles débouchent sur des solutions pratiques aboutissant à un renforcement des attributions consultatives de la Cour.
Débat
M. ALLIEU KANU (Sierra Leone) s’est demandé si la Sixième Commission ne devrait pas consacrer quelque temps à l’étude du discours du Président de la CIJ. Il a souhaité que l’on réfléchisse sur la manière dont les avis consultatifs de la CIJ sont respectés. De tels avis n’ont pas d’effets contraignants, mais la communauté internationale devrait se demander quel est alors l’effet d’une telle requête si l’avis consultatif rendu par un organe aussi éminent que la Cour ne doit par la suite pas être respecté, a-t-il estimé.
Le Juge Shi a répondu que la Cour respecte la Charte des Nations Unies et son propre Statut, qui dispose qu’un avis consultatif n’a pas de force contraignante. Il a répété que l’organisation internationale qui demande un tel avis à la Cour manifeste le plus grand respect pour l’avis rendu. Même dans l’affaire de l’édification du mur, l’Assemblée générale a très largement respecté l’avis consultatif rendu par la Cour, a-t-il estimé.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SIXIÈME SESSION (A/59/10)
Présentation des chapitres VI (responsabilité des organisations internationales) et VII (ressources naturelles partagées)
M. TEODOR VIOREL MELESCANU, Président de la Commission du droit international, a présenté les chapitres V et VI du rapport de la CDI, relatifs respectivement à la responsabilité des organisations internationales et aux ressources naturelles partagées. Sur le premier point, il a rappelé que la CDI a examiné les projets d’articles 4 à 7, relatifs à l’imputation d’un comportement à une organisation internationale, qui constitue une des conditions pour que la responsabilité d’un acte internationalement illicite soit commis par une organisation internationale. Ces projets d’articles, a-t-il fait observer, sont très similaires aux articles correspondant en matière de responsabilité des États et ne fournissent que des critères positifs pour l’attribution de la responsabilité. Les projets d’articles ne disent pas, mais impliquent seulement, que la conduite des forces militaires d’États ou d’organisations internationales ne saurait être imputée aux Nations Unies quand le Conseil de sécurité a autorisé ces États ou ces organisations internationales à prendre les mesures nécessaires en dehors d’une chaîne de commandement liant ces forces aux Nations Unies, a expliqué M. Melescanu. Après avoir présenté en détail chacun des articles, M. Melescanu a précisé que le Rapporteur spécial compte traiter dans son troisième rapport, en 2005, les questions de la violation d’une obligation internationale, des circonstances qui excluent l’illicéité, et de la responsabilité d’une organisation internationale en relation avec un acte illicite d’un État ou d’un autre organisation internationale. Il a suggéré aux gouvernements de répondre à plusieurs questions qu’il a jugées très utiles pour le Rapporteur spécial et la CDI, et a précisé que les points de vue d’organisations internationales pourraient être, eux aussi, très utiles.
Le Président de la CDI a par ailleurs rappelé que le travail sur le thème des ressources naturelles partagées n’en est encore qu’à un stade préliminaire, et a de nouveau demandé aux gouvernements de fournir des informations précises sur leur pratique bilatérale ou régionale, relative d’une part à la répartition des eaux souterraines qui font partie de systèmes aquifères transfrontières, et d’autre part à la gestion des systèmes aquifères transfrontières non renouvelables. Pour l’instant, la demande en ce sens faite l’an dernier n’a pas suscité de réponses suffisantes, a-t-il regretté. Il a en outre rappelé que le Secrétariat a distribué un questionnaire préparé par le Rapporteur spécial à tous les États et à une sélection d’organisation internationale, concernant la question des eaux souterraines transfrontières. De tels renseignements sont d’autant plus nécessaires que l’étude est très spécialisée et que la pratique des États est rare, a noté M. Melescanu. Il a également précisé que l’étude pourra s’inspirer des dispositions de la Convention de 1997 sur l’utilisation des cours d’eau à des fins autres que la navigation, tout en reconnaissant que celles-ci ne sont pas transposables mutatis mutandis. Enfin, il a expliqué que, si le Rapporteur spécial a présenté ses travaux sous la forme de projets d’articles, aucune décision n’a été prise concernant la forme future de l’étude. Ces projets d’articles ne sont à ce stade proposés que pour susciter des réponses spécifiques et encourager un débat informé, ainsi que pour faire le cas échéant apparaître de nouveaux points à étudier, a précisé M. Melescanu. Celui-ci a d’ailleurs relevé les divergences de vues exprimées à la CDI, où certains membres préféreraient une convention-cadre et d’autres une loi type ou des lignes directrices permettant d’aider les États élaborer des accords bilatéraux ou régionaux.
Déclarations sur les chapitres VI et VII
M. JOHAN LAMMERS (Pays-Bas) a rappelé que son pays compte de nombreuses ressources naturelles qui sont partagées avec d’autres États ou avec des zones situées hors des limites des juridictions nationales, y compris des eaux souterraines, des ressources minières, du pétrole, du gaz et des espèces migratoires sur terre, dans la mer et dans les airs. La réglementation de leur utilisation et l’impact de celles-ci sur les ressources naturelles partagées est donc du plus grand intérêt pour les Pays-Bas, a-t-il déclaré.
Le représentant a toutefois déclaré qu’il avait peu de chose à dire sur le travail de la CDI concernant la question des ressources naturelles partagées, puisque celle-ci n’a traité cette année que de la question des systèmes aquifères transfrontières. Après avoir exclu d’emblée les espèces migratoires transfrontières, et bien qu’il soit possible qu’elle traite à l’avenir des ressources minérales telles que le gaz ou le pétrole, la CDI n’a traité cette année que des eaux souterraines, et s’est même limitée aux systèmes aquifères. Or, selon la définition que l’on donne des systèmes aquifères, il est possible qu’il y en ait ou non aux Pays-Bas, a fait remarquer le représentant. Dans l’hypothèse négative, quelles sont les lois et principes qui régiront les eaux souterraines transfrontières qui ne sont pas de nature aquifère? s’est interrogé M. Lammers.
S’exprimant ensuite au nom de l’Union européenne, M. Lammers s’est dit reconnaissant à la CDI pour les progrès rapides de ses travaux sur la responsabilité des organisations internationales. Il a rappelé la diversité des organisations internationales, dont l’Union européenne témoigne. Il a rappelé que ce sont les États Membres qui doivent appliquer les décisions de l’Union européenne, et non l’Union européenne elle-même. Il faudrait en tenir compte quand on parle de la responsabilité des organisations internationales. L’Union européenne a beaucoup d’obligations du fait qu’elle a conclu de nombreux accords internationaux mais c’est parfois le comportement non de ses propres organes, mais de certains de ses États membres qui peut être à l’origine d’un comportement internationalement illicite, a fait remarquer le représentant, qui a estimé qu’on devrait parfois faire la distinction entre responsabilité et imputation du comportement. Il a suggéré des règles spéciales d’imputation pour des organisations internationales comme l’Union européenne. Il a souhaité savoir s’il existait d’autres organisations internationales dans une situation analogue exposées aux mêmes difficultés. Il a noté que ni les projets d’articles ni les commentaires ne font mention de la jurisprudence des organes juridictionnels internes concernant les organisations internationales.
M. THOMAS LAÜFER (Allemagne) a relevé que la question de la responsabilité des organisations internationales est compliquée par la diversité des conceptions, des structures et des fonctionnements des organisations internationales. Il a toutefois salué le bon équilibre des projets d’articles. En ce qui concerne le projet d’article 4, le représentant a apprécié l’inclusion des « agents » comme auteurs d’un « comportement attribuable » à une organisation internationale, ainsi que la définition large des agents adoptée au paragraphe 2. Il s’est aussi déclaré en faveur du critère principal de comportement ultra vires et satisfait de l’exclusion des actes effectués à titre privé dans le projet d’article 6. Sur le « comportement reconnu et adopté comme le sien par une organisation internationale », M. Laüfer a comparé les dispositions du projet d’article 4 et les dispositions similaires des projets d’articles sur la responsabilité de États. Il a considéré que les règles prévues à ce sujet ne recouvrent pas toutes les incertitudes qui résulteront de la pratique et que ces questions devront être résolues en fonction des règles de l’organisation. Le représentant est par ailleurs d’accord avec le principe selon lequel un tiers ne peut être privé des droits que lui confère le droit international en vertu d’un accord entre un État et une organisation internationale ou entre deux organisations. S’agissant de l’extension des règles de « comportement attribuable » aux agents mis à disposition d’une organisation par un État, il n’est pas favorable à ce que la Commission mette à ce stade l’accent sur le cas des États contributeurs de troupes pour les opérations de maintien de la paix. Quant à la nature juridique des règles applicables aux organisations internationales en relation avec le droit international, il a estimé que la Commission devrait inclure la question des violations par les organisations internationales de leurs obligations à l’égard des États Membres uniquement si cette question a un effet sur le comportement attribuable ou la responsabilité.
M. Laüfer a ensuite abordé la question des ressources naturelles partagées en exprimant son soutien aux objectifs poursuivis de protéger les eaux souterraines transfrontières par la coopération internationale et sur la base du droit international. Il a estimé que la préparation et la négociation d’une convention internationale sur le sujet prendra certainement beaucoup de temps. M. Laüfer a donc proposé une approche différente qui consisterait à offrir différentes « pièces de construction » sur la base des différents points de départ régionaux ou techniques, ce qui permettrait d’adopter des réglementations régionales pour des cas individuels. À son avis, cette approche serait plus rapide et plus efficace pour arriver à des résultats pratiques dans des cas précis. Pour conclure, le représentant a suggéré que la CDI et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) jouent un rôle important pour développer plus avant cette vue.
M. GUILLERMO KENDALL (Argentine) a déclaré que la qualification des ressources naturelles partagées ne signifie nullement qu’elles relèvent du patrimoine commun de l’humanité ou doivent faire l’objet d’un condominium, mais que ces ressources sont partagées entre les États où elles sont situées. Pour l’Argentine, le rapport de la CDI devrait inclure expressément une référence à la propriété des États sur le territoire desquels se trouve la ressource sans qu’une norme spécifique soit nécessaire pour reconnaître cette propriété. Le représentant a estimé qu’il faut analyser le développement des liens entre la nappe aquifère et les cours d’eaux nationaux, ainsi qu’avec les zones d’alimentation et de déversement. Il a estimé que les normes coutumières reprises dans la Convention de 1997 sur les cours d’eau internationaux doivent servir de base pour l’élaboration des normes relatives aux eaux souterraines transfrontières, en les adaptant. Le travail de la CDI doit concerner toutes les eaux souterraines transfrontières. Le représentant a estimé que le principe d’une utilisation raisonnable et équitable fait partie des principes généraux qui doivent être applicables aux cours d’eau et pris en compte par la CDI.
M. LUIGI FERRARI-BRAVO (Italie) a estimé que la CDI a adopté des règles relativement simples en matière d’attribution d’une conduite à une organisation internationale, qui adaptent aux organisations internationales l’approche suivie par la Commission en matière de responsabilité des États. Il a jugé opportun que ces règles tiennent compte de l’élément factuel dans l’attribution de la conduite, en particulier dans l’hypothèse de la mise à disposition d’un organe par un État ou une organisation internationale à une autre organisation internationale. Le représentant a déclaré partager l’approche de la CDI, qui a décidé de ne pas formuler dans son projet d’exception à l’égard des règles en 2001 adoptées en matière de responsabilité des États. La conduite de l’organe d’un État doit rester attribuable à ce dernier même si elle est tenue sous l’effet d’une décision d’une organisation internationale dont il est membre, a-t-il estimé. La question reste alors de savoir dans quelle mesure l’organisation internationale est responsable dans une telle situation et la réponse devrait être recherchée dans une analyse de circonstances, a estimé M. Ferrari-Bravo. En particulier, si l’obligation internationale en cause n’incombe pas à l’État, a-t-il fait observer, la responsabilité de l’organisation sera la seule à devoir être envisagée. Il a émis des doutes sur la possibilité de trouver une solution uniforme pour toutes les organisations internationales à la question de la responsabilité subsidiaire des États Membres en cas des responsabilités de l’organisation internationale.
Concernant les ressources naturelles partagées, le représentant a félicité la CDI pour les efforts visant à recueillir d’abord tous les éléments scientifiques et techniques pertinents avant de s’engager dans l’élaboration d’un texte sur un domaine très peu exploré. Il serait utile d’établir des obligations spécifiques en raison de la vulnérabilité des systèmes aquifères à l’égard des risques de pollution ou encore d’une exploitation excessive, et a souhaité que de telles obligations puissent rapidement faire l’objet de projets d’articles. Il a également souhaité qu’on assure la compatibilité entre le nouvel instrument à établir et la Convention de 1997 sur les cours d’eau internationaux, et a suggéré de rédiger un projet de protocole facultatif à cette Convention.
M. SYDNEY LEON ROMEIRO (Brésil) a noté l’intérêt grandissant sur la question des ressources naturelles partagées, ainsi que la disposition de nombreux États à aider la CDI dans l’élaboration de règles sur un sujet sensible et complexe. Sur le sous-sujet « eaux souterraines transfrontières », il a relevé le manque de précision du titre, qui risque, selon lui, de créer des divergences sur les travaux futurs. Une approche graduelle serait souhaitable. Le représentant a considéré que la responsabilité principale incombe aux États en ce qui concerne la façon dont les eaux souterraines transfrontières sont gérées. Il s’est montré favorable à une approche régionale, qui permettrait de concilier les intérêts nationaux et internationaux. Dans sa région, il a expliqué que les pays membres du MERCOSUR ont élaboré un groupe spécial de haut niveau pour mettre en place un cadre juridique qui déterminera les droits et devoirs des États dont les zones souterraines englobent la nappe aquifère Guarani. Cet exemple est une base de réflexion pour la CDI dans ses travaux sur les eaux souterraines transfrontières, a-t-il considéré. Le représentant du Brésil a enfin estimé que les eaux souterraines relèvent des territoires respectifs des États et sont soumises exclusivement à la souveraineté nationale, principe qu’il a souhaité voir réaffirmer.
M. GUIDE JIA (Chine) a abordé le thème de la responsabilité des organisations internationales en déclarant soutenir les quatre projets d’articles adoptés en première lecture par la CDI. Le projet d’article 4 paragraphe 1 est, selon lui, d’une importance particulière en ce qu’il pose la règle générale de l’attribution d’un comportement aux organisations internationales. De l’avis du représentant, la référence à la « pratique bien établie de l’organisation » dans le même article n’est pas suffisamment claire car le caractère établi de la pratique dépend non seulement de l’organisation mais aussi de l’attitude de l’État concerné. S’agissant du projet d’article 5, le délégué a déclaré que le critère de « contrôle effectif » est approprié lorsqu’il s’agit de déterminer l’attribution de comportement d’organes ou agents mis à la disposition de l’organisation internationale par un État ou une autre organisation internationale. Cependant, a-t-il noté, ce critère est une règle évolutive et tout le monde n’interprète pas de la même manière la nature de ce contrôle. Pour répondre ensuite à une question du Rapporteur spécial sur les violations d’obligations à l’égard d’agents ou d’États par les organisations internationales, M. Jia a expliqué que la Commission devrait traiter de la nature juridique des règles régissant les relations entre les organisations internationales et les membres ou agents, y compris les règles des organisations internationales, dans l’idée de déterminer les relations qui sont régies par le droit international et les règles qui peuvent être considérées comme droit international.
Par ailleurs, le représentant a émis l’avis que la nécessité ne devrait pas être invoquée par une organisation internationale pour éliminer la faute. Enfin, il a répondu à la question de savoir si le comportement d’un État adopté à la requête d’une organisation internationale et qui constitue une violation d’une obligation internationale, engendre la responsabilité de l’organisation internationale en vertu du droit international. À ses yeux, tant l’organisation que l’État sont responsables, les niveaux de responsabilité dépendant des degrés de contrôle juridique.
Abordant la question des ressources naturelles partagées, M. Jia s’est félicité des projets d’articles établis par la CDI mais a souhaité qu’on abandonne le qualificatif « partagées ». Maintenant, la question se pose de déterminer la relation qui existe entre cet instrument et la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation. En effet, il a relevé que les systèmes aquifères transfrontières ne sont plus limités aux eaux souterraines transfrontières, mais peuvent être reliés aux eaux de surface. Le représentant a considéré que les principes régissant l’utilisation de systèmes aquifères transfrontières doivent être étudiés plus avant. L’expression « dommage significatif » contenue dans le projet d’article 4 est bien fondée, comme c’est le cas dans les projets d’articles sur « la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international ». Enfin, il a estimé qu’il est prématuré de se prononcer à ce stade sur la forme que doit prendre le projet final sur les ressources naturelles partagées.
M. FELIPE PAOLILLO (Uruguay) a rappelé que la question des ressources naturelles partagées intéresse particulièrement son pays dans la mesure où l’Uruguay abrite une partie de la nappe aquifère Guarani, comme le Brésil, l’Argentine et le Paraguay, partenaires du MERCOSUR. Il a souhaité que le travail final de la CDI prenne la forme de lignes directrices ou de recommandations que les États pourraient prendre en compte quand ils concluent des traités bilatéraux ou régionaux réglementant la protection et l’utilisation des systèmes aquifères partagés. Cette préférence se justifie par le fait que la pratique des États en la matière est limitée, mais aussi par le fait que les nombreux systèmes aquifères transfrontières existants diffèrent les uns des autres et exigeront donc des mesures spécifiques. Ainsi, le système aquifère Guarani est l’un des plus grands systèmes aquifères transfrontières du monde, a rappelé le représentant, mais sa capacité de réalimentation est en revanche très faible par rapport à son volume total. Le représentant a ensuite mentionné les études actuelles sur l’aquifère Guarani, rappelant que chaque État du système utilise sa partie de la ressource en respectant l’obligation de ne pas causer de dommages aux autres États du système aquifère, a-t-il expliqué. On ne peut transposer tous les principes de la Convention de 1997 sur l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation aux eaux souterraines transfrontières mais il doit être possible d’en adapter certains, a estimé le représentant.
M. JOHN CURRIE (Canada) s’est déclaré d’avis que les objectifs du cadre de travail proposé sur le thème des ressources naturelles partagées, soit la protection des formations aquifères et l’importance accordée à la coopération bilatérale et l’échange d’informations et de données, sont d’importants buts à atteindre. Il a évoqué la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation qui n’est pas encore entrée en vigueur. De l’avis de sa délégation, il serait donc préférable d’explorer d’autres moyens pour rallier un consensus sur le nouveau projet d’articles. Le représentant a apprécié que le Rapporteur spécial ait reconnu que de nouvelles études sur les eaux souterraines sont un préalable nécessaire au développement de ces projets d’articles. Le Gouvernement canadien procède actuellement à la rédaction des commentaires sur sa pratique, en réponse à la demande faite par la Commission. À titre d’exemple, il a cité le Traité des eaux limitrophes entre son pays et les États-Unis, dont les dispositions ne s’appliquent pas aux eaux souterraines.
M. HIROSHI TAJIMA (Japon) s’est exprimé sur le sujet de la responsabilité des organisations internationales, remarquant sa difficulté liée à la diversité des organisations internationales existantes. Une analyse au cas par cas est nécessaire, a-t-il considéré, selon les règles propres à chaque organisation internationale, afin de déterminer la responsabilité de celle-ci. Il s’est interrogé sur les moyens d’exercer un « contrôle effectif », suggérant de déterminer des sous-critères pour renforcer cette notion. L’approche prudente qui est suivie par la Commission est la bonne, a-t-il estimé, et toutes les différences mises en évidence permettront d’identifier les domaines qui demandent une analyse plus poussée. Sur d’autres questions, comme la différence de responsabilité des organisations selon qu’elles demandent ou autorisent une action de l’État, le représentant a jugé difficile de se prononcer de façon générale dans la mesure où les circonstances peuvent être très différentes.
Abordant la question des ressources naturelles partagées, M. Tajima a soutenu les travaux menés par la CDI. Il a noté la rareté de la pratique des États sur le sujet, ce qui justifie à ses yeux une approche prudente pour établir un cadre juridique sur le sous-sujet des eaux souterraines transfrontières. Le représentant s’est aussi montré favorable à la suppression du terme « partagée » pour le titre du sous-sujet, ce qui permet d’éviter un débat sur l’héritage commun de l’humanité. Sur le champ d’application des articles, M. Tajima a préféré qu’on ne limite pas la portée des articles aux cas non prévus par la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation. Quant à la forme finale des articles, il n’a pas jugé utile d’en débattre à ce stade de la discussion.
M. REMIGIUSZ HENCZEL (Pologne) a considéré que les projets d’articles adoptés sur la responsabilité des organisations internationales reflètent de façon fidèle la question de l’attribution de comportement à une organisation internationale, tout en correspondant bien au chapitre II de la première partie des projets d’articles sur la responsabilité des États pour faits internationalement illicites. Il a rappelé que, bien que les relations entre une organisation internationale et les États sont surtout régies par les règles de l’organisation, il ne faut pas perdre de vue que l’organisation elle-même et les États membres sont des sujets différents de droit international. Dans ces circonstances, le droit de la responsabilité jouera souvent un rôle subsidiaire dans les relations entre les organisations internationales et les États membres, a-t-il ajouté. Il est par conséquent favorable à ce que les violations d’obligations d’une organisation internationale à l’égard de ses États membres ou ses agents soient examinées par la CDI dans son étude. En ce qui concerne les circonstances excluant l’illicéité, le représentant polonais a suggéré d’exclure la disposition à ce sujet, estimant notamment que le concept juridique international de l’état de nécessité est lié étroitement à la position internationale des États, et non avec les organisations internationales. Il a estimé que la responsabilité pour violations du droit international incombe à l’organisation lorsqu’elle demande à un État membre de s’acquitter d’une tâche spécifique. Dans le cas d’une simple autorisation, M. Henczel a proposé de se référer à la pratique de la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet.
M. MOSTAFA DOLATYAR (République islamique d’Iran) a jugé sage que la CDI ait suivi pour son étude sur la responsabilité des organisations internationales le schéma général des articles sur la responsabilité des États. Il a estimé qu’il existe une différence entre les situations où une organisation internationale donne autorisation à ses États membres de se comporter d’une certaine manière et les situations dans lesquelles l’organisation internationale impose un comportement. Dans le premier cas, l’organisation donne à l’État un droit et cet État doit donc assumer la responsabilité de ses actes. Cela est conforme à la pratique, a observé M. Dolatyar, qui a rappelé que les Nations Unies n’ont jamais été tenues responsables du comportement de leurs membres quand ceux-ci agissaient en vertu d’une autorisation donnée par le Conseil de sécurité.
Le représentant s’est par ailleurs dit d’accord sur le fait que le comportement d’un organe d’un État, ou encore d’un organe ou d’un agent d’une organisation internationale mis à disposition d’une autre organisation internationale doit être considéré comme un acte de cette dernière, à condition que l’organisation exerce un contrôle effectif sur cette conduite. Mais il a fait remarquer que la CDI n’a pas donné de définition de ce “contrôle effectif” ni de facteur décisif de détermination. Les dispositions pertinentes des projets d’articles de la CDI sur la responsabilité des États pourraient s’avérer utiles en ce sens, a fait remarquer M. Dolatyar.
M. RONNY ABRAHAM (France) a considéré que les quatre nouveaux projets d’articles sur le thème de la responsabilité des organisations internationales ne présentent pas de difficulté majeure. Il a rappelé que les projets d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite constituent une base et que ceux transposables à la responsabilité des organisations internationales ont été conservés. En ce qui concerne le projet d’article 4 sur la règle générale en matière d’attribution d’un comportement à une organisation internationale, il a estimé que les différents termes de la définition sont précisés de manière appropriée. Il a jugé assez large la définition des « règles de l’organisation », qui s’inspire de la définition fournie à l’article 2 de la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités tout en la complétant. S’agissant du projet d’article 5 relatif au comportement des organes ou agents mis à la disposition d’une organisation internationale par un État ou une autre organisation internationale, le représentant a estimé que le critère retenu de « contrôle effectif » est le plus approprié, même s’il y a des divergences d’appréciation. Cependant, de son avis, il serait souhaitable que la Commission et le Rapporteur spécial explorent de manière plus approfondie cette question. À propos du projet d’article 6 sur l’excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions, M. Abraham a demandé si on ne pouvait pas ajouter à l’article, pour le préciser, le commentaire qui explique que l’hypothèse d’un comportement outrepassant la compétence de l’organisation, et pas simplement celle de l’organe, est couverte. Il a aussi apprécié les dispositions du projet d’article 7, qui porte sur le comportement reconnu et adopté comme sien par une organisation internationale, insistant sur le principe selon lequel la responsabilité d’une organisation internationale est engagée parce qu’un comportement constitutif d’une violation internationale peut lui être attribué.
Pour ce qui est des vues de la France, pour répondre aux questions de la Commission, le représentant a souhaité que la question de la violation du droit de l’organisation ne doit pas être écartée des travaux. Concernant la transposition du projet d’article 25 sur l’état de nécessité relevant du projet d’articles sur la responsabilité de l’État, sa délégation ne voit pas de raison pour justifier a priori la décision d’écarter cette circonstance excluant l’illicéité ni de la soumettre à d’autres conditions. Le représentant a enfin donné des éléments de réflexion préliminaires sur la dernière question, qui consiste à se demander si une organisation internationale peut être considérée comme responsable dans l’hypothèse où un État membre adopte, à sa demande ou sur son autorisation, un comportement en violation d’une obligation internationale. Dans le cas de l’autorisation, il lui a semblé que la responsabilité de chacun devrait être appréciée de manière autonome, tandis que dans celui de la demande, elle dépendrait du degré de latitude que la demande laisse à l’organisation.
M. IGOR PANEVKIN (Fédération de Russie) a estimé que les résultats d’une étude sur les ressources naturelles partagées peuvent influencer les travaux de la CDI. Il a noté que la rareté de la pratique des États dans ce domaine spécifique pose problème, et que le Rapporteur spécial s’est éloigné du concept d’eaux souterraines captives. Il a demandé une analyse supplémentaire des concepts de préjudice transfrontière de ces nappes non renouvelables. Il a par ailleurs estimé que, quelle que soit la forme finale de l’étude, elle doit pouvoir servir de guide aux États lorsqu’ils concluent des accords bilatéraux ou régionaux en la matière, sans préjudice de dispositions spéciales.
M. HANS WINKLER (Autriche) a formulé des observations sur les projets d’articles en matière de responsabilité des organisations internationales, en comparant ces projets avec ceux sur la responsabilité des États. Il s’est demandé si la définition « par le biais de laquelle la personne agit » contenue dans le projet d’article 4 peut être valable en termes juridiques pour définir un « agent ». De l’avis du représentant, les dispositions contenues dans ce projet d’article devraient reposer sur le projet d’article 5 du texte sur la responsabilité des États. Il a proposé une autre formulation de la définition incriminée. S’agissant du critère décisif prévu au projet d’article 6 sur la responsabilité des États, il a estimé qu’il est contraire à celui de l’article 5 du projet d’articles examiné. Il a conclu que le projet d’article 5 exige une harmonisation afin de couvrir toutes les situations possibles. Ainsi, a-t-il précisé, on pourrait adopter l’approche de l’article 8 du texte sur la responsabilité des États qui se réfère à la situation de contrôle mais ne se limite pas aux organes d’États étrangers. Concernant les questions qu’a posées la CDI aux États membres, il a estimé que la question de la violation du droit de l’organisation est plutôt une affaire de droit administratif interne. Quant aux conséquences juridiques des comportements d’organes, il a relevé qu’à cause d’un manque de pratique sur l’état de nécessité d’une organisation internationale, le projet d’articles serait basé sur la théorie uniquement. Quant à la troisième question, il a estimé qu’une organisation internationale peut être reconnue responsable en droit international si elle demande à un État membre de commettre un acte en violation avec le droit international.
S’agissant de la question des ressources naturelles partagées, le représentant a reconnu les efforts de la Commission visant à rassembler et analyser la pratique des États. Les questions examinées sont complexes et le rapport constitue un bon point de départ. Sur l’emploi des termes, il a préféré le terme aquifère. Le concept d’exploitabilité soulève des questions, notamment sur les capacités techniques d’exploiter les systèmes aquifères, a-t-il noté. Il a estimé que le projet d’article 7 suit l’équilibre établi par l’article 10 de la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation et que le projet d’articles reflète le même compromis. Il est trop tôt pour discuter des relations entre ces projets d’articles et la Convention de 1997, a-t-il estimé, car cela dépendra de la forme juridique du texte final.
M. CHANAKA WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a exprimé sa reconnaissance aux 10 organisations qui ont répondu à l’invitation du Secrétaire général en fournissant les détails de leur pratique en matière de responsabilité des organisations internationales. Au sujet du projet d’article 4, le représentant a estimé que le fait de traiter dans la même disposition des organes et des organisations risque de créer une confusion. En ce qui concerne le projet d’article 5, il a noté que la détermination du degré de contrôle pour définir la notion de « contrôle effectif » n’a pas été aisée et s’est demandé dans quelle mesure il est approprié de l’appliquer aux situations que recouvre le projet d’article 5. Le représentant a ensuite reconnu que les questions posées par la Commission aux gouvernements ne sont pas faciles. Il a suggéré que la CDI reste ouverte sur la question de la violation du droit de l’organisation, en attendant qu’il y ait plus de pratique. Concernant l’état de nécessité, le représentant a admis que ses préoccupations sur la défense de la nécessité dans le contexte de la responsabilité des États influence inévitablement son opinion dans le domaine des organisations internationales.
Abordant la question des ressources naturelles partagées, M. Wickremasinghe a indiqué que son pays n’a pas de position définie sur ce thème. Toutefois, le Royaume-Uni a un intérêt pour d’autres ressources transfrontières, et les problèmes liés à ces ressources sont souvent réglés au cas par cas. Pour ce qui est des autres questions à l’ordre du jour de la CDI, le représentant a exprimé ses doutes quant à la poursuite des travaux sur le point relatif aux actes unilatéraux. Faisant référence au chapitre relatif aux réserves aux traités, il s’est dit peu convaincu par la définition actuelle qui, selon lui, ne rend pas compte de la nature contractuelle du processus de formulation des réserves et des objections. Il n’est pas non plus en faveur de l’élargissement de la portée des réserves et considère que la pratique des réserves tardives devrait être découragée. Pour conclure, le représentant a indiqué qu’il ne peut à ce stade se prononcer sur le sujet de la fragmentation du droit international, mais souhaite cependant connaître les développements des travaux futurs de la Commission.
M. LUIS TAVARES (Portugal) a estimé que la question de la responsabilité des organisations internationales devient de plus en plus complexe car le nombre de questions ne cesse d’augmenter. Les projets d’articles actuels ne peuvent constituer qu’une base de départ et non un résultat final, a-t-il estimé. Les dispositions devraient être conçues de manière à tenir compte de la diversité des organisations internationales et de la relation qu’elles entretiennent avec leurs États membres, a-t-il ajouté. Il a jugé nécessaire de faire référence à la pratique établie au sein de l’organisation. Que doit-on considérer comme une pratique établie? s’est-il interrogé, ajoutant que les organes d’une organisation internationale ne peuvent exercer que les pouvoirs qui leur sont octroyés par l’acte constitutif en vue des objectifs prévus par celui-ci. Le représentant a par ailleurs déclaré éprouver quelques difficultés avec le concept d’organes d’un État et avec celui de contrôle effectif mentionné au projet d’article 5.
Par ailleurs, le représentant a jugé très utile le questionnaire préparé par le Rapporteur spécial sur les ressources naturelles partagées et a affirmé que son pays collecte actuellement les informations demandées afin de les fournir dans les délais prévus.
Mme LYUDMILA KAMENKOVA (Bélarus) a estimé que le projet d’article 4 sur la responsabilité des organisations internationales est particulièrement satisfaisant, se félicitant de l’inclusion de la définition des expressions « agent » et « règles de l’organisation ». Elle a suggéré qu’on place ces définitions dans le projet d’article 2 (définitions des termes). Sur la notion de « contrôle effectif », elle a souhaité qu’on en donne une définition plus précise. Dans le troisième rapport, a-t-elle suggéré, il faudra accorder une attention supplémentaire à la responsabilité des organisations internationales si les actes ont été commis par des organes d’État mis à leur disposition. On ne doit pas exclure la responsabilité de l’organisation internationale dans ce cas, à son avis, mais le fardeau principal de la responsabilité doit reposer sur les États. Par ailleurs, la notion de nécessité n’est pas opportune, à ses yeux, comme circonstance excluant l’illicéité. Pour conclure, la représentante a exprimé l’avis selon lequel les organisations internationales devraient être placées dans des cadres juridiques plus sévères que les États.
Mme CONCEPCION ESCOBAR HERNANDEZ (Espagne) a estimé qu’en faisant un parallèle entre la responsabilité des États et la responsabilité des organisations internationales, la CDI a adopté une approche valable et positive qui permettra d’aboutir à une construction plus systématique et cohérente de la responsabilité internationale en tant que catégorie. La représentante a estimé que les violations par une organisation internationale des obligations contractées, tant envers ses agents que ses États membres, font partie intégrante en principe des violations du droit international, et que la CDI doit donc s’en occuper. C’est toutefois une question complexe et il faudrait en fixer les limites et les méthodes, a-t-elle ajouté, reconnaissant qu’il existe une différence très nette entre la violation des obligations contractées par une organisation internationale avec des tiers et celles contractées avec ses États membres ou ses agents, car ces dernières sont en général prévues dans l’acte constitutif de l’organisation. Il faut tenir compte de la situation différente qui lie les États membres d’une part, et les agents de l’autre, avec l’organisation internationale, et étudier si des mécanismes autonomes existent au sein de l’organisation sans avoir à faire appel à d’autres mécanismes relevant du droit international général, a estimé Mme Escobar.
La représentante a considéré qu’il n’y a en principe aucune raison théorique empêchant une organisation internationale d’invoquer l’état de nécessité pour exclure l’illicéité d’un de ses actes. Néanmoins, la nature fonctionnelle des organisations internationales oblige á tenir compte de nouveaux éléments, a-t-elle reconnu, avant de demander une analyse exhaustive de la pratique des États en ce domaine. Mme Escobar a estimé que le degré d’autonomie de l’État membre et la fonction de l’organisation dans la production d’un acte illicite sont des éléments différents. L’Espagne suggère de réfléchir à la question de savoir si l’Organisation doit être tenue responsable du fait de sa participation au processus déclenchant la violation attribuable à l’État membre. Là encore, le Rapporteur spécial devra tenir compte de la pratique existante, a affirmé la représentante.
Mme YVONNE OW (Singapour) a estimé que les projets d’articles examinés par la CDI sont des dispositions clefs dans le domaine de la responsabilité des organisations internationales. L’ensemble des circonstances identifiées aux projets d’articles 4 à 7 prévoit des scénarios de cas de responsabilité des organisations internationales, a-t-elle expliqué. Les projets d’articles 4 et 6 recueillent son accord, a indiqué Mme Ow, mais il faut qu’ils reflètent bien la pratique des organisations internationales. Le projet d’article 5, sur le comportement des organes ou agents mis à la disposition de l’organisation internationale, s’attaque aux situations ne relevant pas de la règle générale du projet d’article 4, a-t-elle précisé. Elle a jugé cet article pertinent lorsqu’il s’agit de contingent militaire dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Sa délégation a toutefois souhaité qu’on examine plus avant la question d’attribution de comportement dans ce cas. Concernant les travaux futurs de la CDI, Mme Ow s’est prononcée en faveur des thèmes retenus. S’agissant de la question de la violation des obligations internationales, on pourrait travailler sur la base de la responsabilité des États pour faits internationalement illicites, a-t-elle ajouté. Elle a ensuite émis des doutes sur la pertinence d’inclure les violations des obligations par une organisation internationale à l’égard de ses agents. Ces relations sont largement régies par les règles de l’organisation, a-t-elle remarqué. La représentante s’est demandé ce que pensent les autres délégations sur cette question. Pour ce qui est des règles excluant l’illicéité, Mme Ow s’est demandée si le concept de l’état de nécessité dans la responsabilité des États pour faits internationalement illicites est applicable en la matière. Avons-nous la même interprétation pour ce qu’on appelle « péril imminent » en ce qui concerne l’organisation internationale? s’est-elle enfin interrogée.
M. DAVID KENDAL (Danemark), au nom des pays nordiques, a encouragé les organisations internationales à fournir au Rapporteur spécial sur la responsabilité des organisations internationales des informations sur leur pratique en ce domaine. La diversité des organisations internationales représente, selon lui, une des principales difficultés à surmonter en vue de la rédaction de projets d’articles, et elle n’apparaîtra clairement que grâce aux informations fournies. Le représentant a estimé que le critère principal concernant le projet d’article 5 (comportement des organes ou agents mis à disposition d’une organisation internationale) consiste à savoir si l’organisation internationale exerce un contrôle effectif sur cette conduite. Or, si ce critère est adapté en matière d’opérations de maintien de la paix ou autres opérations militaires, il semble être moins adapté pour décider de l’attribution dans d’autres hypothèses de coopération, a-t-il estimé, demandant à la CDI d’étudier davantage ces autres formes de coopération.
À propos des États qui conservent leur juridiction pénale sur les contingents fournis aux organisations internationales et donc sur la pertinence de la notion de « contrôle effectif », le représentant a mis en garde contre l’importance trop grande qu’on pourrait accorder au fait que les États conservent ainsi certains pouvoirs sur leurs contingents. Les considérations qui président à la détermination du titulaire de la juridiction pénale ou disciplinaire sur des individus ne sont pas forcément fondées sur les mêmes critères que celles qui permettent de dire qui exerce le contrôle effectif, a-t-il affirmé. M. Kendal a par ailleurs estimé qu’il n’est pas facile de préciser la nature des « règles de l’Organisation » au sens du droit international. Au sens du projet d’article 4, cette notion couvre une large palette de règles et pratiques internes et administratives de l’organisation. Si on considère que toute violation d’une obligation internationale par une organisation internationale entraîne la responsabilité de celle-ci, on ne peut exclure des cas où la violation par l’organisation internationale de « règles de l’organisation » envers un État membre mettra en cause sa responsabilité. Peut-être faudrait-il se demander si certains « règles de l’Organisation » pourraient ne pas entraîner d’obligation au regard du droit international, du fait d’une nature interne, a-t-il suggéré.
Concernant la distinction entre la responsabilité d’une organisation pour le comportement d’un État quand l’organisation exige certains actes de la part de l’État et quand elle autorise ces actes, le représentant a estimé qu’il faudrait étudier davantage le cas où l’organisation, à travers une obligation contraignante, oblige réellement l’État à agir. En cas d’obligation, l’État peut alors invoquer l’inexistence d’une marge de manœuvre pour ne pas être tenu entièrement responsable de sa conduite.
M. FETHALLA ALJEDEY (Jamahiriya arabe libyenne) a formulé des observations sur la responsabilité des organisations internationales, notant tout d’abord que la Commission travaille sur des projets d’articles sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. On suppose qu’une organisation internationale pourrait avoir une conduite non interdite par le droit international mais qui entraînerait un dommage, a-t-il expliqué. Il a fait remarquer cependant que, selon certaines théories, il n’y a pas de responsabilité quand il n’y a pas d’acte illicite. Des questions se posent sur les limites de responsabilité, a-t-il poursuivi. À supposer que la conduite d’une organisation internationale soit correcte mais qu’ensuite on s’aperçoive qu’il y a des dommages et qu’il y avait en fait illicéité, ne doit-on pas déclarer l’organisation internationale responsable? s’est-il interrogé. Le représentant a jugé la question complexe et a estimé qu’elle rend les travaux difficiles pour la CDI. Il a aussi évoqué la situation dans laquelle on peut se rendre compte a posteriori que des sanctions imposées à un État sont dénuées de fondement. Rédiger des articles sur cette question importante doit être considéré comme une priorité, a-t-il conclu.
M. BUCHWALD (États-Unis) a rappelé qu’à l’encontre des États qui ont en commun certaines caractéristiques fondamentales, les organisations internationales varient beaucoup dans leurs fonctions et leur structure, ce qui contribue à la difficulté de définir une organisation internationale au sens de l’étude sur leur responsabilité. Cet état de chose rend également difficile la mise en œuvre de règles pour les diverses organisations susceptibles d’être concernées, a-t-il observé. C’est pourquoi, il a jugé important de garder constamment à l’esprit les différences entre organisations internationales et États. Ainsi, la relation entre un individu et son État de nationalité est sensiblement différente de celle d’un individu avec l’organisation internationale qui l’emploie, a-t-il rappelé. De telles différences nous amène à nous interroger sur la pertinence d’une transposition par analogie des dispositions relatives à la responsabilité des États à la responsabilité des organisations internationales, a estimé le représentant, qui a invité la CDI à insister davantage sur la pratique des organisations internationales.
M. Buchwald a estimé qu’il y avait beaucoup à apprendre sur le thème complexe des ressources naturelles partagées et notamment sur les systèmes aquifères transfrontières, d’autant que les caractéristiques de ces ressources et la pratique des États varient considérablement. Il a estimé que des arrangements spécifiques restent la meilleure manière de traiter des eaux souterraines transfrontières. De nombreux facteurs peuvent alors intervenir dans la négociation, y compris les caractéristiques hydrogéologiques, les utilisations actuelles et futures, les conditions climatiques et les prévisions, ou encore des considérations économiques, sociales et culturelles, a observé le représentant. Concernant la forme finale qui sera adopté pour la question à l’examen, M. Buchwald a estimé qu’il y a peu de chances pour qu’une convention mondiale comme celle de 1997 sur l’utilisation des cours d’eau transfrontières à des fins autres que la navigation, faisant appel à des concepts tels que l’exploitation raisonnable, semble avoir peu de chance d’obtenir un large soutien ou un effet important sur la pratique des États. Il s’est donc dit favorable à une forme finale plus souple, comme les directives susceptibles d’être utilisées pour la conclusion d’accords bilatéraux ou régionaux.
M. MARC PECSTEEN (Belgique) a estimé que la responsabilité de l’organisation internationale vis-à-vis de ses agents ne devrait pas être abordée comme telle dans le cadre de l’étude sur la responsabilité des organisations internationales car cette question concerne surtout le droit de la fonction publique internationale, très complexe. Toutefois, a ajouté le représentant, les règles générales que la CDI dégagera pourront sans doute s’appliquer mutatis mutandis aux relations d’une organisation avec ses agents. La question des relations entre une organisation internationale et ses États membres est plus complexe car il est plus difficile de fixer a priori une frontière précise entre les cas de responsabilité d’une organisation internationale vis-à-vis de ses seuls membres et vis-à-vis de tiers, a estimé le représentant. Quand la responsabilité est purement interne, on pourrait exclure la question de l’étude mais il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui relève du droit interne à l’organisation et ce qui relève du droit international. Par exemple, si un État Membre de l’ONU refusait d’appliquer des sanctions décidées par le Conseil de sécurité envers un État agresseur, ce refus relèverait à la fois du droit interne de l’ONU et du droit international général puisque l’interdiction de l’agression est une règle de droit international, a fait remarquer M. Pecsteen. La CDI devrait donc faire entrer dans le champ de son projet d’articles les faits qui violent une règle de droit international général, sans préjudice d’une violation ou non du droit interne de l’organisation internationale, a estimé le représentant.
Le représentant a rappelé que la notion d’état de nécessité en tant que circonstance susceptible d’exclure l’illicéité a été retenue dans le cadre de la responsabilité des États seulement si la mesure constitue pour lui le seul moyen de protéger ses intérêts essentiels contre un péril imminent. Il s’est demandé si une organisation internationale pouvait invoquer un intérêt essentiel, mais a constaté que cette notion ne saurait être définie de manière abstraite et a priori. Dès lors, il n’y a pas de raison de refuser à une organisation internationale la possibilité d’invoquer l’état de nécessité, a estimé M. Pecsteen. Il a notamment rappelé que de nombreux accords conclus par l’Union européenne prévoient des mesures de sauvegarde qui impliquent le non-respect de l’accord dans des situations particulières et définies explicitement, qui encadrent ainsi l’invocation de l’état de nécessité. Cette invocation doit bien entendu être soumise aux mêmes exigences que elles retenues pour les États, a estimé le représentant. Enfin, M. Pecsteen a considéré que la question de savoir si, dans la cas où un État membre d’une organisation internationale commet un fait illicite à la demande de cette organisation ou sur son autorisation, cette dernière doit être elle aussi considérée comme responsable en vertu du droit international, est ambiguë. Il a donc demandé qu’elle soit reformulée par la CDI et que celle-ci donne des exemples précis des types de situations qu’elle a à l’esprit.
M. CLAUDIO TRONCOSO (Chili) a abordé la question de la protection diplomatique, se disant en accord avec le principe selon lequel il s’agit de règles secondaires. De même, il a estimé que la protection s’applique tantôt aux personnes physiques, tantôt aux personnes juridiques. S’agissant du projet d’article 1 sur la définition de la protection et sa portée, il est d’accord avec sa teneur et le critère choisi. En ce qui concerne le projet d’article 2 (droit d’exercer la protection diplomatique), il a relevé que l’exercice de la protection est un pouvoir discrétionnaire de l’État. Concernant le projet d’article 5, il a noté que l’individu doit posséder une nationalité « continue », c’est-à-dire sans discontinuité. Pour ce qui est du projet d’article 6 (nationalités multiples), il a souhaité que l’expression « conjointement » permette aux États de choisir d’exercer les actions conjointement dans le sens strict du terme, comme dans le cas des actions collectives. S’agissant des apatrides et réfugiés, il a estimé appréciable les dispositions qui étendent la protection diplomatique à leur égard.
Les actes unilatéraux des États constituent une source génératrice du droit international, a fait remarquer le représentant, suggérant que la CDI formule des règles de comportement général pour tous les actes unilatéraux. Abordant la question des réserves aux traités, M. Troncoso a abordé la question de la validité des réserves. Une interprétation a contrario est permise par le droit des traités (Convention de Vienne), a-t-il considéré, selon lequel dans certains cas, un État ne pourra pas formuler une réserve à un traité.
Documentation de base
Responsabilité des organisations internationales
La Commission du droit international a commencé l’étude de la « Responsabilité des organisations internationales » en 2002. En juillet 2003, la Commission a adopté le rapport du Comité de rédaction sur les projets d’articles 1, 2 et 3 (champ d’application, définition et principes généraux). À sa dernière session, la CDI était saisie du deuxième rapport du rapporteur spécial sur la question de l’attribution d’un comportement à une organisation internationale (projets d’articles 4 à 7).
La responsabilité qui est en jeu est celle découlant d’un fait internationalement illicite commis par une organisation internationale. Celle-ci doit avoir une personnalité juridique internationale propre. Ses membres sont des États et éventuellement d’autres entités. Aux termes du projet d’article 4, on attribue à l’organisation elle-même les actes d’un organe ou d’un agent de celle-ci commis dans l’exercice de ses fonctions. Il en est de même avec les organes ou agents mis à la disposition de l’organisation (projet d’article 5). Le cas de l’excès de pouvoir est prévu à l’article 6, comme n’excluant pas la responsabilité de l’organisation en cause. Enfin, selon le projet d’article 7, même un comportement non attribuable à l’organisation est réputé constituer un fait de celle-ci d’après le droit international si elle reconnaît et adopte ce comportement comme le sien.
Ressources naturelles partagées
En 2002, la CDI a inscrit à son programme de travail la question des « ressources naturelles partagées », présentée par le Rapporteur spécial sous le thème des « eaux souterraines transfrontières ». L’intitulé de ce sous-sujet est privilégié par rapport à la première expression, à cause du risque d’évoquer le patrimoine commun de l’humanité ou la notion de propriété partagée. Les articles proposés dans ce rapport, qui recouvrent l’introduction et les principes généraux, utilisent quant à eux le terme scientifique plus précis d’« aquifère ».
L’obligation de ne pas causer de dommages aux autres États de l’aquifère est l’un des principes généraux. Le projet d’article 4 évoque ainsi la possibilité de discuter de l’indemnisation, mais le Rapporteur spécial est d’avis que la question de la responsabilité doit être traitée dans le cadre du sujet de la « Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international ». Au titre des autres principes généraux, sont développés l’« obligation générale de coopérer » et l’ « échange régulier de données et d’informations ». Quant au « rapport entre les utilisations », le projet d’article 7 prévoit le cas du conflit entre des utilisations d’une formation aquifère transfrontière, donnant priorité à la satisfaction des besoins humains essentiels au sens de la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation. Concernant cette convention qui offre la base de l’élaboration d’un régime de gestion des eaux souterraines, le résumé des débats fait apparaître que certains ont souhaité énoncer plus de principes.
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